La cession de fonds de commerce : la détermination du prix

Publié le Modifié le 03/01/2018 Vu 75 642 fois 1
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La détermination du prix de cession de fonds de commerce est souvent complexe et doit s’effectuer de manière rigoureuse notamment afin d’éviter des sanctions juridiques et/ou fiscales.

La détermination du prix de cession de fonds de commerce est souvent complexe et doit s’effectuer de maniè

La cession de fonds de commerce : la détermination du prix

Bien que le prix puisse être librement fixé par les parties, il doit être déterminé ou déterminable.

Pour ce faire, la fixation du prix doit tenir compte de l’existence de règles de calcul jurisprudentielles (1), auxquelles s’ajoute la situation concrète de chaque fonds de commerce (2).

A défaut de respecter ces principes, des sanctions fiscales sont encourues (3).

1) Les méthodes de calcul du fonds de commerce

Il existe plusieurs méthodes d'évaluation possibles :

L'évaluation par comparaison qui se réfère à des cessions ou de mutations de fonds comparables ou semblables par leur nature, leur état, leur situation et leur importance ; suppose des conditions matérielles, économiques et juridiques d'exploitation comparables entre le fonds à estimer et les termes de référence.

L'évaluation par les bénéfices qui consiste à appliquer aux bénéfices moyens des trois dernières années un coefficient multiplicateur tiré non pas d'un barème, mais d’un diagnostic qualitatif.

L'évaluation par référence aux valeurs antérieures consiste à appliquer aux valeurs antérieures de cession du fonds des coefficients de correction censés prendre en compte différents paramètres d'évolution tels que l'inflation, l'évolution commerciale du fonds de commerce.

La méthode des barèmes fiscaux par secteur d'activité se réfère soit aux bénéfices, soit au chiffre d'affaires et consiste à appliquer aux résultats moyens des trois dernières années d'exploitation des correctifs établis en barèmes (exemples : bijouterie-horlogerie : de 30 % à 60 % du CA annuel TTC ; boucherie : de 30 % à 60 % du CA annuel TTC ; jeux-jouets : de 50 % à 60 % du CA annuel TTC ; pharmacie : de 70 % à 100 % du CA annuel TTC ; prêt-à- porter : de 30 % à 70 % du CA annuel TTC.)

L'évaluation par le chiffre d'affaires est celle qu'emploient le plus souvent les tribunaux. En effet pour l'évaluation du fonds, les tribunaux retiennent généralement un chiffre d'affaires moyen réalisé au cours des trois dernières années, souvent TTC, affecté d'un pourcentage variable selon la branche d'activité

Il s’agit de considérer le bénéfice annuel moyen tel qu’il résulte des bénéfices comptabilisés dans les trois dernières années et à le multiplier par un coefficient déduit d’une observation objective du marché.

Ce coefficient peut varier entre 1 et 8 selon la localisation et la nature du fonds de commerce à vendre. Néanmoins, il est quasiment toujours compris entre 3 et 5.

Le bénéfice retenu correspond, en principe, à celui déclaré fiscalement. Il peut être réévalué en intégrant des éléments déductibles comptablement (notamment la rémunération du dirigeant et les charges sociales, les amortissements, les intérêts et agios d’emprunts).

Cette méthode ne tient pas compte notamment de la valeur des marchandises qui doivent faire l’objet d’une évaluation distincte.

Cependant, lorsque l'on est en présence d'un fonds qui ne comporte aucune valeur de droit au bail, parce que le bail a été conclu à prix de marché, la jurisprudence tient « compte de la valeur réduite du droit au bail et de l'incidence de cette valeur sur celle du fonds de commerce [...] les premiers juges ont avec raison arbitré la valeur de celui-ci à une somme correspondant à 35 % du montant du chiffre d'affaires" (CA Paris, 12 févr. 1991)

Sous la pression de certains experts qui militent en faveur d'une plus juste prise en compte de la rentabilité de l'exploitation, on tient compte de plus en plus de la rentabilité d'une part, et du chiffre d'affaires d'autre part.

Certaines décisions ont ainsi retenu un chiffre résultant de l'application de la moyenne des deux méthodes :

- pour un fonds de brasserie : TGI Paris 18e ch., 1re sect., 7 mars 1995 ;

- pour un fonds de vente de carrelages et matériaux : TGI Créteil, 7 oct. 1995 ;

- pour un fonds de boulangerie-pâtisserie : TGI Paris 18e ch., 2e sect., 24 juill. 1998, retenant une valeur correspondant à 70 % du chiffre d'affaires annuel net – moyenne sur trois ans – et à quatre fois le bénéfice annuel, avec réintégration de la rémunération du gérant et des amortissements – moyenne sur trois ans ;

- pour un fonds de confection féminine et pour enfant : CA Paris, 16e B, 7 nov. 1997, qui a retenu une valeur de fonds correspondant à la moyenne entre 65 % du chiffre d'affaires annuel – moyenne sur trois ans – et dix fois la marge brute d'autofinancement ;

- pour un fonds de café, bar, restaurant : CA Paris, 16e ch. A, 21 févr. 2001, TGI Paris, 18e ch., 1re sect., 25 janv. 2000, TGI Paris, 18e ch., 1re sect., 16 oct. 2001.

Ainsi certains experts proposent dans leurs rapports, une évaluation du fonds en fonction d'une méthode généralement qualifiée de "méthode de rentabilité", consistant à affecter un résultat "retraité", – c'est-à-dire intégrant les dotations aux amortissements et le cas échéant, pour les fonds en nom personnel ou les sociétés familiales, la rémunération des dirigeants.

