LA QUALIFICATION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS AU CAMEROUN : LEÇONS D’UNE EVOLUTION JURISPRUDENTIELLE

Publié le 31/08/2014 Vu 15 373 fois 1
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La qualification des contrats administratifs au Cameroun : Leçons d’une évolution jurisprudentielle apparente : Note sous Espèces jointes n°147/04-05/ADD du 31 Août 2005, Um Ntjam François Désiré et Fils c/ Etat du Cameroun (MINEF) et Jugement n°80/2008/CS-CA du 18 juin 2008, Um Ntjam François c/. Etat du Cameroun (MINEPNA)

La qualification des contrats administratifs au Cameroun : Leçons d’une évolution jurisprudentielle appare

LA QUALIFICATION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS AU CAMEROUN : LEÇONS D’UNE EVOLUTION JURISPRUDENTIELLE

La qualification des contrats administratifs au Cameroun : Leçons d’une évolution jurisprudentielle apparente : Note sous Espèces jointes n°147/04-05/ADD du 31 Août 2005, Um Ntjam François Désiré et Fils c/ Etat du Cameroun (MINEF) et Jugement n°80/2008/CS-CA du 18 juin 2008, Um Ntjam François c/. Etat du Cameroun (MINEPNA).

Note par :

Edouard GNIMPIEBA TONNANG,

Habilité à Diriger des Recherches (HDR) dans les Facultés de Droit,

Docteur (NR) en Droit de l’Institut du Droit de la Paix et du Développement (IDPD),

Université de Nice-Sophia Antipolis,

Chargé de Cours, Département de Droit Public, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques,

Université de Dschang-Cameroun

Et

MBALLA EMOTO (B-C),

Doctorant, ATER en Droit Public,

Faculté des Sciences Juridiques et Politiques,

Université de Dschang

Contrats Administratifs - Qualification - Participation d’une personne publique - Mandat - Exécution d’une mission de service public - Pouvoirs exorbitants - Oui - Clauses exorbitantes - Droits du cocontractant de l’administration - Indemnités compensatrices - Dommages et intérêts - Oui

Comme on le sait, même si la puissance publique dispose du privilège du préalable dans la mise en œuvre de ses missions de service public[1], il est progressivement apparut la nécessité pour elle de se départir de certaines missions afin de mieux concentrer ses ressources sur celles davantage régaliennes. Le contrat est vite apparu comme un des instruments majeurs de ce désengagement progressif de la puissance publique. Contrairement au contrat commun des droits, le contrat administratif, dans sa découverte et dans sa mise en œuvre, s’est naturellement laissé influencer par les spécificités de son environnement.

En droit privé, le contrat tient une place privilégiée. Il est le procédé essentiel dont disposent les acteurs du commerce juridique pour acquérir des droits et échanger des richesses et services. La situation est différente en droit administratif. Le contrat n’est que, comme on l’a vu, un des moyens d’action dont dispose l’administration. Pour obtenir ce qui lui est nécessaire pour remplir ses missions de service public, celle-ci a à sa disposition une panoplie de moyens d’action unilatéraux[2].

On pourrait imaginer que les avantages de ce procédé rendent inutile le recours aux procédés nouveaux dont le contrat administratif reste le fier représentant. Telle n’est cependant pas la position du droit positif : les personnes publiques n’ont le pouvoir d’imposer unilatéralement leur volonté que dans les cas strictement et nécessairement encadrés. Pour le reste, elles conclues des contrats, conséquences du principe du respect de la liberté individuelle et de la liberté économique chères à notre système juridique.

Ramenée en droit camerounais,  la problématique de la pratique contractuelle publique trouve sa genèse sur les influences du droit français, legs colonial[3]. Et pourtant, l’utilisation du contrat par l’administration est pendant longtemps restée en berne dans la Cameroun post-indépendant[4]. C’est seulement la crise économique consécutive au second choc pétrolier qui, en remettant en cause le rôle et la place de l’Etat dans la société, pose le principe de l’urgente redécouverte des fonctions de ce dernier notamment sa reconversion et son désengagement progressif des secteurs productifs[5]. L’Etat africain sous ajustement structurel va ainsi connaître sa mue et redécouvrir certains mécanismes de gestion publique : privatisations tous azimuts d’entreprises publiques et parapubliques, généralisation des politiques de déconcentration et de décentralisation administrative et technique et, enfin, contractualisation du service public à travers les classiques concessions et délégation de service public[6] et du très récent contrat de partenariat public-pri[7].

En définitive, le mouvement de contractualisation du service public n’est pas un phénomène récent dans notre droit. Lorsque l’on considère dans l’administration l’exercice de la puissance publique, l’institution du contrat administratif peut apparaître paradoxale. En effet, l’idée de contrat présuppose une certaine égalité des parties à l’acte. Or, dans un rapport juridique dans lequel est en jeu la puissance publique, c’est en principe à une inégalité des personnes qu’on a affaire. D’où une difficulté à concevoir la notion de contrat de droit public dès lors que l’on voit dans le droit public un droit de la puissance publique. C’est ainsi que, analysant l’institution française du contrat de droit public, Otto Mayer[8] estimait que «de véritables contrats de l’État ne sont pas pensables sur le terrain du droit public». Malgré cette résistance face au contrat de droit public, l’institution du contrat administratif existait à l’époque même où la jurisprudence se développa pour en fixer les critères et le régime à partir du début du XXe siècle. Le contrat administratif est ainsi vite apparu comme une pièce essentielle du droit administratif colonial pour progressivement devenir, il est vrai, une institution marginale et exceptionnelle en droit camerounais postindépendance[9].

Ces mutations modernisatrices du service public, voulues ou imposées[10], ont permis, dans leur développement, l’émergence voire le raffinement de procédés très tôt découverts mais longtemps ignorés de notre droit administratif, dont le contrat reste la parfaite illustration. Les deux espèces qui nous intéressent ici nous permettront de revisiter ces chemins parcourus par notre pratique contractuelle publique. Nous évaluerons ainsi, sous leur prisme, la contribution de la jurisprudence nationale à l’édification d’un droit national des contrats administratifs. La banalité des faits des deux espèces rapportées contraste à l’épreuve radicalement avec la pertinence et la portée des problèmes qu’ils résolvent, notamment la fixation de la pratique par rapport aux critères d’identification des contrats administratifs consacrés et à la sanction de la violation par l’administration de ses obligations contractuelles.

En effet, par une convention du 07 mai 1999, le Ministère de l’Environnement et des Forêts du Cameroun, représenté pour la circonstance par le Coordonnateur du Projet Information Center on Environment (ICE), confiait aux Etablissements François Um Ntjam et Fils les travaux de l’animation culturelle de la célébration de la journée internationale de l’environnement. Aux termes de cette convention, les Etablissements François Um Ntjam et Fils se voyaient confier la mission d’animation culturelle de la Journée Mondiale de l’Environnement sur toute l’étendue du territoire national ; par la même Convention, le MINEF autorisait le cocontractant à négocier et à signer des précontrats avec des artistes musiciens, les groupes de danses traditionnelles, scolaires et universitaires, précontrats tout aussi relatifs à la rémunération de ces derniers. Plus tard, voulant se faire  régler une partie des factures ayant servi au financement des activités de ladite journée, les Etablissements Um Ntjam vont être confrontés à un refus de paiement du MINEF. Face à ce refus répété de la puissance publique, le cocontractant va saisir le juge administratif aux fins de voir condamner l’Etat du Cameroun au paiement de sa créance. Dans son mémoire en réponse, le représentant de l’Etat va soulever l’incompétence de la juridiction de céans à connaître dudit recours, excipant que le contrat le liant au cocontractant est un contrat de droit privé.

