Pour mémoire, à l’aide de complices, Youssouf Fofana a kidnappé puis torturé mortellement le jeune Ilan Halimi dont ils pensaient, à tort, qu’il était issu d’une famille riche car juive.
Pour ce crime, Youssouf Fofana a été condamné à la prison à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans.
Il y a quelques semaines des vidéos de Youssouf Fofana ont été diffusées sur internet et notamment Youtube.
Avec ces vidéos, Youssouf Fofana diffuse et répand son venin sur internet.
Après le visionnage de ces vidéos, deux questions juridiques se posent :
- En quoi consiste la liberté d'expression et quelles sont ses limites ?
- Une personne perd-elle son droit d'expression en prison ?
Le droit protège la liberté d'expression comme un principe fondamental.
L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que :
« 1 Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. »
« 2 L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »
De plus, l’article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que :
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »
Enfin, l’article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
S'agissant des abus ou limites à la liberté d'expression, la loi les prévoit au travers des infractions telles que l'apologie de crimes contre l'humanité, la diffamation, l'injure, la provocation à la violence ou à la discrimination et le dénigrement.
Une personne peut donc s'exprimer librement mais dans les limites de ces infractions.
A cet égard, il convient de souligner qu'aucune règle juridique ne prévoit d'interdiction d'expression en prison.
S'agissant des vidéos de Youssouf Fofana appelant à la révolte depuis la prison où il a été assigné à résidence perpétuité, la loi pénale s'applique.
Les personnes qui peuvent être pénalement considérées comme responsables de ces infractions sont :
- l'auteur de la vidéo ;
- ses complices, tels les sites internet qui éditent ou hébergent les vidéos litigieuses.
En effet, les sites internet peuvent être poursuivis au titre la diffusion de contenus illicites, s’ils sont éditeurs du contenu en application de l'article 121-7 du Code pénal ou s’ils sont hébergeurs du contenu conformément à la Loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 (aussi dénommée la LCEN).
Cette loi avait notamment vocation à organiser un système de responsabilité concernant les sites Internet.
Si le site internet est à l'origine du contenu litigieux, il considéré comme éditeur au sens de la LCEN et donc responsable de plein droit.
Si le site n'est pas à l'origine du contenu litigieux, il est hébergeur au sens de la LCEN et voit sa responsabilité engagée à défaut d'avoir retirer le contenu après réception d'une mise en demeure de part de l'interessé.
Ainsi, les sites internet tels que YouTube ou DailyMotion peuvent être considérés comme responsables à partir du moment où une notification de retrait des vidéos illicites leur aura été adressée de la part d'une victime.
Avant le 14 novembre 2014, les principales infractions pénales de provocation d’atteintes aux personnes se listaient comme suit :
- provocation aux atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne réprimées par l'article 24, alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881.
- provocation aux actes de terrorisme réprimée par l’article 24, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881.
- provocation à la haine, à la violence ou aux discriminations, à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap réprimées par l'article 24, alinéas 8 et 9 de la loi du 29 juillet 1881.
- apologie des crimes d'atteintes volontaires à la vie, à l'intégrité de la personne et d'agressions sexuelles, des actes de terrorisme, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi réprimées par l'article 24, alinéas 5 et 6 de la loi du 29 juillet 1881.
Les provocations à la discrimination, la haine ou la violence étaient punies par l'alinéa 8 de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.
Depuis la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme le législateur a intégré un nouvel article au code pénal.
L'article 421-2-5 du code pénal dispose que :
« Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.
Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne.
Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.»
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Anthony Bem
Avocat à la Cour
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