Les prérogatives et les obligations des techniciens et experts judiciaires

Publié le 17/06/2012 Vu 38 384 fois 0
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Le code de procédure civile confère aux technicien et expert judiciaires un certain nombre de prérogatives et d’obligations légales afin qu'ils mènent à bien leurs missions de constation et d'expertise judiciaires.

Le code de procédure civile confère aux technicien et expert judiciaires un certain nombre de prérogatives

Les prérogatives et les obligations des techniciens et experts judiciaires

Nous envisagerons ci-après, les prérogatives de l’expert judiciaire durant l’accomplissement de ses mesures d’instruction (I) et ses obligations (II).

I - Les prérogatives de l’expert judiciaire durant l’accomplissement de ses mesures d’instruction

1.1 - Le droit de consultation d'autres techniciens

L'article 278 du Code de procédure civile prévoit que :

L'expert peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne.

Il en a parfois même le devoir, notamment lorsque la mesure nécessite des compétences autres que les siennes.

L'expert peut toutefois se faire assister dans l'accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité.

1.2 - La soumission des éléments obtenus à discussion

Le technicien « doit faire connaître dans son avis toutes les informations qui apportent un éclaircissement sur les questions à examiner ».

Ainsi, le technicien peut demander communication de tous documents aux parties.

Dès qu'apparaissent des difficultés entre parties et expert pour récupérer des pièces, il incombe au juge du contrôle d'intervenir.

Si une partie ou un tiers à la procédure détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire sous astreinte.

Le technicien ne peut pas se substituer à une partie négligente pour rechercher, en ses lieu et place, des documents non indiqués, ni inventoriés par elle.

Les seules limites à la communication de document ou d’information dans le cadre des procédures d’expertise judiciaire de la part des tiers sont les causes d’empêchements légitimes tels :

- le secret bancaire (Cass. soc., 27 janvier 1999, n° 96-44460) ;

- le secret médical sous certaines conditions (Cass. 1re civ., 7 décembre 2004, n° 02-12539) ;

- le respect de la vie privée (Cass. 2e civ., 29 mars 1989, n° 88-10336).

- le secret des représentants d'une autorité religieuse ;

- le secret professionnel de l'avocat ;

- le secret des affaires.

En tout état de cause, le juge tirera toutes les conséquences du refus de communication dans le cadre des opérations d’expertise telles que le prévoit l'article 275, alinéa 3, du Code procédure civile.

1.3 - Le droit de visite sur les lieux

Pour les besoins de sa mission, le technicien est autorisé à pénétrer dans les lieux privés où se déroulent les faits à constater ou se trouvent les objets à expertiser.

 

II - Les obligations de l’expert judiciaire durant l’accomplissement de ses mesures d’instruction

2.1 - Les oligations de conscience, objectivité et impartialité

Le technicien doit respecter une éthique judiciaire dont les devoirs sont énumérés aux articles 232 et suivants du Code de procédure civile.

Le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.

De plus, le constatant ne doit porter aucun avis de droit ou de fait pouvant résulter des constatations que le juge lui a chargé de réaliser.

2.2 - L'exercice personnel de la mesure

L'article 233, alinéa 1er, du Code de procédure civile prévoit que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée.

Ainsi, les « actes effectués en méconnaissance de l'obligation lui incombant d'accomplir personnellement sa mission ne peuvent valoir opérations d'expertise » (Cass. Civ. III, 26 novembre 2008, n° 07-20.071) et son frappés de nullité.

2.3 - Le respect du cadre de la mission attribuée par le juge

Le technicien doit respecter le cadre de la mission fixée par le juge, de sorte qu’il il ne peut pas donner son avis sur les points pour l'examen desquels il n’a pas été commis et ne peut en principe répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties, bien qu’aucune disposition ne sanctionne, l'inobservation des obligations imposées par l'article 238 du code de procédure civile.

Cependant, les juges sont en droit de s'approprier l'avis de l'expert, même si celui-ci a exprimé une opinion excédant les limites de sa mission (Cass. Civ. III, 5 mars 2003, n° 00-21931).

2.4 - L'obligation de célérité dans l'exécution des mesures d'instruction

L'article 239 du code de procédure civile dispose que :

Le technicien doit respecter les délais qui lui sont impartis.

En cas de manquement à cette obligation, les parties peuvent obtenir :

- le remplacement du technicien (article 235, al. 2 du code de procédure civile, ) ;

- la réduction totale ou partielle de la rémunération (article 255 du code de procédure civile pour les constatations;  article 262 du code de procédure civile pour les consultations ; article 284 du code de procédure civile pour les expertises) ;

- la radiation de l’expert de la liste des experts judiciaires ;

- la condamnation du technicien pour faute, en application des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- l’annulation du rapport d'expertise si l'irrégularité est de nature à nuire aux droits de la défense, ce qui n'est pas le cas du dépôt tardif d'un rapport (Cass. Crim., 24 avril 2007, n° 06-87496).

2.5 - Répondre aux observations des parties

Les parties peuvent proposer ou demander par écrit à l'expert des investigations supplémentaires, au travers de "dires".

L'expert doit les prendre en compte, indiquer la suite qui leu a été donnée et les annexer à son rapport lorsqu'ils les parties le lui demandent.

2.6 - L'nterdiction de porter des appréciations juridiques

Le technicien ne doit jamais porter d'appréciation d'ordre juridique (CPC, art. 238, al. 3).

Ainsi, le juge ne peut pas demander à un expert de rechercher les responsabilités encourues (CA Paris, 14e ch., sect. A, 13 mars 2002, n° 2001/19068) ni de fixer les responsabilités encourues (Cass. Civ. II, 19 décembre 1973, n° 72-13103).

Cependant, il est de jurisprudence constante que les juges sont en droit de s'approprier l'avis de l'expert, même si celui-ci a exprimé une opinion d'ordre juridique excédant les limites de sa mission » (Cass. Civ. III, 9 févr. 2010, n° 06-18.415).

2.7 - Le respect du principe du contradictoire

le principe du contradictoire est posé aux articles 14 et suivants du code de procédure civile :

 - article 15 du Code de procédure civile « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ».

- article 15 du Code de procédure civile « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ».

- article 16 du Code de procédure civile « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».

L'article 160 du code procédure civile exige que le technicien doit avoir dûment convoquées les parties afin de procéder aux opérations de constatations, consultations et expertises.

Concrètement, le technicien s'assure de convoquer les parties à toutes les réunions, communique les pièces et documents qu'il utilise, fasse connaître les déclarations recueillies auprès des sachants, soumette les résultats des investigations techniques auxquelles il est procédé hors leur présence éventuelle, communique les éléments qui lui sont transmis à l'ensemble des parties, etc…

En application des articles 175 du code de procédure civile et suivants, la sanction des manquements au principe de la contradiction sera la nullité des opérations.

2.8 - Le respect du secret professionnel

L'article 244, alinéa 2, du code de procédure civile dispose qu'il est interdit au technicien « de révéler les autres informations dont il pourrait avoir connaissance à l'occasion de l'exécution de sa mission ».

L'article 247 du code de procédure civile précise que :

« L'avis du technicien dont la divulgation porterait atteinte à l'intimité de la vie privée ou à tout autre intérêt légitime ne peut être utilisé en dehors de l'instance si ce n'est sur autorisation du juge ou avec le consentement de la partie intéressée.

La violation du secret professionnel par le technicien constitue une infraction pénale incriminée par l'article 226-13 du code pénal, peut entraîner son remplacement et s'accompagner de sanctions disciplinaires.

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