UN ARRET FONDATEUR DE LA THEORIE DE L'ALEA DANS LES CONTRATS ADMINISTRATIFS AU CAMEROUN

Publié le 07/09/2014 Vu 4 522 fois 1
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Pendant longtemps, le juge des contrats n'a pas eu l'occasion ou n'a pas voulu construire les trajectoires nationales de la théorie de l'aléa dans le contentieux contractuel public national. L'Arrêt sous reproduit constitue un tournant radical du juge administratif camerounais dans la saisine par notre droit positif de l'institution de l'aléa pourtant organisée et réglementée à la fois par le Code des Marchés Publics, les Cahiers des Clauses Administratives Générales, particulières ou financières ...

Pendant longtemps, le juge des contrats n'a pas eu l'occasion ou n'a pas voulu construire les trajectoires nat

UN ARRET FONDATEUR DE LA THEORIE DE L'ALEA DANS LES CONTRATS ADMINISTRATIFS AU CAMEROUN

JUGEMENT N°145/2012/CS/CA DU 12 SEPTEMBRE 2012,

SOCIETE CARMCO C/. ETAT DU CAMEROUN (MINDCAF)

La Chambre Administrative de la Cour Suprême ;

(…)

Attendu que par requête en date du 20 avril 2009 enregistrée au Greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême le même jour sous le numéro 421, Maître MBOUYOUM François-Xavier, Avocat à Yaoundé, agissant au nom et pour le compte de la Société CARMCO Sarl a sais la susdite juridiction d’un recours en annulation de la Décision n°386/D/MINTP/SG/CJ du 16 Octobre 2008 portant résiliation du marché n°0114/M/MINTP attribué à la Société CARMCO et en paiement des dommages et intérêts ;

Attendu que ladite requête est ainsi libellée :

«A l’honneur d’exposer ce qui suit : La Société CARMCO a été désignée le 12 juillet 2007 adjudicataire du marché n°0114/M/MINTP/CPM-ER/2007 passé après appel d’offres, pour l’exécution des travaux d’entretien courant périodique de certaines routes en terre du réseau prioritaire dans les réseaux Ouest et Sud (Programme 2007-2009) pour un montant de Un Milliard Cinq Cent Trente Trois Millions Neuf Cent Quatre Vingt Dix Mille Quatre Cent Trente Trois (1.533.990.433) F CFA.

L’ordre de service pour le démarrage des travaux de la tranche ferme (TF) lui a été notifié le 10 décembre 2007 pour un délai d’exécution de 10 mois. Après plusieurs visites de chantier en vue du calage des quantités, le procès-verbal définitif était adopté le 29 février 2008, date à partir de laquelle devrait commencer la computation des délais contractuels d’exécution des travaux de cette tranche ferme.

«Cependant, cette période, coïncidant avec le début de la petite saison des pluies, s’est révélée inappropriée pour le lancement optimal des travaux en raison des pluies abondantes dont la fréquence et l’intensité freinaient l’évolution du chantier. Ce phénomène peu habituel a d’ailleurs été consigné à plusieurs reprises dans le journal du chantier.

L’entreprise a connu des jours difficiles à cause des intempéries qui ont gêné le rapatriement et la révision des engins. A ces difficultés se sont ajoutées les humeurs des partenaires financiers de l’entreprise CARMCO, peu disposés d’apporter à l’entreprise leurs concours financiers en raison des décomptes impayés et du retard enregistré par l’Administration dans la notification de la tranche conditionnelle (TC).

«C’est alors que l’entreprise s’apprêtait à rattraper son retard qu’elle s’est vue assommée par l’ordre de service du 14 avril 2008 valant mise en demeure. Il importe de relever à cet égard que cet ordre de service qui fort curieusement n’a été notifié qu’à mairie au lieu de l’être à l’adresse habituelle de l’entreprise qui n’en a eu connaissance que par hasard le 16 juin 2008 et a aussitôt demandé par requête que lui soit accordée une prolongation de délais de trois mois pour rattraper le retard accusé dans l’exécution des travaux. Cette requête a été transmise le 19 juin suivant par le MDC qui l’a faite tenir au Maître d’Ouvrage avec avis favorable pour une prolongation de deux (02) mois.

«L’entreprise qui s’attendait à ce que le bénéfice de cette demande de prolongation lui soit accordé pour rattraper son retard et ce d’autant que le délai qui lui avait été imparti pour démarrer les travaux devait courir du 29 février 2008 au 29 novembre 2008 date de son expiration ; estime de ce fait que la décision intervenue en violation de la procédure de notification des actes manque de base légale.

«Le recours est recevable pour avoir été formé dans le délai de la loi,

«D’où il suit que la décision de résiliation intervenue alors que ni l’ordre de service valant mise en demeure ni le procès-verbal de carence n’avaient été régulièrement notifiés est entaché d’excès de pouvoir ;

Sur la recevabilité du recours :

«Moyens du recours

«La requérante invoque deux moyens :

Le premier pris de la violation de l’article 97 alinéa 2 du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics, ensemble, défaut de notification à domicile élu des ordres de service valant mise en demeure et procès-verbal de carence du Maître d’Ouvrage à l’entreprise ;

En ce que pour prononcer la résiliation du marché litigieux pour «cause de défaillance», la décision paraît s’appuyer sur l’ordre de service valant mise en demeure et du procès-verbal de carence qui ne lui a pas été notifiée, comme d’habitude, à son adresse habituelle, à son domicile élu dont l’adresse est connue du Maître d’Ouvrage. La notification de ces actes administratifs à la mairie où elle ne se rend qu’occasionnellement est de ce fait irrégulière et par conséquent entachée de nullité.

