I - Les conditions du délit de harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel suppose des actes de "pression" exercés par des hommes sur des femmes ou réciproquement mais la différence de sexe ne constitue pas une condition du délit (CA Paris, 18e ch. C., 8 octobre 1993)
Ainsi, ce délit concerne toute personne ayant tenté d'obtenir « des faveurs de nature sexuelle », et ce, de qui que ce soit : simples passant(e)s, ami(e)s, voisin(e)s, mais aussi membres de la famille ou collègue de travail et quels qu'en aient été le moment ou l'occasion.
S’agissant du harcèlement sexuel au travail, il importe que les faits de harcèlement soient entre salariés avec un lien de subordination ou de même niveau hiérarchique (CA Montpellier, ch. soc., 10 octobre 2000).
En tout état de cause, l'auteur des actes de harcèlement doit avoir agi dans le but d'obtenir de la victime des faveurs de nature sexuelle, c'est-à-dire :
- « au-delà du coït, il convient d'entendre par “faveurs de nature sexuelle”, tout acte de nature sexuelle, et notamment les simples contacts physiques destinés à assouvir un fantasme d'ordre sexuel, voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel » (CA Paris, 18e ch., 18 janvier 1996) ;
- des « gestes d'amitié” [qui] revêtaient un caractère suffisamment ambigu pour que Mlle X, âgée de 20 ans, puisse les interpréter comme ayant une connotation sexuelle » (CA Chambéry ch. soc., 18 janvier 2000).
Par ailleurs, la preuve du délit peut intervenir par tous moyens (SMS, enregistrements, attestations de témoins, etc ...) compte tenu qu'en matière pénale la preuve est libre et les preuves mêmes déloyales sont recevables.
Enfin, il n'est pas nécessaire que les faveurs de la victime aient effectivement été accordées car le cas échéant il s’agirait d’agressions sexuelles.
II – Les sanctions pénales du délit de harcèlement sexuel
La qualification de harcèlement sexuel peut entrer en conflit avec d'autres autres atteintes sexuelles telles que le délit d'agression sexuelle ou de viol.
La règle veut que lorsque des faits identiques peuvent être réprimés par l'application de deux ou plusieurs textes, le texte le plus sévère l’emporte.
Ainsi, la qualification de harcèlement sexuel sera exclue dans tous les cas où il y a contrainte, au profit soit de l'agression sexuelle soit du viol.
Par ailleurs, le délit harcèlement sexuel peut être poursuivi parallèlement au harcèlement moral car les deux infractions ne concernent pas les mêmes libertés.
Le harcèlement moral vise à protéger l'intégrité psychique de la personne tandis que le délit de harcèlement sexuel protège la liberté sexuelle car « toute personne a le droit absolu que l'on respecte son corps et que l'on ne tente pas de lui imposer par la force [...] des contacts physiques pouvant lui apparaître comme étant de nature sexuelle et surtout qu'elle ne désire pas » (CA Paris, 18e ch., 18 janvier 1996).
Le harcèlement sexuel est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende outre les peines complémentaires prévues aux articles 222-44 et 222-45 du code pénal.
Le harcèlement sexuel se prescrit par trois ans à compter du jour du dernier acte de commis.
Les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et dont l'objet statutaire comporte la lutte contre les violences sexuelles peuvent se constituer partie civile.
III – L'usage de la faute de harcèlement sexuel en droit du travail
L’article L1153-1 du code du travail dispose que :
« Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits ».
La jurisprudence a fixé en début 2012 quelques règles importantes en la matière.
Le 11 janvier 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « le fait pour un salarié d’abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail » (Cass. Soc, 11 janvier 2012, N° de pourvoi: 10-12930).
Le 19 janvier 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime, sur le lieu de travail, d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements » (Cass. Soc, 19 janvier 2012, N° de pourvoi : 10-20935).
Le 9 février 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation a annulé le licenciement pour faute grave en l’absence de preuve rapportée des griefs énoncés dans la lettre de licenciement et a condamné l’employeur à payer au salarié diverses sommes à titre de salaires de mise à pied, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts compte tenu que la lettre de licenciement « ne porte pas mention de ce terme [harcèlement sexuel] ni référence aux éléments constitutifs de ce délit ou au texte légal de base mais que, d’autre part, elle repose sur les dénonciations des trois salariées visant expressément ces qualifications et texte de l’article L 1153-1 du Code du travail et évoque implicitement un harcèlement par ses appréciations finale » (Cass. Soc, 9 février 2012, N° de pourvoi : 10-26123)
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Anthony Bem
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