Le caractère définitif d’un permis de construire permet d’entamer les travaux l’esprit tranquille. En effet, une fois ce caractère acquis, l’on dispose de la certitude que le permis de construire ne sera pas remis en cause, ce qui permet d’entamer sans soucis la construction.
Néanmoins, la détermination de la date à laquelle le permis devient définitif n’est pas aussi simple que l’on pourrait le penser de prime abord.
En effet, trois acteurs sont susceptibles d’intervenir :
- Les tiers auxquels l’on pense souvent (voisins, etc.),
- Le maire auquel l’on pense parfois (il peut revenir sur sa décision),
- Le préfet auquel l’on pense rarement (il contrôle les autorisations délivrées par le maire).
Or, les délais et modalités d’action dont disposent ces trois acteurs sont différents. Ils méritent donc que l’on s’y attarde.
I. Le recours des tiers
Les tiers (voisins, habitants de la commune, etc.) peuvent former un recours contre le permis de construire qui a été délivré.
Néanmoins, ils disposent d’un délai précis pour contester le permis de construire (devant le maire ou le tribunal administratif).
Ce délai est de deux mois comme le prévoit l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme.
Cet article indique que le délai court à compter du « premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15 ».
Autrement dit, le permis de construire doit être affiché de façon continue pendant deux mois de manière visible sur le terrain. L’affichage doit en outre contenir un certain nombre d’informations listées à l’article R. 424-15 du même code.
Si l’affichage n’est pas continu, n’est pas visible ou ne contient pas les informations exigées par le texte, il ne produit aucun effet et le délai de recours n’est pas opposable aux tiers.
En revanche, si l’affichage est conforme au texte, les tiers ne peuvent plus former de recours au bout de deux mois.
Deux précisions doivent toutefois être apportées :
- D’une part, en vertu de l’adage classique idem est non esse aut non probari (ne pas être et ne pas prouver sont identiques), il est nécessaire de conserver la preuve de l’affichage du permis de construire, par exemple, par des constats d’huissier réguliers. Sans cette preuve, il sera impossible de démontrer en cas de recours introduit après l’expiration du délai de deux mois que ce recours est bien tardif.
- D’autre part, se pose nécessairement la question de la connaissance de ce recours. En effet, le recours n’est pas formé devant le bénéficiaire du permis mais devant le maire ou le juge, lesquels peuvent mettre un certain temps à informer le bénéficiaire de l’existence du recours. C’est la raison pour laquelle les rédacteurs du code de l’urbanisme ont prévu que les recours contre les autorisations d’urbanisme devaient être notifiés par courrier recommandé au bénéficiaire (article R. 600-1 du code de l’urbanisme) dans un délai de 15 jours francs. Si cette formalité n’est pas respectée, le recours est irrecevable.
En résumé, l’on peut schématiser le délai à compter duquel le bénéficiaire du permis de construire peut considérer que les tiers ne pourront plus faire de recours comme suit :
N (premier jour de l’affichage) + 2 mois et 1 jour (délai de recours) + 15 jours et 1 jours (délai de notification) = les tiers n’ont pas formé de recours |
II. Le retrait par le maire
Bien que le maire soit l’auteur du permis de construire, il peut décider de le retirer.
Néanmoins, cette possibilité de retrait est bien entendu réglementée. En effet, le maire ne peut pas, sans condition de fond et de délai, revenir sur sa décision et priver le pétitionnaire du bénéfice de son autorisation.
L’article L. 424-5 du code de l’urbanisme prévoit que le maire ne peut retirer le permis de construire que s’il est illégale et dans un délai de trois mois à compter de sa délivrance.
Ainsi, le permis de construire ne peut être retiré que s’il est illégal (méconnaissance du plan local d’urbanisme (PLU) ou du code de l’urbanisme), en suivant une procédure contradictoire et dans un délai de trois mois.
Pour résumer, le délai dont dispose le maire est le suivant :
N (date de délivrance du permis) + 3 mois et 1 jour (délai de retrait) = le maire ne peut plus revenir sur le permis |
Cette affirmation connaît néanmoins une limite. En effet, le retrait par le maire est possible sans condition de délai si le demandeur s’est rendu coupable d’une fraude (voir, par exemple : CE SSR. 17 mars 1976, Sieur Todeschini, n° 99289, publiée au Recueil). C’est-à-dire s’il a menti pour obtenir l’autorisation, par exemple, sur la superficie du terrain ou l’appartenance du terrain à un lotissement.
Dans cette hypothèse, il n’existe aucun délai.
III. Le déféré par le préfet
Ce troisième acteur est généralement oublié dans le calcul de la date à compter de laquelle le permis de construire devient définitif.
Certes, il intervient rarement. Néanmoins, son intervention demeure possible et ne doit pas être oubliée.
Le délai de recours du préfet est, comme pour les tiers, de deux mois.
Toutefois, il ne commence pas à courir à la même date que pour les tiers.
En effet, le délai de recours commence à courir, en vertu des articles L. 2131-1 et suivants du code général des collectivités territoriales à compter de la transmission :
- Pour un permis exprès (formalisé) : de la transmission du dossier de demande et de l’arrêté de permis de construire.
- Pour un permis tacite (non-formalisé) : compter de la naissance du permis si le dossier de demande a été transmis en vertu de l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme (CE. SSR. 23 octobre 2013, SARL Prestig’Immo, n° 344454, mentionnée aux tables).
Si le dossier ou l’arrêté n’est pas transmis, le délai de recours ne commence pas à courir.
Ce point pose donc problème dans la mesure où le bénéficiaire de l’autorisation est tributaire du bon fonctionnement administratif de la commune, ce dont il n’est pas informé.
Il pourrait donc se trouver dans l’impossibilité de connaître la date d’accomplissement de ces formalités et, dès lors, de la date à laquelle son permis de construire est devenu définitif.
Une nouvelle fois, le code de l’urbanisme envisage cette possibilité et prévoit en son article R. 424-12 que la commune doit informer le demandeur de ces transmissions. Si la commune ne fait pas, le bénéficiaire de l’autorisation peut lui demander à quelle date elles ont eu lieu.
Cela lui permet donc de savoir quand le préfet a été informé de l’existence de l’autorisation (même si le pétitionnaire ne peut pas savoir si la transmission a été complète ou non).
Comme les tiers, le préfet est tenu de notifier les recours qu’il forme contre les permis de construire (devant le maire ou le juge administratif) dans un délai de 15 jours francs.
Dans ces conditions, le bénéficiaire de l’autorisation est informé de son recours.
En résumé, le délai à compter duquel le bénéficiaire du permis de construire peut considérer que le préfet n’a pas formé de recours peut être schématisé comme suit :
Permis exprès (formalisé) : N (jour de transmission du dossier et de l’arrêté au préfet) + 2 mois et 1 jour (délai de recours) + 15 jours et 1 jours (délai de notification) = le préfet n’a pas formé de recours |
Permis tacite (non-formalisé) : N (jour de naissance du permis de construire si le dossier de demande a été transmis au préfet) + 2 mois et 1 jour (délai de recours) + 15 jours et 1 jours (délai de notification) = le préfet n’a pas formé de recours |
Juillet 2017
Bruno Roze
Avocat au Barreau de Paris
5, rue Cambon 75001 Paris
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