La plateforme Parcoursup, qui fonctionne depuis janvier 2018, a finalement été officiellement créée le 8 mars 2018 par la loi « relative à l’orientation et à la réussite des étudiants ».
Cette réforme – qui fait suite aux difficultés rencontrées par la plateforme « Admission Post-Baccalauréat » (dite APB) et aux débats suscités par le tirage au sort organisé pour départager les étudiants – modifie profondément la philosophie du système universitaire.
En effet, le tirage au sort effectué via APB puis la sélection via Parcoursup ont été successivement introduits pour faire face à un nombre de candidatures trop important par rapport aux places disponibles dans certaines filières, et ce depuis plusieurs années.
En présence de cette situation, les pouvoirs publics avaient deux options : augmenter les capacités d’accueil dans les formations existantes ou tenter de répartir les candidats-étudiants à l’université entre ces formations sans augmenter les capacités d’accueil.
C’est la seconde option (sans doute moins coûteuse), qui a été choisie par les pouvoirs publics.
Dans un premier temps, la tentative de répartition a été effectuée de manière informelle (voire cachée) l’algorithme d’affectation d’APB ayant été enrichi de règles (et principalement d’un tirage au sort) sans que cette introduction ait été connue des utilisateurs.
A la suite de la découverte de ce tirage au sort et des nombreux recours introduits contre les refus fondés sur ce mécanisme, l’Etat a envisagé une réforme qui a abouti à la création de Parcoursup et à la modification du code de l’éducation.
Cette réforme, qui introduit une forme de sélection à l’entrée à l’université, est celle qui va être présentée ici.
En effet, l’on retient généralement essentiellement de cette réforme qu’elle introduit la sélection là où le principe était, jusqu’ici, l’ouverture à tous de l’université (I.). Si cette introduction est effectivement centrale dans la réforme, la mise en place de Parcoursup traduit également une prise en main par l’Etat de l’inscription à l’université, nombre de compétences étant assumées par le rectorat (II.). Au-delà de ces questions de principe, la réforme, et plus précisément le décret du 9 mars 2018, met en place une procédure relativement complexe de préinscription qui imposera une réactivité importante aux étudiants (III).
I. L’introduction de la sélection à l’entrée à l’université
L’apport principal de la réforme du code de l’éducation est l’introduction d’une sélection lors de l’entrée dans l’enseignement supérieur. Cette sélection, qui implique un changement profond de la philosophie qui prévalait à l’université (A.), se traduit en pratique par différents mécanismes (B.).
A. Une modification profonde de la philosophie de l’entrée à l’université
Jusqu’à récemment, l’entrée à l’université était caractérisée par deux choses : la liberté de l’étudiant et l’absence de sélection.
En effet, en application des principes de libertés et d’égalité d’accès à l’enseignement supérieur, il n’était possible de prévoir aucune sélection (article L. 612-3 ancien du code de l’éducation). Le code consacrait expressément le libre choix de l’université par l’étudiant (article D. 612-9 ancien du même code) et inférait la liberté de choix de la filière (voir, sur ces différents points les articles : « La présélection par l’application APB est illégale » et « La sélection par l’application APB est illégale »).
Au vu de ces dispositions, le Conseil d’Etat avait même consacré le « droit pour les candidats […] à être inscrits dans l’établissement d’enseignement supérieur de leur choix situé dans le ressort de l’académie dans laquelle ils ont obtenu leur baccalauréat » (CE. SSR. 22 décembre 2017, Association SOS Education et a., n° 410561, mentionnée aux tables ; voir le post « La circulaire APB est illégale »).
Ces principes donnaient donc une liberté importante aux bacheliers dans leur choix.
L’effet pratique de ces règles était que l’entrée à l’université permettait à tous les étudiants d’accéder à la filière de leur choix, quelles que soient leurs notes, leurs filières et leur lycée d’origine.
