Pour mémoire, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a validé la surveillance par le biais d’un système de localisation en considérant qu’il s’agissait d’une ingérence justifiée (CEDH, 2 sept. 2010, n° 35623/05, Uzun c/ Allemagne).
Dans la droite lignée de cette décision, le 22 novembre 2011, la Cour de cassation avait considéré que la géolocalisation était un moyen de preuve pénale licite malgré l’absence de tout cadre légal dédié à cette nouvelle technologie (Cass. Crim. 22 nov. 2011).
La cour de cassation vient de revenir sur sa position.
En l’espèce, dans le cadre d’une enquête relative à un trafic de stupéfiants, le procureur de la République a autorisé des officiers de police judiciaire a obtenir des opérateurs de téléphonie mobile une localisation géographique en temps réel, qualifiée de “ suivi dynamique “ et dite de “ géolocalisation “ concernant le téléphone portable d’une personne mise en cause.
L’intéressé, mis en examen, a déposé une demande d’annulation de pièces de la procédure devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, compétente en cas de recours contre des actes de procédure tels que des réquisitions judiciaires.
Cependant, la chambre de l’instruction a rejeté la requête portant notamment sur les réquisitions judiciaires aux fins de géolocalisation et suivi dynamique en temps réel de lignes téléphoniques.
Pour mémoire, il n’existe pas de texte spécifique de procédure pénale concernant la possibilité de requérir des opérateurs de téléphonie afin de localiser en temps réel un téléphone mobile.
Parallèlement, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que :
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
Ainsi, toute ingérence dans la vie privée et familiale doit être prévue par une loi suffisamment claire et précise pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à des mesures de géolocalisation.
En effet, la géolocalisation et le suivi dynamique en temps réel d’une ligne téléphonique à l’insu de son utilisateur constitue une ingérence dans la vie privée et familiale qui n’est compatible avec les exigences de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’à la condition d’être prévue par une loi suffisamment claire et précise.
Or, le code de procédure pénale ne prévoit ni les circonstances, ni les conditions dans lesquelles un tel dispositif peut être mis en place, constituerait une base légale suffisante à cette ingérence.
Dans ce contexte, la cour de cassation a jugé que :
« la technique dite de “ géolocalisation “ constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge ».
Cette décision permet donc d’annuler toutes les mesures de géolocalisation.
Au travers de cet arrêt, la Haute Cour impose implicitement au législateur qu’il intervienne rapidement afin d’organiser et conditionner procéduralement la mise en place d’un tel dispositif attentatoire au droit au respect de la vie privée des personnes pour permettre à la justice de pouvoir valablement utiliser les outils de géolocalisation.
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Anthony Bem
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