Discussion :

Il est de principe que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Ainsi, l’administration ne saurait se prévaloir d’un acte administratif irrégulièrement notifié pour prendre à l’encontre d’un citoyen des mesures qui lui font grief sans être en porte en faux avec la loi.

Dans le cas de cette espèce, la décision de résiliation est intervenue en violation de la règle de procédure selon laquelle tout acte non signifié par voie d’huissier ou par notification à la personne physique ou morale dont l’adresse est connue de l’administration est entaché de nullité ;

D’où il suit que le moyen est fondé ;

Le deuxième moyen est pris de la violation de l’article 57 du Cahier des Clauses Administratives Générales en ce que pour solliciter la prolongation des délais d’exécution de la tranche conditionnelle susvisée, la requérante impute aux mauvaises conditions atmosphériques et aux pluies abondantes qui se sont abattues de manière ininterrompue dans le site ou devaient se dérouler les travaux rendant ainsi difficile d’effectuer dans le chantier des travaux dans des conditions optimales, des pluies abondantes et persistantes en petite saison de pluies constituant pour l’entreprise, en application du texte visé au moyen un événement imprévisible qui devait être pris en compte par le Maître d’Ouvrage et entraîner par conséquence la prolongation du délai sollicité par l’entrepreneur pour permettre de rattraper son retard ;

Discussion :

Ce texte stipule : «Les cas de force majeure s’étendent aux effets des catastrophes naturelles ou tout autre événement extérieur que le cocontractant ne pouvait raisonnablement ni prévoir, ni éviter et dont les circonstances rendent l’exécution des travaux impossibles et pas seulement difficiles ;

En cas de force majeure, le cocontractant ne verra sa responsabilité dégagée que s’il a averti par écrit le Maître d’Ouvrage de son intention d’invoquer cette force majeure et ce avant la fin du 20ème jour qui suit l’événement».

Dans le cas de cette espèce, les intempéries signalées sont demeurées récurrentes jusqu’à la grande saison des pluies. Ces faits, dûment constatés ont été signalés par des missions de contrôle au Maître d’Ouvrage qui au lieu de prendre arbitrairement la décision attaquée aurait dû en toute honnêteté accorder à l’entreprise la prorogation des délais souhaités pour rattraper son retard.

Il s’en suit qu’en prononçant la résiliation du contrat en question alors que cet événement non imputable à l’entreprise ne lui était pas connu et constituait un cas de force majeure, le maître d’ouvrage a agi avec légèreté blâmable ;

Sur la réparation du préjudice :

En réparation du préjudice subi, l’entreprise réclame le remboursement :

1°) Des effets bancaires saisis par la décision de résiliation ainsi que les charges liées à cette résiliation ;

2°) Des amortissements des immobilisations constitués en vue de la résiliation du marché et les charges de gestion engagées pour le chantier et pour l’entreprise, suivant le sous-détail des prix de soumission ;

3°) Des dommages et intérêts pour deux ans d’inactivité ;

Le montant global de ce préjudice s’élève à la somme de 1.055.226.170F CFA qui se décompose dans l’encadré ci-dessous :

Désignation

Montant

Cautions bancaires saisies :

Caution de bonne exécution n°22620-038678-BFN-10-01/08

Caution d’avance de démarrage n°120085-038-679-AVD-10-01/08

25.453.490

101.813.961

Total caution hors frais bancaires

127.267.451

Pertes de gestion

Montants du marché HT

Montants perçus au 07 avril 2008

Montant non exécuté

Amortissement matériel et immobilisations

Frais généraux de chantier 01,25% amené et replis de matériel, installation de chantier et personnel

Frais généraux de siège 13,10% (loyers, encadrement, assurances, acquisitions, taxes et impôts

1.286.365.143

146.279.180

1.140.085.963

513.038.683

162.462.250

149.351.261

Total des frais de gestion

848.852.195

Agios frais de gestion

103.106.524

Total des pertes de gestion

927.958.719

Total des pertes

1.055.226.170

Préjudices lucrum cessans

500.000

Par ces motifs,

Plaise à la Chambre Administrative :

Article 1er : Déclarer le recours contentieux régulier et recevable en la forme pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi ;

Article 2 : Dire et juger que la décision attaquée n°386/D/MINTP/SG/CJ du 16 octobre 2008 du Ministre des Travaux Publics portant résiliation du marché n°0114/M/MINTP/CPM-ER/2007 pour l’exécution des travaux d’entretien routier courant ou périodique de certaines routes en terre dans les réseaux Ouest et Sud n’est pas justifié,

Le déclarer par conséquent nulle et non avenue ;

Article 3 : Recevoir l’entreprise CARMCO en sa demande en réparation intégrale de son préjudice matériel et moral résultant de la résiliation dudit marché ;

Condamner par conséquent l’Etat du Cameroun à lui verser la somme de Un Milliard Soixante Million Deux Cent Vingt Six Mille Cent Soixante Dix (1.062.226.000) F CFA en réparation de ce préjudice.

Article 4 : Condamner en outre l’Etat du Cameroun (Ministère des Travaux Publics) aux dépens dont distractive au profit de MAÏTRE MBOUYOM François-Xavier, avocat aux offres de droit.

Attendu que le mémoire en défense de Maître Henri BENKIMA-NJAM, avocat à Douala, Conseil de l’Etat du Cameroun (Ministère des Travaux Publics) enregistré le 26 août 2009 au greffe de la Chambre Administrative sous le numéro 949 et formulé ainsi qu’il suit :

«Plaise à Monsieur le Président et les membres composant la Chambre Administrative de la Cour Suprême,

«La société CARMCO SARL a déposé au greffe de la Chambre Administrative une requête introductive d’instance du 20 avril 2009 à l’effet de s’entendre déclarer nulle et non avenue la Décision n°386/D/MINTP/SG/CJ du 16 octobre 2008 de Monsieur le Ministre des Travaux Publics portant résiliation du marché n°114/M/MINTP/CPM-ER/2007 passé après appel d’offres national avec elle pour l’exécution des travaux d’entretien courant et/ou périodique de certaines routes en terre du réseau prioritaire dans les réseaux Ouest et Sud (programme triennal 2007-2009) pour un montant de CFA F 1.533.900.433.

