Condamnation pour diffamation à défaut de retrait de commentaires diffamatoires d'internautes

Publié le 30/05/2016 Vu 5 673 fois 3
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Un site internet peut-il être condamné pour diffamation à défaut de suppression des commentaires diffamatoires d'internautes ?

Un site internet peut-il être condamné pour diffamation à défaut de suppression des commentaires diffamato

Condamnation pour diffamation à défaut de retrait de commentaires diffamatoires d'internautes

L’association lesarnaques.com proposait "d’intervenir dans la médiation de litiges entre les particuliers et les professionnels", "d’informer les internautes sur leurs droits et recours possibles", "de sensibiliser les autorités et institutions locales, nationales et internationales afin de favoriser d’avantage la défense des consommateurs". 

Cette association exploitait depuis les années 2000 un site internet lesarnaques.com sur lequel elle mettait à disposition du public un forum permettant l’expression des internautes sur les difficultés et litiges qu’ils rencontrent après avoir commandé un bien ou une prestation, notamment à l’occasion du commerce en ligne.

De nombreuses sociétés ont contesté les avis laissés par des internautes sur ce site qui a déjà fait l'objet de condamnantions.

Dénonçant la présence sur ce dernier site de messages la mettant en cause, une société en a vainement demandé la suppression au président et directeur de la publication de l’association lesarnaques.com.

La société a ainsi assigné en justice l’association lesarnaques.com au titre de la diffamation

Selon la société plaignante, chacun des messages incriminés contient l’imputation ou l’allégation de faits précis notamment d’infractions pénales, de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération, qu’ainsi lui sont notamment imputés des arnaques, synonymes d’escroqueries, des abus de faiblesse, des pratiques commerciales trompeuses, la mise en oeuvre de manoeuvres frauduleuses, des ventes forcées, un service inexistant, une publicité mensongère et invoque notamment le titre du forum, les adresses URL contenant le mot "arnaque", le titre des discussions comportant l’utilisation de sa dénomination sociale. 

Elle fait valoir que prise dans sa globalité, la discussion insinue clairement qu’elle n’exécute pas sa prestation, qu’elle infiltre le forum, qu’elle se fait payer indûment, qu’elle ne répond plus à ses clients, qu’elle abuse de leur faiblesse, qu’elle les force, qu’en un mot, elle les "arnaque".

Elle se prévaut de l’absence de bonne foi du directeur de publication, qui doit s’apprécier à l’égard de celui-ci, et non au regard des auteurs des messages, de l’absence de prudence dans l’expression, de la présence d’animosité personnelle, de l’absence d’enquête préalable sérieuse et de l’absence de but légitime.

Pour mémoire, toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne constitue une diffamation. 

Pour être diffamatoire, l’allégation ou imputation doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire. 

Or, les messages diffusés sur le forum non modéré étaient diffamatoires et dépassaient les limites de la liberté d’expression en ce qu'ils accusaient la société d’arnaquer ses clients, d’employer des méthodes douteuses, telles que la vente forcée, de pratiquer de la publicité trompeuse ou mensongère, de se faire rémunérer pour des services ne débouchant sur aucun résultat, abuser de la faiblesse de certains clients, etc ...

Au terme d'une procédure judiciaire allée jusque devant la cour de cassation puis devant la cour d'appel de renvoi, les juges lyonnais ont fini par condamner le site internet pour diffamation et sous astreinte, à supprimer les messages diffamatoires. (Cour d’appel de Lyon, 1ère chambre civile, 10 mai 2016, Le Partenaire Européen / lesarnaques.com)

Pour ce faire, les juges ont estimé que « il ne peut se prévaloir de sa bonne foi, dès lors qu’il ne justifie d’aucune enquête préalable sérieuse, que les termes employés traduisent l’absence de prudence dans l’expression des propos postés dans le cadre d’un espace de contributions personnelles, et qu’ils révèlent une animosité personnelle à l’égard de la société » et que malgré une nécessaire connaissance des messages incriminés il n’a pas agi promptement, pour les retirer messages, pour les modérer ou supprimer les propos diffamatoires. 

La société victime d'une mauvaise e-réputation qui justifiait d'une baisse sensible de son chiffre d’affaires à la suite de la diffusion des messages diffamatoires a été indemnisée de son préjudice commercial subi à hauteur de la somme de 15.000 euros. 

Suite à cette condamnation, le site lesarnaques.com a fermé et annonce qu’« il nous paraissait important de changer de fonctionnement, pour mieux répondre à vos attentes. C’est pourquoi nous avons décidé de cesser nos activités sur leforum.lesarnaques.com et de reprendre une nouvelle plate-forme nommée Net-Litiges.fr ».

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
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1 Publié par Maitre Anthony Bem
30/05/2016 15:01

Bonjour tomrif,

Je vous remercie de votre commentaire et vous félicite sincèrement pour vos lumières qui contribue à la réflexion.

Je pense que la cour a souhaité mettre un terme au litige afin de limiter les atteintes à la e-réputation des sociétés.

En effet, de trop nombreux professionnels ont pu être victime d'atteinte à leur image sur internet du fait de commentaires dénigrants ou diffamatoires postés par des internautes sur des forum de discussion, des réseaux sociaux et des sites internet.

Ainsi, quand même il ne s'agit pas d'une décision de la cour de cassation, celle-ci pose une nouvelle limite à la liberté d'expression sur internet.

Les hébergeurs de sites internet mettent dorénavant et de plus en plus souvent en jeu leur responsabilité au titre de commentaires mis en ligne par des internautes.

Le développement du web et de ses effets sur l'économie doit être maîtrisé s'agissant de la réputation en ligne.

Cette dernière ne saurait être sacrifiée à tous prix sur l'hôtel de la liberté d'expression.

La liberté de tout dire a notamment pour limite celle de ne pas diffamer.

S'agissant de la bonne foi, elle n'aura été au final de toutes les façons pas au programme de l'association.

Cordialement.

2 Publié par tomrif
30/05/2016 15:13

la bonne foi de l'association non, mais celle de l'auteur poursuivi ?
http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=5003
ici, il y a bien diffamation mais pas de condamnation car la bonne foi a été retenue.

si la bonne foi de tous les auteurs n'est pas retenue, les dommages et interets auraient-ils été les mêmes ? vu qu'il est difficile d'estimer l'effet des seuls commentaires déclarés illicites parmi tous les commentaires négatifs; ce qui est différent d'une situation où tous les commentaires négatifs sont déclarés illicites.

3 Publié par tomrif
30/05/2016 15:18

Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 : "que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d'engager la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère"

un propos peut être diffamatoire mais ne pas permettre la condamnation car dit de bonne foi. un tel propos est-il manifestement illicite au sens du conseil constitutionnel ?

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