Dans la décision objet du jugement Avant-Dire-Droit n°147/04-05/ADD du 31 Août 2005 le juge administratif marque son souci de préciser de façon définitive les critères matériels d’identification des contrats administratifs (I). Ensuite le juge administratif se prononce dans le jugement n° 80/2008/CA/CS du18 juin 2008 rendu au fond, sur le contentieux de l’exécution dudit contrat. En l’occurrence il condamne l’Administration à exécuter ses obligations contractuelles (II).

I - Le juge réaffirme son attachement aux critères traditionnels permettant la qualification des contrats administratifs

Un contrat est administratif soit lorsque, à travers lui, dans ses clauses ou son régime, se manifeste la puissance publique, soit lorsque, par son objet, il vise directement à la réalisation d’une mission de service public. Tel est du moins le schéma dans le cas général, à savoir lorsque le contrat est passé entre une personne publique d’un côté et une personne privée de l’autre. Il faut réserver les cas spéciaux dans lesquels le contrat est soit passé entre deux personnes publiques, soit passé entre deux personnes privées. Comme on le voit, tant la doctrine[11] que la jurisprudence[12] nationales ont contribué à l’émergence du double critère de qualification des contrats publics. Qualifiée de vague à l’origine, la distinction considérations organiques (A) – considérations matérielles (B) est apparue progressivement comme fondamentale dans la recherche des critères du contrat administratif au Cameroun.

A - L’encensement du critère organique.

La définition organique du contrat administratif tient essentiellement à la qualité des cocontractants. Ici, le principe est clair : un contrat ne peut être administratif que s’il fait intervenir au moins une personne publique. Un contrat conclu entre deux personnes privées[13] ne peut être administratif. Ce principe a une portée générale et s’applique même si le contrat est conclu entre un concessionnaire de service public et un entrepreneur, si une des personnes privées contractantes est chargée de l’exécution d’une mission de service public et passe des contrats identiques à ceux que conclurait une personne publique ou des personnes publiques placées dans les mêmes conditions et poursuivant les mêmes objectif[14] et enfin, même si la convention reproduit littéralement les termes d’un acte type de droit public[15].

Comme on le voit, une triple condition exclusive l’une de l’autre est exigée pour qu’un contrat soit qualifié d’administratif : la présence d’une personne publique (1), le mandat donné par la personne publique (2) ou enfin la réalisation d’une action pour le compte d’une personne publique (3).

1°) La présence directe d’une personne publique.

En pratique, la personne publique conclue directement un contrat avec une personne privée ou une autre personne publique. La présence directe de la personne publique à la conclusion du contrat est réalisée toutes les fois lorsque des personnes ayant reçu pouvoir de représentation de la personne publique doivent contracter pour son compte. La principale condition ici est que ce représentant soit muni du pouvoir que lui a cédé soit l’organe délibérant pour les collectivités territoriales décentralisées[16] ou les établissements publics[17]. Mais parfois, au lieu de participer directement à la conclusion du contrat, la personne publique se fait représenter par une personne privée. Cette représentation revêt la forme d’un mandat ou de l’action pour le compte de …

Comme on le voit, en général,  il ne suffit pas que l’une au moins des parties contractantes soit une personne publique ou une personne agissant pour son compte. Il faut ensuite que le partenaire de l’Administration participe à l’exécution même du service public. C’est en 1956 que le Conseil d’Etat érige la participation à l’exécution même du service public au rang de critère du contrat administratif[18]. Il peut s’agir d’un service public administratif ou d’un service public industriel et commercial.  Cette participation doit être réelle, directe et immédiate. Par le contrat, la personne publique doit déléguer tout ou partie de l’exécution du service public. C’est en 1956 que le Conseil d’Etat érige au rand de critère du contrat administratif la participation à l’exécution même du service public (C.E., sect., 20/04/1956, Epx. Bertin). Il peut s’agir d’un SPA (service public administratif) ou d’un SPIC.  Cette participation doit être réelle, directe et immédiate. Par le contrat, la personne publique doit déléguer tout ou partie de l’exécution du service public. Cela ne sera pas le cas d’un contrat portant  C’est en 1956 que le Conseil d’Etat érige au rand de critère du contrat administratif la participation à l’exécution même du service public (C.E., sect., 20/04/1956, Epx. Bertin). Il peut s’agir d’un SPA (service public administratif) ou d’un SPIC.  Cette participation doit être réelle, directe et immédiate. Par le contrat, la personne publique doit déléguer tout ou partie de l’exécution du service public. Cela ne sera pas le cas d’un contrat portant  Autrement dit, il ne conclut pas le contrat pour qu’un autre l’exécute à sa place. Il peut néanmoins conclure avec un ou plusieurs autres partenaires privés des contrats ayant pour objet de lui permettre de remplir ses engagements vis-à-vis de l’Administra tion. Ainsi en est-il dans l’affaire objet du présent commentaire des précontrats conclus avec les  artistes musiciens, les groupes de danses traditionnelles, scolaires et universitaires  pour assurer l’animation culturelle de l’évènement. Il faut que d’une manière ou d’une autre le cocontractant marque par tous les moyens qu’il est capable de mobiliser, sa participation, sa contribution à la mise en œuvre du projet dans lequel il s’est engagé. Il ressort en effet du jugement Avant-Dire-Droit que «le consultant s’engageait à s’occuper de l’animation culturelle de la célébration de la journée mondiale de l’Environnement du 04 au 05 juin 1999 de manière active et efficace pour une réussite totale de l’événement[…] ; il s’engageait à aller en mission à travers le Cameroun pour négocier et signer des précontrats des artistes musiciens, groupes de danses traditionnelles, scolaires et universitaires, la rémunération de ceux-ci devant toutefois se faire directement avec la coordination du projet ;».

La lecture des deux espèces ici commentées permet d’écarter la présence directe de l’administration dans le contrat en cause. Ici, le ministère de l’environnement et des forêts s’est fait représenter par une structure para-administrative[19], le Projet Information Center on Environment (ICE), agissant ici comme une sorte de mandant.

2°) Le mandat donné par la personne publique.

Ici, la personne publique ne conclura pas directement le contrat. Elle mandatera à cet effet une autre personne publique ou une personne privée. Selon l’article 1184 du Code Civil, «le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom». Ici, la personne publique -le mandant- donne mandat à une personne privée (ou publique) -le mandataire-  pour conclure un contrat en son nom et pour son compte. Ex. A et B sont des personnes privées. A et B conclus un contrat. Normalement, ce contrat est un contrat de droit privé. Mais il peut avoir un caractère administratif, si A ou B agissent comme mandataire d’une personne publique, ou encore si le contrat satisfait aux critères jurisprudentiels consacrés.

En apparence, un tel contrat intervient entre deux personnes privées. En réalité, il met en relation une personne publique et une personne privée. Donc, il n’y a pas atteinte ici au principe selon lequel un contrat ne peut être administratif si une personne publique n’est pas intervenue à sa formation[20]. Le juge de l’espèce l’a si bien compris qu’il n’a pas hésité à donner une qualification publique au contrat, à partir de la qualité des parties à la Convention. La structure mandataire ici agit es qualité et donc se confond à la puissance publique contractante.

3°) L’action pour le compte d’une personne publique.

Construction prétorienne française, cette curieuse formule illustre une situation qui rappelle le mandat mais qui en diffère. Bien sûr, lorsque l’on est le mandataire d’une personne, on agit pour le compte de cette dernière. Mais la jurisprudence admet que l’on puisse agir pour le compte d’une personne sans nullement en être le mandataire, ni implicitement, ni explicitement. Ex. A et B sont des personnes privées ; A et B concluent un contrat. Ni A ni B n’ont reçu mandat d’aucune personne publique. Normalement, ce contrat n’est pas administratif mais de droit privé. Pourtant, la jurisprudence va considérer que l’une des parties a agi pour le compte d’une personne publique, et que le contrat en cause satisfait aux critères jurisprudentiels. En conséquence, il va qualifier le contrat d’administratif.