«Dans sa requête susvisée, la Société CARMCO Sarl expose que, désignée le 12 juillet 2007 adjudicataire dudit marché, l’ordre de service pour le démarrage des travaux de la tranche ferme (TF) qui lui a été notifié le 10 décembre 2007 pour un délai d’exécution de dix (10) mois, et qu’après plusieurs visites de chantier en vue du calage des quantités, le procès-verbal définitif était adopté le 29 février 2008, date à partir de laquelle devrait commencer la computation des délais contractuels d’exécution des travaux de cette tranche ferme (TF) ;

«Elle mentionne que cette période coïncidant avec le début de la petite saison des pluies, s’est révélée inappropriée pour un lancement optimal des travaux en raison des pluies abondantes dont la fréquence et l’intensité freinaient l’évolution du chantier ;

«Elle déclare qu’elle a connu des jours difficiles à cause des intempéries qui ont gêné le rapatriement et la révision des engins et qu’à ces difficultés se sont ajoutées les humeurs des partenaires financiers de l’entreprise CARMCO Sarl, peu disposés d’apporter à l’entreprise leur concours financier ;

«La société CARMCO Sarl indique qu’elle s’apprêtait à rattraper son retard lorsqu’elle s’est vue assommée par l’Ordre de Service du 14 avril 2008 valant mise en demeure ;

«La requête susvisée du 20 avril 2008 est, dans son exposé des faits, muette sur la chronologie des actes subséquents de l’administration, la société CARMCO Sarl concluait avec beaucoup de soudaineté que «la décision intervenue en violation de la procédure de notification des actes manque de base légale, d’où il s’en suit que la décision de résiliation intervenue alors que ni l’ordre de service valant mise en demeure ni le procès-verbal de carence n’avaient été régulièrement notifiés est entaché d’excès de pouvoir ;

«Il convient de faire observer que l’exposé de la société CARMCO ne vise nulle part les références du procès-verbal de carence et plus grave encore celles de la décision attaquée ;

Sur la recevabilité du recours contentieux :

«Attendu que la Chambre Administrative décidera ce qu’il appartiendra quant à la recevabilité du recours ;

La recourante invoque deux moyens :

Sur le premier moyen du recours pris de la violation des articles 97 al.2 du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics, ensemble, défaut de notification à domicile élu des ordres de service valant mise en demeure et procès-verbal de carence du maître d’ouvrage à l’entreprise ;

En ce que, est-il mentionné dans la requête du 20 avril 2009 ;

Pour prononcer la résiliation du marché litigieux pour «cause de défaillance», la décision paraît s’appuyer sur l’ordre de service valant mise en demeure et procès-verbal de carence qui ne lui a pas été notifiée, comme d’habitude, à son adresse habituelle, à son domicile élu dont l’adresse est connue du maître d’ouvrage. La notification de ces actes administratifs à la mairie où elle ne se rend qu’occasionnellement est de ce fait irrégulière et par conséquent entaché de nullité ;

Au soutien de ce qui est présenté comme étant un moyen, la recourante déclare que :

«La décision de résiliation est intervenue en violation de la règle de procédure selon laquelle tout acte non signifié par voie d’huissier ou par notification à la personne physique ou morale dont l’adresse est connue est entachée de nullité ;

«Mais attendu d’une part, que la recourante, qui ne prend pas le soin de citer les dispositions de l’article 97 al.2 du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics qu’elle vise au moyen, n’articule pas en quoi ce texte aurait été violé par l’administration ;

«Que ce texte ne vise que la mise en demeure de s’exécuter dans un délai déterminé lequel ne peut être inférieur à vingt et un (21)  jours ;

«Qu’en l’espèce, la société CARMCO reconnaît que dès réception, 16 juin 2008 de l’ordre de service n°476/OS/MINTP/DIER/DIER70/DIER71 du 02 avril 2008 valant mise en demeure, elle a sollicité que lui soit accordé une prolongation de délai de trois (03) mois et qu’elle a obtenu «un avis favorable pour une prolongation de deux (02) mois» ;

«Qu’elle ne saurait de ce chef faire grief à l’administration de ne lui avoir pas accordé un délai supplémentaire de deux (02) mois ;

«Attendu d’autre part que contrairement à ses déclarations, l’ordre de service valant mise en demeure du 02 avril 2008 a été reçu et déchargé le 16 avril 2008 par sieur Jean Mirabeau Njike de la société CARMCO ;

«Que s’agissant de l’Ordre de Service W1000/OS/MINTP/SG/DIER70/DIER71 du 21 juillet 2008 portant constat de défaillance et notifié le 30 juillet 2008 à la mairie de Bafoussam, la recourante ne nie pas l’avoir reçu ;

«Qu’en effet, cette signification à la mairie est conforme aux stipulations de l’article 10 du Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) aux termes desquelles «le cocontractant sera tenu d’élire domicile à proximité des lieux des travaux. Faute par lui de se conformer à cette obligation ou de faire connaître son nouveau domicile au Chef de Service par écrit, les notifications se rattachant à son entreprise seront valablement faites à la mairie du Chef Lieu de la province dont relèvent les travaux ;

«Attendu qu’en l’espèce, les travaux étaient exécutés dans la région de l’Ouest, la ville de Bafoussam étant elle-même concernée par lesdits travaux,