Cette liberté avait ses côtés négatifs (le taux important d’échec en première année et de nombreuses réorientations à son issue) mais également un avantage considérable puisqu’elle permettait à des lycéens de se révéler à l’université alors que leur dossier scolaire était médiocre (par manque de travail ou de motivation).
Avec la réforme du 8 mars 2018, la philosophie de l’entrée à l’université évolue assez profondément, le candidat-étudiant perdant son droit à être inscrit dans l’université de son choix.
En effet, les étudiants restent libres de candidatés aux filières de leur choix. Néanmoins, aucun principe n’impose aux universités d’accepter les étudiants qui pourront être sélectionnés.
Ainsi, le libre choix de l’université et le droit d’y être inscrit sont supprimés.
De plus, et surtout, lorsque le nombre de candidatures sera supérieur aux capacités d’accueil de la formation[1], une sélection pourra être opérée.
Cette sélection ne passera pas par un tirage au sort comme le faisant l’ancienne plateforme APB mais se fera via un classement des candidats-étudiants en fonction de leurs dossiers (article L. 612-3 du code de l’éducation). Plus précisément, le texte prévoit que les universités apprécieront les différentes candidatures en fonction de la cohérence entre :
- Les caractéristiques de la formation,
- Le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences.
Autrement dit, les élèves ayant le meilleur dossier scolaire et dont les lettres de motivation seront les plus attrayantes seront retenus en priorité.
Il s’agira donc bien d’une sélection.
B. Les modalités pratiques de la sélection
Une fois le principe de la sélection par le dossier posé, reste encore à voir comment se fera cette sélection.
● Tout d’abord, il doit être indiqué que les universités (et plus précisément les commissions d’examen des vœux prévues par l’article D. 612-1-12 du code de l’éducation) ne seront pas complètement libres dans le choix des élèves.
En effet, le législateur a prévu aux articles L. 612-3 et L. 612-3-1 du code, que chaque formation devra respecter :
- Un pourcentage minimal de bacheliers bénéficiant d’une bourse.
Cette mesure, assez classique, a pour but de permettre aux élèves boursiers d’être présents dans toutes les filières pour assurer un minimum de mixité sociale.
- Un pourcentage maximal de bacheliers issus des autres académies.
Cette règle vise à permettre de conserver un certain nombre de places pour les candidats situés à proximité de l’université (ce pourcentage peut toutefois varier d’une formation à l’autre). En effet, il n’existe plus désormais de distinction entre les candidats issus de l’académie et les autres puisque les bacheliers issus de l’académie n’ont plus de priorité. Par la fixation d’un pourcentage maximal de bacheliers situés hors académie, le code de l’éducation vise à limiter les effets potentiellement importants de la disparition de la sectorisation.
- Un contingent minimal de places réservées aux meilleurs élèves de chaque série et spécialité de chaque lycée.
Ce mécanisme, qui existait déjà dans les autres filières publiques depuis 2014 (loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013) a pour but de permettre aux meilleurs élèves de chaque lycée d’avoir des places réservées, quel que soit leur lycée d’origine.
Ces règles, qui ont des objectifs divers, devront être respectées par les universités et les commissions d’examen de chaque formation.
● Ensuite, la sélection par les universités ne passera pas par un système de refus / acceptation des candidats-étudiants. En effet, le II. de l’article D. 612-1-13 prévoit que les candidats dont le rang sera au-delà des capacités d’accueil seront placés sur liste d’attente en fonction de leur classement.
Ainsi, l’université établira un ordre de priorité pour les candidats placés sur liste d’attente en fonction des éléments évoqués ci-dessus, à savoir (leur projet de formation, leurs acquis et leurs compétences) mais n’opposera formellement aucun refus pendant toute la phase principale d’inscription.
