Le 13 octobre 2014, la Cour d’appel de Basse-Terre décide que l’usage « très modéré » du matériel informatique de l’entreprise par une salariée – à titre personnel – ne saurait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (CA de Basse-Terre, ch. Soc., 13 octobre 2014, n°13/01046).
Si nul n’est censé ignorer la loi, l’adage est à relativiser tant la réglementation est dense en matière de droit du travail.
Cette décision de la cour d’appel met en balance le droit au respect de la vie privée du salarié et la liberté de preuve de l’employeur.
En effet, aux termes de cette décision, les juges ont posé le principe selon lequel la rupture du contrat de travail à durée indéterminée d’un salarié à l’initiative de l’employeur nécessite le respect de certaines conditions de validité.
Outre que les étapes de la procédure légale doivent être respectées et le licenciement doit aussi être « justifié par une cause réelle et sérieuse » conformément à l’article L. 1232-1 du Code du travail.
Ainsi, la preuve de la « cause réelle et sérieuse » du licenciement est déterminante tant pour le salarié que pour l’employeur afin de garantir la validité de la sanction.
Or, la notion de cause réelle et sérieuse n’est pas définie par la loi.
La « cause réelle » définie par la jurisprudence revient à prouver l’existence d’un motif existant, exact et objectif.
La notion de cause « sérieuse » posée par la loi, suppose que celle-ci soit d’« une certaine gravité, qui rend impossible sans dommage pour l’entreprise, la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement ».
Par conséquent, l’employeur doit être en mesure de présenter des documents fiables et « permettant de donner crédit aux critiques qu’il exprime dans sa lettre de licenciement ».
En outre, cette preuve est d’autant plus difficile à rapporter lorsqu’il s’agit d’un licenciement pour faute lourde puisqu’il nécessite, pour être valable, aussi la preuve d’une intention de nuire à l’entreprise ou à l’employeur.
A ce titre, le 9 juillet 1991, la Cour de cassation a précisé que la faute lourde suppose que le salarié ait eu une intention de nuire à l’égard de entreprise ou de l’employeur.
Avec l’utilisation des nouveaux outils de communication, la Cour de cassation a ainsi été amenée notamment à se prononcer sur la question de l’usage des courriers électroniques des salariés en posant de véritables conditions d’utilisation par leurs employeurs.
Selon la jurisprudence, les courriers électroniques des salariés doivent portés expressément la mention « personnels » pour empêcher leur employeur de pouvoir les utiliser dans le cadre de procédures prud’homales ou judiciaires.
Ce faisant, les juges limitent le risque d’atteinte à la sphère personnelle et privée du salarié au sein de l’entreprise par leur employeur, sur le fondement des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du Code civil.
Par conséquent, la Haute Cour affirme le droit des salariés au respect de l’intimité de leur vie privée, « même au temps et au lieu de travail ».
En l’espèce, la preuve de la présence de documents au contenu à caractère personnel dans l’un des ordinateurs de l’entreprise a été établie par un constat d’huissier de justice.
Ce constat faisait apparait l’existence de neuf documents sur une année de travail dans le poste informatique de travail du salarié.
Cependant, afin de considérer qu’il n’existait pas de cause réelle et sérieuse de licenciement, le 13 octobre 2014, les juges de la Cour d’appel de Basse-Terre ont pris en compte :
- le fait que l’entreprise disposait d’un règlement intérieur permettant l’usage du matériel informatique de l’entreprise par les salariés de manière modérée ;
- le caractère « très modéré » de l’usage du matériel informatique de l’entreprise par le salarié ;
- l’absence d’atteinte aux intérêts de l’entreprise.
S’il découle de cette décision que les documents au contenu personnel présents dans l’ordinateur de l’entreprise ne sont pas en soi fautifs, il convient de garder en mémoire que l’employeur dispose d’un pouvoir de direction, tel que le règlement intérieur, afin d’encadrer l’usage du matériel informatique de l’entreprise par ses salariés.
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Anthony Bem
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