Le 4 mars 2021, la Cour d’appel de Chambéry a jugé que, la demande indemnitaire de l’emprunteur ou de la caution à l’encontre d’une banque, pour manquement à son obligation de mise en garde peut être faite dans les 5 ans à compter de la date des premières difficultés de remboursement. (CA Chambéry, 2e ch., 4 mars 2021, n° 19/01343).
En l’espèce, un emprunteur a obtenu un prêt de la part de sa banque, le Crédit Agricole.
Postérieurement, la même banque lui a consenti un second crédit.
Une tierce personne s’est portée caution solidaire du bon remboursement de ces prêts par l’emprunteur.
Suite à plusieurs incidents dans le remboursement de ces prêts, la banque a prononcé la déchéance des concours puis a assigné en paiement l’emprunteur et la caution.
Le tribunal a condamné solidairement l’emprunteur et la caution au paiement de la dette.
Ces derniers ont fait appel en faisant valoir notamment que :
• ils possèdent respectivement la qualité d’emprunteur et de caution non-avertis,
• la banque a le devoir de mettre en garde l’emprunteur et la caution du risque d’endettement excessif en prenant en considération dans sa globalité la situation financière de celui qui s’engage,
• la banque ne démontre pas avoir rempli son devoir de mise en garde à leur égard, notamment au regard de leur endettement au jour de la souscription des engagements fondant l’action en paiement,
• l’engagement de caution était manifestement disproportionné au regard des patrimoines et revenus de la caution.
La Cour d’appel a rappelé à la banque l’une de ses obligations essentielles, à savoir que :
« le devoir de mise en garde consiste, pour un établissement de crédit, à alerter l’emprunteur ou la caution du risque d’endettement né de la souscription de l’engagement au regard de ses capacités financières. Il n’existe toutefois qu’envers une personne non-avertie, étant précisé qu’un emprunteur professionnel ne peut être, de facto, considéré comme un emprunteur averti. Il appartient à la banque de démontrer le caractère averti du contractant ou de justifier qu’elle a satisfait l’obligation qui lui incombe ».
S’agissant de la question de la prescription de l’action en responsabilité de la banque vis à vis de l’emprunteur ou de la caution pour défaut de mise en garde, la Cour d’appel a jugé que ce délai est de 5 ans.
Le point de départ du délai de prescription se compute à compter du jour de la réalisation du dommage où, à défaut, à la date à laquelle il s’est révélé à la victime.
Les juges d’appel ont relevé que l’emprunteur, ne possédait aucune qualification ni expérience professionnelle en matière comptable, bancaire ou financière.
Au surplus, compte tenu de son jeune âge et de son expérience personnelle, au jour de la conclusion des contrats de prêt, la Cour a considéré que l’emprunteur devait bénéficier de la protection attachée à l’emprunteur non-averti.
Par ailleurs, l’emprunteur a justifié avoir perçu, un revenu brut global de 0 euro pour l’année précédant ses emprunts bancaires et avoir un endettement supérieur à la somme de 400.000 euros, pour son habitation principale et la création de son activité.
Pour justifier de la bonne exécution de son obligation au titre des prêts la banque a produit une étude prévisionnelle.
Cependant, le prévisionnel comptable ne concernait qu’une partie des emprunts souscrits.
Par conséquent, les juges d’appel ont estimé que les prêts consentis par la banque s’inscrivent dans une opération d’ensemble de nature complexe.
En conséquence, l’emprunteur ne pouvait pas apprécier, au jour de l’octroi des concours, le risque d’endettement encouru.
C’est donc lors de l’exécution simultanée des différents contrats de prêt, compte tenu des échéances à rembourser et des revenus réels des installations et de son exploitation, que l’emprunteur a pu prendre réellement conscience du caractère excessif de son endettement.
Autrement dit, l’emprunteur n’a pu prendre connaissance de la réalisation du dommage qu’à compter de la date à laquelle celui-ci a été confronté aux premières difficultés de remboursement.
Il en résulte que la demande indemnitaire de l’emprunteur ou de la caution à l’encontre de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde doit être faite dans les 5 ans à compter de la date à laquelle il ou elle a été confronté aux premières difficultés de remboursement.
Au cas présent, la Cour d’appel a jugé que « compte tenu de l’ampleur des financements sollicités, au regard de la nature des documents fournis et du caractère insuffisant de leur contenu, il en résulte un dommage certain pour l’emprunteur ».
Ce préjudice a été compensé par la condamnation de la banque à lui verser la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts, ladite condamnation venant en compensation des sommes dues par ce dernier à l’établissement bancaire.
Grâce à cette décision, les emprunteurs ou cautions, pourront davantage engager la responsabilité de la banque pour défaut de mise en garde, compte tenu du décalage dans le temps du point de départ du délai de la prescription quinquennale de leur action en justice.
Dans le cadre de la mise en jeu de la responsabilité de la banque, les emprunteurs ou cautions, pourront obtenir du juge la condamnation de celle-ci à les indemniser des préjudices subis qui par compensation avec la somme due pourra anéantir ou limiter la dette.
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Anthony Bem
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