I. Quel est le fondement des prescriptions d’un permis de construire ?
Les prescriptions dont sont éventuellement assortis les permis de construire sont, pour certaines, prévues par les articles R. 111-1 et suivants du code de l’urbanisme, relatifs au règlement national d’urbanisme.
Ces dispositions prévoient que le permis de construire peut n’être accordé que sous réserve du respect de certaines prescriptions afin d’assurer la sécurité publique, de respecter le caractère des lieux avoisinants, etc.
En revanche, aucune disposition ne prévoit que de telles prescriptions peuvent être imposées pour assurer le respect des plans locaux d’urbanisme (ou autres documents d’urbanisme locaux).
En effet, sur ce point, les prescriptions ressortent de la pratique et du principe selon lequel les autorisations d’urbanisme ne peuvent être accordées que si elles sont « conformes aux dispositions législatives et réglementaires » applicables en matière d’urbanisme (article L. 421-6 du code de l’urbanisme).
Plus précisément, dans la mesure où le projet doit être conforme aux dispositions d’urbanisme (notamment le plan local d’urbanisme), il est préférable, afin d’éviter un refus fondé sur une non-conformité marginale, de l’assortir de prescriptions. C’est la raison pour laquelle l’administration impose, en pratique, des prescriptions aux permis de construire et décisions de non-opposition à déclaration préalable pour faire l’économie d’un refus et du dépôt consécutif d’un nouveau dossier presque identique au précédent.
En l’absence de définition législative ou réglementaire de ces prescriptions, le juge administratif est venu préciser les éléments constitutifs de la prescription d’urbanisme. Ainsi, le Conseil d’Etat a pu juger : « que l’administration ne peut assortir une autorisation d’urbanisme de prescriptions qu’à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, aient pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect […] » (CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677, publiée au Recueil).
La Haute juridiction définit donc :
- Leur objet → assurer la conformité des travaux aux dispositions d’urbanisme.
- Leur limite → des modifications précises et limitées ne nécessitant pas le dépôt d’un nouveau dossier.
C’est donc au vu de cette définition que les services en charge d’une autorisation d’urbanisme doivent décider d’imposer ou non des prescriptions.
II. Les prescriptions peuvent-elle être contestées ?
Si les prescriptions des permis de construire sont anciennes, le recours direct contre ces prescriptions par le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme est, quant à lui, récent.
En effet, le Conseil d’Etat considérait initialement que les prescriptions dont sont assortis un permis de construire ou une décision de non-opposition à déclaration préalable formaient un tout indivisible avec l’autorisation.
Aussi, le recours dirigé contre ces seuls prescriptions (et non contre l’autorisation dans sa totalité) était jugé irrecevable. Cette position de principe ancienne (CE. Sect. 12 octobre 1962, Ministre de la construction c. Compagnie immobilière de la région parisienne, n° 55655, publiée au Recueil) était rappelée régulièrement (voir, par exemple en ce sens : CE. SSR. 22 avril 1988, M. Michault, n° 75755, mentionnée aux tables).
Or, par la décision précitée, le Conseil d’Etat est revenu sur cette position. Il a considéré que : « le titulaire d’une autorisation d’urbanisme est recevable à demander l’annulation d’une ou de plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie ; qu’il peut utilement soulever à l’appui de telles conclusions tout moyen relatif au bien-fondé des prescriptions qu’il critique ou au respect des exigences procédurales propres à leur édiction […] » (CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677, publiée au Recueil).
Dès lors, le recours formé contre les prescriptions d’urbanisme est désormais recevable et le bénéficiaire de l’autorisation peut critiquer le fond, la forme et la procédure d’adoption de ces prescriptions.
Le recours est donc possible. Le Conseil d’Etat pose néanmoins une limite à l’annulation de ces prescriptions.
En effet, même si le recours est recevable et si la prescription est jugée illégale, elle n’est pas automatiquement annulée. La Haute juridiction impose au juge de vérifier que leur « annulation n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme et qu’ainsi ces prescriptions ne forment pas avec elle un ensemble indivisible » (CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677, publiée au Recueil).
Ainsi, le juge doit vérifier qu’en supprimant une illégalité, il n’en crée pas une – plus grave – tenant à l’illégalité de l’autorisation d’urbanisme dans son ensemble.
En effet, en principe la prescription est vouée à assurer la légalité de l’autorisation. Dans ces conditions, même illégale, cette prescription peut remédier à une non-conformité du dossier de demande aux dispositions d’urbanisme. Dès lors, dans cette hypothèse, il est logique que le juge ne puisse pas prononcer l’annulation des prescriptions.