«Que c’est à bon droit que l’ordre de service du 21 juillet 2008 a été notifié à la mairie de Bafoussam où il a été remis à la recourante, quand bien même celle-ci ne se rendrait qu’occasionnellement dans cette collectivité publique,

«Attendu au demeurant que la Société CARMCO Sarl ne vise aucun texte en vertu duquel elle demande la nullité de l’acte notifié à mairie, ni ne justifie d’aucun grief du fait de la notification à la mairie de cet acte qu’elle a bien reçu, alors qu’il n’ya pas de nullité sans texte, ni de nullité sans grief ;

«Attendu de tout ce qui précède que le moyen n’est pas fondé,

Que le recours mérite d’être rejeté de ce chef ;

Sur le second moyen : pris de la violation de l’article 57 du Cahier des Clauses Administratives Particulières ;

La société CARMCO invoque la force majeure telle que prévue à l’article 57 visé au moyen,

«Elle impute sa défaillance aux mauvaises conditions atmosphériques et aux pluies abondantes qui se sont abattues de manière ininterrompues dans le site où devait se dérouler les travaux ;

Elle fait grief à l’administration d’avoir prononcé la résiliation du contrat en question alors que cet événement non imputable à l’entreprise ne lui était pas méconnu et constituait un cas de force majeure ;

Mais attendu que la recourante n’a cité que les alinéas 1 et 2 de l’article 57 du Cahier de Clauses Administratives Particulières, se gardant de citer l’alinéa 3 qui prévoit qu’«il appartient au maître d’ouvrage d’apprécier le caractère de force majeure et les preuves fournies par le cocontractant ;

Il ressort de ce texte que seul le Maître d’Ouvrage décide de ce qui est force majeure et de ce qui ne l’est pas, de même qu’il est seul à apprécier la valeur probante des pièces justificatives qui lui sont fournies à l’occasion d’un cas de force majeure.

Que tel a été le cas en l’espèce ou le maître d’ouvrage ne pouvait que rappeler au cocontractant l’article 11 du Cahier des Clauses Administratives particulières qui prévoit que : «le cocontractant est réputé avoir visité et examiné l’emplacement des travaux et ses environs, et pris connaissance avant la remise de son offre, des caractéristiques de l’emplacement et de la nature des travaux à exécuter, de l’importance des matériaux à fournir, des voies et moyens d’accès au chantier, des installations nécessaires. D’une manière générale, il et réputé s’être procuré toutes les informations concernant les risques, aléas et circonstances susceptibles d’influencer son offre ;

«Attendu qu’il ressort de ce texte que la Société CARMCO avait parfaitement conscience de ce qu’une partie des travaux dans le réseau Ouest serait exécutée pendant la petite saison de pluies ;

«Qu’elle est dès lors malvenue à prétexter d’un cas de force majeure dont le Maître d’Ouvrage n’aurait pas tenu compte ;

«Attendu au surplus qu’il convient de rappeler l’exposé préliminaire des faits dans lequel la recourante déclare elle-même que «A ces difficultés se sont ajoutées les humeurs des partenaires financiers de l’Entreprise CARMCO peu disposées d’apporter à l’entreprise leurs concours financiers ;

Qu’il est ainsi établi que la défaillance de la Société CARMCO à remplir ses obligations contractuelles résulte de sa trésorerie extrêmement limitée et de fonds propres inexistants ;

D’où i l suit que le moyen est non fondé, et que le recours mérite rejet.

Sur la réparation du préjudice :

Attendu que le marché n°0114/M/MINTP/CPM-ER/2007 passé après appel d’offres national ouvert avec la Société CARMCO Sarl a été résilié par décision ministérielle n°386/D/MINTP/SG/CJ du 16 octobre 2008 pour cause de défaillance du cocontractant à remplir ses obligations contractuelles, ce conformément aux dispositions des articles 100 et suivants du Code des Marchés Publics ;

«Qu’en vertu des dispositions de l’article 103 du Code des Marchés Publics, «le cocontractant dont le marché est résilié pour défaillance supporte les frais engagés pour pourvoir à son remplacement» sans préjudice de toutes poursuites en paiement des dommages-intérêts pour non-exécution de ses obligations contractuelles»

«Que dès lors c’est à tort que la société CARMCO, cocontractant défaillant tente d’inverser le processus en demandant réparation d’un préjudice dont il est lui-même l’auteur ;

«Qu’il y a lieu de débouter la recourante de cette demande.

Par ces motifs,

Qu’il plaise à la Chambre Administrative de décider ce qu’il appartiendra quant à la recevabilité du recours contentieux de la société CARMCO ;

Qu’il lui plaise de décider au fond, en cas de recevabilité du recours ;

Article 1er : Dire le recours non fondé et le rejeter,

Article 2 : Débouter la recourante, cocontractant défaillant, de sa demande en réparation comme non fondée,

Article 3 : Condamner la Société CARMCO aux dépens dont distraction au profit de la SCP NGALLE-MIANO, BEKIMA-NJAM et EKANE, et de Maître Paul EYIKE DALLE, Avocats aux offres de droit.

