L’Impôt sur les Bénéfices et Profits (IBP) et l’obligation de la certification des états financiers de synthèse en République Démocratique du Congo.
L’adhésion de la République Démocratique du Congo au Traité de l’OHADA qui entrait en vigueur le 12 septembre 2012, impose l’application correcte et sans faille des différents actes matériels ou uniformes pris par les 17 états membres de cette Organisation sous régionale.
Dans l’exercice de ses activités commerciales, le commerçant tel que défini par le législateur communautaire est contraint intensément à remplir un certain nombre d’obligations à la fois fiscale et comptable.
De ce fait, la tenue de la comptabilité régulière et fiable est une exigence imposée par plusieurs actes uniformes, en l’occurrence l’acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises sises dans les Etats-parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique du 23 mars 2000, l’acte uniforme portant sur le droit commercial général du 15 décembre 2010, l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique du 30 janvier 2014, l’acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information du 26 janvier 2017, l’acte uniforme portant sur le droit des sociétés coopératives du 15 décembre 2010 et l’acte uniforme relatif au système comptable des entités à but non lucratif du 22 décembre 2022.
C’est pourquoi, chaque entité à but lucratif ou non lucratif relative aux activités commerciales ou à la prestation des services est obligée de reproduire la situation de son patrimoine au courant d’un exercice donné. Cette reproduction passe par la voie autorisée dénommée « états financiers ».
L’article 8 de l’acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises sises dans les Etats-parties au traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique du 23 mars 2000 entend par les états financiers annuels le Bilan, le Compte de résultat, le Tableau financier des ressources et des emplois, ainsi que l’état annexé. Ils forment un tout indissociable et décrivent de façon régulière et sincère les événements, opérations et situations de l’exercice pour donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise.
L’objectif des états financiers est de fournir des informations utiles sur le patrimoine, la situation financière et la performance et les variations de la situation de trésorerie étant donné que, ces sont là des éléments qui forment le revenu de chaque citoyen, assujetti au paiement des impôts sur les revenus, dont notamment l’Impôt sur le Bénéfices et Profits.
Ils constituent des annexes obligatoires à la déclaration annuelle de l’Impôt sur les Bénéfices et Profits, qui nécessite pour leur régularité, une certification par un expert attitré et connu par les pouvoirs publics.
Attendu que, la pratique fiscale congolaise démontre sans nul doute que les états financiers présentés par les contribuables ne reflètent pas la bonne image de la santé des entreprises, il est alors important que ceux-ci, avant d’être reçus à la DGI soient certifiés par un expert en la matière.
C’est dans cette logique qu’en date du 16 mai 2023, son Excellence Monsieur le Ministre des Finances, Nicolas KAZADI a signé l’arrêté ministériel n°014/CAB/MIN/FINANCES/2023 relatif aux mesures d’application de la loi n°004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales, telle que modifiée et complété à ce jour sur la certification des états financiers annuels de synthèse accompagnant la déclaration fiscale de l’Impôt sur les Bénéfices et Profits (IBP) dont l’échéance est fixée au 30 avril de chaque année, et acceptable que sur présentation d’une attestation de certification desdits états financiers faite par les commissaires aux comptes, les experts comptables, et les sociétés des experts-comptables conformément à la loi n°015/002 du 12 février 2015 portant création de l’Ordre National des Experts Comptables, en sigle ONEC telle que modifiée par la loi n°18-017 du 09 juillet 2018.
N’étant pas une dissertation scientifique proprement dite, nous allons dans les lignes qui suivent se limiter à analyser l’arrêté du Ministre des Finances afin de permettre aux contribuables visés par le paiement de l’IBP de bien vouloir en pénétrer.
1. Assujettis personnes physiques ou morales concernés
Suivant l’article 2 de l’arrêté du Ministre des Finances, la certification des états financiers joints en annexe de la déclaration à l’Impôt sur les Bénéfices et Profits ne concerne que les entités soumises au régime de droit commun.
2. Personnes habilitées à certifier les états financiers
Il s’agit nommément des personnes physiques experts comptables indépendant et les sociétés d’expertise comptables inscrits au tableau de l’Ordre National des Experts-Comptables de la RDC.
Il doit être désigné, conformément à l’article 4 dudit arrêté, par tout contribuable au plus tard le 30 juin de chaque année pour la certification des états financiers de synthèse. A cet effet, avant cette date, tout expert-comptable ou sociétés d’expert-comptable est soumis à l’obligation d’information à faveur du Conseil Provincial de l’ONEC de son ou leurs mandat (s) de certification. Ce qui permettra à ce dernier, avant le 30 juin, de transmettre à la DGI la liste des entreprises ayant désigné les experts comptables pour le certificat de leurs états financiers.
3. De la certification et du coût lié à cette mission
Aux termes de l’article 10 de l’arrêté n°014 du 16 mai 2023, la certification est l’activité par laquelle le commissaire aux comptes ou l’expert-comptable, selon le cas, émet une opinion indiquant que les états financiers de synthèse sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l’entité à la fin de cet exercice. Elle s’effectue en application de la législation et des normes d’exercice professionnel en vigueur dans l’espace de l’OHADA.
C’est ainsi que, le coût lié à la mission de certification est à charge de l’entité. Ce coût comprend les honoraires et, éventuellement, les frais et autres débours exposés par les experts-comptables et commissaires aux comptes.
4. Défaillance au devoir de la certification des états financiers
Toute certification faite par une personne non inscrite au tableau de l’ONEC est dite irrégulière et assimilée à un refus de certification (le cas d’un membre non indépendant, un membre suspendu ou radié du tableau, un membre de l’ONEC sous poursuites disciplinaires ou sous poursuites fiscales et pénales par la DGI et un membre non déclaré par l’ONEC à la DGI).
Aussi, le fait pour une entité ou entreprise de ne pas désigner un expert-comptable ou commissaire aux comptes est assimilé au refus de faire certifier les états financiers. Par conséquent, le contribuable doit faire l’objet d’une taxation d’office pour comptabilité irrégulière conformément à l’article 41 de la loi n°004/2003 du 13 mars 2003portant réformes des procédures fiscales, telle que modifiée et complétée à ce jour.
Il en est de même d’un expert-comptable qui n’émet pas une opinion ou l’expression par ce dernier d’une opinion défavorable, ceci donne lieu à une taxation d’office.
En cas d’une taxation d’office, le contribuable est censé certifier les états financiers et les déposer dans un délai ne dépassant pas 30 jours. Au-delà de ce délai, la DGI devra appliquer les amandes et pénalités relatives à la non transmission des renseignements.
5. Présentation obligatoire d’une attestation de certification et timbre spécial ou hologramme
L’article 20 de l’arrêté exige que lors du dépôt de la déclaration fiscale de l’IBP à la DGI, le commissaire aux comptes ou l’expert-comptable puisse établir une ATTESTATION DE CERTIFICATION et y appose un TIMBRE SPECIAL OU HOLOGRAMME sur les états financiers joints à ladite déclaration.
6. Recevabilité des états financiers et déclaration de l’IBP
Les services de la DGI (division d’assiette fiscale) ne peuvent recevoir les états financiers et la déclaration fiscale relative à l’IBP que sur présentation préalable d’une attestation de certification et l’apposition du timbre spécial ou hologramme.
C’est ainsi que, pour éviter les risques d’exercice illégal de la profession par des personnes non inscrites au tableau de l’ONEC, celui-ci ensemble avec la DGI, devra mettre en place, pour raison de sécurité, une plateforme de déclaration en ligne dédiée exclusivement aux experts-comptables inscrits au tableau qui permettra d’assurer l’authenticité et l’unicité des états financiers certifiés par ces derniers.
Suivant l’article 27 de l’arrêté sous revue, la mise en œuvre des procédures liées à la certification, la DGI devra s’assurer, au moment de la réception des états financiers et de la déclaration fiscale à l’IBP de chaque contribuable :
- L’attestation de certification accompagnant les états financiers est conforme au modèle prescrit par l’ONEC ;
- L’expert-comptable ayant délivré l’attestation de certification es un expert-comptable ou société d’experts-comptables, inscrit au tableau de l’ONEC et n’a pas qualité de dirigeant ou salarié dans l’entreprise ou l’entité concernée (un expert-comptable doit être une personne étrangère ou indépendante de l’entreprise) ;
- Les attestations de certification des états financiers jointes à la déclaration fiscale de l’IBP comportent un numéro d’ordre et un hologramme annualisé apposé sur les états financiers ;
- L’entreprise bénéficiaire de l’attestation de certification est bel et bien un client du cabinet de l’expert-comptable qui l’a délivré ;
- Les chiffres clés mentionnés dans l’attestation de certification concordent avec ceux figurant dans les états financiers déposés, qui ont accompagné la déclaration fiscale de l’IBP.
7. Application de l’obligation de certification des états financiers de synthèse
Les obligations contenues dans l’arrêté de son Excellence Monsieur le Ministre des Finances concernant la certification des états financiers de synthèse s’appliqueront à compter de l’exercice fiscal 2024/revenu 2023 (au 30 avril 2024).
Bref, l’obligation de certification est une lourde responsabilité mise à la charge des experts-comptables ou commissaires aux comptes car exposés à des poursuites disciplinaires et/ou pénales en cas de fausse certification ou déclaration.
De l’autre côté, les entreprises du régime de droit commun sont appelées à se conformer audit arrêté ministériel afin d’éviter des amendes et pénalités liées à une comptabilité fausse et irrégulière.
Kinshasa, le 31 mai 2023
Me Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat
Chercheur en droit
Tél. : +2438225285
E-mail : edmondmbokolo@gmail.com