Cela signifie que les bacheliers ne se verront pas opposer un refus « sec » mais seront classés sur liste d’attente. Cependant, la probabilité sera, bien entendu, plus ou moins grande qu’ils soient admis en fonction de leur position, le placement en derniers de la liste équivalant, dans la plupart des filières, à un refus qui sera prononcé au terme de la phase principale de préinscription.
● Enfin, il est nécessaire d’évoquer également à ce stade la question des dispositifs d’accompagnement et les parcours de formation personnalisés.
En effet, il est désormais prévu au I. de l’article L. 612-3 du code de l’éducation que les établissements pourront subordonner l’admission du candidat-étudiant au suivi par ce dernier de « dispositifs d’accompagnement » ou de « parcours de formation personnalisé[s] »
Le rapport de présentation de la réforme indique que ces mécanismes imposés aux étudiants auront pour but « renforcer leurs chances de réussite ». Quelques exemples de dispositifs sont donnés : enseignements complémentaires, horaires aménagés, aménagements de rythme, semestre ou année de consolidation intégrés.
Autrement dit, ces mécanismes devront servir à remettre à niveau les étudiants dont les acquis ou les compétences seront jugées insuffisantes par l’université.
L’article D. 612-1-13.-I du code classe en deux catégories les dispositifs : ceux qui sont sans incidence sur la durée de la période d’étude (catégorie 1) et ceux qui auront pour conséquence un allongement de la période d’étude (catégorie 2). La catégorie 2 se distingue donc par l’obligation de suivre une année de remise à niveau avant d’entrer en première année de licence.
Ces dispositifs, mis en avant lors de la réforme, appellent toutefois plusieurs observations. En effet, la portée pratique de cette mesure dépendra de ce que les universités entendront en faire dans la mesure où ce seront elles qui décideront quels élèves ont besoin d’accompagnement et quel sera le contenu de cet accompagnement. Or, plusieurs questions se posent.
En premier lieu, se pose inévitablement la question des moyens. Comme le souligne le rapport présenté devant le Sénat (rapport n° 241 (2017-2018) de M. Jacques Grosperrin), les universités vont manquer de moyens pour organiser ces dispositifs qui pourraient donc, en pratique, être quasiment absents, les universités étant matériellement dans l’incapacité de les organiser.
En deuxième lieu, si cette mesure est mise en avant comme une compensation de la sélection qui sera opérée, il convient de garder à l’esprit qu’elle concernera les élèves dont les « acquis de la formation antérieure » et les « compétences » seront jugés les plus médiocres. Autrement dit, ces dispositifs concerneront les élèves placés en fin de liste d’attente – et donc ceux qui auront le moins de chances d’être acceptés. Dans ces conditions, l’accompagnement prévu par le texte devrait être mis en place assez rarement puisque, mécaniquement, les candidats concernés seront rarement en position de se voir proposer une admission. Dès lors, ces dispositifs ne compenseront absolument pas la sélection puisqu’ils ne permettront pas aux élèves concernés de remonter (si l’on peut dire) dans le classement établi par l’université.
En troisième lieu, il n’est pas à exclure que ce dispositif soit également utilisé par certaines formations pour renforcer la sélection. En effet, il est parfaitement possible que certaines formations prévoient des dispositifs d’accompagnement très lourds (par exemple un nombre d’heures de cours supplémentaires très important rendant l’obtention de l’année impossible) de manière à décourager les élèves concernés d’accepter les propositions d’admission ou pour les éliminer dès les premiers mois de cours.
Dans ces conditions, l’avenir et l’utilisation de ces dispositifs est incertain. Néanmoins, il ne fait aucun doute qu’en pratique, le nombre d’élèves finalement concernés par ces dispositifs d’accompagnement sera limité puisqu’ils s’adresseront aux candidats placés en fin de liste d’attente.
II. Le contrôle accru de l’Etat sur l’entrée à l’université et l’évolution des filières
Le changement de philosophie évoqué ci-dessus à propos de la sélection n’est pas le seul changement induit par la réforme. En effet, à cette occasion, les universités vont perdre en autonomie, l’Etat intervenant dans l’évolution des filières via les capacités d’accueil (A.) et l’inscription des étudiants (B.).
