Sanctions de l’employeur suite à la démission d’un salarié victime de harcèlement moral

Publié le 08/12/2014 Vu 29 375 fois 1
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

La démission d’un salarié suite à un harcèlement moral peut-elle être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

La démission d’un salarié suite à un harcèlement moral peut-elle être requalifiée en un licenciement s

Sanctions de l’employeur suite à la démission d’un salarié victime de harcèlement moral

Le 19 novembre 2014, la Cour de cassation a jugé que le harcèlement moral subi par un salarié démissionnaire ne justifiait pas une requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais constituait un manquement de l’obligation de sécurité de l’employeur devant être sanctionné en tant que tel (Cass. Soc., 19 novembre 2014, n°13-17729).  

Pour mémoire, le harcèlement moral a été reconnu par la loi no 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et introduit aux articles L. 1152-1 du Code du travail et L. 222-33-2 du Code pénal.

Au travers de ces textes, les faits de harcèlement moral sont définis comme « des agissements répétés » subis par le salarié ayant « pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

En l’espèce, un salarié a démissionné quelques mois après avoir été victime d’agissements de harcèlement moral de la part de son employeur.

Dans ce contexte, le salarié démissionnaire a saisi la juridiction prudhommale afin d’obtenir :

  • d’une part, la requalification de sa démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

  • d’autre part, la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail et du harcèlement moral dont il a été victime.   

Si les juges d’appel n’ont pas requalifié la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ceux-ci ont condamné l’employeur à verser des dommages et intérêts qui comprenaient:

- L’indemnisation de la violation de l'obligation de sécurité de résultat de l’employeur,

- L’indemnisation du harcèlement moral.

La Cour de cassation a confirmé l’ensemble de la décision des juges d’appel.

Ainsi, l’arrêt s’est prononcé sur deux points pour sanctionner l’employeur :  

- la démission d’un salarié suite à des faits de harcèlement moral (1)

- la responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité s’agissant de la santé de ses employés (2)

1/ La démission d’un salarié suite à des faits de harcèlement moral

Pour mémoire, la démission est la rupture du contrat de travail à durée indéterminée à l’initiative du salarié.

Selon la jurisprudence, la démission suppose que le salarié manifeste sa volonté de rompre le contrat de travail de « façon claire et non équivoque ».

A défaut de remplir ces conditions, la démission doit être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse par les juges prudhommaux.

En l’espèce, la Cour de cassation a déclaré :

« les termes de la lettre de démission, qui ne comportait aucune réserve, et constaté, d'une part, que les faits de harcèlement s'étaient produits plus de six mois avant la rupture, d'autre part, que l'employeur y avait rapidement mis fin, la cour d'appel a pu décider que la démission du salarié n'était pas équivoque ».

Autrement dit, les juges d’appel ont rejeté la demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse en tenant compte :

- des termes de la lettre de démission ;

- de la période durant laquelle a eu lieu le harcèlement moral allégué ;

- du fait que l’employeur avait rapidement mis fin au harcèlement moral litigieux.

Il en résulte que l’appréciation du caractère équivoque de la démission ne se limite pas à la seule existence des faits de harcèlement moral en tant que telle.

Par conséquent, la requalification d’une démission d’un salarié en licenciement sans cause réelle et sérieuse suite à un harcèlement moral n’est pas automatique.

Cette sanction doit se faire au cas par cas, notamment compte tenu des termes de la lettre de démission et du temps écoulé entre le harcèlement moral et la rupture du contrat de travail.

2/ La responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité

La définition du harcèlement est prévue à l'article L.1152-1 du Code du travail selon lequel « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».


L’article L. 1152-4 du Code du travail dispose que : « L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ».

En application de ce texte, les juges considèrent que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral, et l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité (Cass. Soc. 21 juin 2006, n°05-43914).

En vertu de l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur a une obligation d’évaluer et de prévenir le risque.

Cette obligation de sécurité et de résultat vise la prise de mesures adaptées.

A cet égard, selon la jurisprudence :

« L’employeur manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements » (Soc. 3 févr. 2010 n° 08.44019).

Par conséquent, la responsabilité de l’employeur peut être facilement engagée dès lors que l’employeur a failli à son obligation.

Par ailleurs, le fait de harcèlement peut être le fait de l'employeur lui même ou de l'un de ses salariés sur ses collègues.

La preuve du harcèlement est appréciée par les juges à travers la présomption de harcèlement que doit établir le salarié et aussi au titre de la prohibition d’agissements constitutifs de harcèlement.

Le salarié qui se prétend victime de harcèlement moral au travail n'a pas à prouver les faits.

En effet, il est très important de garder en mémoire que la jurisprudence juge que « le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral »  (Cass. Soc., 30 avril 2009, N°07-45264).

Dans l’affaire jugée le 19 novembre 2014, la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel :

« l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ».

La Haute Cour confirme donc la décision des juges d’appel d’avoir condamné l’employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat et une somme à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Ainsi, les juges peuvent allouer des sommes distinctes correspondant au préjudice résultant, d'une part, de l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement et, d'autre part, des conséquences du harcèlement subi.

Par conséquent, le salarié n’a qu’à établir la preuve de faits qui permettent de faire présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.


Un renversement de la charge de la preuve est ainsi opéré car il n'est plus nécessaire de « présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement » mais uniquement « des éléments laissant présumer » le harcèlement.

Le harcèlement peut être constitué dans de nombreuses situations de fait telles que :

  • La surcharge de la masse de travail du salarié, employé ou fonctionnaire ;
     
  • Les reproches incessants formulés par l’employeur envers un  salarié, employé ou fonctionnaire ;
     
  • Les reproches concernant les arrêts de travail, une grossesse ou les arrêts maladie ;
     
  • L'agressivité de l'employeur envers son salarié, employé ou fonctionnaire ;
     
  • La baisse des fonctions et baisse de salaire de l’employé, du  salarié ou du fonctionnaire ;
     
  • La privation de la possibilité de faire des heures supplémentaires de la part du salarié ou du fonctionnaire ;
     
  • La suppression de poste ou des moyens de travail  nécessaires pour l’employé, le salarié ou le fonctionnaire à l’accomplissement de sa mission ;
     
  • Etc…​

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris

01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1435 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
14/11/2016 23:02

Bonjour je tiens un carnet depuis presque 2 ans pour harcèlement moral a ce jour cela fait 2 mois sue je suis en arrêt par obligation de ma psy et mon médecin car j'ai supporter 19ans de brimade je vais faire un essaipour un autre métier moins payer mais je dois m échapper de mon harceleur dire de ma psy di cela marche j'aimerais attaqué mon patron après demission car 10 ans ce n'est pas rien et s causes de tout cela je suis oblige de tout perdre quelqu'un peut-il m aiguiller

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1435 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles