Qu'est-ce qu'une mise en examen?

Publié le Modifié le 07/11/2018 Vu 6 395 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

La perception de la mise en examen par l'opinion publique est souvent viciée par l'instrumentalisation qui peut en être faite. En pratique, la mise en examen répond à des réalités factuelles et procédurales que nous tenterons de mettre en perspectives.

La perception de la mise en examen par l'opinion publique est souvent viciée par l'instrumentalisation qui pe

Qu'est-ce qu'une mise en examen?

I/ Le subtile équilibre de la mise en examen

Selon le code de procédure pénale (article 80-1 CPP) la mise en examen d'une personne par le juge d'instruction ne peut intervenir qu'en présence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation comme auteur ou complice à la commission d'une infraction. Cette condition doit être remplie à peine de nullité de la mise en examen. Il appartiendra, le cas échéant, à la Chambre de l'instruction de se prononcer sur la réalité de tels indices.

De manière constante, la Cour de cassation affirme que la présence d'indices graves ou concordants relèvent de l'appréciation souveraine des juges (Crim. 14 avr. 2015 n° 14-85.334). C'est ce qu'il ressort d'ailleurs de la rédaction de l'article précité qui est volontairement obscure pour permettre une appréciation pleine et entière par les juges. À cet égard, la formulation choisie « rendant vraisemblable la participation comme auteur ou complice » permet à elle seule de percevoir tout le pouvoir discrétionnaire qui est abandonné au juge. Cette vraisemblance, qu'elle finisse par être avérée ou non, doit néanmoins être au minimum objectivée par des « indices graves ou concordants ». En pratique, l'opportunité de la mise en examen repose essentiellement sur la présence d'un premier faisceau d'indices, qu'il appartiendra d'étayer au cours de l'information judiciaire. Ces indices peuvent apparaître au juge en raison de témoignages, de la présence sur les lieux du mis en cause, de la possession d'une arme, de l'existence de fonds qui ne peuvent être immédiatement justifiés etc. Ils sont multiples et intrinsèquement liés à la nature de l'affaire.

En tout état de cause, la Chambre de l'instruction est tenue de procéder à un contrôler de la mise en examen lorsqu'elle est saisie de manière large d'une procédure en cause d'appel. Le cas échéant, elle est également tenue de prononcer l'annulation d'une mise en examen qui ne reposerait sur aucun élément ; donc précisément en l'absence d'indices graves ou concordants.

D'autre part, la mise en examen est soumise à une délicate appréciation temporelle. Outre les éléments du dossier sur lesquels la mise en examen doit nécessairement s'appuyer, il appartient au juge d'instruction de mesurer dans le temps l'opportunité d'une mise en examen.

En effet, si la mise en examen peut intervenir immédiatement après l'ouverture d'une information judiciaire, elle peut aussi intervenir à tout moment de l'instruction. Le juge apprécie souverainement les éléments à charge dont il dispose et qui sont susceptibles de permettre cette mise en examen.

Ainsi, si la mise en examen peut être annulée lorsqu'elle intervient faute d'indices graves ou concordants – faute d'éléments suffisants – elle peut-aussi être sanctionnée si elle intervient trop tardivement. La mise en examen tardive est sanctionnée sur le fondement d'une atteinte aux droits de la défense, les avocats arguant majoritairement l'atteinte à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit un droit au procès équitable. À ce stade il convient de préciser qu'une personne mise en examen devient partie prenante à la procédure. De ce fait elle bénéfice d'un certain nombre de droits, dont l'accès à l'intégralité de la procédure. Or, dans l'hypothèse d'une mise en examen tardive, les droits de la défense sont nécessairement amputés dans le temps. C'est la raison pour laquelle elle est sanctionnée par la nullité.

On le voit, la mise en examen, prérogative exclusive du juge d'instruction – et de la Chambre de l'instruction – se conçoit autour d'un subtile équilibre. Elle ne doit pas être prématurée ni tardive, au risque de se voir systématiquement annulée.

II/ La mise en examen : un statut et un droit !

