Le 9 juin 2020, la cour d’appel de Reims a déchu la banque BNP de son droit à poursuite envers des cautions dont le montant de leur cautionnement était disproportionné à leurs revenus et patrimoine tant au jour de leur souscription qu’au moment de leur poursuite en justice (CA Reims, 1re ch. sect.civ., 9 juin 2020, n° 19/01488)
En l’espèce, la banque BNP a consenti à une société un crédit et sollicité que deux personnes se portes cautions solidaires en garantie du remboursement de ce prêt.
La société a été placée en liquidation judiciaire et la banque a assigné les cautions devant le tribunal de grande instance aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la dette.
Cependant, les cautions ont utilement invoqué devant la cour d’appel la disproportion de leur cautionnement.
En effet, par application de l’article L 341-4 du code de la consommation devenu L 332-1, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La disproportion des cautionnements au moment de leur souscription s’apprécie notamment en considération des biens, revenus et dettes des cautions.
Pour ce faire, le banquier dispensateur de crédit doit obtenir des cautions une fiche de renseignements patrimoniaux.
L’absence de ce document démontre que le banquier n’a pris aucune précaution lors des engagements de caution.
La disproportion d’un cautionnement s’apprécie en tenant compte de l’endettement global de la caution, y compris celui résultant d’engagements de caution antérieurement souscrits.
En l’espèce, le montant des échéances de remboursement du prêt bancaire étaient supérieures aux revenus mensuels des cautions.
Pour l’une d’elles, les juges d’appel ont même relevé que le montant de l’engagement représentait plus de six fois son salaire annuel.
Ainsi, les revenus des cautions à l’époque de leur engagement et l’absence de patrimoine ne leur permettaient manifestement pas d’honorer leurs dette dont le caractère disproportionné était évident.
En outre, l’une d’elles s’était déjà engagée par autre cautionnement antérieur auprès de la BNP.
La banque BNP a vainement tenté de démontrer de manière schizophrénique que les cautions n’étaient pas transparentes sur l’étendue de leur situation financière et patrimoniale au jour de leur engagement, notamment le fait que les cautions étaient gérantes d’une société civile immobilière.
Néanmoins, les juges d’appel ont considéré que le fait d’être gérant associé d’une SCI dont l’activité est la location de terrains, était indifférent car « le patrimoine immobilier est détenu par la société civile immobilière et les associés ne reçoivent que des parts sociales proportionnelles à leur apport ».
Or, en l’espèce, le capital social de cette société n’était que de 1000 euros et l’immeuble était grevé d’un emprunt bancaire.
Compte tenu de ces éléments, la cour d’appel a jugé que les actes de cautionnement litigieux étaient manifestement disproportionnés aux biens et revenus des cautions au moment où elles se sont engagées
De plus, la banque n’a pas apporté aux débats la preuve d’élément qui aurait permis de démontrer que les cautions étaient revenues à meilleure fortune au moment où elles ont été appelées en paiement.
En effet, il incombe à la banque poursuivante qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné aux biens et revenus de d’une caution personne physique lors de sa conclusion, d’établir que, au moment où elle l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.
En l’espèce, la banque a encore vainement soutenu qu’au moment où l’une des cautions a été appelée en paiement elle a déclaré des revenus fonciers établissant l’existence d’un patrimoine immobilier.
Toutefois, la banque n’a pas apporté la preuve que le patrimoine immobilier qui pourrait y correspondre était susceptible de permettre à la caution de faire face à son obligation.
Au contraire, les cautions ont fait la démonstration que leur situation n’a pas évolué depuis la souscription des actes mais qu’elle s’est dégradée.
Pour cause, même si le montant réclamé aux cautions avaient sensiblement diminué par rapport au montant des engagements initialement souscrits, la banque leur avait fait souscrire trois nouveaux cautionnements accentuant ainsi leur endettement.
Par conséquent, la cour d’appel a jugé que la banque était déchue de tout droit à poursuite à l’encontre des cautions.
Il résulte de cette décision que l’appréciation de la disproportion d’un cautionnement suppose de réaliser une véritable analyse juridique et patrimoniale au jour de l’engagement mais aussi, le cas échéant, au jour où la caution est poursuivie en paiement si la banque invoque un « retour à meilleur fortune ».
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Anthony Bem
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