Sous toutes réserves,

Attendu que le mémoire en réplique de Maître MBOUYOM François-Xavier, Conseil de la Société CARMCO Sarl enregistré au Greffe compétent, le 03 décembre 2009 sous le n°1406 est ainsi formulé ;

Plaise à Monsieur le Président et les membres de la Chambre Administrative de la Cour Suprême,

Vu le mémoire en défense de l’Etat du Cameroun (MINTP) enregistré au Greffe de la Cour Suprême le 26 août 2009 sous le n°449 et signifié à la société CARMCO Sarl par exploit en date du 20 novembre 2009 de Maître BILOA Marie Fidelia, Huissier de justice à la 4ème charge près les Tribunaux d’instance de Yaoundé ;

Attendu que dans ce mémoire en défense, le défendeur de l’Etat du Cameroun sollicite le rejet pur et simple du recours de la Société CARMCO Sarl, ainsi que sa demande en réparation de ses préjudices, au prétexte que les deux moyens articulés par la recourante à m’appui de la requête introductive d’instance lui paraissent non fondés ;

Mais attendu que cette affirmation est spécieuse et gratuite, au regard des textes invoqués par la recourante et des circonstances des faits de la cause ;

Attendu en effet que dans sa requête introductive d’instance, la Société CARMCO Sarl invoquait deux moyens le premier, pris de la violation de l’article 97(2) du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics, ensemble défaut de notification à domicile élu par la requérante, des ordres de service valent mise en demeure et procès-verbal de carence du Maître d’Ouvrage qui ne lui avaient pas été notifiés à domicile élu lequel domicile était pourtant bien connu de l’administration ;

Attendu que pour conclure au rejet de ce premier moyen, l’Etat du Cameroun, dans son mémoire en défense, se borne à opposer à la recourante le non-respect des dispositions de l’article 10 du cahier des clauses particulières (CCAP) selon lesquelles «le cocontractant sera tenu d’élire domicile à proximité des lieux des travaux. Faute pour lui de se conformer à cette obligation ou à faire connaître son nouveau domicile au Chef de Service par écrit, les notifications se rattachant à son entreprise seront valablement faites à la mairie du chef lieu de la province dont relèvent les travaux et d’ajouter ;

Attendu qu’en l’espèce les travaux étaient exécutés dans la région de l’Ouest, la ville de Bafoussam étant elle-même concernée par lesdits travaux ;

Que c’est à bon droit que l’ordre de service du 21 juillet 2008 a été notifié à la mairie de Bafoussam où il a été remis à la recourante, quand bien même celle-ci ne se rendrait qu’occasionnellement dans cette collectivité publique,

Mais attendu que cette allégation est d’une curieuse légèreté, car ce n’est pas parce que les travaux étaient exécutés dans la région de l’Ouest que le principe de la notification au domicile élu par la CARMCO devrait être impunément violé. C’est le lieu de préciser que dans le cadre de l’exécution du contrat des marchés publics de construction de route, il est toujours imposé à l’entreprise adjudicataire, dans le cahier de charge de procéder à l’installation du chantier avant tout début des travaux. Cette installation de chantier comprend des aménagements des bureaux de chantier où devront être notifiés tous les ordres de service du maître d’ouvrage et où devront se dérouler les réunions de chantier entre l’entrepreneur et les contrôleurs des travaux dépêchés par l’Administration ;

Attendu qu’il est de jurisprudence constante que «la signification ou la notification à personne ou à domicile élu étant la règle, est nulle et de nul effet, toute signification ou notification faite à mairie alors que le domicile élu était bien connu des parties» (Civ., 03 janvier 1984, J.F.P 84 IV 77, Civ., 18 octobre 1985, Dalloz 1986, Note Julis) ;

Attendu que l’entreprise CARMCO, avant le début des travaux, s’était conformée aux prescriptions du Cahier des Charges, en louant, à proximité du chantier (au lieu dit Penka Michel), au su du Maître d’Ouvrage, une villa qui devait lui servir de domicile élu ;

Que c’est d’ailleurs dans cette villa, que se sont déroulées depuis lors les séances de travail entre l’entrepreneur et les contrôleurs des travaux envoyés en missions dans la Province de l’Ouest d’ordre du Ministre des Travaux Publics ;

D’où il suit qu’en prenant appui sur les ordres de service entachés de nullité pour prononcer la résiliation du marché n°0114/MINTP/M/CE-ER/2007, la décision attaquée manque de base légale et encourt annulation ;

Attendu en ce qui concerne le second moyen soulevé par CARMCO Sarl, pris de la violation de l’article 57 du Cahier des Clauses Administratives Générales en ce que, pour solliciter la prolongation de délai de trois mois, la recourante impute aux mauvaises conditions atmosphériques et aux pluies abondantes qui se sont abattues de manière ininterrompues sur le site des travaux, rendant ainsi difficile l’exécution des travaux dans des conditions optimales, ce phénomène constituant pour l’entreprise un des cas de force majeure prévus par l’article 57 visé au moyen ;

«Attendu que pour solliciter le rejet du moyen, l’Etat du Cameroun soutient dans son mémoire en défense que c’est à lui seul d’apprécier le caractère de force majeure, en ajoutant «l’article 11 di Cahier des Clauses Administratives Particulières aux termes duquel le cocontractant est réputé avoir examiné l’emplacement des travaux et ses environs et pris connaissance avant la remise de son offre des caractéristiques de l’emplacement et de la nature des travaux à exécuter, de l’importance des matériaux à fournir, des voies et moyens d’accès au chantier, des installations nécessaires, etc…» ;

Mais attendu que cette longue énumération des précautions à prendre par l’entreprise CARMCO n’a rien à voir avec la force majeure invoquée pour justifier sa demande de prolongation des délais. Aux termes de l’article 57 du Cahier des Clauses Administratives Générales qui sert de fondement à sa demande, les cas de force majeure s’étendent aux effets des catastrophes naturelles ou tout autre événement extérieur que le cocontractant ne pouvait raisonnablement ni prévoir, ni éviter et dont les circonstances rendent l’exécution des travaux impossibles» ;

Attendu que dans la région de l’Ouest ou s’exécutait le marché en question il est inhabituel que les mauvaises conditions atmosphériques et les pluies abondantes se produisent dans la période allant d’avril à juin, la grande saison des pluies ne commençant dans cette province qu’à partir du mois de juillet pour se poursuivre jusqu’en fin octobre ou en mi-novembre ;

Qu’il s’en suit que ces phénomènes naturels étaient imprévisibles pour l’entreprise ainsi d’ailleurs que l’on consigné dans le rapport en date du 19 juin 2008 adressé à leur hiérarchie par les contrôleurs des travaux du Ministère des Travaux Publics en déclarant «cependant l’entreprise a connu des difficultés d’exécution des travaux dues à des perturbations des pluies. Ces dernières ont une fréquence de trois jours par semaine dans la région. Elles ont persisté dans le mois d’avril et de juin ne permettant pas d’exécuter efficacement les travaux de terrassement et de curage des fosses en terre».

