La transaction pénale : chasse gardée de l'OPJ

Publié le Modifié le 07/11/2018 Vu 7 071 fois 0
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La loi du 15 août 2014 a introduit une nouvelle mesure alternative aux poursuites dans notre code de procédure pénale : la transaction pénale. Cette mesure est laissée à l'initiative ainsi qu'à la charge de l'OPJ, sur autorisation préalable du procureur de la République.

La loi du 15 août 2014 a introduit une nouvelle mesure alternative aux poursuites dans notre code de procédu

La transaction pénale : chasse gardée de l'OPJ

La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales a créé un nouvel article 41-1-1 au sein du Code de procédure pénale.

Cet article consacre désormais une prérogative dévolue aux officiers de police judiciaire (OPJ), leur conférant la faculté d'être acteur de l'action publique, à travers une proposition alternative aux poursuites. En effet, selon les termes de ce texte, l'OPJ peut conclure une transaction pénale avec l'auteur d'une infraction expressément prévue par le texte (selon des critères que nous allons développés), sur autorisation préalable du procureur de la République.

L'article 41-1-1 al. 1 CPP, tel qu'il est rédigé : "L'officier de police judiciaire peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement et sur autorisation du procureur de la République, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales."; permet à l'OPJ et à lui seul de proposer cette alternative aux poursuites, sur autorisation préalablement acquise du procureur de la République. Cela signifie que l'officier de police judiciaire est l'initiateur de la mesure en ce qu'il doit proposer au procureur de la République les termes qu'il entend imposer au délinquant dans le cadre de cette procédure.

Par la suite, le président du Tribunal de Grande Instance, ou le magistrat délégué par lui, aura la charge d'homologuer ou non la proposition de transaction pénale.

À la lecture du texte il est admis que le rôle du procureur de la République est particulièrement restreint : il se borne à autoriser ou non le principe de la mesure. Par la suite, seul l'OPJ est le « maître » de la mesure. Il est le seul à pouvoir « transiger » avec l'auteur de l'infraction. À ce stade il convient donc de préciser que la transaction pénale s'inscrit indubitablement dans une dynamique législative qui vise à entériner davantage encore le principe du « plaider-coupable », procédure d'inspiration anglo-saxonne qui est basée sur la « négociation » de la sanction pénale. Nous nous trouvons à l'évidence face à un plaider-coupable à la charge de l'OPJ.

Cependant, s'il faut relever l'efficacité intrinsèque de ces procédures qui permettent d'apporter une réponse immédiate à un fait répréhensible, certaines limites doivent être développées.

En effet, l'introduction d'une telle procédure dans l’arsenal législatif interroge quant-aux pouvoirs qui sont désormais confiés à l'officier de police judiciaire en devenant, pour la première fois, un véritable délégué du procureur. Mieux encore, il intervient directement dans l'opportunité des poursuites autrefois l'apanage du Ministère public. Pourtant, peut-on raisonnablement confier une quelconque mesure alternative aux poursuites à l'initiative de l'officier de police judiciaire qui, dans les faits, sera susceptible d'être l'auteur de la découverte de l'infraction et aura initié, rédigé la procédure dans son ensemble? L'impartialité de l'OPJ est-elle garantie ? L'officier de police judiciaire ne s'inscrit-il pas comme juge et partie, malgré le contrôle a posteriori d'un magistrat du siège qui se chargera de l'homologation ? Toutes ces questions se posent légitiment mais force est de constater qu'il convient d'attendre la pratique effective de cette meure pour pouvoir y répondre, car, pour l'heure, elle semble se maintenir à la marge.

TEXTE :

Article 41-1-1 du CPP :

"I.-L'officier de police judiciaire peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement et sur autorisation du procureur de la République, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite :

1° Des contraventions prévues par le code pénal, à l'exception des contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire en application de l'article 529 ;

2° Des délits prévus par le code pénal et punis d'une peine d'amende ;

3° Des délits prévus par le même code et punis d'un an d'emprisonnement au plus, à l'exception du délit d'outrage prévu au deuxième alinéa de l'article 433-5 dudit code ;

4° (Contraire à la Constitution) ;

5° Du délit prévu à l'article L. 3421-1 du code de la santé publique ;

6° Du délit prévu au premier alinéa de l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation.

Lorsque le procureur de la République autorise le recours à la transaction en application du présent article, l'officier de police judiciaire peut soumettre l'auteur de l'infraction, compte tenu de ses ressources et de ses charges, à l'obligation de consigner une somme d'argent, en vue de garantir le paiement de l'amende mentionnée au 1° du II ou, le cas échéant, de l'amende prononcée en cas de poursuites et de condamnation dans les conditions prévues au dernier alinéa du III.

La transaction autorisée par le procureur de la République, proposée par l'officier de police judiciaire et acceptée par l'auteur de l'infraction est homologuée par le président du tribunal de grande instance ou par un juge par lui désigné, après avoir entendu, s'il y a lieu, l'auteur de l'infraction assisté, le cas échéant, par son avocat.

II.-La proposition de transaction est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges. Elle fixe :

1° L'amende transactionnelle due par l'auteur de l'infraction et dont le montant ne peut excéder le tiers du montant de l'amende encourue ;

2° Le cas échéant, l'obligation pour l'auteur de l'infraction de réparer le dommage résultant de celle-ci ;

3° Les délais impartis pour le paiement et, s'il y a lieu, l'exécution de l'obligation de réparer le dommage.

III.-L'acte par lequel le président du tribunal de grande instance ou le juge par lui désigné homologue la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l'action publique.

L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans les délais impartis l'intégralité des obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction.

En cas de non-exécution de l'intégralité des obligations dans les délais impartis ou de refus d'homologation, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre les mesures prévues à l'article 41-1 ou une composition pénale, ou engage des poursuites.

IV.-Les opérations réalisées par l'officier de police judiciaire en application des I et II du présent article sont relatées dans un seul procès-verbal.

V.-Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat."

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