L'hospitalisation en service psychiatrie a déjà donné lieu en 2010 à un reportage diffusé sur France 2, tourné en caméra infiltrée qui s'intitulait : "Hôpital psychiatrique les abandonnés".
Un journaliste s'était infiltré, au sein du service psychiatrique de l'hôpital Robert Ballanger sis à Aulnay sous-bois (93), en tant que stagiaire.
Il y a découvert une version de l'enfer sur terre où les plus fous ne sont pas forcément ceux que l'on croit.
Durant plusieurs jours, il a filmé la maltraitance, les abus, les négligences, l'incompétence, les manquements du personnel de santé du service psychiatrique de l'hôpital Robert Ballanger et les mensonges de la direction.
Sur l'aspect juridique, aucune formation n'est assurée du personnel de santé.
Or, la procédure est légalement réglementée.
Pour mémoire, l'hospitalisation en psychiatrie peut être demandée par un membre de la famille ou d'une personne ayant un intérêt à agir si :
- les troubles mentaux rendent impossible le consentement de l'intéressé,
- et si son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante.
La demande doit être présentée au directeur de l'établissement choisi, sous forme d'une lettre manuscrite, signée et datée par la personne qui formule la demande.
Elle doit comporter :
- les nom, prénom, profession, âge et domicile du demandeur et du malade,
- et des précisions sur la nature des relations qui les unissent,
- et être accompagnée de 2 certificats médicaux datant de moins de 15 jours (le 1er certificat doit être réalisé par un médecin extérieur à l'établissement).
Toutefois, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la personne, le directeur de l'établissement peut prononcer l'hospitalisation au vu d'un seul certificat d'un médecin de l'établissement.
L'hospitalisation peut également être demandée par un médecin extérieur à l'établissement :
- en présence d'un péril imminent, c'est-à-dire en cas de danger immédiat pour la santé ou la vie de l'intéressé,
- et s'il est impossible de recueillir une demande d'admission d'un tiers (tiers inconnu ou en cas de refus d'un membre de la famille de demander l'hospitalisation).
La demande doit être accompagnée d'un certificat médical adressé au directeur de l'établissement de son choix.
La jurisprudence a fixé des conditions très précises de validité des certificats médicaux.
L'analyse de la procédure et des conditions de validité des certificats médicaux nécessiterait souvent l'assistance d'un avocat pour assurer les droits de la personne hospitalisée contre son consentement.
Or, si les personnes sont hospitalisées pour de bonnes raisons, certaines sont enfermées contre leur gré pour de mauvaises et dans d'horribles conditions constitutives d'infractions et qui entraîneraient des condamnations pénales de tous les intervenants.
Quel est l'intérêt de la direction d'un hôpital de garder dans ses services durant plus de 99 jours une personne contre son consentement sans qu'il n'ait jamais existé ni prétendu une quelconque urgence, ni aucun risque pour elle ni pour les autres ?
Le scandale est triple comptable, public et juridique :
- Il est comptable : le service psychiatrique de certains hôpitaux comme celui de l'hôpital Robert Ballanger à Aulnay sous-Bois permet de couvrir le déficit financier des autres services,
- Il est public : les caisses de la sécurité sociale payent des sommes pouvant être supérieures à 1000€ / jours, comme à l'hôpital Robert Ballanger,
- Il est juridique : les droits et libertés sont violés.
Le législateur a consacré des règles, délais, formalités et conditions de validité de la procédure d'hospitalisation complète sans consentement.
La loi a aussi conféré récemment au juge de la liberté et de la détention le soin de connaître la régularité de la procédure d'hospitalisation sous contrainte.
Or, le délai de saisine du juge dans ce type de procédure est passé de 15 jours à 12 jours.
Si cela peut apparaître, a priori, comme une avancée c'est encore trop tardivement dans certains cas d'hospitalisations abusives.
En pratique, l'hospitalisation sans consentement se poursuit au-delà de 12 jours sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD), saisi par le directeur de l'établissement.
En théorie, au cours de l'audience des 12 jours devant le JLD, l'intéressé peut être entendu, si besoin assisté ou représenté par son avocat.
Or, au cas par cas, il apparaît que :
- certaines personnes puissent être enfermées pour de mauvaises raisons, c'est à dire pour d'autres raisons que psychiatriques,
- la notification de la convocation devant le juge des libertés et de la détention n'est pas faite à la personne,
- les libertés, le droit et la procédure sont violés,
- Il manque des certificats médicaux dans les dossiers,
- Les certificats médicaux ne remplissent pas les conditions de validité fixées par la jurisprudence,
- les certificats médicaux sont de complaisance pour d'obscures raisons ou relations,
- les dates des actes soient erronées,
- les intéressés ne peuvent pas communiquer avec l'extérieur, tout leur ait confisqué,
- Les chaînes de contention et la chambre d'isolement sont utilisées,
- Les médicaments et la posologie ne sont jamais communiqués à l'avocat du patient,
- L'avocat du patient est interdit de visite de son client,
- Aucune réponse n'est faite par l'hôpital à l'avocat du patient s'agissant du dossier médical, la posologie et le dosage.
