Le 2 avril 2014, la Cour de Cassation a fixé les conditions dans lesquelles une libéralité ou une donation est rapportable à une succession dans le cadre des opérations de liquidation partage, en jugeant que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du donateur, est rapportable (Cass. Civ. I, 2 avril 2014, N° de pourvoi : 13-14767).
Les donations sont des libéralités qui sont strictement encadrées par la loi.
Pour mémoire, l’article 893 du Code Civil dispose que :
« La libéralité est l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne. Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament ».
En l’espèce, des époux sont décédés en laissant leurs trois enfants pour recueillir leurs successions.
L'un des héritiers a sollicité l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions de ses parents.
En outre, il a été demandé aux juges qu'un expert soit désigné afin d'évaluer le montant de l'indemnité d'occupation due par l'un des héritiers.
Les juges d'appel ont considéré que l'héritier était bien redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité d'occupation, pour une période de 13 ans, pour les montants évalués par l'expert.
Cependant, la Cour de Cassation a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’Appel pour violation de l’article 843 ancien du code civil selon lequel dispose que :
« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.»
Aux termes de cet arrêt, la Haute Cour a posé le principe que :
« seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du donateur dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession. En l'espèce, la cour d'appel n'a pas constaté l'appauvrissement des donateurs, ni leur intention libérale, et a confondu le rapport des libéralités et les dettes d'un indivisaire envers l'indivision ».
L’appauvrissement du donateur est constitué par les profits non justifiés par l’objet de la donation ou une convention conclue entre le défunt et un de ses successibles ou encore par un acte accompli en sa faveur par le défunt.
Cette solution vient en opposition avec la jurisprudence ancienne qui considérait que toutes les donations indirectes, tel que le simple fait de vivre dans la maison de famille soumise à succession, pouvaient être rapportées à la succession du donateur.
La jurisprudence ancienne excluait l’intention libérale requise par le code civil.
Dorénavant, en l'absence d'intention libérale établie, le bénéficiaire de l'avantage indirect que constitue l'occupation gratuite d'un immeuble appartenant au défunt, n'en doit pas forcément compte à ses cohéritiers.
Conformément à l’article 843 du code civil, les héritiers co-indivisaires qui souhaitent obtenir le rapport à la succession d'avantage indirect doivent obligatoirement prouver :
- soit l'existence d'une intention libérale du défunt, c'est à dire une intention de donner ;
- soit que le bénéficiaire de la donation ait bénéficié d’avantages indirects, résultant de la libéralité et entrainant un appauvrissement du défunt.
Par voie de conséquence, la mise à disposition non exclusive d’un immeuble au profit d’un héritier n’est pas nécessairement une libéralité s’il existe une contrepartie à cet hébergement, excluant ainsi toute intention libérale.
Déjà le 3 mars 2010, la cour de cassation a jugé que l’occupation gratuite d’un immeuble ayant appartenu au défunt pouvait être qualifié de frais de nourriture et d’entretien et, de fait, être exclue de tout rapport (Cass.Civ. I, 3 mars 2010, n°08-20.428).
Il s’avère en effet qu’il n’y a pas lieu à rapport si le bénéficiaire est soumis à des charges, l’avantage ne lui conférant aucun bénéfice.
Enfin, il est important de souligner que la preuve de l'intention libérale du défunt peut être rapportée par tous moyens. (Cass. Civ. I, 19 mars 2014, N°13-14139)
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Anthony Bem
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