Pour mémoire, la clause de non-concurrence est une clause insérée dans un contrat de travail, qui interdit au salarié, après son départ de l’entreprise, d’exercer une activité professionnelle concurrente, susceptible de porter atteinte aux intérêts de l’employeur.
Les clauses de non-concurrence sont particulièrement appréciées par les employeurs en ce qu’elles permettent de se prémunir contre les risques de divulgation de leur savoir-faire ou de perte de clientèle résultant du départ d’un salarié.
En empêchant ainsi un salarié d’exercer une activité professionnelle concurrente, la clause de non-concurrence apporte une restriction à sa liberté du travail.
Or, cette liberté permet à tout salarié dont le contrat de travail a été rompu d’être engagée immédiatement par un autre employeur, même concurrent de son ancien employeur, ou d’exercer à titre de travailleur indépendant une activité concurrente.
C’est ainsi que la jurisprudence soumet la validité des clauses de non-concurrence à plusieurs conditions, afin notamment d’assurer un équilibre entre les intérêts légitimes de l’employeur et la liberté du travail du salarié.
D’abord, la clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, c’est-à-dire qu’il faut que l’activité concernée concurrence réellement l'entreprise.
Deuxièmement, elle doit être limitée dans le temps et dans l'espace. Autrement dit, la clause de non-concurrence doit s'appliquer uniquement dans un secteur géographique où la nouvelle activité du salarié pourrait concurrencer l'entreprise et l'interdiction ne doit pas être permanente.
Ensuite, la clause de non-concurrence doit être limitée quant à la nature des activités dont elle interdit l’exercice.
Enfin, la clause de non-concurrence doit prévoir une contrepartie financière versée au salarié et dont le montant ne peut être dérisoire.
En effet, il a été jugé qu’une « contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail équivaut à une absence de contrepartie ». (Cass. Soc., 15 novembre 2006, n° 04-46.721)
Toutes les conditions précitées doivent être respectées cumulativement.
En cas de non-respect de l'une d'elles, la clause de non-concurrence est déclarée nulle, ce qui ouvre droit au paiement de dommages et intérêts au profit du salarié.
Ainsi, si l’employeur ne verse pas une indemnité financière au salarié après la rupture de son contrat de travail, le salarié sera en principe libéré de son obligation de non-concurrence.
Toutefois, ce principe est à nuancer, dans la mesure où la Cour de cassation a récemment jugé que le salarié n’est pas forcément libéré de son obligation de non-concurrence malgré le non paiement d’une contrepartie financière par son ancien employeur après son départ effectif de l’entreprise. (Cass. Soc., 20 novembre 2013, n° 12-20074)
En l’espèce, un ingénieur commercial a été engagé par une société selon un contrat de travail comportant une clause de non-concurrence qui lui faisait interdiction de travailler en cette qualité pour une entreprise concurrente pendant une durée d'un an.
Lorsque le salarié a démissionné, l'employeur lui a rappelé son obligation de non-concurrence.
Onze jours après avoir été dispensé de son préavis, le salarié a été engagé en qualité de directeur par une société concurrente de son ancien employeur.
Ayant été informé de l’embauche de son ex-salarié par une entreprise concurrente, l’employeur a alors suspendu le paiement de l'indemnité contractuelle en raison de l'inexécution par le salarié de ses obligations et a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir, notamment, le paiement d'une indemnité pour violation de la clause de non-concurrence.
La cour d’appel a accueilli les demandes de l’employeur et a condamné le salarié à payer à ce dernier une somme à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence.
La Cour de cassation a approuvé les juges du fond sur ce point en jugeant que :
« la cour d'appel, qui a constaté qu'il ne s'était écoulé que quelques jours entre le départ du salarié de l'entreprise, à la suite de la dispense d'exécution du préavis, et la décision de l'employeur de ne pas verser la contrepartie financière, a pu en déduire que ce délai ne suffisait pas à libérer le salarié de son obligation, qu'il avait aussitôt méconnue en passant au service d'une entreprise concurrente. »
En d’autres termes, le délai de quelques jours entre le départ effectif du salarié, dispensé d'effectuer son préavis, et le non-versement de la contrepartie financière ne suffisait pas à libérer le salarié de son obligation de non-concurrence, de sorte que ce dernier a été considéré comme ayant violé cette obligation en acceptant des fonctions identiques chez un concurrent.
La solution ainsi dégagée par la Cour de cassation peut sembler discutable, dans la mesure où elle donne gain de cause à l’employeur malgré le fait qu’il n’ait pas versé au salarié une indemnité financière, qui, pourtant, constitue une condition de validité de la clause de non-concurrence.
Cependant, force est de constater que l’arrêt tient essentiellement compte des circonstances de l’espèce, car la Cour de cassation s’est fondée sur le fait que le délai de 11 jours entre la rupture du contrat de travail par le salarié et la décision de l’employeur de ne pas verser la contrepartie financière était très court.
En conséquence, ce bref délai ne suffisait pas à caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de payer la contrepartie financière, ni à libérer le salarié de son obligation de non-concurrence.
Il en résulte donc que le retard de quelques jours dans le paiement de la contrepartie financière n’était pas suffisant pour autoriser le salarié à s’estimer immédiatement libéré de la clause de non-concurrence.
Pour autant, on se gardera d’interpréter cette décision comme permettant à l’employeur de retarder le paiement de l’indemnité de non-concurrence, car celle-ci reste tout de même une condition nécessaire à la validité de la clause de non-concurrence.
Enfin, il convient de garder en mémoire que les parties liées par une clause de non-concurrence doivent faire preuve d’une grande vigilance, notamment en faisant appel aux services d’un avocat spécialisé qui saura les conseiller utilement.
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Anthony Bem
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