Il convient de s’arrêter à un arrêt qui a été rendu le 12 avril 2012 par la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation.
Dans cette affaire, les faits sont les suivants.
Un mandat de vendre un appartement avait été donné à un agent immobilier. Celui-ci dans le cadre de ses démarches avait établi, à l’égard d’un acquéreur potentiel, une promesse de vente et ce conformément aux conditions fixées dans le mandat.
Le vendeur a finalement refusé de souscrire à cette promesse et l’acquéreur potentiel a assigné afin de contraindre le vendeur à signer ce compromis de vente.
Le vendeur oppose alors à l’acquéreur l’annulation du mandat de l’agent immobilier qui avait établi le document, en espérant par là-même annuler la vente litigieuse.
Au soutien de cette prétention, il considère qu’il y a eu une remise tardive de l’exemplaire de mandat de vente, de telle sorte que celui-ci ne serait pas valide. Le vendeur reconnaît en effet que le mandat de vente a été signé chez lui, à une date précise, mais qu’aucun exemplaire ne lui a été remis immédiatement.
En outre, le vendeur conteste également l’absence de bordereau de rétractation.
A ce titre, il convient de rappeler qu’il résulte des articles 1 à 6 de la Loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, qui est relative aux agents immobiliers, que la preuve de l’existence de l’étendue des relations contractuelles entre un professionnel de l’immobilier et son client doit être rapportée par écrit.
Ainsi, sur la validité du mandat, la troisième chambre civile confirme la décision rendue par la Cour d’Appel, en retenant que la preuve de l’existence du mandat donné par l’agent immobilier ne peut être rapportée que par un écrit et soumise aux exigences de l’article 1341 du Code Civil.
Par voie de conséquence, tant bien même le vendeur justifierait d’un témoignage rapportant effectivement la preuve que le mandat n’aurait pas été signé en agence mais chez le vendeur et que l’exemplaire lui revenant ne lui a été adressé que bien plus tard, il n’en demeure pas moins que seul l’écrit prévaut et valide l’existence même du mandat de vente.
Dès lors, et pour la Cour de cassation, le mandat de vente était parfaitement valable.
Dans la mesure où le contrat d’entremise était valable, il convient alors de s’interroger pour savoir si le contrat d’entremise confié à l’agent immobilier lui permettait de signer un compromis de vente.
En effet, la Cour d’Appel de Lyon, dont l’arrêt est cassé par la Cour de Cassation, considérait quant à elle que le compromis de vente était valide puisqu’aux termes de l’article 4-1/4a des conditions générales du mandat, le vendeur s’était engagé à signer toute promesse de vente ou tout compromis de vente, aux prix, charges et conditions du mandat, que l’agence immobilière avait diffusé une annonce à un prix de vente maximal, que les acheteurs avaient fait eux-mêmes une offre de ce montant et qu’en application de l’article 4-1, le vendeur était tenu de signer le compromis de vente.
La Cour de Cassation casse cet arrêt au motif pris qu’en statuant ainsi « sans constater l’existence dans le mandat d’une clause expresse par laquelle le mandat donnait pouvoir à l’agent immobilier de le représenter pour conclure la vente, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés ».
Ainsi la décision rendue par Cour de Cassation est extrêmement claire, pour avoir été d’ailleurs confirmée à plusieurs reprises et notamment dans deux arrêts de la Cour de Cassation, (Cassation, Première Chambre Civile, 7 juillet 1992, N° 90-21.779 ainsi que par un arrêt du 6 mars 1996 de cette même chambre, n° 93-19.262), dites jurisprudences qui précisent clairement que le mandat donné à un agent immobilier lui confère seulement une mission d’entremise, consistant en la recherche de clients et en la négociation.
Il convient par ailleurs de préciser que les mandats d’entremise sont soumis à un formalisme rédactionnel et probatoire extrêmement précis, dont la violation a notamment pour effet de priver l’agent immobilier de tout droit à rémunération et ce, tant bien même il aurait effectivement effectué son travail et réalisé des activités et des diligences au service du vendeur.
Or, le mandat d’entremise est nécessairement un mandat écrit, qui est exigé préalablement à toute intervention de l’intermédiaire. Le contenu de ce dit mandat est lui-même surveillé puisque certaines mentions y sont imposées, alors que d’autres mentions y sont seulement tolérées sous certaines conditions, tandis que d’autres mentions sont purement et simplement interdites.
