Comme cela a été souligné dans un précédent article publié sur ce blog, les drones soulèvent de plus en plus de questions quant au respect des droits et libertés des personnes.
En effet, généralement équipés de capteurs divers et variés tels qu’une caméra mobile, un appareil photo, un microphone, un capteur sonore ou thermique ou encore un dispositif de géolocalisation, les drones peuvent potentiellement porter atteinte à la vie privée et aux droits et libertés des personnes.
Consciente de ces risques d’atteintes aux droits et libertés des personnes, la France s’est dotée d’un début de réglementation encadrant l’usage des drones civils.
Cette réglementation résulte notamment de deux arrêtés du 11 avril 2012 qui définissent les exigences applicables à certaines utilisations de drones, définis comme des « aéronefs qui circulent sans personne à bord », ainsi qu’à leurs conducteurs.
Le premier arrêté est relatif « à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent », et le second concerne « l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord ».
Ces deux arrêtés prévoient une réglementation suivant notamment les catégories de drones ainsi que le type d’usage qui en est fait.
Ainsi, pour un drone pesant moins de 25 kg et non équipé d'une caméra, la réglementation est relativement permissive car l’arrêté oblige simplement à ce que le drone reste en vue directe, c’est-à-dire que l’engin et son conducteur doivent rester en contact visuel et ne pas voler à une altitude supérieure à 150 mètres ou à proximité d'une zone dangereuse ou interdite.
Par contre, dans les autres hypothèses, la règlementation se fait plus restrictive.
A titre d’exemple, lorsque le drone est équipé d’un dispositif de prise de vue (caméra ou appareil photo), la loi exige la possession de certains documents et autorisations pour faire voler le drone.
Si ces deux arrêtés ont le mérite de définir un cadre réglementaire de référence pour l’usage des drones, force est de noter qu’ils visent plus la protection des personnes et des biens que celle de la vie privée.
De ce fait, il faut davantage se reporter à d’autres dispositions légales permettant de se protéger contre les atteintes à l’intimité de la vie privée ou au droit à l’image pouvant résulter de l’utilisation de drones.
Parmi ces dispositions, figure l’article D133-10 du code de l’aviation civile qui pose des exigences que doivent respecter les personnes réalisant des prises de vues aériennes notamment à l’aide de drones.
Cet article interdit « la prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou par tout autre capteur » de certaines zones et exige une déclaration préalable et des autorisations pour certains enregistrements d'images ou de données au-dessus du territoire national.
Mais si l’article D133-10 du code de l’aviation civile règlemente la prise de vue aérienne, il n’en demeure pas moins que la captation et l’enregistrement d’images relatives aux personnes peuvent également relever de la loi "Informatique et Libertés" du 6 janvier 1978.
En effet, en fonction des capteurs (caméra mobile, appareil photo, microphone, capteur sonore ou thermique ou dispositif de géolocalisation) dont sont équipés les drones, les vidéos ou photos prises à l’aide de ces drones peuvent permettre de distinguer les traits du visage, la morphologie de la silhouette, les mouvements de la personne, ainsi que de lire des plaques d’immatriculation.
Or, dès lors qu'elle se rapporte à une personne identifiée ou identifiable, l'image d'une personne est une donnée à caractère personnel dont le traitement informatique, tel que sa numérisation ou sa diffusion à partir d'un site internet, doit s'effectuer dans le respect des dispositions de la loi "Informatique et Libertés".
En outre, le code civil pourrait également trouver à s’appliquer en cas de captation de l’image d’une personne à l’aide d’un drone équipé d’une camera ou d’un appareil photo.
En effet, sur le fondement de l’article 9 du code civil, selon lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée », la jurisprudence a consacré le droit à l'image qui permet à toute personne de s'opposer à la reproduction et à la diffusion, sans son autorisation expresse, de son image, quelle que soit la nature du support utilisé.
Puisque ce droit ne fait pas de distinction suivant le support utilisé, si un drone venait à capter l’image d’une personne, la reproduction ou la diffusion de cette image nécessiterait l’autorisation expresse, préalable et spéciale de la personne concernée.
Cette autorisation est exigée quand bien même l’image aurait été prise dans un lieu public, dès lors que cette image permet d’identifier une personne.
De même, le code pénal réprime la fixation, l’enregistrement ou la transmission de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé par une peine maximum d’un an d'emprisonnement et 45.000 € d'amende.
La jurisprudence aura certainement l’occasion de fixer dans un avenir proche les contours et les limites de l’usage des drones eu égard au respect des droits à l’image et à la vie privée de chacun.
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Anthony Bem
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