Le 10 juin 2015, la Cour de cassation a fixé l'étendue des pouvoirs de l’administrateur provisoire désigné aux fins d'administration d'une indivision successorale (Cour de cassation, premièrechambre civile, 10 juin 2015, N° de pourvoi: 14-18944 et 14-25420).
En l'espèce , Monsieur X est décédé en laissant pour lui succéder son épouse et ses six enfants.
Son héritage est composé de la quasi-totalité du capital d'une société valorisée par quelques dizaines de millions d'euros.
En raison d'un différend intervenu entre les héritiers sur le règlement de la succession, une procédure judiciaire a été initiée, sur le fondement de l'article 815 du Code civil, qui permet à chacun des héritiers de solliciter le partage judiciaire de leur héritage à défaut d'accord amiable possible.
C'est ainsi qu'un jugement a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession et désigné un administrateur provisoire de la succession.
Les décisions qui ouvrent les opérations de liquidation de partage de successions peuvent aussi désigner un administrateur provisoire de la succession.
L'administrateur provisoire d'une succession est une personne désignée par le juge avec notamment pour mission de :
- gérer et administrer tant activement que passivement l'indivision,
- représenter tant en demande qu'en défense la succession dans toutes les instances dont l'objet entre dans la limite de ses pouvoirs d'administrateur.
Suite à une demande de l'administrateur provisoire, le juge l'a autorisé à passer un acte de vente d'actifs de la succession pour lequel l'accord de tous les co-indivisaires était en principe requis.
C'est ainsi que, par une autre décision rendue en référé, le juge a autorisé l'administrateur provisoire à :
- rechercher des acquéreurs pour les actifs successoraux ;
- céder à une autre société les actions héritées et dépendant de l'indivision successorale ;
- vendre un immeuble en SCI.
En effet, en vertu de l'article 815-6 du code civil, le président du tribunal de grande instance a les pouvoirs d'autoriser un administrateur provisoire à accomplir un acte de disposition pourvu qu'une telle mesure soit justifiée par l'urgence et l'intérêt commun.
La cour de cassation a confirmé que le juge peut parfaitement ordonné toutes « mesures urgentes affectant les biens indivis, incluant en tant que de besoin un acte de disposition, que le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser, par décision spéciale, si l'intérêt commun des indivisaires le requiert ».
Les actes de disposition sont ceux qui engagent le patrimoine d'une personne, pour le présent ou l'avenir, tels les contrats de vente, de prêt, les donations, etc …
De plus, il était légitime de se poser la question de savoir si, comme dans cette affaire, l'exclusion de la possibilité de faire des actes de disposition sur les biens successoraux permet quand même à l'administrateur provisoire de pouvoir en faire ?
En effet, on pouvait croire que la décision de justice qui fixe la mission de l'administrateur provisoire fixe aussi le cadre de ses prérogatives.
La Haute Cour a considéré que même l'exclusion des actes de disposition dans la mission conférée judiciairement à l'administrateur provisoire ne visait pas à exclure les pouvoirs que la loi lui attribue.
A cet égard, selon la cour de cassation :
« l'exclusion des actes de disposition dans la mission conférée judiciairement à Mme Y... ne visait pas les mesures urgentes affectant les biens indivis, incluant en tant que de besoin un acte de disposition ».
L'administrateur a alors qualité pour agir en justice et se voir attribuer en référé un pouvoir de vente, sans limite, sous réserve que l'action soit justifiée par l'urgence et l'intérêt commun de l'indivision.
La situation d'urgence pour l'intérêt commun des indivisaires peut par exemple se justifier par la nécessité de céder des biens sous peine d'une dépréciation ultérieure du patrimoine commun et de la présence d'un acheteur.
Ceci constitue une dérogation à la règle de l'unanimité des indivisaires pour les actes de disposition.
L'administrateur peut donc agir en justice à l'effet de dépouiller les co-indivisaires, mais uniquement de leur droits.
L'intérêt de cette décision est ainsi de rappeler que les juges et les administrateurs provisoires ont la faculté de mettre à l'écart les règles normales de l'indivision et de passer outre des situations de blocage par des héritiers co-indivisaires.
Enfin, il convient de souligner qu'il revient au juge d'apprécier au cas par cas la valeur des biens dont l'autorisation de vente est demander par l'administrateur.
En cas de biens immobiliers, il est facile de produire des expertises immobilières.
S'agissant des parts sociales, seuls des audits financiers et comptables de la société permettent de valoriser le montant des parts.
En présence de contestations sur les valorisations des biens provenant d'un héritage, il appartient aux co-indivisaires de justifier, le cas échéant, auprès du juge, par tous moyens, une valorisation supérieure.
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Anthony Bem
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