L'INFLUENCE DU DROIT COMMUNAUTAIRE CEMAC SUR LA COMPETENCE DU JUGE ADMINISTRATIF CAMEROUNAIS

Publié le 30/08/2014 Vu 13 896 fois 0
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Cette contribution revisite les relations entre l'ordre juridique communautaire CEMAC naissant et le droit administratif camerounais, plus précisément, elle interroge les influences désormais consommées du droit communautaire sur le domaine de compétence du juge administratif camerounais

Cette contribution revisite les relations entre l'ordre juridique communautaire CEMAC naissant et le droit adm

L'INFLUENCE DU DROIT COMMUNAUTAIRE CEMAC SUR LA COMPETENCE DU JUGE ADMINISTRATIF CAMEROUNAIS

L’INFLUENCE DU DROIT COMMUNAUTAIRE DE LA CEMAC SUR LE DOMAINE DE COMPETENCE DU JUGE ADMINISTRATIF CAMEROUNAIS

Par :

Edouard GNIMPIEBA TONNANG,

Habilité à Diriger des Recherches des Facultés Françaises de Droit,

Docteur (NR) en Droit Communautaire et en Droit et Financement International du Développement

De l’Institut du Droit de la Paix et du Développement (IDPD), Université de Nice-Sophia Antipolis,

Chargé de Cours au Département de Droit Public et Science Politique

Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang

Et

NGUENA DJOUFACK Arsène Landry

Assistant, Doctorant en Droit Public

Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang

Depuis sa naissance, le contentieux administratif[1] camerounais[2] n’a cessé de subir des transformations. Un tournant décisif a été amorcé en 1996[3], à travers la loi constitutionnelle, n° 96/06 du 18 Janvier 1996[4] et s’est poursuivi en 2006[5]. Mais, plus originales aujourd’hui sont les mutations qu’il subit du fait du développement de l’ordre juridique international et plus précisément encore de l’ordre juridique communautaire. 

En effet, depuis les années 60, on note, en Afrique, une prolifération d’organisations économiques regroupant des Etats selon des formules variables et complexes[6]. Très tôt, la classe politique africaine prit conscience des inconvénients résultant d’une telle prolifération d’organisations  d’intégration et, dès 1980, à Lagos, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA),  lança un plan d’action devant aboutir à la  fusion de toutes les organisations internationales régionales d’intégration économiques en une seule de dimension continentale, la Communauté Economique Africaine (CEA)[7]. Mais en attendant  que ce processus aboutisse, l’environnement africain reste celui de la multiplicité d’organisations d’intégration au rang desquelles, la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC)[8].

La CEMAC est une organisation d’intégration[9], née des cendres de l’UDEAC, dont le Traité institutif signé le 16 mars 1994 à N’Djamena a, fait l’objet de deux révisions. D’abord, le 25 Juin 2008 à Yaoundé, et ensuite le 30 Janvier 2009 à Libreville. Elle regroupe six Etats à savoir, le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République centrafricaine, la République du Congo et le Tchad. Elle entend, "prenant acte de l’approche d’intégration proposée en UDEAC, telle qu’inspiré par les chefs d’Etat de l’OUA[10], lors de la conférence d’Abuja en juillet 1991(…) donner une impulsion nouvelle et décisive au processus d’intégration en Afrique centrale par une harmonisation accrue des politiques et des législations de leurs Etats"[11].

Si la mondialisation économique va en entraînant la mondialisation juridique[12], l’intégration économique, elle, implique "la régionalisation juridique". Tout ceci traduisant le phénomène de »dénationalisation» du droit. On peut donc comprendre pourquoi la CEMAC envisage un vaste chantier juridique[13], ou mieux encore institue un ordre juridique spécifique, c'est-à-dire "un ensemble organisé et structuré de normes juridiques possédant ses sources propres, doté d’organes et  procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu’à en faire constater et sanctionner, le cas échéant, les violations"[14]. En effet, l’intégration juridique[15], est conçue comme le levier indispensable de l’intégration économique[16]. L’organisation supranationale[17] sécrète donc un ensemble de règles de droit[18] applicables dans son ordre juridique qui est  autonome de l’ordre juridique international et de l’ordre juridique des Etats membres[19].

