Le 8 juillet 2015, la cour de cassation a eu l'occasion de revenir sur les conditions de mise en jeu de la responsabilité de l'état pour déni de justice (Cour de cassation, chambre civile 1, 8 juillet 2015, N° de pourvoi: 14-15396).
La mission de juger n'est pas aisée.
Au moins l'une des parties à un procès est toujours insatisfaite de la décision finale : la partie condamnée, et parfois c'est l'ensemble des parties qui le sont.
L'un des plus haut et brillant magistrat français, Monsieur Yves Charpenel, résume l’état de la justice contemporaine dans l'intitulé métaphorique et subliminal de son ouvrage : "le glaive et la rustine".
Le problème est que la rustine est devenue l'ingrédient trop facilement utilisé par les juges et personnel de police au travers de leurs actes et décisions et que trop de rustine peut aussi conduire à un déni de justice.
Ainsi, le législateur a conscience que le service de la justice peut ne pas être irréprochable et prévoit à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire que :
« L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.
Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ».
Par conséquent, le déni de justice est, avec la faute lourde, l’un des deux cas d’ouverture d’une action en responsabilité contre l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice.
L’action en responsabilité de l’État à raison de l’activité juridictionnelle des tribunaux judiciaires concerne tous les actes juridictionnels, ou non, accomplis par les juges à l’occasion du litige qui leur est soumis.
Le "service de la justice" englobe non seulement l’activité des magistrats du siège et du parquet, mais également celle des greffiers et, d’une manière générale, de tous les agents participant à des opérations de police judiciaire.
Le déni de justice est constitué par un véritable refus de juger, soit expressément manifesté, soit révélé par une négligence caractérisée.
Il s’apprécie sous le seul aspect d’un manquement du service de la justice à sa mission essentielle et non par référence à l’intention ou à la mauvaise volonté caractérisée de l'agent ou du juge.
C'est ainsi que la jurisprudence définit le déni de justice comme « tout manquement de l’État à son devoir de protection juridictionnelle de l’individu » (Cour d'appel de Paris, 20 janvier 1999).
Concrètement, le déni de justice permet de sanctionner la longueur des délais de procédure, lorsque tout justiciable a le droit de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable, conformément à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La victime n’a pas à établir quelle est la personne (ou quelles sont les personnes) à l’origine de la faute (ou des fautes) invoquée(s).
La question de la responsabilité d’une juridiction administrative à raison d’un déni de justice est susceptible de se poser au même titre que pour la juridiction judiciaire.
Toutes les "fautes" éventuelles d’une juridiction, qu’elles concernent la procédure, la prise en compte des faits en litige ou le fond du droit, sont susceptibles de fonder un recours contre la décision qu’elle a rendue.
Ainsi, la responsabilité de l’État est retenue lorsque le service public a connu un dysfonctionnement caractérisé, apprécié objectivement en fonction de ce qu’un justiciable est en droit d’attendre du service public de la justice, sans appréciation du comportement individuel de son agent.
La gravité des conséquences du dysfonctionnement est, en revanche, parfois prise en considération.
Enfin, il est important de souligner que dans la grande majorité des cas où une décision juridictionnelle est censurée en appel ou en cassation ne leur auteur ne commet pas une faute de nature à engager la responsabilité de l’État.
Le déni de justice s'apprécie au cas par cas, en fonction des circonstances propres à chaque affaire.
En l'espèce, une personne a vu deux décisions rendues à son encontre censurées pour méconnaissance du principe d'impartialité suite à ses recours.
Malgré tout, les juges ont estimé qu'il n'y a pas eu de faute du service public de la justice car les déficiences susceptibles de résulter de la méconnaissance du principe d'impartialité avaient été corrigées par l'exercice des voies de recours.
Cette décision est donc intéressante sur ce point.
La renonciation à exercer un recours utile vient s’interposer dans la chaîne de causalité.
Est ainsi évité le paradoxe d’un justiciable qui, choisissant l’action indemnitaire plutôt que le recours en annulation de la décision juridictionnelle qu’il conteste (ce n’est donc pas par un souci louable d’économie), devrait établir qu’il a perdu une chance de voir ses prétentions prospérer et ceci devant un juge différent de celui qui aurait dû, s’il l’avait saisi, connaître du litige initial et qui était évidemment le mieux placé pour le trancher.
L'épuisement des voies de recours conditionne ainsi l'existence d'un déni de justice.
Il faut donc laisser sa chance à la justice de corriger son tir par l'usage des voies de recours.
Enfin, il convient de rappeler que, le cas échéant, l'Agent judiciaire du Trésor est l'entité qui représente l'Etat, lorsqu'une faute peut être reprochée à l'un de ses représentants ou services de la justice.
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