Les notions de droit et libertés n'y ont plus d'écho.
Aujourd'hui, on pourrait parler des "oubliés".
Personne n'agit, rien ne change, pire, elles s'aggravent.
Or, malgré la loi, les règles et la volonté des juges de bien faire, se cachent parfois des cas d'injustice qui font des ravages.
Ainsi, une cliente est venue me consulter début janvier 2016 pour me prévenir que sa famille souhaitait la faire enfermer en psychiatrie.
Ils avaient déjà réussi en 2015 mais elle en était rapidement sortie avant qu'un juge puisse intervenir dans la procédure
La raison de son enfermement réside dans la volonté de sa famille de récupérer son appartement pour que sa sœur puisse en profiter avec sa famille.
Afin de faire « enfermer » ma cliente, sa famille avait mis en place un stratagème.
Ils avaient organisé une visite à l'hôpital Robert Ballanger à Aulnay sous-bois pour officiellement y voir le frère de ma cliente qui y était enfermé.
C'est dans ces conditions que ma cliente s'est rendue avec sa famille aux urgences psychiatriques de l'hôpital.
Derrière ce drame familial à la Maupassant se cache aussi un scandale celui de l'hôpital, de l'injustice et de l'utilisation injustifiée de l'argent des contribuables.
En effet, ma cliente a été enfermée sans son consentement, à la demande de son père, dans le cadre d’une procédure d’hospitalisation complète au service psychiatrie de l'hôpital Robert Ballanger, le même qui avait été infiltré en 2010.
Pour information, la nuit y est facturée plus de 1000 € / nuit sans les suppléments tel que cela figure à l'entrée du bâtiment.
Or, dans mon cas la procédure d’hospitalisation contenait de nombreux vices et incohérences.
En effet, il convient de relever que la convocation à l'audience des 12 jours devant le Juge des Libertés et de la Détention près le Tribunal de Grande Instance de Bobigny n'a pas été remise par l'hôpital ni signée par l'intéressée.
Aucun transport de l'intéressée n’a été fait à cette audience et l'avocat désigné par le bâtonnier pour la circonstance s'en est rapporté.
Le JLD a donc reconduit la mesure sans rien connaître du dossier, ni de la réalité de l'horrible stratagème de sa famille qui se cachait derrière ces hospitalisations successives.
Le 22 mars 2016, j’ai personnellement saisi le Juge des Libertés et de la Détention près le Tribunal de Grande Instance de Bobigny pour demander la mainlevée de cette hospitalisation au regard des circonstances graves précitées et des nombreux vices de la procédure et des certificats des psychiatres.
Le Juge des Libertés et de la Détention près le Tribunal de Grande Instance de Bobigny en charge des procédures d'hospitalisation d'office a ordonné la mainlevée de son hospitalisation suivant ordonnance du 31 mars 2016.
Dès réception de cette mainlevée par le service psychiatrie, ce dernier a donné des médicaments à ma cliente au point qu'à sa sortie des amis de celles-ci ont pu attester qu'elle se bavait sur elle et ne pouvait même plus marcher.
Bien que le maintien de l'hospitalisation contre l'avis du JLD par le directeur de l'établissement soit puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15.000 €, ma cliente n'était pas pour autant libre.
Ses amis ont dû la conduire jusqu'au parking et ont été contraints de la conduire aux urgences de l'hôpital Jean Verdier de Bondy qui n’a pas pu obtenir les informations sur le traitement médicamenteux qui lui a été administré.
En désaccord avec la décision de libération du JLD, la famille s'en est mêlée, le père a fait appel de la décision, tout comme le Directeur de l'hôpital Ballanger.
Prétendument libre, ma cliente aurait demandé à être à nouveau hospitalisée.
Rien ne l'établit pour autant dans le dossier.
Je m'y suis rendu personnellement par surprise un dimanche ensoleillé.
Elle était là, en chemise de nuit, devant la porte de sortie du service psy.
Elle attendait sa sortie.
Ni désiré ni attendu, j'ai demandé aux employés à voir la copie de son dossier.
En vain, le personnel invoquait une procédure, des ordres, la hiérarchie un formulaire, des délais.
A ma demande on m'a conduit auprès du cadre supérieur de garde.
Après une courte explication, j'ai réussi à obtenir la libération de ma cliente dont on m'apprenait qu'elle était en réalité libre de partir sur le plan administratif.