La Loi du 2 janvier 1970 dans son article 6-1 est extrêmement claire, et il est repris, article 72 alinéa premier du décret du 20 juillet 1972, en ce que « le titulaire de la carte professionnelle portant la mention transaction sur immeuble et fonds de commerce, ne peut négocier ou s’engager à l’occasion d’opérations spécifiées à l’article premier de la loi, sans détenir un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l’une des parties ».
Ainsi est consacrée l’exigence d’une procuration signée en cours de validité et, surtout, antérieure à toute démarche de négociation.
La jurisprudence est extrêmement claire sur ce point et, notamment, Cour de Cassation, Première Chambre Civile, 28 avril 2011, n° 10-13.870.
En outre, certaines mentions sont obligatoires dans le mandat d’entremise.
Il est notamment prévu à l’article 6 de la Loi du 2 janvier 1970 et son article 7, que « sont nulles les promesses et les conventions de toute nature relatives aux opérations visées à l’article 1er qui ne comportent pas une limitation de leur effet dans le temps ».
Ainsi, la durée du mandat d’entremise doit être limitée dans le temps, que ce mandat soit exclusif ou non.
Le mandat d’entremise de l’agent immobilier doit alors comporter, à peine de nullité absolue du contrat, privant par là-même l’agent immobilier de tout droit à rémunération, l’indication d’un terme extinctif, lequel marque et consacre le principe selon lequel le mandat d’entremise est un contrat à durée déterminée.
Il faut alors que le terme extinctif soit certain et c’est ce que consacre d’ailleurs la jurisprudence dans un arrêt du 6 mars 2001, n° 98-16.826.
Il faut donc être attentif au contrat d’entremise, lequel prévoit, et il n’est pas rare de le constater, un mécanisme de reconduction tacite de son mandat.
Or la jurisprudence considère de manière très ferme qu’« un mandat à durée déterminée mais contenant une clause de renouvellement indéfini par tacite reconduction n’est pas limité dans le temps », (cf. Cass. 1ère Civ., 18 octobre 2005, n° 02-16.046).
Dans pareille hypothèse et en présence d’un mandat d’entremise, avec une clause de renouvellement indéfini par tacite reconduction, ledit mandat est frappé d’une nullité absolue, et naturellement, l’agent immobilier ne pourra prétendre à aucuns honoraires.
Il convient également de vérifier que le mandat d’entremise prévoit clairement le montant ainsi que le débiteur de la rémunération de l’agent immobilier.
Il faut que celle-ci soit impérativement déterminée, sans quoi, là-encore le mandat serait nul. Ceci est d’importance, puisque l’acte de vente final a vocation à reprendre fidèlement, s’agissant du montant et de la charge de la rémunération due à l’agent immobilier, le mandat d’entremise.
Cela est d’importance car il est bien évident que l’agent immobilier chargé de la vente d’un immeuble ne peut demander d’une manière ou d’une autre sa rémunération à l’occasion de l’opération de vente à une personne autre que celle uniformément mentionnée comme en ayant la charge dans le mandat d’entremise, le compromis de vente et dans l’acte de vente définitif, (cf. Cour de Cassation, Première Chambre Civile, 2 octobre 2001, n° 99-11.508).
Il conviendra également, mais il n’est pas question ici de s’étendre sur la question, de vérifier les mentions relatives au maniement des fonds et à la reddition des comptes, et naturellement de s’assurer qu’il est bien fait mention dans le mandat d’entremise de numéro d’inscription au registre des mandats sur l’exemplaire du mandat resté en la possession du mandant.
Un sujet épineux est également celui des clauses facultatives pouvant apparaitre dans un mandat d’entremise.
Toujours est-il que cette jurisprudence du 12 avril 2012 est intéressante en ce qu’elle vient naturellement cantonner le champ d’investigation de l’agent immobilier qui est certes enclin à vendre à tout prix pour pouvoir bénéficier de son droit à rémunération mais ne peut pas non plus imaginer signer un compromis de vente, exposant par là même la responsabilité de sa cliente, le vendeur, au risque d’engager sa propre responsabilité .
Ceci d’autant plus que les contrats d’entremise sont extrêmement règlementés, qu’un certain nombre de clauses sont à vérifier et sans le respect de ce formalisme ad validitatem, le mandat pourrait être nul, avec comme corollaire immédiat la nullité de la rémunération de l’agent immobilier.