Si la méthode consistant à privilégier la prise en compte du résultat financier de l'exploitation, sur la prise en compte du seul chiffre d'affaires réalisé, apparaît économiquement plus juste, on est cependant confronté, en ce qui concerne le choix du coefficient multiplicateur de la MBA (marge brute d'autofinancement) ou de l'EBE (excédent brut d'exploitation) aux mêmes difficultés que celles qui s'attachent au choix du pourcentage du chiffre d'affaires dans le cadre de l'application de la méthode traditionnelle précitée.

Par ailleurs, il y a des affaires qui ont un bon chiffre d'affaires mais qui sont peu rentables et d’autres avec de petits chiffres d'affaires qui font de belles performances.

Le prix d’un fonds de commerce suppose donc de croiser le chiffre d'affaires et la rentabilité financière.

L’évaluation d’un fonds de commerce commence donc par une analyse du bilan comptable afin de mesurer la rentabilité financière et le potentiel économique.

En suite, cette évaluation suppose l’analyse des composantes propres au local dans lequel le fonds est exploité, tels que l'emplacement géographique, la situation locative, les mètres linéaires de façade, l'état du matériel et des installations liées à l'hygiène et à la sécurité.

2) La prise en compte de la situation concrète et de la spécificité de chaque fonds de commerce

Dans chaque hypothèse, il doit être tenu compte des spécificités du fonds concrètement considéré, qu'il s'agisse de la qualité des agencements et aménagements, des modalités particulières de l'exploitation (commerçant particulièrement dynamique, "surinvesti" dans son exploitation ou au contraire commerçant âgé n'utilisant que partiellement le potentiel du fonds ; commerce indépendant ou enseigne nationale ou internationale, etc.) et enfin de la valeur du droit au bail.

Ainsi, outre le chiffre d’affaires, il est recommandé de déterminer le prix de la cession du fonds de commerce en prenant en considération notamment :

- l’emplacement du fonds :

Un bon emplacement n'est pas toujours celui qui est situé dans une rue très commerçante ou à proximité de moyens de transport. Pour la vente au détail, il est lié, surtout en centre-ville ou dans les quartiers urbains, aux possibilités de stationnement ou de parking pour la clientèle.

- la clientèle et l'achalandage :

C'est le critère le plus important pour fixer la valeur d’un fonds de commerce. Pour les fonds de commerce traditionnels tels que ceux de vente au détail, par exemple, l'importance de la clientèle est due à deux facteurs principaux : les qualités personnelles du commerçant et l'emplacement du fonds (en plus de la qualité des produits ou services vendus)

- les clauses juridiques et financières du bail, le droit au bail ou le pas-de-porte, les possibilités d'extension future, l'importance, la configuration, l'état d'entretien des locaux, le règlement de copropriété, etc …

- la valeur du stock ;

- la qualité des agencements et du système de protection et de sécurité ;

- le nom commercial et l'enseigne ;

- les dépenses et mise à niveau des agencements, de l'outil ou des salariés éventuellement nécessaires ;

- etc ...

 

3)      Les sanctions juridiques et fiscales encourues en cas de sous valorisation du fonds de commerce lors de la cession : les dessous de table, les contre-lettres, les conventions occultes

Le dessous-de-table consiste à convenir entre les parties à la cession d'un prix occulte, caché et secret, supérieur à celui énoncé officiellement dans l'acte de vente du fonds de commerce, et qui est payé en espèces afin de ne laisser aucune trace ou preuve de ce supplément de prix.

L’intérêt du dessous-de-table pour l'acheteur est qu’il lui permet de :

- blanchir des fonds dont l'origine est douteuse ou qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration régulière au fisc au moment de leur perception.

- réduire les droits qui seront payés à l'occasion de la vente et qui sont proportionnels au prix

Pour le vendeur le dessous-de-table lui permet de réduire le montant de l'impôt sur la plus-value qu'il doit payer.

Cependant, sur le fondement des articles 1321-1 du Code civil, L.17 et L.64 du livre des procédures fiscales et  1729 du code général des impôts, la jurisprudence a jugé qu’est :

"nul et de nul effet toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'une vente d'immeubles ou d'une cession de fonds de commerce ou de clientèle ou d'une cession d'un droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble et tout ou partie de la soulte d'un échange ou d'un partage comprenant des biens immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle".

L'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations.

La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations.

Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :

- 40 % en cas de manquement délibéré ;

- 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire

- 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat.

La preuve de l'existence du dessous-de-table rapportée (par tout moyen de preuve) n'a pas pour effet de remettre en cause la cession de fonds de commerce intervenue.

Autrement dit l'acheteur qui réclamera la restitution du dessous de table qu'il a payé ne pourra pas remettre en cause la vente elle-même.

Mais à la revente, l'acheteur paiera un impôt sur la plus-value majorée puisqu'il n'aura pas déclaré le prix d'origine exactement.

Si l'acheteur, qui y a seul intérêt, trouve que le dessous de table a été payé par lui, il peut donc en obtenir la restitution par effet de la nullité de la convention.

Par ailleurs,  la jurisprudence considère que l'acte secret n'a pas besoin d'avoir une existence matérielle pour que la dissimulation soit avérée et frappée de nullité de sorte que la restitution de la somme occulte soit due.

En outre, si le prix officiel a été minoré et qu'il existe un droit de préemption, la commune qui userait de son droit de préemption au prix prévu à l'acte deviendra propriétaire pour ce prix sans que le cessionnaire puisse bien évidemment obtenir le paiement du dessous-de-table.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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1 Publié par AVALOR
03/01/2020 15:43

Très bonne article en complément je vous invite à lire cet article sur l'évaluation d'un restaurant. Témoignage d'un grand chef étoilé :
https://www.evaluation-commerce.com/calcul-valeur-restaurant.aspx

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