Le 12 septembre 2019, le Tribunal de Grande Instance du Havre a consacré une nouvelle fois l’analyse de la disproportion d’engagements de caution personnelle et solidaire de gérants de SCI donnés au profit de la banque Crédit Agricole.
En l’espèce, des époux s’étaient personnellement portés caution solidaire du remboursement de deux prêts souscrits par leur société (SCI) auprès de la banque Crédit agricole.
La société débitrice n’a pas remboursé ses prêts et la banque a assigné les cautions devant le Tribunal de Grande Instance du Havre afin d’obtenir leur condamnation solidairement au paiement d’un montant de plus de 300.000 €.
Pour mémoire, en vertu de l’article L332-1 du code de la consommation, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus , à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
En application de ce texte, il incombe à la caution de rapporter la preuve de l’impossibilité de respecter son engagement personnel de garantie de remboursement compte tenu de la valeur de ses biens et revenus au moment de la souscription du cautionnement litigieux.
Seule une appréciation financière de la situation personnelle de la caution au jour de son engagement permet d’établir le taux de disproportion d’un cautionnement.
Le caractère disproportionné d’un cautionnement s’apprécie uniquement au regard de la situation financière personnelle de la caution de sorte que les biens immobiliers appartenant à la SCI pour laquelle la caution s’est engagée sont exclus du patrimoine de la caution.
Ainsi, les juges du Tribunal de Grande Instance du Havre ont pris en compte l’ensemble des différents engagements bancaires contractés antérieurement aux cautionnements litigieux (221.000 + 60.000€) par les cautions et estimés que : « les charges mensuelles des époux X excédés de plus de 50% leurs revenus mensuels… Il résulte de ces éléments que l’engagement de caution de M. et Mme. X était manifestement disproportionnée ».
En outre, les juges ont débouté la banque s’agissant de l’argument selon lequel les cautions auraient la capacité de payer au jour ou elles ont été assignées, en l’absence de preuve du retour à meilleure fortune par la banque dans le cadre des débats judiciaires.
Par conséquent, le Tribunal a déclaré privé d’effet les deux cautionnements souscrits par les cautions, de sorte que celles-ci sont totalement épargnées d’avoir à payer leur dette.
Par ailleurs, le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance du Havre le 12 septembre 2019 est intéressant en ce que de manière exceptionnelle, les juges ont aussi accordé aux cautions des dommages et intérêts en réparation des préjudices moraux et financiers qu’elles ont subi du fait de l’absence de mise en garde par la banque de leur risque d’endettement.
Cette indemnisation de la caution suppose que celle-ci est la qualité de caution profane, c'est-à-dire non avertie.
La jurisprudence de ces dernières années a défini les contours des notions de caution « profane » et « avertie ».
Au cas présent, il est intéressant de souligner que le Tribunal a rappelé que :
« la qualité de caution avertie ne peut être simplement déduite de la qualité de dirigeant ou d’associé de la société débitrice principale. Il appartient à la banque de démontrer que la caution avait une compétence particulière en matière financière, lui permettant de mesurer les enjeux et ls risques de l’opération dans laquelle elle s’engageait »
En outre, le Tribunal ajoute que :
« Il s’agit d’estimer si celle-ci était en mesure de discerner et de mesurer le risque de l’endettement né de l’engagement, et cela compte tenu de ses qualités subjectives et de la complexité de l’opération ».
Dans ce contexte, les juges ont considéré que la banque Crédit Agricole avait commis une faute en ne mettant pas en garde les cautions sur les risques importants d’endettement des prêts immobiliers au regard de la situation de la SCI et des engagements de cautionnement litigieux.
Chacune des cautions a ainsi pu obtenir la somme de 2.000 € de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice moral subi de ce chef, ainsi que le remboursement partiel de leurs frais d'avocat.
Il résulte de ce jugement que les cautions peuvent donc obtenir dans le cadre des procédures judiciaires en paiement engagées à l’encontre par les banques, outre l’annulation de leur cautionnement, l’indemnisation de leur préjudice moral en sollicitant de manière reconventionnelle leur condamnation pour manquement aux devoirs de mise en garde sur les risques d’endettement des prêts consentis à la SCI et des cautionnements souscrits.
L’expertise dont dispose le cabinet Bem en matière bancaire et de défense des cautions, ainsi que son savoir-faire acquis depuis plus de 15 ans dans ce type de contentieux, permettent aux cautions de tenter de remettre en cause efficacement la validité de leurs cautionnements.
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Anthony Bem
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