A. Les capacités d’accueil de chaque formation seront fixées par l’Etat
Avant l’intervention de la réforme, les capacités d’accueil des formations étaient fixées par les universités.
En effet, aucun texte ne confiait expressément cette compétence à tel ou tel organe de l’université, mais il ne faisait pas de doute que les universités étaient seules compétentes pour fixer les capacités d’accueil des formations.
Cette compétence est désormais confiée, pour la première année de licence, au recteur (III. de l’article L. 612-3 du code). Les universités n’auront donc plus de prise sur le nombre d’étudiants acceptés en première année.
Certes, le code prévoit qu’un « dialogue » sera institué avec les universités sur ces capacités d’accueil.
De plus, le recteur devra tenir compte (en vertu du II. de l’article D. 612-1-4) pour fixer les capacités d’accueil :
- De l’évolution des projets de formation des candidats des années précédentes,
- Du projet de formation et de recherche de l’établissement,
- Des perspectives d’insertion professionnelle.
Ainsi, en principe, le recteur devrait notamment tenir compte du projet de formation et de recherche de l’établissement pour fixer les capacités d’accueil.
Néanmoins, le même article prévoit qu’en cas de désaccord, le recteur tiendra compte en priorité de l’évolution des projets de formation. De la sorte, en cas de désaccord, le recteur aura le dernier mot et pourra ne pas tenir compte du projet de formation et de recherche de l’université.
C’est donc un changement profond dans l’organisation des universités, ces dernières n’étant plus maîtresses du nombre d’étudiants qu’elles auront dans chaque filière.
De plus, et surtout, le changement philosophique se voit par les critères dont tiendra compte le recteur.
En effet, le recteur tiendra compte en priorité de l’évolution des projets de formation (évolution du nombre de candidatures sur trois ans) mais également du projet de formation et de recherche de la formation et des perspectives d’insertion professionnelles.
Or, jusqu’ici, les capacités d’accueil étaient fixées par les universités en tenant principalement compte de leur projet de formation et de recherche (la formation et la recherche étant les objectifs poursuivis par l’université).
Certes, l’insertion professionnelle est, depuis la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007, devenu un des objectifs de l’enseignement supérieur (article L. 123-3 du code de l’éducation). Néanmoins, historiquement, les universités étaient tournées vers l’enseignement en lui-même (sans référence à l’insertion professionnelle) et vers la recherche.
C’est donc principalement le projet de recherche et de formation qui était à l’origine de la fixation des capacités d’accueil.
Désormais ce paramètre devient secondaire, le critère principal de fixation des capacités d’accueil étant l’évolution des demandes sur les trois dernières années. La philosophie du système est donc l’adaptation de l’offre à la demande. Mais l’on imagine bien entendu que ce critère aura ses limites concernant les hausses puisqu’il faudra tenir compte des capacités physiques d’accueil des universités (or, ces capacités physiques d’accueil ne sont, a priori, pas vouées à évoluer en l’absence de moyens supplémentaires).
En outre, le projet de formation et de recherche, objectif secondaire, sera placé sur le même plan qu’un autre objectif secondaire, à savoir les perspectives d’insertion professionnelle.
Ainsi, le recteur tiendra autant compte des objectifs de recherche que des perspectives d’insertion professionnelle. Or, pour toutes les filières tournées principalement vers la recherche et pour lesquelles les perspectives d’insertion professionnelles sont limitées, il est à craindre une baisse des capacités d’accueil, l’absence de perspectives d’insertion professionnelle pouvant être opposée au projet de recherche et de formation de l’université.
Dans ces conditions, même s’il est possible que les rectorats respectent les projets des différentes formations, rien ne les y obligera.
