I - La définition du « vice caché »
Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vice est un défaut de la chose qui la rend impropre à l'usage auquel on la destine, ou diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix.
L'acquéreur doit établir la réunion des diverses conditions découlant de l'article 1641 du Code civil :
- existence d'un vice (ce qui implique éventuellement d'identifier la cause des défectuosités constatées) ;
- gravité du vice ;
- caractère caché du vice (mais, une fois ce point établi, c'est au vendeur de démontrer que le vice était connu de son cocontractant, s'il veut se dégager) ;
- antériorité du vice par rapport à la vente.
Le vice s'identifie à toute défectuosité qui empêche la chose de rendre, et de rendre pleinement, les services que l'on en attend.
Il résidera dans le mauvais état ou le mauvais fonctionnement de la chose, l'impossibilité de s'en servir dans des conditions satisfaisantes, les conséquences nuisibles produites à l'occasion d'une utilisation normale...
Les juges considèrent que les défauts qui diminuent seulement l'agrément que l'on peut en tirer ne donnent pas lieu à garantie (CA Nîmes, 18 déc. 1980)
Mais il en irait autrement, bien sûr, dans l'hypothèse où le plaisir et le charme sont indissociables de l'intérêt qui s'attache à l'acquisition faite.
Si l'acheteur entend donner à la chose une destination particulière, qui n'est pas celle admise dans l'opinion commune ou par les usages de la profession, et que la chose s'y révèle impropre, la garantie du vendeur ne saurait être recherchée à moins que ce dernier n'ait été averti de l'utilisation envisagée.
De cette façon, il entre peu ou prou, dans la détermination de ce qui est un vice, une part de subjectivité.
L'existence d'un vice a été admise
En matière d'immeubles :
- pour la non-constructibilité de terrains,
- pour des défauts de construction de nature à échapper à un examen ordinaire,
- pour la difficulté d'accès à un garage,
- pour une servitude non apparente que le vendeur avait l'obligation de révéler,
- pour la présence d'insectes affectant la solidité de la construction ou sa salubrité,
- pour l'humidité et le défaut d'étanchéité,
- pour a présence de bruits excessifs,
- pour la pollution d'un terrain.
En matière de matériaux :
- pour des tuiles,
- pour du bois non soumis à un traitement insecticide,
- pour un matériau acquis en vue du revêtement de sièges qui s'était révélé impropre à cet usage sous l'action conjuguée de la lumière et de la chaleur,
- pour un béton défectueux,
- pour un revêtement pour bassin,
- pour de l'acier,
- pour un produit de nettoyage,
- pour des médicaments ou préparations pharmaceutiques
En matière de produits naturels :
- pour du blé charançonné,
- pour de la farine avariée ayant provoqué une intoxication pour des poissons qui devaient être spécialement salés et fumés en vue de leur conservation
- pour des fromages porteurs de bactéries les rendant impropres à la consommation,
- pour des graines de mauvaise qualité,
En matière d'animaux
- pour une vache atteinte de bronchite chronique,
- pour un chien destiné à la reproduction et atteint de dysplasie,
- pour des truites ayant contaminé un élevage,
- pour des génisses vendues en état de gestation et dont l'une était morte en vêlant,
- pour de la viande provenant d'une vache fiévreuse.
En matière d'objets manufacturés (appareils, engins, véhicules) :
- pour les indications fausses de type et de série relatives à un tracteur et une semi-remorque,
- pour des vibrations par suite du défaut de montage,
- pour l'usure anormale d'un véhicule d'occasion le rendant impropre à son usage,
- pour un véhicule dont les caractéristiques ne sont pas conformes à celles indiquées sur la carte grise ,
- pour l'excès de consommation d'essence d'un véhicule,
- pour l'implosion d'un téléviseur,
- pour la défectuosité d'un système d'alarme fonctionnant de manière intempestive,
- pour un véhicule neuf dont plusieurs mises au point sont restées sans effet,
En matière de biens incorporels :
- pour des titres de société,
- pour un fonds de commerce,
- pour des inventions brevetables
Dans les ventes de choses d'occasion, un vice d'une particulière gravité est exigé pour mettre en jeu la garantie, car : “l'acheteur doit s'attendre en raison même de l'usure dont il est averti, à un fonctionnement d'une qualité inférieure” à celui d'un objet neuf et que la garantie “ne peut s'appliquer qu'à des défauts d'une particulière gravité” (CA Paris, 6 nov. 1963 - Cass. 1re civ., 29 mai 1963 - Cass. com., 2 oct. 1985).