Soulagé, j'ai naïvement quitté l'établissement pour reprendre mon repos dominical.
Après mon départ, finalement ma cliente restera enfermée et n'était plus libre de rien.
Lors de ma visite, ma cliente parlait, communiquait, marchait etc ...
Le lendemain matin, à la cour d'appel de Paris où elle était conduite pour la procédure d'appel de la décision de libération du JLD, elle est arrivée droguée de médicaments au point de ne plus reconnaître personne, d'à peine pouvoir marcher et, surtout, totalement muette.
Pour la punir d'avoir voulu tenter de partir, elle a été placée en isolement derrière des barreaux et une porte blindée avec un œil de bœuf.
Comme la fois où elle avait tenté par téléphone de me contacter pour la faire libérer.
En isolement, son entourage la décrira comme une personne lobotomisée, sur un fauteuil roulant face à un lit dont les plis révéleront ne pas avoir été défaits depuis plusieurs nuits.
Aucun dossier relatif à son hospitalisation ne lui a jamais été remis.
Aucune convocation non plus.
Pendant ce temps-là, profitant de ces hospitalisations successives, le père de ma cliente violait le domicile de sa fille, avait fait changer les serrures.
L'hôpital a fini par décider de la libérer au bout de deux mois.
Pour ce faire, le service psychiatrique a établi un avis d'hospitalisation ambulatoire et, de manière contradictoire, a signalé un avis de recherche auprès de la police.
Ayant appris qu'elle avait été libérée par le service psychiatrique, sa famille est devenue hystérique.
Son beau-frère s'est mis à harceler les amis de l'intéressée, par téléphone, jusqu'à pas d'heure dans la nuit en les menaçant de les tuer.
Ces derniers sont allés à la police pour dénoncer ces infractions.
Suite à l'avis de recherche, la police a contacté l'hôpital qui à nouveau a emmené ma cliente près de 24 après l'avoir libérée.
Aucune règle de procédure n'a encore été respectée.
C'est ainsi que lors du dimanche ensoleillé, du 1er mai 2016, la fête du travail, je me suis rendu au service psychiatrique où ma cliente était enfermée contre son consentement.
La hiérarchie avait donné pour instruction d'empêcher quiconque, hormis la famille, de visiter l'intéressée.
A la vue de mon arrivée avec deux de ses amis, le cerbère a fermé à clés la porte d'accès du bâtiment.
Ma cliente n'avait pas le droit de voir son avocat.
Alors que même en prison, les détenus ont le droit de recevoir la visite de leur avocat, au service psychiatrique de l'hôpital Robert Ballanger, le droit à l'avocat des personnes qui y sont enfermées sans leur consentement est totalement violé.
Aucun document quant à un prétendu refus d'autorisation de visite ne m'a bien-sûr été remis par un quelconque employé de l'hôpital Robert Ballanger.
Par chance, la scène a été filmée, la réalité dépassait la fiction.
Cette vidéo établit la preuve qu'il a été impossible pour ma cliente de pouvoir communiquer avec son avocat d'une part et d'autre part, notamment que 48h avant une audience devant le juge de la liberté et de la détention l'intéressée ne pouvait même pas voir ni parler avec son avocat.
Comble de l'ironie, dans cette tragédie, c'est que l'hôpital n'admettait que certains visiteurs pour celle-ci, à savoir sa famille, ses amis étaient banis.
Le parquet de Bobigny à qui a été adressée la plainte pénale indique qu'aucun délai de traitement ne peut être envisagé car "il y a du retard", furtivement le greffe évoque 6 mois.
Autrement dit personne ne répond en cas d'urgence, surtout que le délai de plainte avec constitution de partie civile ne commence qu'au bout de 3 mois.
Il faut le savoir, certains services psychiatriques violent la dignité du malade, le respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles.
Si Monsieur Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté reconnaissait déjà expressément, en 2013, que « Beaucoup de choses ne vont pas », aujourd'hui malheureusement rien n'a changé à l'hôpital Robert Ballanger.
Enfin, il faut tirer un bilan, les Juges ont a priori l'idée légitime qu'en principe seuls des fous puissent être enfermés et que les psychiatres ont toujours raison.
L'expertise psychiatrique par un expert indépendant s'avére en pratique inutile car en 4 minutes il est impossible de faire un diagnostic digne de ce nom sauf à copier coller les informations déjà présentes dans les certificats médicaux qui composent le dossier.
On me reprochera de voir le mal partout, certes, mais quand on l'a cotoyé on sait qu'il existe.
Le système légal actuel de l'hospitalisation non consentie en psychiatrie, s'il marque un net progrès par rapport au passé, est en pratique loin de répondre aux besoins, nécessités et droit de la défense des patients.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
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