En principe, le contrat de bail commercial prévoit expressément la nature et l'objet de l'activité commerciale qui peut être exercée dans le local pris à bail par le locataire.
Ainsi, à défaut de clause d’activité dite « tous commerces » insérée dans le contrat de bail commercial, le locataire n’a pas le droit d’exercer n'importe quelle activité commerciale dans les locaux pris à bail.
Si le locataire souhaite totalement changer son activité commerciale ou adjoindre à son activité une activité sans caractère connexe ou complémentaire, il doit respecter les conditions et la procédure de déspécialisation plénière ou totale prévus aux articles L.145-48 à L.145-55 du Code de commerce.
La principale différence entre la déspécialisation partielle et la déspécialisation plénière est que cette dernière porte sur des activités qui n'ont aucun rapport avec la ou les activités prévues par le contrat de bail commercial alors que la déspécialisation partielle porte sur des activités connexes ou complémentaires à celles prévues dans ledit bail.
Ainsi, la déspécialisation plénière ou totale peut avoir pour conséquence la création d'un nouveau fonds de commerce.
I - Les conditions de déspécialisation plénière ou totale de l'activité commerciale exploitée par le locataire dans le local pris à bail
Le locataire peut obtenir la déspécialisation plénière ou totale de l'activité commerciale exploité dans le local pris à bail à condition que :
- l'activité actuelle ne doit plus suffisamment rentable. Les juges prennent donc en considération la conjoncture économique et notamment la rentabilité du commerce initialement exploité ;
- la nouvelle activité doit apporter au consommateur un service ou un commerce inexistant ou insuffisamment représenté dans le voisinage ;
- l'activité projetée doit être compatible avec la destination du local, les caractéristiques, le standing et la situation de l'immeuble ou le règlement de copropriété de l'immeuble ;
- il n'existe pas de motifs graves et légitimes susceptibles de pouvoir être justifier par le bailleur tel que le non paiement des loyers, l'absence exploitation du fonds de commerce par le locataire, l'interdiction mise à la charge du bailleur de permettre l'exploitation d'une activité commerciale concurrente à celle d'autres colocataires, etc ... ;
- le bailleur n’exerce pas son droit de reprise des lieux à l'expiration de la période triennale en cours pour faire construire ou reconstruire l'immeuble ou pour exécuter des travaux prescrits ou autorisés de rénovation urbaine ou de restauration immobilière.
Enfin, il convient de rappeler que l'article L.145-48 du Code de commerce prévoit en son second alinéa que « Le premier locataire d'un local compris dans un ensemble constituant une unité commerciale définie par un programme de construction ne peut se prévaloir de cette faculté pendant un délai de 9 ans à compter de la date de son entrée en jouissance ».
Ainsi, si le local est situé dans un centre commercial, le premier locataire ne peut pas solliciter la déspécialisation pendant les neuf premières années de location.
L’ensemble de ces conditions sont cumulatives et non pas alternatives.
II - La procédure de déspécialisation plénière ou totale de l'activité commerciale exploitée par le locataire dans le local pris à bail
La déspécialisation plénière ou totale de l'activité commerciale exploitée par le locataire dans le local pris à bail suppose de respecter une procédure légalement encadrée.
Le locataire doit préalablement demander, par voie d’huissier de justice, au bailleur l'autorisation d’exercer l’activité projetée.
Le bailleur doit également en aviser, par acte extrajudiciaire, ceux de ses locataires envers lesquels il se serait obligé à ne pas louer en vue de l'exercice d'activité similaire à celle visée dans la demande, dans le mois suivant la réception de la demande de déspécialisation.
Lesdits locataires doivent, à peine de forclusion, faire connaître leur position au bailleur dans le mois de cette notification.
Le bailleur dispose d’un délai de trois mois pour accepter ou refuser la demande de déspécialisation sollicitée.
A défaut de réponse dans ce délai, le bailleur est présumé avoir accepté le changement d'activité sollicité par son locataire.
Ce dernier doit, en outre, informer, par voie d’huissier de justice, les créanciers inscrits sur son fonds de commerce, qui disposent d'un privilège ou d'un nantissement, du projet de changement d'activité,
A peine de nullité, cette demande doit comporter l'indication des activités dont l'exercice est envisagé.
Ceux-ci pourront alors demander des garanties supplémentaires au locataire.
En cas de refus de la part du bailleur ou de conditions fixées par celui-ci à son acceptation, le Tribunal de grande instance pourra être saisi par la partie la plus diligente et, éventuellement, les créanciers inscrits ou les autres locataires bénéficiaires d'une clause d'exclusivité.
Le locataire pourra quant lui le saisir afin d’obtenir judiciairement l’autorisation de procéder à la déspécialisation plénière ou totale de l'activité commerciale, sans avoir à respecter les conditions imposées par le bailleur.
Le délai de prescription de l’action est de deux ans à compter de la notification du refus du bailleur ou du terme du délai de trois mois pour accepter ou refuser la demande de déspécialisation.
Par ailleurs, il est important de rappeler qu’en cas de travaux nécessaires au changement d'activité, le propriétaire ne peut pas se prévaloir de l’arrêt temporaire de l'activité pour résilier le bail, sauf à ce que ces travaux dépassent un délai de 6 mois à compter de l'accord sur la déspécialisation ou de la décision judiciaire qui a autorisé le changement d'activité.
En outre, si la déspécialisation de l’activité commerciale n'entraîne pas immédiatement d’augmentation du montant du loyer, le bailleur pourra invoquer l'adjonction d'une nouvelle activité afin d’échapper au plafonnement du loyer et le fixer à la valeur locative, lors de la révision triennale.
L'article L 145-50 du code de commerce dispose ainsi que :
« Le changement d'activité peut motiver le paiement, à la charge du locataire, d'une indemnité égale au montant du préjudice dont le bailleur établirait l'existence.
Ce dernier peut en outre, en contrepartie de l'avantage procuré, demander au moment de la transformation, la modification du prix du bail sans qu'il y ait lieu d'appliquer les dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-39 [relatifs aux conditions de forme et de fond de la révision].
Les droits des créanciers inscrits s'exercent avec leur rang antérieur, sur le fonds transformé ».
Si le différend porte seulement sur le prix du bail, le juge des loyers pourra être saisi afin de fixer le montant du loyer dû par le locataire, sans attendre la prochaine échéance triennale et sans autre limite que celle de la valeur locative.
Enfin, à tout moment et jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, le locataire qui a formé une demande de déspécialisation peut y renoncer en le notifiant au bailleur par acte extrajudiciaire et, dans ce cas, il supporte tous les frais de l'instance.
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Anthony Bem
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