Avant d'analyser la décision rendue le 6 janvier 2011 par la chambre sociale de la cour de cassation nous rappellerons pour mémoire :
1) Le harcèlement moral est un délit pénal prévu et réprimé par l'article 222-33-2 du code pénal qui dispose que :
« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ».
De plus, l'article L1152-1 du code du travail prévoit qu'« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
A cet égard, il convient de souligner que tout salarié est protégé par ce texte, sans distinction de sexe ou de fonctions, et que le harcèlement peut se manifester en dehors de tout rapport d'autorité ou de relation hiérarchique.
Afin de contourner la difficulté de prouver les faits de harcèlement moral, la loi a établi une présomption en faveur du salarié qui se prétend victime d'un tel harcèlement.
Ainsi, la victime doit établir « des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ».
Pour se défendre, l'auteur présumé de harcèlement moral doit justifier « par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » les actes qu'il a commis. (art. L. 1154-1 C. trav.).
La chambre sociale de la cour de cassation impose aux juges de trancher le litige en prenant en compte « l'ensemble des éléments établis par le demandeur, sans pouvoir sélectionner parmi eux » et vérifie la qualification des faits de harcèlement par les juges du fond (Soc. 24 sept. 2008).
2) A plusieurs reprises, la Cour de cassation a jugé qu'un employé auteur d'harcèlement à l'égard d'un de ses subordonnés engage sa responsabilité personnelle, cette dernière n'excluant pas celle de l'employeur, même en l'absence de faute de sa part.
En effet, l'employeur, garant de la « santé mentale » de ses salariés doit, conformément aux articles L1152-4, L1153-5, L1332-4 et L4121-1 du code du travail, prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement et dispose d'un délai de 2 mois pour déclencher une procédure disciplinaire à compter du jour où il a connaissance de faits de harcèlement.
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Aux termes de l'arrêt rendu le 6 janvier 2011, Mme X, engagée en 1973 par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (la caisse) en qualité d'infirmière spécialisée, a été déclarée inapte, le 18 janvier 1999, au poste qu'elle occupait et reclassée le 23 janvier 1999 sur un poste administratif puis placée en arrêt de maladie.
Enfin, la Haute juridiction a jugé que l'employeur est tenu au respect d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs (Cass. Soc., 3 février 2010, N° de pourvoi: 08-44.019).
En l'espèce, la salariée invoquait la dégradation générale du travail et des relations m, la baisse de sa notation relativement à sa méthode de travail et à son esprit d'équipe, le fait que son chef de service lui avait donné l'ordre d'effectuer une autre prestation et que la salariée s'était vue infliger un blâme pour avoir porté des accusations graves contre le médecin-chef et mis en cause le fonctionnement du centre de santé.
En appel, les juges avaient condamné la Caisse à payer à la salariée des dommages-intérêts pour harcèlement moral.
C'est dans ces conditions que la Cour de cassation a été saisie par l'employeur et a validé le harcèlement imputable à l'employeur en jugeant que :
« la cour d'appel, qui a retenu d'une part que la salariée avait fait l'objet d'une baisse de notation et de sanctions disciplinaires injustifiées, d'autre part, sans dénaturation, que la caisse avait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas les dispositions nécessaires pour la protéger du harcèlement moral, préjudiciable à son état de santé, dont elle avait été victime de la part de son chef de service, a caractérisé à la charge de l'employeur un comportement fautif justifiant l'octroi de dommages-intérêts » de plus de 100.000 euros.
Pour conclure, l'entreprise peut être tenue pour responsable pour avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat :
- soit lorsque l'employeur ne prend pas toutes les mesures nécessaires afin de prévenir le harcèlement moral au travail d'un de ses salariés,
- soit lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'actes de harcèlement moral et alors même que l'employeur a pris des mesures pour les faire cesser.
Et pour aller plus loin :
- Le harcèlement moral au travail
- Harcèlement moral au travail : un arrêt et trois principes jurisprudentiels
- La consécration d'un nouveau type de préjudice pour les salaries : le préjudice d’anxiété
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