Le Premier ministre et le ministre de la justice et des libertés ont déposé, le 11 avril 2012, à l’assemblée nationale un projet de loi « renforçant la prévention et la répression du terrorisme ».
Ce projet de loi est particulièrement important en matière de droit pénal et de lutte contre les actes ou les comportements terroristes.
Récemment, le chef du «gang des barbares», qui a enlevé puis torturé à mort le jeune Ilan Halimi, a diffusé sur internet des vidéos depuis sa cellule de prison dont les termes tombent notamment sous le coup des infractions pénales de provocation à la haine raciale ; provocation à l’atteinte à l'intégrité physique et apologie d'actes de terrorisme.
Le 10 mars 2012, un article de votre serviteur y avait été consacré avec pour titre : La liberté d'expression et ses limites : le cas des vidéos de Youssouf Fofana sur Youtube
Le 23 mars 2012, le site internet du magazine l’Express titrait « Comment Al-Qaïda récupère l'affaire Merah sur Internet ».
Le terrorisme prend place sur la toile ... et le gouvernement s’en mêle.
En effet, ce projet de loi reconnait l’existence de « plusieurs lacunes et imperfections de notre législation, qu’il importe de réparer aussi rapidement que possible, afin de mieux prévenir et de mieux réprimer de tels actes … ».
Pour mémoire, l’article 421-1 du code pénal définit la notion d’acte de terrorisme par la réunion des deux éléments suivants :
- l’existence d’un crime ou d’un délit de droit commun incriminé par le code pénal. Les délits sont énumérés par une liste limitative établie par le législateur à l’article 421-1 du code pénal.
- la relation de ces crimes ou délits de droit commun limitativement énumérés avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, qui caractérise la circonstance de terrorisme.
Le projet de loi créera un nouveau délit de consultation habituelle de sites internet provoquant aux actes de terrorisme ou faisant l’apologie de ces actes lorsque ces sites comportent des images montrant la commission d’actes de terrorisme consistant en des atteintes volontaires à la vie
Le nouvel article 421-2-6 du code pénal disposerait que :
« Est puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende le fait de consulter de façon habituelle un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, soit provoquant directement à des actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ces messages comportent des images montrant la commission d'actes de terrorisme consistant en des atteintes volontaires à la vie.
Le présent article n'est pas applicable lorsque la consultation résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice. »
Ainsi, ce nouveau délit ne pourra pas entraver le travail des journalistes ou des chercheurs universitaires.
Cette répression est directement inspirée du délit de consultation habituelle de sites pédopornographiques prévu par le cinquième alinéa de l’article 227-23 du code pénal.
Cet article punit tout d’abord le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique, ainsi que le fait d'offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l'importer ou de l'exporter, de la faire importer ou de la faire exporter.
Il punit également le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit.
Les peines encourues sont deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.
Il est donc proposé, dans la même logique, de réprimer de la même peine le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages provoquant directement à des actes de terrorisme ou faisant l’apologie de ces actes au moyen notamment d’images montrant la commission d’infractions d’atteinte volontaire à la vie.
Dès lors que l'internaute ne peut ignorer que le site auquel il se connecte habituellement est illégal car provoquant directement au terrorisme, il est logique de pénaliser ce comportement, et cette pénalisation ne constitue nullement une restriction excessive à la liberté de communication.
Si les messages provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie comportent des images montrant la commission d’assassinats terroristes – comme par exemple des décapitations – il s’agira du délit de recel.
Il faut par ailleurs rappeler à nouveau la décision du Conseil constitutionnel du 10 mars 2011 sur la LOPSSI II, dans laquelle le Conseil valide le dispositif de blocage administratif des sites pédopornographiques (article 4) en considérant que ces dispositions assurent une conciliation qui n'est pas disproportionnée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et la liberté de communication.
Certes, il s'agissait d'une mesure de police portant sur l'émetteur, et non d'une sanction pénale pesant sur le récepteur.
Mais l'atteinte portée par la loi sur la liberté de communication (article 4 de la LOPPSI II), en-dehors de tout cadre judiciaire, est très forte et cette décision montre que la sanction de consultation habituelle de sites terroristes participe du même objectif constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public et est de ce fait également conforme aux exigences constitutionnelles.
Enfin, l’article 706-25-2 du code pénal permettra d’avoir recours à la cyber-infiltration en matière de consultation habituelle de sites terroristes.
Ainsi, avec ce type de disposition, c’est l’internet du futur qui risque d’être d’avantage contrôlé et surveillé avec un risque d’intrusion accru dans la vie privée des internautes de la part des autorités.
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Anthony Bem
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