La solution inverse aurait été pour le moins dangereuse puisqu’elle aurait pu conduire à créer des autorisations (amputées de leurs prescriptions) contraires aux dispositions d’urbanisme.
Cette réserve est donc sage.
Il n’en demeure pas moins que les prescriptions peuvent être contestées et que tout moyen peut être soulevé à leur encontre.
III. Quels moyens peuvent être soulevés contre les prescriptions ?
Différents moyens peuvent être soulevés contre les prescriptions d’une autorisation d’urbanisme.
- Légalité externe
Concernant la légalité externe, tous les moyens classiques de forme peuvent être soulevés (compétence, signature, nom, prénom et qualité de leur auteur, etc.).
Néanmoins, il convient de se pencher sur la nécessité de motiver ou non les prescriptions d’urbanisme.
En effet, ces prescriptions doivent en principe être motivées. Sur ce point, l’article R. 424-3 du code de l’urbanisme dispose :
« Lorsque la décision rejette la demande ou s’oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. […] Il en est de même lorsqu’elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d’urbanisme applicables ».
Toutefois, la jurisprudence administrative a en pratique neutralisé cette obligation de motivation en considérant que celle-ci pouvait ressortir des prescriptions en elles-mêmes. Plus précisément, le Conseil d’Etat a jugé :
« Considérant […] que si l’arrêté litigieux en date du 17 août 1988 est assorti de prescriptions […] les motifs de cet arrêté résultent directement du contenu même desdites prescriptions » (CE. SSR. 17 juin 1996, SARL Scierie du Ternois, n° 108304, mentionné aux tables).
Ainsi, il considère que la motivation des prescriptions ressort de leur contenu même.
Or, cette position est appliquée avec constance depuis lors (voir, pour un exemple récent : CAA Douai, 23 février 2017, n° 15DA01271).
De la sorte, si le moyen tiré de l’insuffisance de motivation peut être soulevé, il a peu de chances de prospérer dans la mesure où les juridictions ont des exigences limitées quant à la teneur de cette motivation.
- Légalité interne
Sur le fond, les prescriptions peuvent être critiquées pour tout motif.
Parmi les moyens susceptibles d’être soulevés, l’on peut trouver notamment les critiques suivantes.
▪ En premier lieu, la circonstance que les prescriptions aillent au-delà de l’objet qui leur est assigné (à savoir assurer la conformité du projet aux dispositions d’urbanisme) peut conduire à leur annulation. Il en va ainsi lorsque :
- La prescription réglemente pour l’avenir et de manière générale l’implantation des constructions dans le voisinage (CAA Nancy, 26 juin 2012, M. Jean-Louis A et a., n° 11NC01209).
- La prescription conditionne le début des travaux à la conclusion d’une convention avec la commune pour l’indemniser du préjudice qu’elle estime subir du fait de la construction (CAA Nancy, 20 janvier 2011, S.C.I. TED, n° 10NC00074).
▪ En deuxième lieu, la circonstance que les prescriptions soient imprécises peut en principe conduire à son annulation (CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677, publiée au Recueil ; CAA Nantes, 30 janvier 2015, n° 14NT01065).
Il pourrait en aller ainsi dans l’hypothèse où le pétitionnaire ne serait pas en mesure de déterminer quelles modifications il doit apporter à son projet.
▪ En troisième lieu, le maire ne peut utiliser les prescriptions pour reporter à une concertation ou une instruction ultérieure une décision qu’il était tenu de prendre en refusant de prendre parti sur le projet qui lui est soumis (CAA Nantes, 30 janvier 2015, n° 14NT01065).
Ainsi, il a pu être jugé que des prescriptions renvoyant aux services techniques de la collectivité, au moment du début des travaux, le soin de déterminer les modalités de raccordement de la construction étaient illégales (CE. SSJS. 16 janvier 1987, S.C.I. ASCODIF, n° 64032).
▪ En quatrième lieu, il est nécessaire que les prescriptions soient justifiées. Aussi, une prescription qui ne serait pas exigée par le respect d’un article du code de l’urbanisme ou du plan local d’urbanisme est illégale.
A titre d’exemple, il a pu être jugé que la prescription tenant à la pose de tuiles d’un certain type, qui n’était pas rendu nécessaire par l’intérêt des lieux avoisinants (article R. 111-27 du code de l’urbanisme), était illégale (CAA Nantes, 25 juillet 2017, n° 16NT01670).
Dans ces conditions, il apparaît que de nombreux moyens de fond sont susceptibles d’être soulevés contre les prescriptions imposées aux permis de construire et déclarations préalable.
Septembre 2017
Bruno Roze
Avocat au Barreau de Paris
5, rue Cambon 75001 Paris
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