Attendu qu’en refusant d’accorder à la recourante le bénéfice d’un délai de trois mois pour combler son retard dans l’exécution du marché, retard imputable à la force majeure invoquée, laquelle force majeure a été dûment constatée par lesdits contrôleurs de travaux, au simple prétexte qu’il jouit d’un pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation de l’existence ou de la non-existence de la force majeure, le Maître d’Ouvrage a excédé ses pouvoirs et fait une fausse interprétation de l’article 57 visé au moyen.

D’où il suit que sa décision attaquée prononçant la résiliation du marché n°0114/MINTP/M/CE-ER/2007 manque de base légale et encourt annulation ;

Sur la réparation du préjudice :

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la demande en réparation du préjudice subi par la recourante est fondée. Qu’il est de principe, en cas de résiliation arbitraire des marchés publics, comme c’est le cas dans cette espèce, que la réparation du préjudice subi par le cocontractant soit intégrale, couvrant à la fois le damnum emergence et le lucrum cessans ;

Par ces motifs :

Plaise à la Chambre Administrative,

Rejeter les allégations du mémoire en défense de l’Etat du Cameroun comme dénuées de fondement.

Par conséquent adjuger à la Société CARMCO l’entier bénéfice de ses prétentions et ses précédentes écritures ;

Sous toutes réserves,

Attendu que le mémoire en duplique du conseil de l’Etat du Cameroun enregistré le 29 avril 2010 sous le n°481 énonce ce qui suit :

«Plaise à monsieur le Président et les membres composant la Chambre Administrative de la Cour Suprême du Cameroun,

Par exploit en date du 15 avril 2010 de Maître Kamtchuing Octavi, Huissier de justice à Douala, le Conseil soussigné du Ministère des Travaux Publics a reçu notification du mémoire en réplique de la Société CARMCO Sarl, déposé le 03 décembre 2009 au greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême ;

Dans son mémoire susvisé, la Société CARMCO Sarl déclare que «au regard des textes invoqués par la recourante et des inconstances des faits de la cause, c’est à tort que l’Etat du Cameroun (MINTP) a sollicité le rejet pur et simple du recours ainsi que la demande en réparation de ses préjudices subis, au prétexte que les deux moyens articulés (…) à l’appui de la requête introductive d’instance lui paraissent non fondés» ;

Ce faisant, la recourante s’essaie à une nouvelle articulation, manquant tout autant de pertinence, de ses deux moyens.

Sur le premier moyen :

Pris de la violation de l’article 97 alinéa 2 du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics, ensemble défaut de notification à domicile élu par la requérante des ordres de service valant mise en demeure et procès-verbal de carence du Maître d’Ouvrage.

La Société CARMCO Sarl expose dans son mémoire en réplique que «pour conclure au rejet de ce moyen, l’Etat du Cameroun, dans son mémoire en défense se borne à lui opposer le non respect des dispositions de l’article 101 du Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP), et notamment le fait que les actes ont été notifiés à la mairie de Bafoussam, mairie du Chef Lieu de Région dont relevaient les travaux ;

Pour la recourante, qui déclare avoir loué une villa au lieu dit Penka-Michel «qui devait lui servir de domicile élu», «ce n’est pas parce que les travaux étaient exécutés, dans la Région de l’Ouest que le principe de la notification au domicile élu par CARMCO devrait être impunément violé» ;

«A l’appui de son argumentaire, elle cite une jurisprudence de la Cour de Cassation française selon laquelle «la signification ou la notification à personne ou à domicile faite à la mairie alors que le domicile élu était bien connu des parties» ;

«Ainsi est-il prétendu, «en prenant appui sur des ordres de service entachés de nullité pour prononcer la résiliation du marché n°0114/MINTP/M/CE-ER/2007, la décision attaquée manque de base légale et encourt annulation ;

Mais attendu que les développements de la Société CARMCO Sarl procèdent sinon du parfait amalgame, du moins de la totale confusion ;

Attendu en effet, d’une part, que tant dans sa requête introductive d’instance que dans son mémoire en réplique, la recourante se borne à viser, sans le citer l’article 97 alinéa 2 du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics ;

«Que plus grave encore, elle n’indique nulle part en quoi ce texte aurait été violé par l’administration ;

Qu’il convient simplement de préciser que les dispositions combinées des alinéas 1 et 2 de l’article 97 ci-dessus visé prévoient que «lorsque le cocontractant de l’administration ne se conforme pas aux stipulations du marché et aux ordres de service s’y rapportant, suivant le cas, le Maître d’Ouvrage ou le Maître d’Ouvrage Délégué le met en demeure de s’exécuter dans un délai déterminé , ce délai ne peut être inférieur à vingt-un (21) jours ;

Attendu en effet d’autre part, qu’il est à tort fait grief à l’administration d’avoir pris «appui sur des ordres de service entachés de nullité pour prononcer la résiliation du marché n°0114/MINTP/M/CE-ER/2007, faute par elle d’avoir notifié ces actes au domicile par CARMCO Sarl ;

Mais attendu, s’agissant de l’ordre de service n°476/OS/MINTP/DIER/DIER70/DIER71 du 02 avril 2008 par Sieur Jean Mirabeau Njike de la Société CARMCO laquelle déclare dans sa requête introductive d’instance, en avoir pris connaissance le 16 juin 2008 ;