Dans quelle hypothèse une personne privée même en l’absence de mandat est-elle réputée apte à agir pour le compte de …… ? La réponse à cette interrogation a été apportée par une espèce du tribunal des conflits français du 08 juillet 1963 Entreprises Peyrot c/. Société des Autoroutes du Sud Esterelle-Côte d’Azur. Ici, le juge des conflits décidait que même en l’absence de mandat, une personne privée pouvait être légitime à agir pour le compte d’une personne publique. Cette solution a d’abord été limitée aux contrats conclus pour la construction d’autoroutes, puis a été progressivement étendue : à des contrats conclus pour l’aménagement du territoire[21] et à des contrats relatifs aux centrales nucléaires[22] à certains contrats conclus par certains établissements bancaires (CE, 18 juin 1976, Dame Culard).

Malgré tout, le domaine d’application de la formule «action pour le compte de …» reste limité. Au total, pour qu’un contrat revête un caractère administratif, il faut qu’une personne publique en soit partie. Elle doit y être présente directement ou indirectement. La représentation prenant la forme d’un mandat ou d’une action pour le compte de …

En définitive, la présence d’une personne publique est une condition sine qua none, une condition invariablement exigée de qualification des contrats administratifs. En conséquence, il qualifie le contrat de contrat administratif. Dans quelle hypothèse, une personne privée, même en l’absence de mandat, est-elle réputée agir pour le compte d’une personne publique ? Quoiqu’il en soit, à cette condition de base, le juge camerounais adjoint une triple condition supplémentaire.

B - L’apparent rejet des critères alternatifs au profit des critères cumulatifs.

Il est vrai qu’un contrat ne peut être administratif que si au moins une personne publique y est partie. La participation d’une personne publique est donc une condition nécessaire, une condition sine qua none, une condition invariablement exigée. Mais cette condition n’est pas suffisante. Pour être administratif, un contrat doit satisfaire à l’une des triples conditions exigées par la jurisprudence.

En principe donc, un contrat auquel est effectivement partie une personne publique et qui de surcroît satisfait à au moins une des conditions supplémentaires posées par la jurisprudence est un contrat administratif. Mais, il ne s’agit là que d’un principe. N’oublions pas que certains contrats sont toujours de droit privé même s’ils remplissent les conditions supplémentaires jurisprudentiellement exigées pour la qualification des contrats administratifs. On doit donc finalement dire : sauf exception, un contrat auquel est effectivement partie une personne publique et qui de surcroît satisfait à une des conditions supplémentaires exigées par la jurisprudence est un contrat administratif.

Selon la jurisprudence, seul un contrat auquel est partie une personne publique est susceptible d’être administratif. Mais il ne l’est effectivement que s’il satisfait en plus à l’une des conditions suivantes : Le contrat renferme une ou plusieurs clauses exorbitantes (1), il a été conclu sous un régime exorbitant (2) et il est en relation avec la réalisation d’un service public (3). L’un quelconque de ces trois critères doit pouvoir s’ajouter au critère de la présence directe ou indirecte de la puissance publique pour que le contrat soit qualifié d’administratif. Bien entendu, si, par extraordinaire, un contrat remplissait simultanément toutes ces conditions, il s’agirait toujours d’un contrat administratif.

1°) La présence de clauses exorbitantes de droit commun.

Cette conception a été consacrée par le juge administratif français à l’occasion d’une espèce du Conseil d’Etat du 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges. Cette condition apparaît comme un critère essentiel dans la définition des contrats administratifs. L’existence dans le contrat de clauses exorbitantes du droit commun a été par la suite définie aussi bien par la doctrine que par la jurisprudence respectivement comme «celles qui sont généralement constitutives, inusuelles, anormales par rapport à celles qui font partie de la vie privée, mais non nécessairement illicites ou impossibles» (Georges Vedel in Les Mélanges Mestre) ou celles «ayant pour effet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangères par leur nature à celles qui sont susceptibles d’être librement consenties par quiconque dans le cadre des relations civiles et commerciales (CE, 20 octobre 1950, Notes Stein). Mais il peut s’agir d’un ensemble de prérogatives conférées à l’administration dans l’exécution des contrats administratifs notamment le pouvoir de modification unilatérale des contrats ou encore les divers pouvoirs de sanction.

Dans son évolution, la clause exorbitante a été élargie et complexifiée, notamment à l’occasion d’une espèce du Conseil d’Etat du 19 janvier 1973[23]. En principe, la présence d’une ou de plusieurs clauses exorbitantes de droit commun donne son caractère administratif à tout contrat dont fait partie une personne publique.

Quelques exceptions cependant. Les contrats conclus entre EPIC et des tiers. Ces contrats ne sont jamais administratifs même s’ils renferment des clauses exorbitantes. En conséquence, ce seront toujours des contrats de droit privé, emportant compétence du juge judiciaire, ainsi que l’a rappelé un arrêt de principe français[24], réaffirmée une année plus tard dans la jurisprudence Dame Bertrand[25]. Une autre exception a été progressivement abandonnée et concernant la gestion des contrats relatifs au domaine public.

Mais à quoi reconnaît-on une clause exorbitante de droit commun ?

Étymologiquement, une clause est une disposition commune ou spéciale d’un contrat. Exorbitante vient du latin exorbita qui signifie «hors de la voie tracée», «hors du commun» et qui trace la frontière avec les clauses de droit privé. Il y a deux manières d’entendre cette différence :

La clause exorbitante est une clause introuvable dans des contrats de droit privé, parce qu’elle y serait illégale et. C'est «la clause ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations, étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales»[26]. Elle est caractéristique de l'usage, par l'administration, d’une prérogative de puissance publique. Elle s’incline en divers pouvoirs détenus de façon autonome par la puissance publique contractante :

  • le pouvoir de suspendre d'office l'exécution du contrat, sans mise en demeure préalable ;
  • l'octroi d'exonérations fiscales au cocontractant;
  • la mise à la charge du cocontractant de certaines dépenses de police ;
  • la possibilité de procéder au recouvrement des créances par état exécutoire;
  • la clause conférant au cocontractant de l’administration le droit de percevoir des taxes.

La clause exorbitante, clause exceptionnelle parce que rare en droit privé. A titre d’exemples, la clause permettant à l'administration de contrôler les résultats financiers, les tarifs ou le personnel de son cocontractant, ou encore, plus généralement, toute clause habilitant la personne publique à contrôler l'activité ou la situation de son cocontractant.

Ces deux manières d’entendre la différence avec le droit privé ne permettent pas d’échapper à l’objection du doyen Vedel : «Comment le juge administratif qui ne connaît jamais des contrats entre particuliers peut-il discerner ce qui est usuel et ce qui est inusuel ?». L’objection s’affaiblit si l’on se sait qu’il incombe souvent aux juges de fonds d’identifier les clauses exorbitantes ; or la juridiction sera le plus souvent composé à la fois de membres des Chambres,  prises en elles seules, donc de juges administratifs et de juges judiciaires.

2°) La présence d’un régime exorbitant.

Le régime exorbitant diffère de la clause exorbitante sur un point : la clause exorbitante est une disposition, un élément, une clause du contrat. A l’inverse, le régime exorbitant est constitué d'éléments extérieurs au contrat. C'est l'ambiance juridique dans laquelle baigne le contrat. Si cette ambiance tranche sur le droit commun, le droit privé, on est en présence d'un contrat administratif[27].

3°) La relation du contrat avec l’exécution d’un service public. Les critères tirés du service public

Comme on l’a vu plus haut, le contrat passé par une personne publique avec une personne privée est administratif lorsqu’il a un objet direct de service public, soit qu’il confie l’exécution du service public au cocontractant de l’administration (arrêt époux Bertin) (a), soit qu’il constitue l’une des modalités de l’exécution même du service public (b). A cela s’est ajoutée une jurisprudence plus récente clarifiant le cas des contrats de louage de service (c).

a) Le contrat confie l’exécution même du service public

Le type le plus courant et le plus important de ces contrats est celui par lequel l’administration confie la gestion même d’un service public à une entreprise privée qui l’assume à ses risques et périls. Quelles que soient leurs clauses les contrats de délégation de service public sont nécessairement administratifs.

