Référencement internet Google Adwords : conditions d’utilisation de marques du concurrent en mot-clé

Publié le 30/01/2013 Vu 3 615 fois 0
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Le 15 janvier 2013, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a jugé que le titulaire de marque protégée peut obtenir la condamnation de son concurrent qui utilise sa marque comme mot clé dans le cadre des campagnes de publicité sur internet et plus particulièrement grâce au système de référencement payant de Google (Adwords) lorsque cet usage est susceptible de générer une confusion dans l’esprit des internautes en leur laissant croire que l’annonceur pourrait être économiquement lié au titulaire de cette marque, alors que tel n’était pas le cas, mais qui sera le cas dès lors que la marque est reproduite dans le corps ou le titre de l’annonce publicitaire litigieuse(TGI Bordeaux, 1ère chambre civile, 15 janvier 2013, Erco & Gener / Sphinx Connect France)

Le 15 janvier 2013, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a jugé que le titulaire de marque protégée p

Référencement internet Google Adwords : conditions d’utilisation de marques du concurrent en mot-clé

La juridiction bordelaise se spécialise dans les contentieux internet et plus particulièrement dans ceux relatifs à l'usage contrefaisant de marques protégées dans le cadre du référencement payant de Google (Adwords) (cf : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 1ère chambre, civile, 25 septembre 2012, Panosol / AD Validem).

En l’espèce, la société Erco & Gener est une entreprise spécialisée dans la fabrication et la distribution de modems industriels.

Elle est à ce titre titulaire des marques françaises et communautaires “erco&gener” et “GenPro” déposées et enregistrées.

Or, cette société a découvert sur internet que les annonces promotionnelles de la société Sphinx déclenchées par des requêtes sur le moteur de recherche de google en “genpro” et/ou “erco” suggèraient l’existence d’un lien économique entre la société Sphinx et la société Erco & Gener.

Concrètement, les annonces promotionnelles suivantes apparaissaient sur le moteur de recherches Google :

- la requête “genpro” affiche pour résultat en tête de 1ère page ce lien commercial :

"GenPro

SphinxFrance.fr/Routeur_Cellulaire Retrouvez Tt Une Gamme de Routeurs Modem 3 G

GPRS Réservée aux Pro"

- la requête “erco” affiche pour résultat en tête de 1ère page ce lien commercial :

"Routeur Cellulaire SphinxFrance.fr/Routeur_Cellulaire Retrouvez Tt Une Gamme de Routeurs Modem 3 G

GPRS Réservée aux Pro"

Les mêmes requêtes affichent aussi des liens en page vers les sites internet de la société Erco & Gener dans le cadre du référencement gratuit dit naturel mais à un emplacement moins favorable que les liens sponsorisés ci-dessus décrits.

Se plaignant de la reproduction sans son autorisation de ses marques via le service de référencement GoogleAdWords, la société Erco & Gener a assigné la société Sphinx Connect France devant le tribunal de grande Iinstance de Bordeaux.

Dans trois arrêts dits Google du 23 mars 2010, la Cour de Justice de l‘Union Européenne (CJUE) a indiqué que :

le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur internet, de la publicité ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l‘internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers”.

Dans un arrêt Interflora c/ Marks & Spencer du 22 septembre 2011, la CJUE a affiné sa jurisprudence en indiquant que :

le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire, à partir d’un mot clé identique à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque cet usage est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque. Un tel usage :

porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque la publicité affichée à partir dudit mot clé ne permet pas ou permet seulement difficilement à l‘internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire d’un tiers ;

ne porte pas atteinte, dans le cadre d’un service de référencement ayant les caractéristiques de celui en cause au principal, à la fonction de publicité de la marque ;

porte atteinte à la fonction d’investissement de la marque s‘il gêne de manière substantielle l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs.”

Ce dernier arrêt a également adopté des dispositions spécifiques s’agissant des marques renommées : “le titulaire d’une marque renommée est habilité à interdire à un concurrent de faire de la publicité à partir d‘un mot clé identique à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur internet, lorsque ledit concurrent tire ainsi un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque (parasitisme) ou lorsque ladite publicité porte préjudice à ce caractère distinctif (dilution) ou à cette renommée (ternissement). Une publicité à partir d’un tel mot clé porte préjudice au caractère distinctif de la marque renommée (dilution), notamment, si elle contribue à une dénaturation de cette marque en terme générique. En revanche, le titulaire d’une marque renommée, n‘est pas habilité à interdire, notamment, des publicités affichées par des concurrents à partir de mots clés correspondant à cette marque et proposant, sans offrir une simple imitation des produits ou des services de ladite marque, sans causer une dilution ou un ternissement et sans au demeurant porter atteinte aux fonctions de la marque renommée, une alternative par rapport aux produits ou aux services du titulaire de celle-ci.”