Le changement de philosophie est donc, là aussi, important, l’université se tournant fortement vers l’insertion professionnelle.
B. L’Etat interviendra dans l’inscription des étudiants
Au-delà des capacités d’accueil des formations, l’Etat interviendra désormais dans l’inscription des étudiants à l’université.
Certes, cela n’est pas nouveau dans la mesure où le code de l’éducation prévoyait jusqu’ici que dans l’hypothèse où les capacités d’accueil étaient dépassées, c’était le recteur qui assurait l’inscription des étudiants dans une formation (article L. 612-3 ancien du code). Néanmoins, cette intervention du recteur à la place des universités n’avait pas d’incidence réelle dans la mesure où ni le recteur, ni l’université, ne pouvait sélectionner les candidats. Son intervention était donc essentiellement pratique. De plus, en réalité, cette affectation n’était pas effectuée par lui mais par l’algorithme APB, de sorte que son intervention restait théorique.
Avec la réforme du 8 mars 2018, l’intervention des services académiques sera plus prégnante sur l’inscription des étudiants. Ce contrôle accru passera par trois mécanismes.
● Tout d’abord, ce seront les services académiques qui fixeront les différents pourcentages évoqués ci-dessus (taux de places réservés aux boursiers, taux maximal d’élèves issus des autres académies, nombre de places réservées aux meilleurs élèves).
En effet, dans la mesure où ces pourcentages ne seront pas fixés uniformément pour toutes les universités ou, au sein d’une même université, pour toutes les formations, il est nécessaire que des taux particuliers soient fixés pour chaque formation.
Or, cette fonction sera remplie par les services académiques. Certes, ces taux seront fixés « en concertation » avec les présidents d’universités (V. de l’article L. 612-3 du code). Néanmoins, une nouvelle fois, en cas de désaccord, la volonté du recteur prévaudra sur celle des universités.
● Ensuite, l’intervention du rectorat sera surtout importante pour l’affectation des candidats qui n’auront eu aucune proposition à l’issue de la phase principale et de la phase complémentaire.
Le système mis en place diffère de celui qui a été introduit pour les étudiants n’ayant obtenu, à l’issue de leur licence, aucune proposition d’admission en master.
En effet, le VIII. de l’article L. 612-3 du code de l’éducation prévoit que pour les candidats à la première année de licence, l’autorité académique proposera une inscription dans une formation où il reste des places.
Cette proposition sera effectuée en « tenant compte » des caractéristiques de la formation, du projet de formation du candidat, des acquis de sa formation antérieure et de ses compétences.
Autrement dit, la proposition sera en principe en adéquation avec le projet de l’étudiant mais cela ne sera pas obligatoire puisque le recteur devra tenir compte des places disponibles. Sur ce point, le dispositif est similaire à ce qui a été prévu pour l’entrée en master (voir l’article « L’entrée en master 1 peut désormais être, légalement, sélective »).
En cela, le mécanisme est similaire à celui prévu pour les masters.
En revanche, ce qui diffère, c’est que l’université n’aura pas à donner son accord sur la proposition. En effet, la proposition fera simplement l’objet d’un « dialogue préalable » avec l’université (autrement dit, en cas de désaccord, le rectorat ne sera pas tenu de prendre en compte l’avis émis par l’université) et, in fine, la formation ne pourra pas s’opposer à l’inscription de l’élève si celui-ci accepte la proposition.
En revanche, une marge de manœuvre demeurera en possession de l’université puisque le président de l’université pourra conditionner l’inscription au suivi par le candidat d’un des « dispositifs d’accompagnement » exposés supra, à savoir les dispositifs de catégorie 1 et 2.
Toutefois, il est certain que la marge de manœuvre des universités sera limitée.
● Enfin, le rectorat interviendra dans des hypothèses plus résiduelles – mais de manière entièrement unilatérale cette fois – pour inscrire les candidats faisant face à des « circonstances exceptionnelles ».