La difficulté se pose donc dans d’autres formes de relations contractuelles, le cas des contrats de louage de service[28] étant réservé. Il ne suffit pas que la prestation du cocontractant de l’administration bénéficie à l’exécution d’une activité de service public[29]. Il faut que par son objet le contrat fasse participer le cocontractant privé de l’administration à l’exécution de la mission même de service public. Il convient donc toujours de bien identifier en quoi consiste la mission de service public, après quoi l’on vérifie que par sa prestation, le cocontractant exerce une partie au moins de cette mission.

Cette double identification ne va pas sans difficultés :

  • Il existe un service public de l’information communale. Le contrat qui charge une société privée de l’édition, la mise en page ou/et la rédaction en tout ou partie d’un bulletin municipal fait participer directement la société à l’exécution de ce service public[30] ; mais le contrat par lequel une société est seulement chargée de placer les espaces publicitaires du bulletin auprès d’annonceurs est administratif[31].
  • Le contrat par lequel une société est chargée par un hôpital de fournir à location des téléviseurs aux personnes hospitalisées a pour objet l’exécution du service public hospitalier et est donc administratif[32] Mais le contrat qui charge une société de fournir des téléviseurs pour les «usagers» du service pénitentiaire est seulement conclu «pour les besoins du service» (comme les pavés des Granits porphyroïdes) et ne fait donc pas participer directement le cocontractant à l’exécution du service public pénitentiaire[33].

Il faut remarquer cependant que, en termes quantitatifs, une large partie de ces interrogations sont désormais résolues par le code des marchés publics. Lorsque le contrat en cause est un «marché public» (de fournitures, de travaux ou de services) il est désormais administratif par détermination de la loi[34] et la difficulté ne se pose plus. Elle demeure seulement pour les contrats qui ne sont pas qualifiables de marchés publics[35].

b) Le contrat constitue une modalité d’exécution même du service public

C’est l’hypothèse consacrée par la jurisprudence Consorts Grimouard.[36] Ici encore il faut correctement identifier la mission de service public. Dans l’affaire Grimouard, il s’agit de la conservation, du développement, de la mise en valeur et de l’exploitation de la forêt française. Par contrat l’État (à travers son service des Eaux et Forêts) passe des contrats avec des propriétaires privés afin d’effectuer sur leurs terrains des opérations de boisement ou de reboisement. Ces contrats sont le moyen même, l’instrument par lequel la mission de Service Public est réalisée. Ils sont donc administratifs. La même chose vaut des contrats passés par une collectivité territoriale, dans le cadre de la réglementation d’aménagement du territoire, en vue de favoriser la «décentralisation industrielle» et par lesquels la collectivité apporte un certain nombre d’aides et de facilités à une entreprise qui s’implante sur un territoire donné. Ce contrat constitue une modalité d’exécution du service public[37]; ils sont une modalité d’exécution même du service et donc des contrats administratifs, ainsi que l’a proposé le juge administratif français[38]. Dans la double espèce qui nous intéresse, le Ministère de l’Environnement a conclu une convention de même type avec le Projet Information Center on Environment (ICE). Pris sous cet angle son administrativité est incontestable.

S’agissant, cette fois, d’un contrat passé entre deux personnes publiques, la solution est la même : Le contrat passé entre deux Etablissements Publics constitue donc une modalité d’exécution du service public[39]. Ici, selon une célèbre formule jurisprudentielle, le contrat fait participer directement ou associe le cocontractant à l'exécution même du service public. En pratique, cette relation peut prendre l'une des trois formes suivantes :

  • Le contrat d’habilitation à gérer un service public ou d’association à l’exécution même du service public : est administratif un contrat qui a pour objet soit de confier au cocontractant de la personne publique la gestion d'un service public, soit de l’y associer directement - C.E., Sect., 20 avril 1956, Époux Bertin ; en l’espèce, contrat verbal relatif à la nourriture de réfugiés sur le point d'être rapatriés, contrat d’habilitation à gérer un service public. Le service public confié au cocontractant peut être administratif ou industriel  et commercial, voire scientifique ou culturel ; en l’espèce, convention écrite conclue en 1999 entre le Ministère de l’Environnement et des Forêts par laquelle le cocontractant s’engage à s’occuper de l’animation culturelle de la célébration de la journée internationale de l’environnement de manière active et efficace pour une réussite totale de l’événement.
  • Le contrat de recrutement d’une personne dans un service public administratif géré par une personne publique. La jurisprudence exige une participation directe à l'exécution d’un service public administratif ou encore une participation à l’exécution même d'un service public administratif[40]. La personne publique conclut un contrat avec un particulier. Objet : l'emploi du particulier dans un service public administratif. Participation directe : le particulier y exerce les fonctions qui relèvent de la spécialité du service[41]. Tout contrat de recrutement en vertu duquel une personne travaille pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique est un contrat administratif[42].

Pour conclure, on dira que l’affirmation selon laquelle c’est à tort que la doctrina a souvent transposé au Cameroun  les dispositions des arrêts français Epoux Bertin et Ministère de l’Agriculture c/ Consorts Grimouard sus cités n’est vraie qu’en partie. Si ces arrêts consacrent la position selon laquelle, en matière de contrat administratif il existe un critère essentiel à savoir le critère organique, et des critères qui sont alternatifs, la clause exorbitante ou le service public, il est tout aussi vrai que de manière péremptoire il ne s’est pas prononcé sur la question de choix entre les critères alternatifs et les critères cumulatifs. Bien sûr qu’à la lecture du présent jugement, on peut bien soutenir que la Chambre Administrative de la Cour Suprême semble avoir implicitement désavoué son rattachement à cette position française, mais l’affirmation sera toujours fragile tant que le juge n’aura pas été plus explicite dans ses positions. Même s’il semble que dans l’espèce commentée, le juge camerounais opte plutôt pour le caractère cumulatif dans l’identification des critères du contrat administratif, cette position n’est pas générale[43] et ne peut permettre de soutenir définitivement que la jurisprudence administrative camerounaise a définitivement opté pour les critères cumulatifs dans l’identification des contrats administratifs.

II - Le juge condamne l’administration à exécuter son obligation contractuelle.

Si le contrat administratif se distingue du contrat privé notamment par la présence de clauses exorbitantes ou plus globalement par son régime exorbitant (parties contractantes, objet et but du contrat), on peut se poser la question de savoir si le régime de sanction qui lui est applicable en cas d’inobservation des obligations contractuelles par les parties est le même qu’en droit privé.

Puisant son origine dans le droit privé, le contrat est perçu comme un accord de volontés entre deux parties qui s’engagent l’une envers l’autre à exécuter des prestations précises. D’après l’article 1134 du code civil, «les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites». Ainsi donc, que l’engagement soit écrit ou verbal chacune des parties contractantes est tenue d’exécuter son obligation sous peine d’être poursuivie sur la base de la responsabilité contractuelle. Le cas échéant, celle-ci pourra être doublée d’une responsabilité délictuelle dans l’hypothèse où le partenaire souffrirait d’un préjudice du fait de l’inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat.

Cependant, si le contrat entre personnes privées est généralement assis sur une base égalitaire, tel n’est pas le cas en droit administratif où le contrat est davantage un contrat d’adhésion. L’Administration disposant de nombreuses marges de manœuvre : pouvoir de modification unilatérale, pouvoir de sanction etc. le juge doit donc tenir compte de ces facteurs lorsqu’il est appelé à statuer.

En outre, la procédure administrative contentieuse ayant ses spécificités notamment avec le recours gracieux et les difficultés de computation des délais, les résultats escomptés par le recourant peuvent s’avérer imparfaitement satisfaits.

Dans l’affaire UM NTJAM François, le juge ordonne à l’Administration de régler la facture du recourant (A), mais rejette sa demande de dommages-intérêts pour défaut de recours gracieux (B).

A - La condamnation de l’Administration contractante au respect de ses obligations contractuelles

L’exécution des contrats administratifs relève à elle seule toute la distance qui sépare le droit administratif du droit privé, les contrats administratifs des contrats civils et commerciaux. Qu’on se rappelle les convictions du Commissaire du Gouvernement Jacomet «lorsqu’elle conclue les contrats administratifs, l’administration ne se dépouille pas de ses attributs de service public»[44]. On comprend mieux le scepticisme du Commissaire du Gouvernement Kahn qui, dans une espèce du 03 mars 1969 - qui estime que «chacun s’accorde à reconnaître aujourd’hui que la distinction du contractuel et de l’unilatéral pose plus de question qu’elle ne permet d’en résoudre»[45].

En droit privé, le régime des contrats est dominé notamment par deux grands principes : Le principe de l’autonomie qui implique l’égalité relative des parties, et la mutabilité consensuelle du contrat tirée de l’article 1134 du code civil qui dispose que «les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites». La conséquence juridique qu’on en tire est que la loi autorise notamment le fait majeur et le fait du prince. En droit privé, la résiliation unilatérale des conventions à durée indéterminée est par exemple, en principe, impossible[46], celle d’un contrat à terme incertaine ou à exécution successive est possible mais limitée.

En droit administratif, le particularisme des contrats administratifs fait largement échec à ce double principe :

  • La mutabilité unilatérale des contrats administratifs : l’administration peut modifier unilatéralement le contenu du contrat voire résilier celui-ci, même si un terme a été à l’origine prescrit. Que ce pouvoir de résiliation unilatéral des contrats administratifs soit étendu, cela découle du fait qu’une clause unilatérale de résiliation est toujours considérée comme exorbitante. Comme le rappelait le juge français de l’espèce UGAP[47], cette stipulation «donne à elle seule à la convention un caractère administratif».
  • L’inégalité des intérêts en cause. Certains auteurs préfèrent parler de l’inégalité des intérêts. Cette préférence semble irrecevable. En effet, le particularisme des contrats administratifs -et donc des prérogatives exorbitantes de l’administration contractante- se justifie, directement ou indirectement, par les exigences du service public. Bien souvent, le contrat administratif est conclu en vue de pourvoir aux besoins du service public, d’en assurer le fonctionnement. Cette fin justifie les dérogations aux règles de droit commun utilisées ici. En conséquence, comme l’a si bien relevée la doctrine, «le contrat administratif met en présence non pas des volontés inégales, mais bien des intérêts inégaux»[48], l’intérêt général et l’intérêt des particuliers, lequel dernier est sacrifié à l’autel de l’intérêt général. On reconnaît à l’administration les moyens de garantir l’intérêt général ; mais l’intérêt particulier ne s’en trouve pas moins sauvegardé, tant il est vrai qu’il dispose de voies de recours conséquents.

Comme on le voit, le régime juridique de l’exécution des contrats administratifs diffère de celui des contrats privés. Tout d’abord, en ce que l’administration dispose à l’égard de son cocontractant de prérogatives sans équivalent et neutres. Elles trouvent leur source dans la nécessité de garantir le service public. Ensuite, en ce que le cocontractant bénéficie en contrepartie de garanties, d’ordre financier, quel qu’en soit l’usage, que l’administration fait de ses prérogatives. Cette originalité ne doit pas faire oublier que comme tout contrat, le contrat administratif s’exécute aussi par référence à la commune intention des parties, et la présente espèce révèle une propension du juge des contrats publics à rééquilibrer la balance dans le sens d’une plus grande protection des intérêts des cocontractants de l’administration, désarmés qu’ils sont souvent face à une puissance publique abusant de ses multiples et variés privilèges, à l’exécution de ses engagements contractuels publics.

En l’espèce, il n’y a pas de doute que le juge s’inspire du droit privé pour sanctionner le comportement de l’Administration. Car même s’il ne précise pas les règles de droit qui servent de base légale à sa décision,  il est clair que sa formation civiliste l’amène à puiser dans le droit privé pour donner une solution à cette affaire. Le juge convoque ainsi la responsabilité contractuelle qui permet à une partie contractante de saisir la juridiction  compétente dans le but de faire condamner son partenaire qui n’exécute pas à temps ou refuse d’exécuter ses prestations, à remplir son engagement. Dans le contrat en cause, l’Association pour le Développement et la promotion de la Culture Camerounaise dénommée ADEPROC pseudonyme ETS François UM NTJAM Production dont il est le représentant s’engageait à s’occuper de l’animation culturelle de la célébration de la journée mondiale de l’Environnement des 4 et 5 juin 1999. C’est ce qu’il fit. En contrepartie, le ministère de l’environnement et des forêts représenté par le coordonnateur du projet Information Center on Environnement (ICE), sieur Sida AMADDEE était tenu de rémunérer ce service  en réglant la facture que devait par la suite lui présenter son cocontractant. Facture qui s’élevait à 4.527.712 francs.

Naturellement, le cocontractant de l’administration bénéficie dans l’exécution des contrats publics, et malgré l’avantage naturel et la stature particulièrement protectrice de la puissance publique au détriment du cocontractant, diverses prérogatives dont les plus importantes sont les multiples obligations qui incombent, à la réalisation des contrats administratifs, au cocontractant de l’administration fragilisé qu’il est dans un contrat génétiquement déséquilibré. Néanmoins, il va disposer de certains droits radicalement protecteurs. Le cocontractant a fondamentalement un droit au respect de l’équilibre financier du contrat. L’administration a la garde des intérêts généraux, mais le particulier a fondamentalement des intérêts patrimoniaux qui doivent être protégés. Ces droits des particuliers sont divers. Le cocontractant de l’administration a droit aux prestations stipulées au contrat ou impliquées par celui-ci. Ce sont entre autre :

  • Le droit au matériel promis par l’administration,
  • Le droit au règlement du prix qui constitue la rémunération d’un service rendu.

En principe, le prix est définitif[49] mais les parties peuvent inclure dans le contrat une clause de variation ou de révision du prix. La première est automatique, au contraire de la seconde qui est obligatoirement négociée. Ensuite, il a droit à certaines indemnités même non prévues par le contrat :

  • Une indemnité pour responsabilité contractuelle de l’administration,
  • Une indemnité pour survenance de faits nouveaux, en application des théories de l’équation financière, du fait du prince, de l’imprévision ou encore pour sujétions imposées et imprévues.
  • Une indemnité pour prestations supplémentaires, encadrée par un avenant, indispensable et spontanée.

Sans ordre émanant de l’administration et accord subséquent, le cocontractant a exécuté des travaux imprévus au contrat d’origine. Comme on l’a dit, indemnité lui est due, si les travaux exécutés étaient indispensables pour la bonne exécution des prestations commandées. Le juge administratif français suivi plus tard par le législateur camerounais ont posé ce principe respectivement à l’occasion d’une espèce du CE du 14 mai 1970, Administration Générale de l’Assistance Publique de Paris et des dispositions des articles 72 et suivants du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics au Cameroun. Il s’agit-là d’une simple application du principe de l’enrichissement sans cause qu’il ne serait pas déraisonnable d’étendre aux modifications unilatérales du contrat, décidées par l’administration elle-même[50].

Au fond, ces travaux supplémentaires spontanés correspondent à une modification unilatérale de fait opérée par le cocontractant dont la finalité légitime reste une meilleure exécution de l’ouvrage public ou une meilleure garantie du service public. Le caractère prévisible des travaux supplémentaires indispensables est propre à minorer l’indemnité versée au cocontractant.

Quelques précisions concernent le règlement du prix : les sommes dues en exécution d’un marché sont payées dans un délai prévu par le cocontractant ou à défaut, dans un délai maximum fixé par voie réglementaire. Comme le précise l’article 74 al. 2 du Décret n°2004/275, les prestations faisant l’objet des marchés publics sont réglées soit par des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie quelque soient les quantités, soit par des prix unitaires appliqués aux quantités réelles exécutées.

Bizarrement en l’espèce, l’Administration se comporte comme  si le règlement de cette facture constituait une faveur qu’elle accordait à son partenaire le sieur Um Ntjam François, puisqu'elle ne lui versera qu’une ridicule somme de 500.000 francs. Comment comprendre que l’Administration soit à ce point irrespectueuse du droit et des droits de son partenaire ? Surtout que pour s’exonérer elle essaye de se cacher derrière une supposée incompétence du juge administratif tirée de ce que le contrat en cause n’était pas administratif, n’ayant pas eu «pour objet l’exécution du service public» et que sa prétendue nature privée entrainait la compétence du juge judiciaire. 

A supposer même que ce contrat ait eu une nature privée l’Administration aurait-elle pu échapper à la sanction du juge ? Il est évident que non. Les éléments du dossier montrent bien que la mauvaise foi de l’Administration a été poussée à l’extrême. Il y a violation flagrante par l’administration contractante de ses obligations contractuelles que n’importe quel juge se devait de sanctionner. C’est pourquoi il a été ordonné dans le Jugement n°80/2008/CA/CS du 18 juin 2008 le paiement du reliquat de 4.027.712 francs au sieur Um Ntjam François.

Cependant sa demande de dommages et intérêts n’a pas connu le même sort.

B - Le rejet partiellement justifié de la demande de dommages et intérêts pour défaut de recours gracieux

Aux termes de l’article 17 alinéa 1 de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisa tion et le fonctionnement des tribunaux administratifs : « le recours devant le tribunal administratif n’est recevable qu’après rejet d’un recours gracieux adressé à l’auteur de l’acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité publique ou l’établissement public en cause ». Ceci étant dit, la loi ne précise pas que les chefs de demande dans le recours gracieux doivent être identiques à ceux du recours contentieux. C’est le juge qui a dû rendre cette condition impérative, puisque son défaut entraine le rejet de la demande contentieuse. Dans une espèce ancienne déjà, le juge affirmait, pour rejeter la demande de dommages et intérêts du recourant, que : « de l’examen des requêtes des 07 octobre et 31 septembre 1968 classées au dossier et constituant les recours gracieux introduit par Ntone, il ne résulte pas qu’il ait soumis à l’autorité habilitée à statuer sur les recours gracieux la question de dommages-intérêts» ;

Considérant que l’article 17 paragraphe 1er de la loi n°65/LF/29 du 19 novembre 1965, exige le recours gracieux à peine d’irrecevabilité du recours contentieux devant la cour de céans ; qu’il échet en l’espèce de déclarer ce chef de demande du sieur Ntone irrecevable pour défaut de recours gracieux» [51].

Consacré auparavant par un arrêt n° 3/CFJ/AP du 28 octobre 1970[52], et confirmé par les jugements n° 48/96-97 du 30 janvier 1997, Mohamadou Abdoulaye Massah c/ Etat du Cameroun (MINDEF) et n° 24/2002-2003 du 28 novembre 2002, Mefire Zacharie c/ Etat du Cameroun, l’exigence de l’identité d’objet entre le recours gracieux et le recours contentieux a été instituée par la Cour fédérale de Justice et la Cour Suprême « comme une donnée fondamentale de la procédure administrative au Cameroun»[53]. C’est ainsi que le juge rejette soit totalement, soit partiellement les recours qui méconnaissent cette exigence. Cela se justifie. Pour Henri Jacquot, «la règle du recours gracieux serait effectivement tournée si le requérant pouvait présenter au contentieux des demandes nouvelles, différentes de celles sur lesquelles l’administration s’est prononcée»[54].

Dans le cas d’espèce, le juge reste fidèle à une tradition jurisprudentielle. Il constate simplement que le sieur Um Ntjam François n’a pas présenté à l’Administration sa demande de dommages-intérêts justifiée par le préjudice qu’il aurait éventuellement subi du fait de l’Administration. Le juge ne pouvant statuer ni infra ni ultra petita, s’en est donc tenu à ce qui lie le contentieux, à savoir le rejet implicite ou explicite de ce qui est demandé dans le recours gracieux. Il déclare : « attendu que le recourant en plus de la somme principale de 4.027.712 francs a réclamé des dommages et intérêts d’un montant de 37.900.000 francs ; Attendu cependant que ladite demande n’a pas été soumise au recours gracieux ; Qu’il y a lieu de la déclarer irrecevable ; ». Les justiciables devraient une fois pour toutes fixer dans leur esprit que ce qu’ils demandent à l’Administration doit être la même que ce qu’ils demandent au juge. Car cela permet à la première de déterminer sa position sur le litige et au second d’être informé sur son étendue.

Diverses autres conditions ont été construites par la jurisprudence pour que le cocontractant de la puissance publique contractante se voit octroyer des dommages et intérêts. Naturellement, le cocontractant de l’administration bénéficie dans l’exécution des contrats publics, et malgré l’avantage naturel et la stature particulièrement protectrice de la puissance publique au détriment du cocontractant, diverses prérogatives dont les plus importantes sont les multiples obligations qui incombent, à la réalisation des contrats administratifs, au cocontractant, fragilisé qu’il est dans un contrat génétiquement déséquilibré. Néanmoins, il va disposer de certains droits radicalement protecteurs. Le cocontractant a fondamentalement droit au respect de l’équilibre financier du contrat. L’administration a la garde des intérêts généraux, mais le particulier a des intérêts patrimoniaux qui doivent être protégés. Avant d’examiner comment ce droit à l’équilibre financier du contrat est mis en œuvre dans certaines hypothèses particulières, il faut insister sur un droit que, contrairement aux principes applicables en droit privé, n’a pas la partie privée à un contrat administratif.

Cette exclusion est fondée sur l’exceptio non adimpleti contractus. En effet, l’administration a sans aucun doute l’obligation d’exécuter ses engagements contractuels. Mais, à la différence de l’administration, le cocontractant privé ne dispose d’aucun moyen de réaction unilatérale, il ne peut se faire justice à lui-même, autrement dit il ne peut refuser d’exécuter sa prestation au motif que l’administration ne remplit pas ses obligations (par exemple, ne verse pas à la date prévue les avances prévues au contrat). Si dans un tel cas il cessait l’exécution, il commettrait lui-même une faute susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle et de justifier la sanction unilatérale de l’administration. On voit ici clairement l’inégalité des parties au contrat administratif[55]. Inégalité claire puisque, outre ses pouvoirs de sanction examinés ci-dessus, la collectivité publique est en outre autorisée à exciper de l’exception d’inexécution pour interrompre l’exécution de ses propres obligations[56]. En cas d’inexécution de ses obligations par l’administration, le cocontractant n’a d’autre possibilité que de saisir le juge du contrat pour mettre en jeu devant lui la responsabilité contractuelle de l’administration.

Quoiqu’il en soit et malgré les apparences, les droits du cocontractant aménagés par le droit positif en la matière sont assez larges et divers. Le cocontractant de l’administration a droit aux prestations stipulées au contrat ou impliquées par celui-ci. Ce sont entre autre le droit au matériel promis par l’administration et le droit au règlement du prix qui constitue la rémunération d’un service rendu. En principe, le prix est définitif (articles 74 et 75 Décret n°2004/275) mais les parties peuvent inclure dans le contrat une clause de variation ou de révision du prix. La première est automatique, au contraire de la seconde qui est obligatoirement négociée. Ensuite, il a droit à certaines indemnités même non prévues par le contrat :

  • Une indemnité pour responsabilité contractuelle de l’administration,
  • Une indemnité pour survenance de faits nouveaux, en application des théories de l’équation financière, du fait du prince, de l’imprévision ou encore pour sujétions imposées et imprévues.
  • Une indemnité pour prestations supplémentaires, encadrée par un avenant, indispensable et spontanée.

Sans ordre émanant de l’administration et accord subséquent, le cocontractant a exécuté des travaux imprévus au contrat d’origine. Comme on l’a dit, indemnité lui est due, si les travaux exécutés étaient indispensables pour la bonne exécution des prestations commandées. Le juge administratif français suivi plus tard par le législateur camerounais ont posé ce principe respectivement à l’occasion d’une espèce du CE du 14 mai 1970, Administration Générale de l’Assistance Publique de Paris et des dispositions des articles 72 et suivants du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics au Cameroun. Il s’agit-là d’une simple application du principe de l’enrichissement sans cause qu’il ne serait pas déraisonnable d’étendre aux modifications unilatérales du contrat, décidées par l’administration elle-même.

Au fond, ces travaux supplémentaires spontanés correspondent à une modification unilatérale de fait opérée par le cocontractant dont la finalité légitime reste une meilleure exécution de l’ouvrage public ou une meilleure garantie du service public. Le caractère prévisible des travaux supplémentaires indispensables est propre à minorer l’indemnité versée au cocontractant.

Quelques précisions concernent le règlement du prix : les sommes dues en exécution d’un marché sont payées dans un délai prévu par le cocontractant ou à défaut, dans un délai maximum fixé par voie réglementaire. Comme le précise l’article 74 al. 2 du Décret n°2004/275, les prestations faisant l’objet des marchés publics sont réglées soit par des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie quelque soient les quantités, soit par des prix unitaires appliqués aux quantités réelles exécutées.

Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du contrat ou de son sous-traitant, le bénéfice d’intérêts moratoires à compter du jour d’expiration du délai. Enfin, un marché peut prévoir une clause d’actualisation de prix, indépendamment de celle de révision dudit prix[57].

Comme on le voit, même si les délais du recours gracieux avaient été respectés par le recourant, rien ne dit qu’il aurait  a priori bénéficié des dommages et intérêts réclamés, sauf à considérer que les conditions classiques exigés par la jurisprudence constante et rappelées plus haut aient été remplies. L’indemnité compensatrice dans tous les cas doit être proportionnelle à la faute de l’administration contractante, au risque de faire peser sur son cocontractant un indûment perçu, susceptible d’être remboursé plus tard.

En définitive, on va dire que les espèces jointes commentées participent au renouveau observe du droit et de la pratique contractuelle publique dans notre pays, depuis une quinzaine d’années. Même si elles n’apportent pas de solutions révolutionnaires aux questions qu’elles soulèvent, elles permettent une meilleure lecture des nouvelles dispositions légales et réglementaires et proposent un meilleur éclairage des évolutions jurisprudentielles en la matière. Même si on ne peut pas de façon péremptoire affirmer que les espèces Um Ntjam et Fils ferment définitivement la controverse sur la problématique de la qualification des contrats administratifs et celles des obligations des parties à ce type de contrats, on peut dire sans se tromper qu’il y a eu, un avant Um Ntjam et Fils, et qu’il y aura son après, parce que rien ne sera plus comme avant.

 

[1]Pour cette notion de privilège du préalable appliqué aux contrats publics, voir Richer (Laurent) dans Droit des contrats administratifs, LGDJ, (Col. Manuel), 8ème Edition, Introduction notamment.

[2]Acte administratif unilatéral, expropriation pour cause d’utilité publique, droit de préemption urbain, règlement de police, nomination de fonctionnaires, réquisitions civiles et militaires, les injonctions et obligations d’amener, résidence surveillée, etc…

[3]Comme l’affirme la doctrine nationale, le juge administratif camerounais, à la suite du législateur, ne s’est pas laissé influencer par les trajectoires tracées par le droit positif français. Il a essayé de donner une identité propre à la pratique contractuelle publique au Cameroun. «Dans la mise en œuvre du procédé contractuel, l'administration du Cameroun indépendant avait le choix au regard de son histoire entre les systèmes de droit traditionnel, de la Common Law et de droit français. Le Cameroun, par l'ordonnance fixant l'organisation de la cour suprême du 26 aout 1972, a choisi le système français qui reconnait la possibilité pour les collectivités publiques de conclure soit des contrats relevant du droit commun du code civil, soit des contrats de droit public soumis à un régime exorbitant. Cette option ne conduit pas pour autant à une assimilation complète avec le régime des contrats de l'administration en France et doit prendre en compte l'environnement culturel, et surtout juridique qui fait de la juridiction administrative, un démembrement fonctionnel d'une structure juridictionnelle marquée par la prééminence de l'institution judiciaire : le droit administratif étant dit par un juge de formation et de carrière judiciaires. La distinction entre les contrats administratifs et les contrats prives de l'administration, corollaire du dualisme juridictionnel est complexe si on la rapproche du modèle français mais reste caractérisée par la prédominance de la détermination légale de la compétence juridictionnelle en matière contractuelle, reléguant le juge a un rôle secondaire. Le législateur ayant exclu du contentieux administratif les contrats de l'administration conclus implicitement sous l'empire du droit prive, il convient d'observer que la marge du juge est limitée ; la formule de "l'implicite prive" étant douée d'un dynamisme effréné si on constate que le contrat est le principal instrument du commerce juridique de droit privé et que le juge du contentieux administratif au Cameroun est un juge judiciaire». Cf. BIDJA KOTTO (Thomas), Les contrats de l’Administration au Cameroun, Thèse de Doctorat en Droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, janvier 2000, 2 volumes

[4]Ceci s’explique à la fois par le monolithisme politique ambiant des premières décennies d’indépendance et l’intervention nisme étatique radical, justifié par l’urgence de création des conditions de vie acceptable qui a animé les décideurs politiques d’alors.

[5]Comme précédemment démontré, le procédé contractuel constitue, à côté de l’acte administratif unilatéral, le moyen par excellence pour l’administration d’atteindre de réaliser ses missions d’intérêt général. Il s’agit là d’une conception générique et classique qui permet à la puissance publique d’associer les personnes privées à la mise en œuvre de ses missions régaliennes, ainsi que cela transparaît dans les articles 4 et 5 du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant code des marchés publics. Le législateur national a, lui aussi, précisé le cadre juridique des contrats administratifs, et l’article 3 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs de distinguer les contrats conclus sous l’empire du droit public de ceux gouvernés par les règles du droit privé.

[6]Pour plus d’informations sur le développement du droit camerounais du phénomène de contractualisation du service public, voir KEUTCHA TCHAPNGA (Célestin), Désétatisation et nouvelles configurations du pouvoir en Afrique, Revue du CERDIP, n°1, Libreville.

[7]Institué par la loi n°2006/018 portant régime des contrats de partenariat public-privé.

[8]Fondateur de la science allemande du droit administratif et professeur à Strasbourg au début du XXe siècle,

[9]Même si cette jurisprudence était une œuvre essentiellement du juge administratif colonial. Voir ainsi Arrêt n°327/CCA du 10 décembre 1954, CFAO c/. Administration du Territoire et Arrêt n°364/CCA du 03 septembre 1965, Ebongom Philippe c/. Administration du Territoire rappelant la compétence du juge administratif en matière de contrat administratif, Arrêt n°83/CCA du 22 décembre 1951, Renucci c/. Administration du Territoire  consacrant la qualification jurisprudentielle des contrats administratifs au Cameroun, Arrêt n°234/CCA du 15 mai 1953, Lanvin c/. Administration du Territoire relatif au droit à une rémunération du cocontractant de l’Administration, et l’Arrêt n°273/CCA du 17 janvier 1954, Société des Batignolles c/. Administration du Territoire relatif au pouvoir de révision des clauses contractuelles publiques

[12]On est obligé de retourner revisiter l’activité jurisprudentiel le pré-indépendance pour apprécier la conception camerounaise de l’institution de contrat administratif. Voir ainsi Arrêt n°327/CCA du 10 décembre 1954, CFAO c/. Administration du Territoire et Arrêt n°364/CCA du 03 septembre 1965, Ebongom Philippe c/. Administration du Territoire rappelant la compétence du juge administratif en matière de contrat administratif, Arrêt n°83/CCA du 22 décembre 1951, Renucci c/. Administration du Territoire consacrant la qualification jurisprudentielle des contrats administratifs au Cameroun, Arrêt n°234/CCA du 15 mai 1953, Lanvin c/. Administration du Territoire relatif au droit à une rémunération du cocontractant de l’Administration, et l’Arrêt n°273/CCA du 17 janvier 1954, Société des Batignolles c/. Administration du Territoire relatif au pouvoir de révision des clauses contractuelles publiques. Sorti de sa trentenaire léthargie, il allait redécouvrir l’institution de contrat administratif dans un environnement désormais fait de libéralisme politique et économique. C’est dans cette lignée qu’il va prendre à son compte les évolutions consacrées par son homologue français, dans une ambiance décevante de mimétisme coupable.

[13]Fussent-elles des personnes administratives.

[14]Tribunal des Conflits - 03 mars 1961, Interlait et TC, 24 juin 1968, Distilleries bretonnes.

[15]Tribunal des Conflits, 10 janvier 1983, Centre d’action pharmaceutique et autres c/. Union des Pharmaciens de la Région Parisienne (UGAP)

[16]Le maire par exemple ou encore le Président du Conseil régional respectivement pour le compte des communes ou des conseils régionaux.

[17]Le Directeur ou son, adjoint mandatés par le Conseil d’Administration pour les Etablissements publics.

[18]Conseil d’Etat, sect., 20/04/1956, Epoux. Bertin.

[19]Pour plus de développement sur la para-administration au Cameroun, voir MAAPOU ZANGUE (Stéphane), Le développement des structures para-administratives au Cameroun, Thèse de Master II Droit Public, Université de Dschang, Octobre 2011, 182 pages.

[20]Conseil d’Etat, 30 janvier 1931, Société Brossette

[21]Conseil d’Etat, 30 mai 1965, Société d’Equipement de la Région Montpelliéraine

[22]Tribunal des Conflits, 10 mai 1983, Société Vannier.

[23]Société d’exploitation électrique de la rivière du Sand.

[24]C.E., Sect., 13 octobre 1961, Établissements Compagnon-Rey.

[25]T.C. 17 décembre 1962.

[26]Conseil d’Etat., Sect. 20 octobre 1950, Stein - Leb. p. 505

[27]C.E. Sect., 19 janvier 1973, Société d'Exploitation Électrique de la rivière du Sant. L’espèce concerne des contrats conclus entre EDF et des producteurs autonomes - non nationalisés - d’électricité.

[28]Recrutement d’agent par contrat

[29]CE sect. 11 mai 1956, Sté Transports Gondrand, Rec. 202 ; une prestation de fourniture des biens nécessaires au service public, ex. Granits porphyroïdes, ou une prestation de transport si le service public n’est pas lui-même un service public de transport

[30]Voir par ex. : CE 10 juillet 1996, Coisne, tab. 1007

[31]TC 24 juin 1996, Préfet de l’Essonne, 546

[32]CE 8 juin 1994, Sté CODIAM, Rec. 294.

[33]TC 23 nov. 1998 Bergas, Rec. 550

[34]Cf. Article 5 du Décret n°2004/275 du 29 septembre 2004 portant Code des Marchés publics.

[35]Voir GNIMPIEBA TONNANG (Edouard) et NDIFFO KEMETIO (Ludovic), Les services publics dans l’étau du droit communautaire de la concurrence, Revue Editions Juridiques Africaines (EDJA) n°2, 2011, pp. 25-47.

[36]Ce Sect, 20 Avril 1956, Consorts Grimouard

[37]CE 26 juin 1974, Sté Maison des Isolants de France.

[38]Ainsi que l’a proposé le juge administratif français.

[39]TC, 16 janvier 1995, Préfet de la Région Île-de-France et Cie Gén. du Rhône c. EDF, Rec. 489

[40]C.E., Sect., 4 juin 1954, Affortit et Vingtain. Ces deux arrêts

[41]Exemple : au sein de l'université, les attachés temporaires d'enseignement et de recherches.

[42]T.C., 25 mars 1996, Préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône et autres c/ Conseil de prud'hommes de Lyon - ou arrêt Berkani.

[43]On peut le dire en suivant strictement son affirmation en l’espèce, lorsqu’il proclame que pour qu’en contrat soit administratif, «…il faut la participation du cocontractant à l’exécution même du service public… Que de même, pour qu’un contrat soit administratif, il faut qu’il ait pour objet même l’exécution du service public ; Qu’en d’autres termes que l’exécution du contrat ait pour but la satisfaction de l’intérêt général. Enfin, le contrat administratif doit contenir des clauses exorbitantes de droit commun…». Le juge de l’affaire Um Ntjam ralliait ainsi la position adoptée dans l’affaire Renucci c/. Administration du Territoire[43] rendue 50 ans plutôt  par le Conseil du Contentieux Administratif camerounais. Comme le pense une certaine doctrine, «si on ne peut nier que la position en vigueur dans le droit camerounais tient effectivement compte de l’identification des mêmes critères matériels, que sont le service public et la clause exorbitante, elle ne semble cependant pas les présenter de manière alternative. Au constat, le juge administratif camerounais ne s’est jamais prononcé explicitement sur l’existence d’un caractère alternatif de ces deux critères. Lorsqu’on observe  ces deux affaires, il est clair qu’il présente plutôt de manière synthétique les critères qui caractérisent le contrat administratif». Mais cette affirmation doit être encadrée dans son contexte, et ne constitue qu’un point de vue doctrinal, même si la position du juge judiciaire peut sembler confirmer cette analyse. En effet, dans une décision rendue en matière civile par le Tribunal de grande instance du Mfoundi,  Sté forestière PETRA S.A c/ Sylvestre Naah Ondoa, Etat du Cameroun du 09 février 2004, le juge de droit privé affirme : « Attendu qu’à défaut d’une définition textuelle, la jurisprudence a retenu certains critères permettant de définir le contrat administratif ; qu’il s’agit(…) du critère matériel qui fait concurremment appel au critère de la participation directe du contrat à l’exécution même du service public et du critère de la clause exorbitante».

[44]CE, 05 mars 1954, Soullier

[45]CE, 03 mars 1969, Interlait

[46]Commercial, 12 novembre 1996, Dalloz, Affaires, 19997, p. 248.

[47]TC, 05 juillet 1999, UGAP

[48]Richi (Laurent), Droit des Contrats Administratifs, LGDJ, 4ème Ed, Paris, 2008.

[49]Articles 74 et 75 Décret n°2004/275

[50]La jurisprudence nationale adopte depuis peu la même position notamment à l’occasion de l’espèce …….

[51]Arrêt n°118/CFJ/CAY du 08 décembre 1970, Ntone Epée Isaac c/ Etat du Cameroun

[52]Onana Jean Pierre c/ Etat du Cameroun

[53]J-L ENGOUTOU, La Cour Fédérale de justice et le droit administratif camerounais, thèse de Doctorat Ph.D. en Droit public, Université de Yaoundé II soa, septembre 2010 p.103.

[54]Le contentieux administratif au Cameroun, RCD, n° 8 juillet décembre 1975, pp. 113-139.

[55]Comme l’a constamment rappelé le juge administratif français - voir pour illustration CE 7 janvier 1976, Ville d’Amiens, Rec. 11, jurisprudence suivie par la Chambre Administrative de la Cour Suprême, et les principaux considérants de l’espèce Amsecom-Amsecomcom sus rapportés sont fort illustratifs.

[56]Cf. CE, 27 mars 1957, Carsalade, Rec. 216

[57]Article 77 al. 6 du Décret n°2004/275

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11/02/2017 13:41

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