Cependant, l’autonomie de l’ordre juridique communautaire n’est pas synonyme de sa séparation des ordres juridiques nationaux.  Instrument de l’intérêt commun des peuples et des Etats de la Communauté, le droit issu des sources communautaires n’est pas un droit étranger, ni même un droit extérieur. Il est le droit propre de chacun des Etats membres, applicable sur son territoire tout autant que son droit national, avec cette qualité supplémentaire qu’il couronne la hiérarchie des textes normatifs de chacun d’eux. Par sa nature propre, en effet, le droit communautaire possède une force spécifique de pénétration dans l’ordre juridique interne des Etats membres[20]. L’ordre juridique communautaire est donc fondé sur l’applicabilité immédiate, l’applicabilité directe et la primauté dans les ordres juridiques nationaux[21].

Cette insertion des normes communautaires, dans l’ordre juridique des Etats membres, implique incontestablement, des transformations  du droit national. A cet effet, Lord DENNING, préfaçant en 1990 un livre consacré au droit communautaire, écrivait que "le droit communautaire est (…), un raz- de marée qui emporte nos digues, et qui, pénétrant à l’intérieur de nos terres vient submerger nos maisons et nos champs à la consternation de tous".[22] Même s’il est vrai que cette observation doit être tempérée dans la CEMAC, en raison de la lenteur du développement du droit communautaire, il n’en demeure pas moins, ici, comme l’a si bien remarqué la doctrine[23], que les droits nationaux des Etats membres subissent des mutations. C’est dans cette logique que le domaine de compétence du juge administratif se trouve aujourd’hui affectée par le droit communautaire.   

Notons d’entrée de jeu que, le  contentieux administratif au Cameroun,  ne renferme pas l’ensemble des règles applicables au procès de l’administration, mais seulement celles relatives aux litiges dont la connaissance appartient à la juridiction administrative[24] ; le contentieux administratif étant distinct du contentieux de l’administration. Le contentieux administratif n’est donc qu’une partie du contentieux de l’administration, l’autre étant réglée par le juge judiciaire[25].

Pour délimiter les compétences respectives des deux juridictions, le Cameroun, contrairement à la France qui a opté pour le système de la clause générale de compétence[26], a choisi le procédé de la compétence par détermination de la loi[27]. Ainsi, le domaine de compétence de notre juge administratif, jadis définit par l’article 9 de l’ordonnance n°72/06, est aujourd’hui précisé par l’article 2 de la loi n°2006/022.

Il en ressort que le juge administratif est compétent pour connaître"en premier ressort, du contentieux des élections régionales et municipales et en dernier ressort, de l’ensemble du contentieux administratif concernant l’Etat, les collectivités publiques territoriales décentralisées et les établissements publics administratifs". Le contentieux administratif à l’encontre de l’Etat et des autres personnes morales de droit public comprend : les litiges relatifs aux actes administratifs unilatéraux, les litiges relatifs aux contrats administratifs, les litiges relatifs au domaine public, et les litiges relatifs aux opérations de maintien de l’ordre.

Pour sa part, la compétence du juge judiciaire en matière administrative est prévue par l’article 3 de la loi n°2006/022. L’alinéa 1 de cet article dispose que "les tribunaux de droit commun  connaissent, conformément au droit privé, de toute autre action ou litige, même s’il met en cause les personnes morales énumérées à l’article 2 (…)". Quant à l’alinéa 2, il stipule que ces tribunaux de droit commun "connaissent, en outre, des emprises et des voies de fait administratives et ordonnent toute mesure pour qu’il y soit mis fin"[28].

De l’interprétation des dispositions des articles 2 et 3, on peut avoir le sentiment que le juge judiciaire est juge de droit commun de l’Administration et que le juge administratif ne serait que juge d’attribution. Une telle affirmation, forcément erronée serait, à notre sens, une ignorance de la raison même d’être de la juridiction administrative. En réalité, la compétence de principe à l’égard du contentieux de l’administration puissance publique revient au juge administratif. C’est ce dernier qui est en principe compétent pour connaître du contentieux de l’annulation et de la reformation des décisions prises par les autorités administratives dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique. La compétence du juge judiciaire, en matière administrative, ne constituerait donc qu’une exception à la compétence de principe du juge administratif[29].

Ces précisions faites, il est question dans la présente étude, de déterminer l’influence que le droit communautaire de la CEMAC exerce sur le domaine de compétence du juge administratif. Autrement dit, quelles sont les mutations que subit le domaine de compétence du juge administratif du fait de l’insertion du droit communautaire de la CEMAC dans l’ordre juridique camerounais ? La détermination et la démonstration de cette influence ne sont pas du tout évidentes, en raison, notamment, de son caractère encore essentiellement théorique. Aussi, parce que, comme l’a observé et souligné le Professeur BOULOUISconfronter deux systèmes juridiques pour mesurer l’incidence de l’un sur l’autre n’est jamais entreprise aisée»[30].