En effet, il est prévu que les candidats pourront demander le réexamen de leur candidature lorsque des circonstances exceptionnelles justifieront qu’ils soient inscrits dans une zone géographique déterminée. Ces circonstances sont limitativement énumérées par le IX. de l’article L. 612-3 :
- L’état de santé du candidat,
- Son handicap,
- Son inscription en tant que sportif de haut niveau,
- Ses charges de familles.
Dans ces hypothèses, l’autorité académique pourra procéder au réexamen de la situation du candidat et l’inscrire d’office dans une formation en tenant compte des éléments habituels (caractéristiques de la formation, acquis de la formation antérieure, compétences) et de sa situation particulière.
Or, dans ce cas, les universités ne seront pas consultées. De plus, il ne semble pas que le recteur soit tenu par les capacités d’accueil dans cette hypothèse. En outre, rien ne prévoit que le président d’université puisse imposer le suivi d’un dispositif d’accompagnement.
Pour ces cas – résiduels en principe – le recteur sera donc totalement libre d’affecter les étudiants sans tenir compte de l’avis des universités.
Ainsi, par ces différents mécanismes, l’Etat – à travers le rectorat – prendra une place importante qu’il n’avait pas auparavant dans l’affectation des étudiants.
III. Le déroulement pratique de la procédure d’admission à l’université
Au-delà des éléments exposés supra, la loi du 8 mars 2018 et le décret du 9 mars 2018 viennent également préciser comment la procédure d’admission se déroulera en pratique. Est ainsi créée une procédure précise, composée de multiples étapes, pour l’admission à l’université.
En effet, les articles D. 612-1 et suivants du code de l’éducation prévoient différents délais et étapes pour l’inscription via Parcoursup.
Le code distingue tout d’abord, deux phases : la phase principale et la phase complémentaire.
La phase principale vise à permettre le dépôt des vœux et l’examen des candidatures par les universités. La phase complémentaire ne concerne, quant à elle, que les candidats qui ont vu leurs vœux refusés afin qu’ils puissent postuler sur les formations pour lesquelles il reste des places.
Mais au sein de ces deux grandes phases, il existe plusieurs étapes que les candidats devront respecter scrupuleusement. Ces différentes étapes sont fondées sur un calendrier annuel adopté par le ministre de l’enseignement supérieur (article D. 612-1-2 du code de l’éducation). Le calendrier peut donc varier d’une année sur l’autre mais les étapes sont toujours les suivantes :
● Le candidat doit impérativement passer par le portail Parcoursup pour candidater sur les formations qui y sont répertoriées (article D. 612-1). Il n’est pas possible de candidater directement ou par voie papier.
● Les candidats peuvent déposer 10 vœux maximum lors de la phase principale, hors vœux d’apprentissage (article D. 612-1-8). Des formations peuvent cependant se regrouper pour constituer un vœu dit « multiple ». Le candidat peut alors former 10 sous-vœux dans le vœu multiple (article D. 612-1-9).
Mais il ne peut déposer que 20 sous-vœux pour l’ensemble de ses vœux multiples. Autrement dit, s’il candidate à 10 vœux multiples, il ne pourra pas candidater à 100 formations ou sous-voeux (10 x 10) mais devra choisir parmi 20 formations.
Cette règle ne vaut pas pour la première année commune aux études de santé en Ile-de-France pour laquelle les candidats pourront toujours effectuer 7 sous-vœux pour chaque vœu multiple « étude de santé » en Ile-de-France. De plus, ces sous-vœux « études de santé » ne seront pas décomptées dans le capital de 20 sous-vœux évoqué ci-dessus si le candidat demande des formations de santé et d’autres formations (article D. 612-1-10).
● Ces vœux doivent être « confirmé[s] » dans le délai prévu par le calendrier, à défaut ils sont annulés (article D. 612-1-8). Ainsi, si le candidat laisse passer ce délai, il est réputé n’avoir fait aucune candidature.