Qu’elle précise avoir aussitôt demandé par requête que lui soit accordée une prolongation de trois mois, laquelle requête a été suivie d’un avis favorable pour une prolongation de deux mois ;

Attendu qu’il est pour le moins curieux de reprocher à l’administration non seulement d’avoir violé l’article 97 alinéa 2 du Décret n°2004/275 du 29 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics mais aussi d’avoir notifié ailleurs qu’au domicile élu l’ordre de service n°476 du 02 avril 2008 valant mise en demeure tout en reconnaissant par ailleurs avoir bénéficié d’une prolongation de deux mois ;

Attendu s’agissant de la notification à la mairie de Bafoussam de l’ordre de service n°1000/OS/MINTP/ SG/DIER/DIER70/DIER71 du 21 juillet 2008 portant constat de défaillance, que la Société CARMCO Sarl ne rapporte pas la preuve qu’elle se serait conformée aux stipulations de l’article 10 du Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP), lesquelles prévoient que l’Administration doit être informée par écrit.

Qu’au demeurant, la notification ayant été valablement faite à la mairie de Bafoussam, la recourante reconnaît expressément l’y avoir prise ;

Attendu enfin, s’agissant de la jurisprudence de la Cour de Cassation française citée par la recourante, que celle-ci est inspirée des dispositions de droit commun des articles 648 à 694 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC), Code dont il résulte de l’article 114, applicable en vertu de l’article 694 aux nullités des notifications et significations, que la nullité ne peut être prononcée qu’à la charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ;

Qu’en l’espèce, non seulement la Société CARMCO Sarl ne rapporte pas la preuve du grief que lui aurait causé la notification à la mairie de Bafoussam de l’ordre de service n°1000 du 21 juillet 2008 dûment reçu par elle en temps utile, mais encore, feignant d’ignorer la nature de ses relations avec l’administration et le régime juridique auquel elles sont soumises, elle omet d’articuler en quoi l’Etat du Cameroun (MINTP) ne se serait pas conformé aux lois administratives et règlements en vigueur ;

Qu’en tout état de cause, du 30 juillet 2008, jour de la notification du constat de défaillance au 16 octobre 2008, jour de la décision de résiliation du marché, la Société CARMCO Sarl n’a pas cru devoir mobiliser les ressources nécessaires pour exécuter les travaux ;

D’où il suit, de tout ce qui précède, que le moyen est non fondé et mérite rejet, sous les réserves les plus expresses quant à sa recevabilité ;

Sur le second moyen pris de la violation de l’article 57 du Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) ;

La recourante expose que «pour solliciter la prolongation de délais de trois mois, elle impute aux mauvaises conditions atmosphériques et aux pluies abondantes qui se sont abattues de manière ininterrompues (sic) sur le site des travaux, rendant ainsi difficile l’exécution des travaux dans les conditions optimales, ce phénomène constituant pour l’entreprise un cas de force majeure prévu par l’article 57 visé au moyen» ;

La société CARMCO Sarl fait grief au Maître d’Ouvrage d’avoir «excédé ses pouvoirs et fait une fausse interprétation de l’article 57 visé au moyen, motif pris de ce que celui-ci aurait refusé de lui accorder le bénéfice d’un délai de trois mois pour combler son retard dans l’exécution du marché, retard imputable à la force majeure invoquée …

Mais attendu d’une part que le moyen n’est ni articulé, ni développé ;

Attendu en effet que la recourante n’indique pas en quoi le fait pour le Maître d’Ouvrage de lui avoir accordé un délai supplémentaire de deux (02) mois courant depuis le 19 juin 2008 plutôt qu’un délai supplémentaire de trois mois tel que sollicité, constituerait un excès de pouvoirs et une fausse interprétation de l’article 57 du Cahier des Clauses Administratives Générales ;

Attendu au demeurant que, bien que l’ordre de service n°1000/OS/MINTP/DIER70/DIER71 du 21 juillet 2008 portant constat de défaillance ait été notifié depuis le 30 juillet 2008, le marché n’a été résilié que par ordre de service n°386 du 16 octobre 2008 ;

Qu’ainsi, au-delà du délai supplémentaire de deux (02) mois accordé par le Maître d’Ouvrage, la recourante a bénéficié, de facto, d’un autre délai supplémentaire de trois (03) mois pour exécuter les travaux ;

Attendu d’autre part qu’il ne saurait être fait grief à l’Administration d’avoir une approche différente de la climatologie de la Région de l’Ouest au cours de l’année 2008 et de faire une analyse toute aussi différente de la force majeure ;

Qu’en tout état de cause, l’article 11 in fine du Cahier de Clauses Administratives Particulières, que la recourante s’abstient de citer intégralement dans son mémoire en réplique, stipule de manière claire et précise que «le cocontractant est réputé s’être procuré toutes les informations concernant les risques, aléas et circonstances susceptibles d’influencer son offre» ;

Que le maître d’Ouvrage, à qui il appartient d’apprécier le caractère de force majeure en vertu de l’article 57 alinéa 3 du Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) n’a pu considérer que les pluies tombant normalement et de manière prévisible pendant la petite saison de pluies, chose connue du cocontractant, pourraient constituer un cas de force majeure ;

Attendu au surplus qu’il est édifiant de relever que la recourante n’a pas pu répondre à l’argument de l’Etat du Cameroun selon lequel sa défaillance tenait non pas au fait des pluies, mais plutôt à son manque de ressources nécessaires pour exécuter les travaux ;

D’où il suit, de tout ce qui précède, que le moyen est non fondé et mérite rejet, sous réserve de sa recevabilité ;

Sur la réparation du préjudice :