Quoiqu’il en soit, cette étude qui passe par une exégèse des textes et le recours ponctuel au droit étranger, nous permet de remarquer qu’ à l’épreuve du droit communautaire, le juge administratif voit d’une part sa compétence évoluer (I), et d’autre part ses chefs de compétence partagés (II).

I - L’évolution de la compétence du juge administratif

L’article 2 de la loi n°2006/022 précitée, fixant le domaine de compétence du juge administratif n’a pas un caractère exhaustif, mais tout simplement indicatif. Il prévoit le domaine initial de la compétence du juge administratif, et les possibilités de son extension restent ouvertes. C’est ainsi que, le juge administratif est aujourd’hui appelé à exercer des compétences à lui attribuées par l’ordre juridique communautaire. En effet, la création d’une juridiction communautaire n’implique pas sa compétence pour connaître de toutes les questions posant un problème d’application du droit communautaire[31]. Sa compétence ne serait que d’attribution. Logiquement, c’est le juge national qui est juge de droit commun du droit communautaire tout comme il l’est de son propre droit national[32]. La compétence du juge national se trouve ainsi étendue au-delà de l’application du droit interne pour s’affirmer sur le terrain du droit communautaire (A)

La compétence du juge national en matière d’application du droit communautaire repose en principe sur la conception que celui-ci fait partie intégrante du droit applicable sur le territoire des Etats membres. Evidemment, c’est au juge national en sa qualité de juge communautaire, qu’il appartient d’assurer la protection du justiciable découlant de l’effet direct des dispositions du droit communautaire[33]. A l’occasion, il disposerait d’une plénitude de compétence (B).

                

A - L’extension de la compétence du juge administratif

Certains textes communautaires attribuent expressément au juge administratif, la responsabilité de la garantie de leur respect par les sujets de l’ordre juridique communautaire (1). Cette compétence serait même de principe et se justifierait par le fait que le droit communautaire est désormais une source de la légalité administrative (2). Cependant, la compétence du juge administratif est limitée en ce qui concerne l’interprétation et l’appréciation de la légalité des actes communautaires (3).

1°) L’attribution expresse de compétences au juge administratif

L’article 9 de l’ordonnance n° 72/06 précitée, précisait que le juge administratif connaît également des»litiges qui lui sont expressément attribués par la loi». Cette formule, qui n’a pas été expressément reprise par les dispositions de la loi n°2006/022[34], n’est pas satisfaisante, car il n’est pas exclu que des textes autres que des lois soient attributifs de compétences. Il est donc tout à fait légitime de penser que "la formule de litiges expressément attribués par un texte"[35], serait plus correcte. Cette formule est d’autant plus intéressante qu’elle pourrait également englober les compétences expressément attribuées par le droit communautaire.

L’attribution de compétence au juge administratif, par le droit communautaire n’est pas liée à l’avènement de la CEMAC. Elle existait déjà à l’époque de l’UDEAC. C’était le cas du contentieux lié à l’application des régimes I et II du Code communautaire des investissements de 1965. Ce texte prévoyait que les  entreprises agréées  à ces régimes peuvent se voir retirer leur agrément "en cas de manquement grave". Elles disposaient alors suivant les dispositions de l’article 42 du Code d’un recours "devant la juridiction administrative de l’Etat d’implantation".  Il en résultait donc que le juge administratif qui est seul compétent pour connaître des litiges liés à l’application des régimes I et II. Ceci s’explique par  le fait que l’octroi de ces agréments est de la compétence des Etats, en conformité toutefois avec les dispositions du Code[36] ; le règlement des différends  liés à ces actes nationaux d’agrément relève donc du contentieux administratif ordinaire  incluant, néanmoins des règles de droit communautaire auxquelles les autorités administratives nationales doivent se conformer[37].