● Les candidatures sont examinées par une « commission d’examen » propre à chaque formation qui fixe les critères d’examen des candidatures (autrement dit la méthode de sélection) et classe les candidatures en fonction des critères définis par elle (article D. 612-1-12).
Il convient néanmoins de préciser que les critères fixés par la commission d’examen ne sont pas librement définis. En effet, les connaissances et compétences attendues des candidats font l’objet d’un « cadrage national » et sont complétées par chaque établissement s’il le souhaite (article D. 612-1-6).
Les commissions d’examen devront donc appliquer les critères issus du cadrage national et des compléments adoptés par la formation (et communiqués aux candidats via la plateforme Parcoursup).
● Après cet examen, les candidats sont informés par la plateforme Parcoursup du résultat du traitement de leurs vœux (article D. 612-1-13). Ce résultat peut être :
- Pour les formations universitaires qui ne sont pas « sélectives »[2] : une acceptation (conditionnée, le cas échéant au suivi d’un dispositif d’accompagnement de catégorie 1 ou 2) ou un placement sur liste d’attente,
- Pour les formations sélectives (universitaires ou non) : une acceptation, un placement sur liste d’attente ou un refus.
● Si l’une des réponses est une proposition d’admission (le cas échéant conditionnée au suivi d’un dispositif d’accompagnement), le candidat doit indiquer s’il accepte ou non cette formation via la plateforme Parcoursup dans le délai fixé par le calendrier. Si le délai n’est pas respecté, le candidat est réputé avoir refusé. Il perd donc le bénéfice de cette proposition. Il se voit alors imposer un second délai pour confirmer ses autres candidatures et, s’il ne le fait pas dans ce nouveau délai, il perd tous ses autres vœux (autrement dit, il ne pourra plus prétendre à aucune inscription).
● Même si le candidat accepte la proposition qui lui est faite, il peut maintenir ses autres vœux jusqu’au terme de la phase principale. Mais il doit le demander, ce maintien n’est pas automatique.
S’il reçoit une seconde proposition d’admission sur l’un de ses vœux restants, il ne peut conserver les deux propositions.
Un délai lui est alors donné pour choisir entre les deux propositions et indiquer s’il souhaite maintenir les vœux restants. S’il laisse passer ce délai, son acceptation de la première proposition est regardée comme définitive et il perd le bénéfice de sa seconde proposition et de tous ses autres vœux.
● Ainsi, le candidat doit être attentif tout au long de la phase principale. Effet, il doit respecter de nombreux délais et son silence (au-delà du délai imparti) a nécessairement des conséquences négatives pour lui.
Il convient néanmoins d’indiquer qu’une petite porte restera ouverte pour que le candidat puisse revenir sur ses choix (effectués explicitement ou implicitement). En effet, le III. de l’article D. 612-1-13 du code prévoit que tout au long de la procédure, le candidat peut faire valoir des « circonstances particulières » justifiant la modification de ses décisions et peut alors se voir réattribuer les propositions qu’il avait reçues initialement (si des places se libèrent).
Néanmoins, ce mécanisme, par nature dérogatoire, ne pourra pas être utilisé par les candidats pour pallier l’oubli d’un délai. En effet, la référence à des « circonstances particulières » suppose que la situation présente une certaine spécificité (par exemple un grave problème de santé momentané empêchant de répondre à une proposition, etc.).
En revanche, l’oubli d’un délai n’est pas une circonstance « particulière ». De la sorte, ce mécanisme ne peut pas permettre aux candidats distraits de récupérer une ou plusieurs candidatures perdues.
● Au terme de la procédure, les candidats se voient notifier, via la plateforme Parcoursup, une décision de refus pour toutes les formations sur lesquelles ils ont candidaté sans bénéficier d’une proposition d’admission. Cette décision de refus indique leur rang de classement.
