Traditionnellement, la jurisprudence distingue deux catégories de primes qui peuvent être versées par un employeur à ses salariés.
D’une part, il y a la prime élément du salaire qui est soumise au régime juridique du salaire et dont le paiement est obligatoire pour l'employeur lorsqu'elle est due en vertu du contrat de travail.
Le versement d’une telle prime ne peut pas présenter un caractère discrétionnaire, au risque de voir son montant révisé par le juge.
D’autre part, il y a la prime discrétionnaire qui est laissée à la libre appréciation de l'employeur.
Le paiement d’une prime discrétionnaire est aléatoire dans la mesure où elle ne peut être considérée comme résultant d'une quelconque obligation de l'employeur envers son employé.
Toutefois, si une prime est laissée à la libre appréciation de l’employeur, celle-ci ne saurait déroger aux règles d’ordre public telles que le principe d’égalité de traitement.
En effet, pour mémoire, aux termes de l’article L.3221-2 du code du travail :
« Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. »
C’est ainsi que dans un premier arrêt du 27 mars 2007, la Cour de cassation a jugé que « si l'employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé et que les règles déterminant l'octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ». (Cass. Soc., 27 mars 2007, no 05-42587).
Dans le même sens, dans un arrêt du 30 avril 2009, la Cour de cassation a rajouté que « l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente, une différence de rémunération » (Cass. Soc., 30 avril 2009, no 07-40527).
Ainsi, le seul fait qu'une prime soit laissée à l’appréciation discrétionnaire de l'employeur n'est pas de nature, en soi, à justifier une différence de traitement entre salariés occupant des fonctions identiques.
Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 10 octobre 2012.
En l’espèce, un salarié a été engagé en vertu d’un contrat prévoyant une rémunération brute de base à laquelle s'ajoutait un bonus discrétionnaire.
Ayant sollicité vainement de connaître les modalités de calcul du bonus qui lui a été attribué, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Il a alors saisi la juridiction prud'homale pour qu'il soit jugé que les modalités de calcul du bonus discrétionnaire fixées par son employeur étaient illicites et que la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant, la cour d’appel a rejeté la demande du salarié en constatant que ce dernier n'occupait pas des fonctions de valeur égale à celles occupées par les salariés auxquels il se comparait.
Cette décision est confirmée par la Cour de cassation qui a d’abord estimé que « le contrat de travail pouvait prévoir, en plus de la rémunération fixe, l'attribution d'une prime laissée à la libre appréciation de l'employeur ».
Ensuite, la Cour de cassation a précisé que « le caractère discrétionnaire d'une rémunération ne permettait pas à un employeur de traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable au regard de l'avantage considéré ».
En d’autres termes, le bonus discrétionnaire n’étant pas en soi illicite, un salarié ne peut pas valablement reprocher à son employeur de ne pas lui justifier son mode de calcul.
Néanmoins, la liberté laissée à l’employeur de déterminer le montant du bonus trouve sa limite dans l’obligation qui est faite à ce dernier d’accorder le même avantage à tous les salariés placés dans une situation comparable.
Cette décision permet donc de lutter contre les discriminations en ce qu’elle interdit aux employeurs de se réfugier derrière leur pouvoir discrétionnaire pour traiter différemment des salariés accomplissant un travail identique ou au moins de valeur égale au sein de l'entreprise.
Ainsi, au regard du principe d’égalité de traitement, il semblerait que la pratique des bonus discrétionnaires soit de nature à multiplier les contestations judiciaires et les risques de condamnation.
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Anthony Bem
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