La CEMAC n’a pas abandonné cette technique d’attribution expresse de compétence au juge national par le droit communautaire. Ainsi, le juge administratif pourrait exercer des compétences en droit communautaire de la concurrence. En effet, l’article 6 du Règlement n° 4/99/UEAC-CM-639 du 18 Août 1999 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre Etats membres[38], reconnaît au juge national la compétence pour faire obstacle à l’octroi d’une aide non notifiée ou mise en exécution sans attendre la décision finale du Conseil Régional de la Concurrence (CRC), et faire appliquer les décisions du Conseil Régional ou du Conseil des Ministres. S’agit-il du juge  judiciaire ou du juge administratif ? Le Règlement ne donne pas de solution à cette question. Ceci est couvert par le principe d’autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres. Au Cameroun, il ne serait pas illogique que le juge administratif exerce cette compétence[39]. La personne publique dans l’octroi des aides d’Etat intervient comme une autorité publique[40] prenant des actes administratifs[41], et par conséquent est soumise au respect de la légalité dont le juge administratif est le gardien. Or, toute aide non notifiée ou mise à exécution sans attendre la décision finale du CRC est illégale au regard du Règlement n° 4/99 qui est incontestablement une source de la légalité de l’action administrative dans l’ordre juridique camerounais.

2°) Le droit communautaire, source de la légalité administrative

Dans l’Etat moderne, l’administration qui est le pouvoir agissant de l’Etat doit être soumise à l’ensemble des normes juridiques supérieures, constitutives du "bloc de légalité". Il s’agit de la soumission de l’administration  au droit et non à la seule loi. Est donc pris en compte tout le bloc normatif hiérarchisé qui va de la constitution  aux actes de l’administration en passant par les conventions internationales, les lois et les ordonnances, les principes généraux du droit et la jurisprudence. Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait croire à la lecture de l’article 2 alinéa 3, de la loi n°2006/022, qui dispose que "est constitutif d’excès de pouvoir (…), la violation d’une disposition légale ou règlementaire (…)", la violation du droit renvoie au bloc de la légalité et non pas seulement à la loi et au règlement. Cette disposition doit donc être entendue de façon large, intégrant tout le bloc de la légalité et, donc le droit communautaire.

S’agissant de ce droit communautaire, nouvelle composante de l’Etat de droit, il fait peser  de nombreuses obligations sur les autorités administratives camerounaises. Ces dernières doivent, non seulement adapter le droit interne aux exigences du droit communautaire, mais aussi, elles doivent annihiler  tout acte national qui leur serait contraire[42].

Le droit communautaire faisant désormais "partie intégrante du bloc de la légalité applicable au Cameroun"[43], il est logique que le non respect de ses obligations par l’Administration puisse être sanctionné par le juge administratif. Ce dernier affirmait d’ailleurs en ce sens que "les conventions internationales constituent les sources du droit interne (et), que leur violation peut être invoquée à l’appui d’un recours"[44] devant lui. On en déduit donc que l’administré qui estime qu’une action administrative illégale, au regard du droit communautaire, lui cause un grief pourrait, logiquement, solliciter du juge la sanction de l’Administration. La compétence du juge administratif reste toutefois limitée en ce qui concerne les questions incidentes.

3°) Une compétence limitée en ce qui concerne les questions incidentes

Dans le cadre d’un contentieux, le juge peut être confronté à un problème d’interprétation ou d’appréciation de la légalité de la norme[45]. En principe, le juge appelé à appliquer une disposition textuelle doit au préalable l’interpréter, il est même difficile de dissocier dans la pratique l’interprétation de l’application[46]. Cependant, le pouvoir d’interprétation des juges nationaux est fortement limité  par la technique du renvoi préjudiciel[47] qui consacre le monopole de la juridiction communautaire en matière d’interprétation et d’appréciation de la légalité des normes communautaires. L’ordre juridique  de la CEMAC  dispose d’une Cour de Justice, chargée de réaliser l’unité d’interprétation  et d’application des normes édictées par les autorités communautaires.

En effet, l’article 26 de la convention du 30 Janvier 2009, régissant la Cour de justice de la CEMAC (CJC) dispose en substance que "la Cour statue à titre préjudiciel sur l’interprétation du Traité de la CEMAC et des textes subséquents, sur la légalité et l’interprétation des actes des Institutions, Organes et Institutions spécialisées de la CEMAC quand une juridiction nationale (…) est appelée à en connaître à l’occasion d’un litige"[48].

Le renvoi préjudiciel[49]  prévu par cet article a une nature dualiste. Celle-ci tient au fait qu’il peut être obligatoire ou facultatif. A cet effet, l’alinéa 2 de cet article dispose que "chaque fois qu’une juridiction nationale (…) doit statuer en dernier ressort, elle est tenue de saisir préalablement la Cour de justice. Cette saisine devient facultative lorsque la juridiction nationale (…) doit statuer à charge d’appel"[50]. De cette disposition, il apparaît clairement que si la juridiction administrative camerounaise statue en dernier ressort, elle a l’obligation de saisir la Cour de justice[51]. Par contre si elle statue en premier ressort, elle est libre de saisir ou non la Cour de justice d’une question préjudicielle. C’est dire donc, comme l’a relevé le professeur CHAPUS, que "la compétence de la cour (communautaire en matière d’interprétation) n’exclut toutefois pas entièrement celle des tribunaux nationaux"[52].  