La mise en examen est le statut attaché à une personne au cours d'une information judiciaire sur laquelle il pèse des indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation comme auteur ou complice à la commission d'une infraction. Dans les faits, trois statuts distincts s'offrent au juge d'instruction : simple témoin, témoin assisté et mis en examen. La distinction entre les deux premiers réside dans une différence de degré. Le simple témoin n'est pas du tout mis en cause, alors qu'au contraire il pèse sur le témoin assisté un simple soupçon.

En toute hypothèse, ces statuts ne sont pas intangibles. Ils peuvent être amenés à progresser comme à régresser en fonction des éléments qui viendront nourrir le dossier d'instruction. Ainsi, une personne placée sous le statut de témoin assisté pourra, par la suite, être mise en examen par le juge instruction si des charges nouvelles pèsent sur elle. A contrario, une personne mise en examen peut, suivants certaines conditions, demander au juge d'instruction de lui attribuer le statut de témoin assisté (article 80-1-1 du CPP). Dès lors il existe une véritable adaptabilité (mobilité) des statuts tout au long de l'information judiciaire.

Il convient de préciser que toutes ces décisions peuvent être révisées en appel par la Chambre de l'instruction.

Bien loin de n'être qu'un statut, la mise en examen est surtout vecteur de droits. En effet, le code de procédure pénale réserve une kyrielle de droits à la personne mise en examen. Les premiers d'entre-eux sont caractérisés par la possibilité de faire appel des décisions du juge d'instruction et/ou de saisir directement cette dernière afin de palier à l'inertie du magistrat instructeur. La personne mise en examen dispose également d'un total accès à la procédure d'instruction, ce qui lui permet de construire sa défense. Enfin – sans exhaustivité – la personne mise en examen à le 'pouvoir' de demander au juge d'instruction de procéder à un certain nombre d'actes d'enquête pour tenter de se disculper. Le juge d'instruction statue par ordonnance motivée sur ces demandes, à charge d'appel devant la Chambre de l'instruction.

Si le statut de mis en examen confère un grand nombre de droits au cours de la procédure, il est également un droit en lui-même. Il n'est pas rare en effet qu'une personne mise en cause dans une affaire qui donne lieu à la saisine d'un juge d'instruction, demande d'elle-même à bénéficier du régime de la mise en examen. Cela lui permet de bénéficier des prérogatives inhérentes. Il s'agit d'une véritable stratégie de défense qui permet de devenir un acteur de la procédure et d'anticiper au mieux son issue.

III/ Ce que n'est pas la mise en examen...

La mise en examen, ne serait-ce que parce qu'elle n'est pas nécessairement définitive, n'est en aucun cas une mise en accusation. Ce n'est pas non plus un acte de poursuites. Elle correspond davantage à un simple statut procédural – tout comme celui de témoin et témoin assisté – duquel découle des droits et des pouvoirs d'agir. Le mis en examen est pleinement partie à l'instruction, contrairement au témoin assisté par exemple. À ce titre il sera systématiquement informé par le juge d'instruction de l'évolution de la procédure, des décisions prises, des résultats des investigations menées etc.

Ce statut prend tout son sens tant à l'égard d'une personne qui clame son innocence, parce qu'il lui permettra notamment de solliciter des investigations ; qu'à l'égard de celui qui sera in fine condamné, parce qu'il lui permettra d'anticiper sa défense au fond.

Enfin, la mise en examen ne doit pas se confondre avec un acte d'accusation devant la Cour d'assises, ni avec un renvoi devant le Tribunal correctionnel. Ce n'est qu'au terme de l'information judiciaire que le magistrat instructeur rendra sa décision définitive quant aux suites qu'il lui réserve. À cet égard, une décision de non-lieu peut parfaitement intervenir au terme d'une information qui a conduit à plusieurs mises en examen. Ce sont les éléments définitivement admis dans la procédure qui conduiront le juge à prendre sa décision dans un sens plutôt que dans un autre.

Contrairement à une acceptation communément admise par l'opinion publique, la mise en examen ne préjuge pas des suites réservées à une procédure d'instruction. Ces deux temps doivent impérativement être différenciés pour saisir l'esprit ainsi que le déroulement d'une information judiciaire.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.