Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mars dernier par la Cour de cassation qui vient aborder le cas du financement du logement familial, lorsque l’un des époux procède à un apport important.
Cette jurisprudence s’appliquant pour des époux mariés sous le régime de la séparation de biens.
Elle peut également et parfaitement s’appliquer, de la même manière, à des partenaires de PACS.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, un jugement avait prononcé le divorce de Monsieur V et Madame T, mariés sous le régime de la séparation de biens.
Des difficultés étaient nées lors du règlement de leurs intérêts patrimoniaux car le bien acquis par les époux avait été financé par un apport personnel de Madame T à hauteur de 105 200,18 euros qui avait demandé le remboursement de cet apport.
En effet par acte notarié reçu le 24 janvier 1992, Monsieur V et Madame T avaient acquis un terrain en indivision, à concurrence de moitié chacun.
Par acte notarié reçu le 11 décembre 1992, Madame T avait souscrit un prêt épargne logement et un prêt conventionné d'un montant total de 868.500 francs destiné à rembourser par anticipation le précédent prêt contracté le 24 janvier 1992 et à financer les travaux de construction d'une villa.
Monsieur V s'était porté caution solidaire et hypothécaire du remboursement de ce prêt.
Madame T avait, en outre, effectué un apport personnel de la somme de 179.500 francs pour permettre la réalisation de ce projet de construction.
Les deux époux avaient réglé par moitié les échéances des prêts jusqu'à leurs remboursements anticipés.
Le prêt conventionné avait été remboursé par anticipation à parts égales par les époux.
Le prêt épargne logement avait été remboursé par anticipation, en juin 1998 par Madame T qui revendiquait une créance au titre de l’achat du terrain et du coût des travaux construction de la villa sur ce terrain et considérait qu’il s’agissait d’une créance contre l'indivision soumise aux dispositions de l'article 815-13 du Code Civil et non une créance entre époux régie par les articles 1543 et 1479 du Code Civil.
Quel est le sort de l’apport personnel ?
Or, dans le cadre de cette procédure, Madame T faisait grief à l'arrêt d’avoir rejeté sa demande de créance au titre de l'acquisition du bien immobilier au motif que seul le remboursement par l'un des époux marié sous le régime de la séparation de biens des échéances d'emprunt, à l'exclusion d'un apport en capital personnel, destiné à financer l'acquisition en indivision de la résidence principale ou secondaire de la famille, était susceptible de participer de l'exécution de sa contribution aux charges de la vie commune ou du mariage.
Madame T insistait en effet sur le fait que le logement principal des époux avait été financé par un apport personnel de Madame T de 105 200,18 euros.
La Cour d'Appel l'avait cependant déboutée de sa demande de créance contre son époux au motif que les versements effectués par l'un des époux pendant le mariage tant pour régler le prix d'acquisition d'un bien immobilier constituant le domicile conjugal que pour rembourser les mensualités des emprunts immobiliers contractés pour en faire l'acquisition participent de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage.
Cependant, sommes-nous vraiment sur le terrain de la contribution aux charges du mariage ?
La contribution aux charges du mariage
Madame T considérait que si le remboursement des échéances de l'emprunt était susceptible d'être considéré comme une contribution aux charges du mariage il n’en demeurait pas moins que son apport personnel ne pouvait être considéré comme tel et devait lui être restitué.
Madame T soutenait que le remboursement par l'un des époux mariés sous le régime de la séparation de biens des échéances d'emprunt, à l'exclusion d'un apport en capital personnel, destiné à financer l'acquisition en indivision de la résidence principale ou secondaire de la famille, était susceptible de participer de l'exécution de sa contribution aux charges de la vie commune ou du mariage.
La Cour de cassation rejoint l’approche de Madame T.
La haute juridiction considère, au visa l'article 214 du Code Civil, que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Il ne s’agit donc pas d’une contribution aux charges du mariage.
Or, la Cour d’appel, pour rejeter la demande de créance de Madame T au titre de l'acquisition du bien immobilier, avait constaté que l'immeuble, acquis par les époux pour constituer le logement de la famille, avait été financé pour partie au moyen d'un apport personnel de Madame T.
La Cour d’appel retenant que la clause du contrat de mariage stipulant que chacun des époux sera réputé s'être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage leur interdit de prouver que l'un ou l'autre ne se serait pas acquitté de son obligation, et que, dès lors, les versements effectués par l'un d'eux pendant le mariage, tant pour régler le prix d'acquisition d'un bien immobilier constituant le domicile conjugal que pour rembourser les mensualités des emprunts immobiliers contractés pour en faire l'acquisition, participent de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage, sauf s'ils excèdent ses facultés contributives.
Cette approche est sanctionnée par la Cour de cassation.
Il n’est pas question de contribution au charges du mariage,
Ni même d’une « sur contribution » aux charges du mariage.
La Cour de cassation est très claire.
L’apport personnel pour l’acquisition du bien principal n’est pas une contribution aux charges du mariage.
Cette jurisprudence vient clairement considérer que si l’un des époux ou l’un des partenaires pacsés vient contribuer à l’acquisition d’un bien principal par un apport personnel, ce dernier a le droit d’en demander le remboursement lors de la séparation.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,