Dans ce contexte, le tribunal a jugé que :

« En ce qui concerne la requête “genpro“, force est de constater que la société Sphinx a utilisé sans son autorisation la marque phare de sa concurrente comme titre de son annonce.

Elle a de ce fait entretenu une risque de confusion dans l’esprit du public intéressé en lui laissant croire qu’elle pouvait être liée économiquement à la société Erco & Gener alors que tel n’était pas le cas.

II en résulte une atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque constitutive d’un acte de contrefaçon au sens des articles L 713-2 et L 716-1 du code de la propriété intellectuelle.

La société Sphinx ne peut utilement s’exonérer de sa responsabilité au prétexte que Google serait l’initiateur des annonces.

En effet, l’annonceur était à même, par un processus automatisé, de choisir le titre de son annonce, de rédiger le contenu de son message commercial ainsi que de sélectionner les mots-clés qu’il souhaitait utiliser.

Il lui était également possible d’ajouter des mots-clés négatifs excluant tout renvoi vers l’annonce mais aussi de définir un système de requête plus ou moins large pour la prise en compte des variantes par rapport aux mots-clés sélectionnés.

La société Sphinx ne peut donc s’en prendre qu’à elle-même si elle ne s’est pas servie de ces outils pour éviter de nuire aux intérêts de la société Erco & Gener.

En ce qui concerne la requête “erco“, il n’est démontré aucune atteinte aux fonctions de la marque.

En effet, l’annonce correspondante ne génère aucune ambiguïté particulière par rapport au titulaire de la marque qui n’est nulle part reproduite contrairement à la première annonce.

Par ailleurs, il n’est pas établi que la réservation de cette marque à titre de mot-clé causerait une gêne substantielle à la société Erco & Gener ou en affecterait sa réputation.

Cette publicité se présente davantage comme une offre alternative sérieuse aux produits de la société Erco & Gener (cf. la formule “Retrouvez Tt Une Gamme de Routeurs Modem 3G GPRS Réservée aux Pros"), ce qui est parfaitement admis par la jurisprudence communautaire dès lors qu’il n’y a ni parasitisme ni dilution ni ternissement de la marque renommée.

Il sera précisé que la gamme des produits vendus par la société Sphinx est à la fois très large et très sophistiquée. Elle s’adresse en outre à des professionnels qui ne sont pas assimilables à de simples consommateurs d’attention moyenne.

Le tribunal considère que cette publicité relève donc d’une concurrence saine et loyale voulue par la législation européenne même si elle peut contraindre la société Erco & Gener à payer un prix plus élevé si elle veut obtenir que ses annonces apparaissent devant celles de sa concurrente.

Aucun manquement ne sera retenu à l’encontre de la société Sphinx au titre de l’annonce découlant de la requête “erco“ y compris au regard du fondement juridique subsidiairement invoqué (la publicité mensongère ou trompeuse) ».

Par ailleurs, s’agissant du préjudice en lien avec la seule contrefaçon retenue (annonce “genpro”), en l’absence de justification d’une baisse de son chiffre d’affaires par la société demanderesse, compte tenu que l’annonce incriminée été retirée 48 jours après le constat établissant la contrefaçon et que l’expert-comptable de la société Sphinx ait attesté que le chiffre d’affaires hors taxes relatif aux produits modems réalisé par cette société s’est élevé à la somme de 4.018,42 € pendant cette période, cette dernière société a été condamnée au paiement de la moitié de cette somme au titre du manque à gagner, soit 2.009,21 €.

Enfin, il est intéressant de relever que le tribunal a ordonné, sous astreinte, la publication d’un extrait du jugement sur la page d’accueil des sites internet de la société Sphinx à titre de réparation complémentaire mais pour une durée limitée à trois mois compte tenu du modeste préjudice subi.

Par conséquent, il découle de cette décision que les titulaires de marques protégées peuvent obtenir la condamnation de leurs concurrents qui utilisent leur marque comme mot clé dans le cadre des campagnes de publicité sur internet et plus particulièrement grâce au système de référencement payant de Google (Adwords).

La jurisprudence conditionne cependant l’atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque, constitutive de contrefaçon au sens des articles L 713-2 et L 716-1 du code de la propriété intellectuelle à un usage susceptible de générer une confusion dans l’esprit des internautes en leur laissant croire que l’annonceur pourrait être économiquement lié au titulaire de cette marque, alors que tel n’était pas le cas, ce qui sera le cas dès lors que la marque est reproduite dans le corps ou le titre de l’annonce.

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Anthony Bem
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