1) Définition juridique du nom de domaine
Concrètement, un nom de domaine (ex : http://yahoo.com) est composé de trois parties :
- La première partie : le service («ftp» pour le transfert de fichiers, «http» pour le web, «news» pour les forums de discussion Usenet et le «mailto» pour le courrier électronique).
- La seconde partie qui désigne le nom de la personne, du service, de l’institution ou de la société concernée (Yahoo).
- La troisième partie qui désigne un pays (fr pour France, be pour Belgique, de pour Allemagne, etc …), un secteur (gouv ou gov pour Gouvernement, org pour les Organisations) ou un service (com pour les entreprise en principe, net pour les réseaux etc ...)
Les articles L45 et suivants du Code des postes et des communications électroniques disposent notamment que l'attribution et la gestion des noms de domaine rattachés à chaque domaine de premier niveau du système d'adressage par domaines de l'internet correspondant aux codes pays du territoire national ou d'une partie de celui-ci sont centralisées par un organisme unique dénommé " office d'enregistrement ".
Les noms de domaine sont attribués et gérés dans l'intérêt général selon des règles non discriminatoires et transparentes, garantissant le respect de la liberté de communication, de la liberté d'entreprendre et des droits de propriété intellectuelle.
Sous réserve des dispositions de l'article L. 45-2, le nom de domaine est attribué au demandeur éligible ayant le premier fait régulièrement parvenir sa demande.
Un nom de domaine attribué et en cours de validité ne peut faire l'objet d'une nouvelle demande d'enregistrement.
L'enregistrement des noms de domaine s'effectue sur la base des déclarations faites par le demandeur et sous sa responsabilité.
L'attribution des noms de domaine est assurée par les offices d'enregistrement, par l'intermédiaire des bureaux d'enregistrement.
En France, l’office d’enregistrement est l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après dénommée l’AFNIC) qui est une association à but non lucratif.
Elle gère, en France, le registre des noms de domaine pour les zones géographiques suivantes : « .fr » (France), « .re » (Ile de la Réunion), « .pm » (Saint-Pierre et Miquelon), « .tf » (Terres australes et antarctiques Françaises), « .wf » (Wallis et Futuna), « .yt » (Mayotte).
Ainsi, l'AFNIC est le premier opérateur en France des services de registre des noms de domaines sur internet.
Enfin, l'AFNIC a mis en place une procédure qui permet de contester rapidement et efficacement l'enregistrement d'un nom de domaine en « .fr » litigieux ainsi que de toutes les extensions précitées.
La protection première dont jouit le nom de domaine est technique compte tenu de son enregistrement dans une extension ou domaine qui lui offre l'exclusivité dans ce domaine.
Ainsi, le réservataire a un droit d'occupation sur le nom réservé et le nom de domaine est un signe distinctif à part entière.
La jurisprudence a d’ailleurs considéré que le nom de domaine est un objet de propriété incorporelle (CA Paris, 18 oct. 2000).
Le nom de domaine peut se définir comme la dénomination électronique d’un site internet d’une entreprise voir même parfois sa dénomination sociale ou son fonds de commerce électronique.
Le nom de domaine est devenu un élément du fonds de commerce au même titre que le nom commercial ou l'enseigne compte tenu de la possibilité offerte au titulaire du fonds de commerce de céder cette propriété incorporelle lors de la cession de ce bien (Charte de nommage de la zone fr. de l'Afnic)
2) Valeur et protection juridiques du nom de domaine
La loi n° 2011-302 du 22 mars 2011, portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, a instauré un nouvel article L45.2 au Code des postes et des communications électroniques qui dispose que :
« Dans le respect des principes rappelés à l'article L. 45-1, l'enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque le nom de domaine est :
1° Susceptible de porter atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs ou à des droits garantis par la Constitution ou par la loi ;
2° Susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi ;
3° Identique ou apparenté à celui de la République française, d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales ou d'une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi ».
Un décret en Conseil d'Etat devait fixer les règles d'attribution de chaque office d'enregistrement et définir les éléments permettant d'établir un usage de mauvaise foi et l'absence d'intérêt légitime.
Ainsi, le refus d'enregistrement ou de renouvellement ou la suppression du nom de domaine pourront intervenir, pour l'un des motifs prévus au présent article, après que l'office d'enregistrement a mis le demandeur en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de régulariser sa situation.
Le décret d'application n° 2011-926, relatif à la gestion des noms de domaines de premier niveau de l’internet correspondant aux codes pays du territoire national, a été publié 1er août 2011.
Il prévoit un nouvel article R. 20-44-43 au Code des postes et des communications électroniques qui dispose que :
« Peut notamment caractériser l'existence d'un intérêt légitime , pour l'application du 2° et du 3° de l'article L. 45-2, le fait, pour le demandeur ou le titulaire d'un nom de domaine :
- d'utiliser ce nom de domaine, ou un nom identique ou apparenté, dans le cadre d'une offre de biens ou de services, ou de pouvoir démontrer qu'il s'y est préparé ;
- d'être connu sous un nom identique ou apparenté à ce nom de domaine, même en l'absence de droits reconnus sur ce nom ;
- de faire un usage non commercial du nom de domaine ou d'un nom apparenté sans intention de tromper le consommateur ou de nuire à la réputation d'un nom sur lequel est reconnu ou établi un droit.
Peut notamment caractériser la mauvaise foi , pour l'application des 2° et 3° de l'article L. 45-2, le fait, pour le demandeur ou le titulaire d'un nom de domaine :
- d'avoir obtenu ou demandé l'enregistrement de ce nom principalement en vue de le vendre, de le louer ou de le transférer de quelque manière que ce soit à un organisme public, à une collectivité locale ou au titulaire d'un nom identique ou apparenté sur lequel un droit est reconnu et non pour l'exploiter effectivement ;
- d'avoir obtenu ou demandé l'enregistrement d'un nom de domaine principalement dans le but de nuire à la réputation du titulaire d'un intérêt légitime ou d'un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou à celle d'un produit ou service assimilé à ce nom dans l'esprit du consommateur ;
- d'avoir obtenu ou demandé l'enregistrement d'un nom de domaine principalement dans le but de profiter de la renommée du titulaire d'un intérêt légitime ou d'un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou de celle d'un produit ou service assimilé à ce nom, en créant une confusion dans l'esprit du consommateur ».
Les noms de domaines peuvent donner lieu à des conflits juridiques, chaque partie revendiquant la propriété intellectuelle du nom litigieux.
Le nom de domaine est un signe distinctif dont le régime juridique est celui du nom commercial ou de l’enseigne à condition d’en réunir les caractères.
Le 25 mai 2005, la Cour d’appel de Paris a assimilé le régime juridique du nom de domaine à celui du nom commercial ou de l'enseigne en jugeant que « seul est protégeable un nom de domaine distinctif » (CA Paris, 14e ch. A, 25 mai 2005, SA OGF c/ SA Pompes funèbres de la ville de Paris)
Le cas échéant, le nom de domaine est protégé par l’action en concurrence déloyale.
Dans le cadre de l’arrêt précité, tout en reconnaissant « sa valeur commerciale pour l'entreprise », la Cour d’appel de Paris a eu l’occasion de poser les conditions pour que le nom de domaine puisse bénéficier d’une protection contre les atteintes dont il fait l'objet, à savoir la preuve :
- de l'antériorité de son usage par rapport au signe contesté ;
- du risque de confusion que la diffusion de celui-ci peut entraîner.
La Cour de cassation a posé clairement le principe de l’illicéité du choix d’un nom de domaine attentatoire aux droits d’autrui sur son enseigne et son nom commercial :
« Mais attendu d'une part, qu'ayant constaté que le nom de domaine utilisé par la société BVI est un vocable imitant l'enseigne et le nom commercial de la société Le Helley et que le peu de différences existant entre les deux dénominations engendre la confusion dans l'esprit d'un client d'attention moyenne, la cour d'appel, qui a retenu que l'utilisation d'un nom commercial dans un nom de domaine, qui porte atteinte à la fonction d'identification ou de publicité du nom commercial antérieurement utilisé par un concurrent exerçant dans un même secteur d'activité et sur une même zone géographique, constitue un acte de concurrence déloyale » (Cass. com., 7 juillet 2004).
Cependant, s'agissant de sites de même nature, le titulaire du nom premier "cmoinscher.fr" ne pouvait rien contre l'exploitant d'un site second : "cmoincher.fr" en raison de la banalité des termes choisis qui exclue la protection (Ordonnance de référé du Tribunal de commerce Lyon, 16 juin 2004).
Par ailleurs, l’action en contrefaçon de marque permet le cas échéant de faire constater l'infraction, faire cesser le trouble et d'obtenir réparation du préjudice subi du fait l'atteinte à la marque et de l'indisponibilité du nom de domaine.
Notamment suite à l’avènement de nouvelles extensions, la protection des actifs immatériels des entreprises que sont les marques et les noms de domaines suppose la mise en place d’une véritable stratégie.
Enfin, il est fréquent que des personnes enregistrent un nom de domaine sur lequel elles n'ont pas de droit ou refusent de le transférer à son ayant droit. Ce comportement caractérise le cybersquatting contre lequel il existe des recours et des moyens d’action dits amiables.
Il existe des procédures de résolution amiables, rapides et efficaces, dont l'une est fixée dans les principes UDRP.
Le règlement intérieur de l'AFNIC approuvé par un arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, du 21 octobre 2011, publié au journal officiel le 3 novembre 2011, définit le système de résolution de litiges (JORF n°0255 du 3 novembre 2011, page 18517, texte n° 40, NOR: INDI1125644A).
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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