Attendu que la société CARMCO Sarl prétend que le marché a été résilié de manière arbitraire, ce qui la fonde à demander réparation du préjudice subi de ce fait ;

Mais attendu qu’en vertu de l’article 103 du Code des Marchés Publics, c’est plutôt ce cocontractant défaillant qui est débiteur du Maître d’Ouvrage ;

Qu’il convient de débouter la recourante de sa demande fantaisiste et non fondée ;

Par ces motifs :

Dire le recours non fondé et le rejeter ;

Débouter la recourante de demande en réparation d’un préjudicie qui, s’il existe, n’est autre que son fait personnel ;

Adjuger à  l’Etat du Cameroun le bénéfice intégral de ses précédentes et actuelles écritures ;

Sous toutes réserves,

Sur la recevabilité du recours :

Le recours est recevable comme ayant été fait dans les formes et délai de la loi ;

Au fond,

La décision attaquée énoncé :

Article 1er : Le marché n°0114/M/MINTP/CPM-ER/2007 passé après appel d’offres national ouvert (AONO) avec la Société CARMCO Sarl, BP. 4282, Yaoundé, Tél. : 22213967 pour l’exécution des travaux d’entretien courant et/ou périodique de certaines routes en terre du réseau prioritaire dans le réseau Ouest et Sud (programme triennal 2007-2009 est, à compter de la date de signature de la présente décision, résilié pour cause de défaillance du cocontractant à remplir ses obligations contractuelles, conformément aux dispositions des articles 100 et suivants du Code des Marchés Publics et 61 du Contrat ;

Qu’en l’espèce, la Société recourante avait sollicité la prolongation d’un délai de trois mois résorber le retard le retard accusé à l’exécution des travaux conformément aux clauses contractuelles en invoquant à l’appui de sa demande la force majeure d’ailleurs prévue par l’article 57 alinéa 1 et 2 des cahiers de charges liants les parties ;

Cependant l’Etat du Cameroun qui ne conteste pas le moyen tiré de la force majeure fait valoir par le canal de son conseil application de l’article 3 du texte susvisé que l’appréciation de celle-ci appartient au maître d’ouvrage ;

Attendu que cependant Maître Mbouyom François-Xavier, Conseil de la Société CARMCO Sarl, répliquant à cette prétention fait valoir dans son mémoire du 03 décembre 2009, en son rôle 3ème ce qui suit : «qu’il s’en suit que les phénomènes naturels étaient imprévisibles pour l’entreprise ainsi d’ailleurs que l’ont consigné, dans le rapport en date du 19 juin 2008 adressé à leur hiérarchie par les contrôleurs des travaux du Ministère des Travaux Publics qui ont déclaré ce qui suit : «Cependant, l’entreprise a connu des difficultés d’exécution des travaux dues à des perturbations de pluies. Ces dernières ont une fréquence de trois jours par semaine dans la région. Elles ont persisté dans les mois d’avril et de juin ne permettant pas d’exécuter efficacement les travaux de terrassement et de curage des fossés en terre» ;

Attendu qu’il ressort de ces énonciations non d’ailleurs contestées par l’Etat que les contrôleurs du Ministère des Travaux Publics dont s’agit avaient rendu compte à leur hiérarchie, des difficultés ci-dessus signalées résultant des pluies abondantes et fréquentes intervenues pendant la petite saison sèche, événements imprévisibles tant de l’entrepreneur que l’administration cocontractante.

En soutenant que le maître d’ouvrage avait apprécié qu’il n’y avait pas force majeure et que celui-ci était seul habilité à le faire, le conseil de l’Etat a non seulement manifesté sa mauvaise foi, mais fait une mauvaise interprétation des dispositions de l’article 57 du Cahier des Clauses Administratives Générales ;

En résiliant dès lors le marché dans ces conditions, le Ministre des Travaux Publics a commis un excès de pouvoir et sa décision encourt annulation sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen ;

Sur la réparation du préjudice :

La recourante a sollicité en réparation du préjudice subit la somme de 1.055.226.170 F CFA toute cause confondue telle que ventilée dans la requête introductive d’instance ;

Cette demande bien que fondée sur son principe est exagérée quant à son quantum ; il convient de la ramener à la somme de 503.273.975 F CFA répartie ainsi qu’il suit :

  • Amortissement matériel et immobilisation                                 : 200.000.000 F CFA
  • Cautions bancaires saisies                                                        : 127.267.451 F CFA
  • Moyens, encadrement assurances, acquisitions, taxes et impôts   : 100.000.000 F CFA
  • Agios fiscales gestion                                                               : 103.010.524 F CFA

Par ces motifs,

Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière administrative, à l’unanimité des membres et en premier ressort ;

Décide :

Article 1er : Le recours est recevable ;

Article 2 : Au fond, il est justifié. Par conséquent, il est alloué à la recourante :

  • 200.000.000 F CFA à titre d’amortissement matériel et immobilisations
  • 127.267.975 F CFA à titre de caution bancaire saisie ;
  • 100.000.000 F CFA de moyens et impôts, et
  • 10.310.524 F CFA à titre d’agios fiscales gestion sociale
  • Soit au total de 503.173.975 F CFA

Article 3 : les dépens sont laissés à la charge du trésor public ;

Ainsi jugé et prononcé par la Chambre Administrative de la Cour Suprême en son audience publique ordinaire du mercredi douze septembre deux mille douze en la salle des audiences de la Cour (…).

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1 Publié par Visiteur
25/05/2015 10:19

Professeur,
Cet arrêt importantissime est la preuve par quatre que notre juge administratif peut aussi, s'il le veut, être créatif et protéger les droits des cocontractants privé. Mais nous serons définitivement édifiés si vous nous donniez la deuxième espèce CARMCO que vous nous avez promis il y a peu.

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