Le candidat malheureux peut alors demander la communication des motifs pédagogiques de son classement, ainsi que les critères et modalités d’examen de sa candidature dans un délai d’un mois (il ne pourra plus demander les motifs au-delà de ce délai).
Ce mécanisme est similaire à celui prévu pour l’accès en master.
Outre que ce délai bref pour le candidat apparaît peu efficient (en l’absence de délai donné à l’administration pour répondre), il doit surtout être souligné que cela signifie que les décisions de refus n’auront plus à être motivées.
En effet, en vertu de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration, il était jugé que les décisions de refus d’admission en première année devaient être motivées (voir, par exemple : CAA Nantes, 24 juillet 1997, Mlle Caroline X, n° 97NT00119 ; TA Paris, ord. 5 septembre 2016, n° 1611777).
Or, en prévoyant que le candidat se voit communiquer à sa demande les motifs (de droit et de fait) du refus d’admission, le code de l’éducation implique que la décision en elle-même n’a pas à être motivée. En effet, la décision formelle n’a à mentionner que le rang de classement du candidat.
● Pour les candidats ne s’étant vu proposer aucune admission à l’issue de la phase principale, il est possible de suivre la phase complémentaire.
Cette procédure, similaire à la procédure principale, leur permet de formuler 10 nouveaux vœux pour les formations dans lesquelles il reste des places vacantes.
L’on retrouve ici le même esprit que celui qui existait sous l’empire de l’application APB, laquelle prévoyait déjà une procédure complémentaire.
Néanmoins, la procédure complémentaire Parcoursup souffrira du même défaut que la procédure complémentaire APB puisque ne seront souvent présentes que des formations éloignées géographiquement du domicile du candidat ou ne correspondant pas au projet de l’élève.
Au terme de cette procédure, le candidat peut, à nouveau, ne se voit proposer aucune inscription.
● Une dernière étape (en cas de proposition acceptée dans la phase principale ou complémentaire) doit être respectée par l’étudiant. Il s’agit de l’inscription proprement dite.
En effet, si le candidat ne respecte pas le délai d’inscription, qui lui est notifié via Parcoursup, il est (une nouvelle fois) réputé avoir refusé cette proposition.
Ce délai n’est donc pas anodin, même si le candidat est en possession d’une proposition acceptée.
● En l’absence de proposition, le candidat bénéficie en principe du dispositif prévu par le VIII. de l’article L. 612-3 du code de l’éducation.
Comme indiqué supra, ce mécanisme impose au rectorat de proposer une inscription à l’étudiant, s’il n’en a pas reçu.
Il convient de souligner que ce mécanisme ne concerne que les candidats qui ne se sont vus proposer aucune admission. En effet, s’ils ont reçu une proposition mais l’ont déclinée, ils ne bénéficieront pas (en principe) de ce mécanisme. Le texte ne l’indique pas mais sa rédaction est claire. Le recteur doit en effet s’occuper des « candidats auxquels aucune proposition d’admission n’a été faite ». Le refus d’une proposition exclut donc en principe le candidat du système.
En revanche, rien n’indique qu’un élève qui n’a fait aucune candidature dans le cadre de la phase complémentaire soit exclu du système. En effet, cet élève ne s’est vu proposer aucune admission et fait en principe partie des candidats auxquels le recteur doit fournir une proposition d’admission.
En conclusion, les étapes seront nombreuses pour les candidats et supposeront une attention particulière de leur part du fait de la multiplication des délais et des conséquences (parfois drastiques) données au silence des candidats.
Mai 2018
Bruno Roze
Avocat au Barreau de Paris
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[1] Nombre maximum d’étudiants, fixé à l’avance, que la filière acceptera.
[2] Même si cela n’est pas évident, cette catégorie vise également les formations universitaires classiques pour lesquelles les candidatures excèdent les capacités d’accueil et où la sélection exposée ci-dessus sera effectuée.