Ainsi, dans le contentieux administratif camerounais, on peut désormais distinguer, à côté des questions préjudicielles qui imposent au juge judiciaire de saisir le juge administratif et des questions préjudicielles que les juridictions inférieures en matière administratives doivent porter devant la juridiction suprême en matière de contentieux administratif[53], les questions préjudicielles pour lesquelles les juridictions administratives doivent saisir la Cour de justice.

Même si elle est encadrée, la compétence du juge administratif pour appliquer le droit communautaire ne saurait être remise en cause. Dès lors, l’on peut logiquement s’interroger sur les pouvoirs dont dispose ce dernier.

B - Les pouvoirs du juge administratif

En sa qualité de juge communautaire, le juge administratif camerounais,  disposerait d’une plénitude de compétence[54] lui permettant de sanctionner les violations du droit communautaire (1), et surtout, de rechercher son efficacité. Ceci pose une problématique de renforcement de ses pouvoirs (2).

1°) La plénitude de compétence du juge administratif

La  sanction des violations du droit communautaire par le juge administratif peut s’opérer aussi bien sur le terrain de l’excès de pouvoir (a) que sur  celui de la responsabilité administrative (b).

a) Sur le terrain de l’excès de pouvoir

L’Assemblée Plénière de la Cour suprême statuant en matière administrative dans l’arrêt n°7 du 26 Octobre 1978, Njoya Thomas contre Etat du Cameroun[55], a soumis l’activité  administrative au respect du droit communautaire, en l’espèce celui de l’Office Africain et Malgache de la Propriété Intellectuelle (OAMPI). Il a, à cette occasion, fermement affirmé l’annulation d’un acte administratif contraire au droit communautaire. Cette jurisprudence devrait s’appliquer au droit communautaire de la CEMAC.           

Au demeurant, une question mérite ici une attention particulière : que doit faire le juge administratif lorsque l’acte, dont l’annulation lui est demandée, est conforme à la loi mais contraire aux dispositions d’un engagement communautaire ? Cette question pose, en effet, le problème du contrôle de la conformité  des lois aux conventions internationales. Elle est d’autant plus intéressante qu’il n’est pas prévu, en droit camerounais, un contrôle de la conformité, des lois aux conventions internationales, par le juge administratif. Sa plénitude de compétence, en sa qualité de juge communautaire, lui donnerait le pouvoir d’effectuer ce contrôle ne serait-ce que par voie d’exception. C’est le lieu de signaler que  la consécration de la compétence du juge ordinaire, pour contrôler la conformité des lois aux conventions internationales, se présente aujourd’hui comme une nécessité, la solution consistant en l’intégration des normes internationales, dans le bloc de la constitutionnalité[56] n’étant pas sans susciter des inquiétudes[57]. La doctrine camerounaise ne semble d’ailleurs pas favorable à cette option. Elle note  qu’"il y’a lieu de retenir de manière générale que, compte tenu des contingences difficilement prévisibles qui peuvent marquer son existence, il n’est pas dans la nature  d’un traité de servir de base  à un contrôle  de constitutionnalité"[58], et que par conséquent, "les tribunaux camerounais devraient mutatis mutandis, reprendre à leur compte la position des juridictions françaises[59]. Car c’est elle qui permet d’assurer effectivement la primauté du traité sur une loi interne  ordinaire"[60].

Sans davantage nous appesantir sur cette délicate question de contrôle de conventionalité qui, aujourd’hui encore, fait l’objet de débats enrichissants, notamment en France[61] , notons que, de manière générale, la  nécessité d’affirmation  de la compétence du juge ordinaire se pose, avec  vivacité en ce qui concerne le droit communautaire. Rappelons nous que, jusqu’à l’arrêt NICOLO[62], le contrôle de conformité des lois aux conventions internationales,  n’existait pas en France[63]. Avec l’évolution du droit communautaire, la mutation était devenue impérative. C’est alors que, G. MARCOU affirme que "le renversement de la jurisprudence réalisée par l’arrêt NICOLO était devenu inévitable avec les progrès de l’intégration communautaire, car la position  qui avait prévalu jusque là était une source d’incertitude pour l’application en France de certaines normes communautaires, et était de nature à engager la responsabilité de la France"[64]. En effet,  le droit communautaire a cette spécificité par rapport au droit international classique de produire, à côté du droit originaire, un important  stock de normes dérivées, qui, de surcroît créent  des droits et des obligations pour les particuliers. Ainsi, dans l’avenir, de nombreux textes, applicables au Cameroun, seront d’origine communautaire. Les intégrer dans le contrôle de constitutionalité impliquerait pour le Conseil constitutionnel, un trop grand  nombre de normes  à gérer[65].

