Le Code de la propriété intellectuelle pose des règles afin de déterminer la qualité d’auteur d’œuvre de l’esprit :
L'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :
« La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».
En outre, l'article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« L’oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.
Cette personne est investie des droits de l’auteur. »
(« les différentes hypothèses de titularité du droit d'auteur sur les œuvres de l’esprit »)
La jurisprudence a eu l'occasion de trancher les cas de conflits de divulgation d'une œuvre de l'esprit en jugeant que la présomption posée par l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle est une présomption dite « réfragable » ou « simple » permettant au demandeur en justice, supposé titulaire des droits, de la renverser par tous moyens (Cass. Civ. I, 24 novembre 1993, N° de pourvoi: 91-18881 et Cass. Com., 15 janvier 2008, N° de pourvoi: 06-19721).
Par ailleurs, s’agissant des œuvres collectives, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé le 15 novembre 2010 que :
« Attendu qu'en l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation de l'œuvre par une personne physique ou morale sous son nom fait présumer, à l'égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'œuvre du droit de propriété incorporelle d'auteur » (Cass. Civ. I, 15 novembre 2010, N° de pourvoi: 09-66160).
Ainsi, la seule exploitation d’une œuvre permet à une personne physique ou morale de bénéficier d’une présomption de droit d’auteur sur cette œuvre.
Les faits de l'espèce à l'origine de la décision du 6 janvier 2011 précitée se reproduisent relativement fréquemment.
La société Anitsa revendiquait la titularité des droits d'auteur sur deux modèles de jupes qu'elle commercialisait sous son nom et prétendait que ces modèles avaient été créés par sa styliste et fabriqués, sur les instructions de celle-ci, en Chine, par la société Jiangsu Soho international.
Ainsi, la société Anitsa a assigné la société Fashion B. Air, en contrefaçon et en concurrence déloyale, lui reprochant d'avoir mis sur le marché des modèles reproduisant les caractéristiques des siens.
La cour d'appel de Paris a déclaré la société Anitsa et son styliste irrecevables à agir en contrefaçon et a rejeté leurs demandes.
La Cour de cassation n’a donc pas fait droit aux arguments invoqués et a rejeté le pourvoi en considérant que :
« la présomption de la titularité des droits d'exploitation dont peut se prévaloir à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon la personne qui commercialise sous son nom un objet protégé par le droit d'auteur, suppose, pour être utilement invoquée, que soit rapportée la preuve d’actes d’exploitation ; qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que les modèles en cause ont été acquis, auprès du même fabricant chinois et à la même époque, par les deux sociétés françaises qui les ont commercialisés concomitamment sur le marché français, sans qu’il soit justifié par l’une d’entre elles d’instructions précises adressées à la société chinoise pour leur fabrication ».
Au cas concret, l’attestation et l'intervention du styliste de la société Anitsa n’ont pas été suffisantes pour établir la création des jupes litigieuses et la titularité des droits d'exploitation sur ces œuvres.
Le principe posé par la Cour de cassation est explicite : la titularité des droits d'exploitation d’un produit suppose la production de preuves d’actes d’exploitation, c'est-à-dire concrètement la preuve par tous moyens de l’existence d’instructions précises adressées au fabricant afin de permettre la réalisation du produit.
En tout état de cause, à la lumière de cette jurisprudence et afin d’éviter tout contentieux périlleux, il apparait nécessaire pour les créateurs, inventeurs et auteurs de se préconstituer la preuve de la création de tous les produits commercialisés que ce soit par voie d’actes de cession de droits d’auteur ou de documents établissant les instructions données à leur fabricant.
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Anthony Bem
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