La principale différence entre la déspécialisation partielle et la déspécialisation plénière ou totale est que cette dernière porte sur des activités qui n'ont aucun rapport avec la ou les activités prévues par le contrat de bail commercial alors que la déspécialisation partielle porte sur des activités connexes ou complémentaires à celles prévues dans ledit bail.
Ainsi, la déspécialisation plénière ou totale peut avoir pour conséquence la création d'un nouveau fonds de commerce.
I - Les conditions jurisprudentielles de déspécialisation partielle de l’activité commerciale initialement exploitée par le locataire
En principe, le contrat de bail commercial prévoit expressément la nature et l'objet de l'activité commerciale qui peut être exercée dans le local pris à bail par le locataire.
Ainsi, à défaut de clause d’activité dite « tous commerces » insérée dans le contrat de bail commercial, le locataire n’a pas le droit d’exercer n'importe quelle activité commerciale dans les locaux pris à bail.
Par conséquent, le preneur à bail doit obtenir préalablement l'autorisation du bailleur s’il souhaite changer l’activité commerciale exploitée.
Cependant, certaines activités annexes ou accessoires sont par nature incluses dans la destination des locaux et ne nécessitent pas d'autorisation préalable du bailleur pour être exercées (exemple : les activités de parapharmacie et de pharmacie).
Par ailleurs, selon l'article L 145-47 du Code de commerce, « le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires ».
Cette disposition étant d'ordre public, aucune clause contractuelle du bail ne pourrait valablement limiter l'activité à exercer dans les lieux loués et priver le locataire du droit d’adjoindre des activités dites connexes ou complémentaires.
Le bailleur ne peut donc pas valablement se prévaloir du fait qu'il aurait consenti à d'autres de ses locataires une clause d'exclusivité pour l'activité projetée par le demandeur pour s'opposer à la déspécialisation partielle de son local pris à bail.
Le 27 mars 1990, la cour d'appel de Paris a jugé qu’est « connexe à une activité celle qui a un rapport étroit avec elle. Est complémentaire celle qui est nécessaire à un meilleur exercice de l'activité principale, qui en constitue le prolongement raisonnable ».
La jurisprudence a ainsi eu l’occasion de juger que constituent des activités connexes ou complémentaires :
- l'activité de prêt-à-porter pour un commerce de lingerie,
- la vente de poulets pour la charcuterie,
- l'activité de traiteur pour un restaurateur,
- le commerce surgelés et la vente de produits frais,
- la vente de boissons non alcoolisées, de quiches lorraines, de croques monsieur et de pizzas pour l'activité de « boulangerie-pâtisserie » (Cass. Civ. III, 3 avril 1996),
- etc ...
La jurisprudence a jugé que ne constituent pas des activités connexes ou complémentaires :
- les activités de boulangerie et de confiserie,
- la vente de montres et un commerce de vêtements,
- la vente de vins et liqueur et l'activité de restauration
- la vente de boissons et l'activité de « boulangerie et pâtisserie »(Cass. Civ. III, 21 novembre 1995).
Il résulte des exemples précités que l'appréciation jurisprudentielle du caractère connexe ou complémentaire de l'actitivé commerciale exploitée se fait au cas par cas.
II – La procédure légale de déspécialisation partielle de l’activité exploitée par le locataire
Afin d’exercer une activité connexe ou complémentaire à son activité initiale, le locataire doit respecter la procédure légale de déspécialisation partielle prévue aux articles L145-47 et suivants du code de commerce.
Le locataire doit tout d’abord adresser au bailleur une lettre recommandée avec accusé de réception afin de lui notifier la nouvelle activité commerciale envisagée.
Le bailleur dispose d’un délai de deux mois pour accepter ou refuser la demande déspécialisation partielle.
A défaut de réponse, le bailleur est supposé avoir accepté et le locataire pourra librement exercer sa nouvelle activité.
En cas de refus, le locataire pourra saisir le tribunal de grande instance afin d’obtenir l’autorisation d’exercer la nouvelle activité commerciale envisagée.
Cette procédure suppose d’avoir recours à un avocat.
Si la déspécialisation partielle de l’activité commerciale n'entraîne pas immédiatement d’augmentation du montant du loyer, le bailleur pourra invoquer l'adjonction d'une nouvelle activité afin d’échapper au plafonnement du loyer et le fixer à la valeur locative, lors de la révision triennale.
L'article L 145-50 du code de commerce prévoit ainsi que :
« Le changement d'activité peut motiver le paiement, à la charge du locataire, d'une indemnité égale au montant du préjudice dont le bailleur établirait l'existence.
Ce dernier peut en outre, en contrepartie de l'avantage procuré, demander au moment de la transformation, la modification du prix du bail sans qu'il y ait lieu d'appliquer les dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-39.
Les droits des créanciers inscrits s'exercent avec leur rang antérieur, sur le fonds transformé ».
De plus, l'article L.145-47, alinéa 3, du code de commerce prévoit, en matière de déspécialisation partielle, que « lors de la première révision triennale suivant la notification visée à l'alinéa précédent, il peut, par dérogation aux dispositions de l'article L.145-38, être tenu compte, pour la fixation du loyer, les activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués ».
Il est donc important pour le locataire de bien prendre en compte l'ensemble de ces conséquences financières avant d'envisager la déspécialisation partielle de son activité commerciale.
En outre, il est important de rappeler qu’en l’absence de notification préalable de la nouvelle activité auprès du bailleur ou en cas de défaut de respect de la procédure précitée, le locataire risque la résiliation ou le refus de renouvellement de son contrat de bail commercial sans indemnité d'éviction.
Enfin, à tout moment et jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, le locataire qui a formé une demande de déspécialisation peut y renoncer en le notifiant au bailleur par acte extrajudiciaire et, dans ce cas, il supporte tous les frais de l'instance.
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Anthony Bem
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