Drones civils : atteintes et protection du droit au respect de la vie privée et du droit à l’image

Publié le 07/04/2014 Vu 12 056 fois 3
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Quelles sont les dispositions légales permettant de se protéger des risques d’atteintes à la vie privée et au droit à l’image résultant de l’utilisation de drones civils ?

Quelles sont les dispositions légales permettant de se protéger des risques d’atteintes à la vie privée

Drones civils : atteintes et protection du droit au respect de la vie privée et du droit à l’image

Comme cela a été souligné dans un précédent article publié sur ce blog, les drones soulèvent de plus en plus de questions quant au respect des droits et libertés des personnes.

En effet, généralement équipés de capteurs divers et variés tels qu’une caméra mobile, un appareil photo, un microphone, un capteur sonore ou thermique ou encore un dispositif de géolocalisation, les drones peuvent potentiellement porter atteinte à la vie privée et aux droits et libertés des personnes.

Consciente de ces risques d’atteintes aux droits et libertés des personnes, la France s’est dotée d’un début de réglementation encadrant l’usage des drones civils.  

Cette réglementation résulte notamment de deux arrêtés du 11 avril 2012 qui définissent les exigences applicables à certaines utilisations de drones, définis comme des « aéronefs qui circulent sans personne à bord », ainsi qu’à leurs conducteurs.

Le premier arrêté est relatif « à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent », et le second concerne « l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord ».

Ces deux arrêtés prévoient une réglementation suivant notamment les catégories de drones ainsi que le type d’usage qui en est fait.

Ainsi, pour un drone pesant moins de 25 kg et non équipé d'une caméra, la réglementation est relativement permissive car l’arrêté oblige simplement à ce que le drone reste en vue directe, c’est-à-dire que l’engin et son conducteur doivent rester en contact visuel et ne pas voler à une altitude supérieure à 150 mètres ou à proximité d'une zone dangereuse ou interdite.     

Par contre, dans les autres hypothèses, la règlementation se fait plus restrictive.

A titre d’exemple, lorsque le drone est équipé d’un dispositif de prise de vue (caméra ou appareil photo), la loi exige la possession de certains documents et autorisations pour faire voler le drone.  

Si ces deux arrêtés ont le mérite de définir un cadre réglementaire de référence pour l’usage des drones, force est de noter qu’ils visent plus la protection des personnes et des biens que celle de la vie privée.

De ce fait, il faut davantage se reporter à d’autres dispositions légales permettant de se protéger contre les atteintes à l’intimité de la vie privée ou au droit à l’image pouvant résulter de l’utilisation de drones.

Parmi ces dispositions, figure l’article D133-10 du code de l’aviation civile qui pose des exigences que doivent respecter les personnes réalisant des prises de vues aériennes notamment à l’aide de drones.

Cet article interdit « la prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou par tout autre capteur » de certaines zones et exige une déclaration préalable et des autorisations pour certains enregistrements d'images ou de données au-dessus du territoire national.

Mais si l’article D133-10 du code de l’aviation civile règlemente la prise de vue aérienne, il n’en demeure pas moins que la captation et l’enregistrement d’images relatives aux personnes peuvent également relever de la loi "Informatique et Libertés" du 6 janvier 1978.

En effet, en fonction des capteurs (caméra mobile, appareil photo, microphone, capteur sonore ou thermique ou dispositif de géolocalisation) dont sont équipés les drones, les vidéos ou photos prises à l’aide de ces drones peuvent permettre de distinguer les traits du visage, la morphologie de la silhouette, les mouvements de la personne, ainsi que de lire des plaques d’immatriculation.

Or, dès lors qu'elle se rapporte à une personne identifiée ou identifiable, l'image d'une personne est une donnée à caractère personnel dont le traitement informatique, tel que sa numérisation ou sa diffusion à partir d'un site internet, doit s'effectuer dans le respect des dispositions de la loi "Informatique et Libertés".

En outre, le code civil pourrait également trouver à s’appliquer en cas de captation de l’image d’une personne à l’aide d’un drone équipé d’une camera ou d’un appareil photo.

En effet, sur le fondement de l’article 9 du code civil, selon lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée », la jurisprudence a consacré le droit à l'image qui permet à toute personne de s'opposer à la reproduction et à la diffusion, sans son autorisation expresse, de son image, quelle que soit la nature du support utilisé.

Puisque ce droit ne fait pas de distinction suivant le support utilisé, si un drone venait à capter l’image d’une personne, la reproduction ou la diffusion de cette image nécessiterait l’autorisation expresse, préalable et spéciale de la personne concernée.

Cette autorisation est exigée quand bien même l’image aurait été prise dans un lieu public, dès lors que cette image permet d’identifier une personne.

De même, le code pénal réprime la fixation, l’enregistrement ou la transmission de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé par une peine maximum d’un an d'emprisonnement et 45.000 € d'amende.

La jurisprudence aura certainement l’occasion de fixer dans un avenir proche les contours et les limites de l’usage des drones eu égard au respect des droits à l’image et à la vie privée de chacun.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel :
01 40 26 25 01

Email : abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1435 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Kangooroo
31/12/2014 14:45

Article intéressant, mais quid de simples prises de vues, dans un espace public, et sans aucune diffusion, transmission mise en ligne ou autre exploitation ? Prendre une photo,sur la voie publique et la garder privée, sans la diffuser ne me semble prohibé par AUCUN texte ?! Et n'est pas un délit pénal.

2 Publié par Maitre Anthony Bem
31/12/2014 17:35

Bonjour Kangooroo, je vous confirme qu'en l'absence d'exploitation ou diffusion d'une photographie aucune faute n'est susceptible d'être reprochée pour atteinte au droit à l'image à l'encontre de l'auteur de celle-ci. Cordialement

3 Publié par Visiteur
04/05/2018 19:37

Bonjour, je n'ai pas bien compris si un voisin fait voler un drône au-dessus de mon jardin, est-ce légal? En sachant, que le drône est équipé d'une caméra/ appareil photo mais le voisin peut me dire qu'il ne filme pas... donc sa parole contre la mienne?
Merci

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1435 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles