Le 27 octobre 2016, le cabinet Bem a obtenu, au profit d'un de ses clients, une nouvelle condamnation de la banque CIC par la Cour d'appel de Versailles pour cautionnement disproportionné d'un associé gérant de société.
Pour mémoire, le non-respect du principe de proportionnalité du cautionnement par la banque est une des causes de nullité de l'engagement de la caution.
En effet, selon le code de la consommation, la banque ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée en garantie, ne lui permette de faire face à son obligation.
Le code de la consommation précité bénéficie à toute caution personne physique et donc aussi bien aux gérants qu'aux dirigeants de société et aux cautions non dirigeantes (époux, épouses, concubins, concubines, amis, parents, etc ...).
Ces derniers sont donc notamment protégés par le principe de proportionnalité du cautionnement pour leur permettre de se libérer de leur garantie de remboursement envers la banque.
Cependant, aucun texte ne fixait de seuil, limite ou de taux de disproportion.
Il a fallu attendre, le 4 décembre 2013, pour que, pour la première fois en jurisprudence, dans une affaire jugée au profit d'un autre client du Cabinet Bem, le Tribunal de commerce de Versailles fixe le taux de disproportion des cautionnements bancaires.
Dans sa haute bienveillance, le juge a fixé le 4 décembre 2013, deux seuils de disproportion du cautionnement :
- un pourcentage à ne pas dépasser de 33% ;
- un taux de 4 fois maximum les revenus.
Au-delà de l'un de ces deux seuils, le cautionnement est disproportionné et donc la caution peut obtenir l'annulation de son engagement pour ne plus rien avoir à payer à la banque.
Dans son combat en faveur des cautions dirigeantes, le 27 octobre 2016, le cabinet Bem a obtenu de la Cour d'appel de Versailles qu'elle consacre expressément le taux de disproportion de 33% et le seuil de 4 fois les revenus fixé dans une autre affaire par le Tribunal de commerce de Versailles, le 4 décembre 2013.
En effet, la Cour d'appel de Versailles a jugé que :
« le seuil de disproportion peut être évalué à 33% ; que son engagement s’élève à 4,57 fois le montant des revenus annuels de Mme X et représente une charge mensuelle de remboursement de 76,13% de ses revenus ».
La cour d'appel de Paris avait déjà admis implicitement le calcul et la limite de disproportion développées par le Cabinet Bem, le 22 septembre 2015, mais la Cour d'appel de Versailles a posé explicitement les taux de disproportion des cautionnements, le 27 octobre 2016, de sorte qu'ils sont devenus juridiquement incontestables.
Cette décision est intéressante à plusieurs égards pour les cautions en général car :
- Elle érige sous forme de principe que le banquier qui sollicite un cautionnement doit respecter une obligation particulière de se renseigner sur la situation financière de la caution, et ce concomitamment à la souscription de son engagement de caution auprès de la banque ;
- Le banquier doit tenir compte de l'emploi et de l’épargne dont disposait la caution en cas d'apport en numéraire réalisé par cette dernière lors de son entrée en société. Concrètement, la banque doit se renseigner sur le sort de l'épargne dont dispose la caution pour le financement de l'acquisition de parts sociales ou l'achat du fonds de commerce avant de solliciter une garantie bancaire auprès de la caution.
- « Les dépenses courantes » et les charges courantes de la caution telles que le loyer sont prises en compte dans le calcul de la disproportion du cautionnement.
Au cas d'espèce, il convient d'indiquer que la Cour d'appel de Versailles a été saisie par la Banque d'un recours contre le jugement rendu le 11 juillet 2014 par le tribunal de commerce de Nanterre qui avait déjà donné gain de cause à la caution.
Seul, au terme d'un audit financier, les cautionnements sont susceptibles d'être jugé comme disproportionnés au jour de leur conclusion, même en présence de patrimoine.
Les juges ont ainsi déchu la banque du droit de se prévaloir de ses deux cautionnements.
Ainsi, il ressort notamment des dernières décisions de justice obtenues par le Cabinet Bem, que les cautions peuvent utilement invoquer de plus en plus d'arguments pour se défendre contre les banques en cas d'action initiée par ces dernières aux fins de recouvrement de leur créance.
La caution peut ainsi échapper dans un nombre de cas important à sa condamnation au paiement de son cautionnement solidaire.
Le litige sur la question de la disproportion du cautionnement porte en pratique sur l'analyse de la situation de revenus et de patrimoine à prendre en considération à l'époque de la souscription des cautionnements et à l'époque où ces engagements sont appelés.
L'analyse de la disproportion d'un cautionnement suppose l'étude de la situation financière et patrimoniale de la caution au jour de la conclusion de son engagement, qui résulte d'un savoir-faire pragmatique au cas par cas, plus que de règles théoriques qui seraient susceptibles d'être apprises dans des livres de droit.
La disproportion est un calcul de l'endettement de la caution dont les composantes au passif et à l'actif patrimonial doivent conduire à un résultat de plus de 33% d'endettement ou de 4 fois les revenus.
Les composantes de l'équation sont différentes selon les cas, selon les documents dont disposent les banques, dossier par dossier, car les agences elles-mêmes varient dans leur processus d'octroi de crédits et de prise de garanties auprès des cautions et de leurs cofidéjusseurs (cautions solidaires, co-cautions).
Par ailleurs, l'origine de la faute commise par l'établissement financier est toujours la même : il ne se renseigne pas correctement ou pas du tout sur la situation patrimoniale et financière réelle de la caution, au jour de son engagement.
Même si la vérification des informations n'est pas imposée aux banques, ces dernières se doivent, a minima, de faire remplir des formulaires de renseignement précis et détaillés sur les revenus, le patrimoine et l'état d'endettement de la caution.
La faute commise par la banque cause nécessairement un préjudice à la caution qui est poursuivie en paiement au titre de ce cautionnement.
Enfin, il convient de garder en mémoire qu'en cas de cautionnement manifestement disproportionné aux revenus et biens des cautions, la banque doit rapporter la preuve que le patrimoine de la caution permet à celle-ci de faire face à son obligation au jour où elle est appelée.
Or, en pratique, les banques ne rapportent que très rarement la preuve que le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au jour où elle est appelée, se contentant de produire éventuellement des documents insuffisants pour établir la valeur des biens de la caution.
Cette décision illustre à nouveau que la caution dispose de moyens de défense pour échapper à son obligation de garantie en cas d'action en paiement de la part de la banque.
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Anthony Bem
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