Mais la chose doit néanmoins être apte à rendre normalement les services que l'on peut en attendre étant donnée sa vétusté (Cass. com., 13 janv. 1981).
Pour que le vendeur soit tenu responsable, le vice doit être caché et donc pas de ceux que l'on peut qualifier d'apparent, eu égard à la nature de la chose, aux conditions de la vente ou à la compétence de l'acheteur et si, ce dernier ne l'avait pas connu pour quelque raison de fait, ou parce qu'il lui aurait été révélé.
Attention, cela ne signifie pas que le vice apparent n'engage pas la responsabilité du vendeur, bien au contraire car en pareille circonstance, l'acheteur pourra refuser la prestation et exiger que lui soit fournie une autre chose sans défaut.
Le vendeur est donc responsable du vice, apparent ou caché.
L'acquéreur doit ainsi faire toute diligence pour vérifier l'état de la chose et, si le vice est apparent, émettre les réserves qui s'imposent ou refuser de recevoir la prestation, sous peine de se voir ensuite déclaré l'avoir acceptée en l'état.
De manière générale, pour déterminer si le vice était apparent ou caché, les tribunaux tiennent compte avant tout de la compétence technique de l'acquéreur, ce qui amène à distinguer selon qu'il est ou non professionnel.
L'existence du vice s’établie :
- soit à partir d'indices comme la correspondance échangée entre les parties ou toute autre circonstance de fait
- soit à l'aide d'une expertise contradictoire qui s'avérera indispensable dans beaucoup de situations étant donnée la technique de l'objet du litige.
II - Les sanctions des vices cachés
L'article 1648 du Code civil dispose que l'action doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
L'action en garantie permet à l’acquéreur de demander librement soit :
- la résolution du contrat c’est à dire l'anéantissement rétroactif du contrat, l'acheteur devant rendre la chose et le vendeur le prix,
- la diminution du prix afin d’être dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'avait pas été atteinte de vices cachés,
- la remise en état ou le remplacement de la chose,
et dans tous les cas le versement de dommages-intérêts de manière à ce que son préjudice soit intégralement réparé (notamment les frais occasionnés par la vente, la réparation des dommages causés par le vice de la chose, l’indisponibilité ou l’immobilisation de la chose, pertes d'exploitation ou préjudice commercial)
S'agissant de l'action indemnitaire, le 26 septembre 2012, la Cour de cassation a jugé que l'action en réparation du préjudice subi du fait d'un vice caché peut être engagée de manière autonome et n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire (Cass. Civ. I, 26 septembre 2012, n°11-22399).
Les moyens dont dispose le vendeur pour s'opposer à la demande en garantie émanant de l'acquéreur sont nombreux, il peut :
- contester la réunion des diverses conditions qui doivent être satisfaites pour la mettre en jeu : existence et gravité du vice, antériorité par rapport à la vente et lien de causalité avec le dommage invoqué... ;
- invoquer la connaissance que l'acquéreur aurait dû avoir du vice en tant que spécialiste en la matière ;
- invoquer la faute de l'acquéreur ou le cas de force majeure.
Afin de limiter la portée des sanctions financières auxquels il est exposé, le vendeur prend souvent la précaution de se prémunir d'une assurance de responsabilité.
En effet, le meilleur moyen de protection du vendeur, notamment afin d'atténuer le poids que fait peser sur lui la garantie lorsqu'il est un professionnel, est le recours à l'assurance.
Le fabricant ou le distributeur de biens de consommation ou de matériels divers sera donc prudent de contracter une police "produits livrés".
Le défaut de conception est une cause de dommages que les assureurs répugnent à prendre en charge parce qu'il est susceptible de provoquer des sinistres en série, et donc d'emporter des conséquences très lourdes, mais il est toujours possible d'obtenir qu'il soit couvert, de même que le risque de développement.
En ce qui concerne les relations entre professionnels, l'acquéreur lui-même serait avisé de souscrire une « assurance de dommages » pour les conséquences que peuvent lui occasionner les équipements, pièces ou produits défectueux dont il se trouverait être acquéreur dans le cadre de son activité, que ce soit afin de les utiliser pour les besoins de son entreprise ou pour les commercialiser à nouveau.
En effet, l'action en garantie qu'il serait en droit d'intenter contre son fournisseur présente des incertitudes, et le temps nécessaire à son succès risque de lui causer un préjudice difficilement réparable.
Enfin il convient de savoir que dans la majeur partie des contrats, les clauses par lesquelles le vendeur tendrait à limiter ou éluder sa garantie sont privées d'efficacité par les juges.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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