L’administré qui invoque le droit communautaire pour solliciter l’annulation d’un acte  administratif  pourra aussi obtenir une indemnité.

b) Sur le terrain du plein contentieux

Le manquement d’un Etat à ses obligations  communautaires peut être  à l’origine d’un préjudice à l’égard des particuliers. La puissance publique devrait donc pouvoir réparer ledit préjudice. Il s’agit de la responsabilité de l’Etat pour violation du droit communautaire[66].

La responsabilité de l’Etat pour violation du droit communautaire a été reconnue, par le juge administratif camerounais, à travers l’arrêt Njoya précité. En plus de l’annulation de la décision administrative, le requérant sollicitait la réparation  des préjudices matériel et moral qu’il estimait avoir subi du fait  de l’inconventionnalité de la décision  querellée. Le juge administratif lui accorda des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi[67]. On est en droit de penser que le  juge administratif mènera  le même raisonnement  à l’égard du droit communautaire de  la CEMAC. Ainsi dans le cadre de la compétence reconnue au juge national par l’article 6 du Règlement n°4 /99, de faire obstacle à l’aide non notifiée, le juge  pourra avoir à statuer sur une demande d’indemnisation du dommage causé en raison du caractère illégal de la mesure d’aide[68].

Cependant, le véritable problème de la responsabilité de l’Etat pour violation du droit communautaire reste celui  de son fondement. Ce problème se posera, notamment, à partir du moment où  la puissance publique a agi en accord avec la légalité interne.

A cette interrogation, les juridictions administratives françaises ont déjà avancé au moins trois solutions possibles : la responsabilité sans faute, la responsabilité pour faute de l’administration qui n’a pas appliqué la norme communautaire et la responsabilité de l’Etat du fait d’une disposition législative illicite par rapport au droit communautaire.

La voie de la responsabilité  sans faute consacrée par l’arrêt Alivar[69] a été plus tard abandonnée. La responsabilité de l’Etat  pour faute de  l’administration qui n’a pas appliqué la norme communautaire a été consacrée par le Conseil d’Etat dans l’arrêt Société Arizona[70]. Conformément à cette jurisprudence, la réparation des atteintes irrégulières au droit communautaire, imputables aux autorités administratives devait désormais se faire sur le terrain de la responsabilité pour faute[71].

Cependant, la responsabilité de l’Etat du fait d’une disposition  législative illicite parait devoir s’imposer[72]. Cela représenterait une grande innovation en droit administratif camerounais, ainsi qu’une modification  des rapports entre le juge administratif  et la loi.

En effet, les lois sont susceptibles de causer  des dommages  aux particuliers. Alors que la jurisprudence française[73] avait posé le principe de l’irresponsabilité de l’Etat législateur, le Conseil d’Etat dans l’arrêt la Fleurette[74], a admis le principe de la responsabilité du fait des lois sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques.

Le juge administratif camerounais pour sa part dans la jurisprudence de la société des grands travaux de l’Est[75]  s’est refusé de reconnaître la responsabilité de l’Etat du fait d’une loi. Il a, à travers cet arrêt, affirmé  haut et fort, l’irresponsabilité de l’Etat législateur[76] et partant, l’impossibilité pour les victimes d’un dommage du fait  d’une loi d’obtenir réparation. Cette irresponsabilité de l’Etat législateur est incompatible avec le droit communautaire. L’article 4 du Traité révisé de 2009[77] dispose que les Etats membres "s’abstiennent de prendre toute mesure susceptible de faire obstacle à l’application du présent Traité et des actes pris pour son application"[78].

Cette interdiction concerne les autorités nationales, donc le législateur  national. Elle implique  que le législateur camerounais doit s’abstenir de toute mesure qui porterait atteinte à l’effectivité du droit communautaire, "les décisions risquant de déséquilibrer le système étant à proscrire par le juge"[79]. Le juge administratif camerounais est plus que jamais, au regard de ce qui précède, appelé à modifier sa position à l’égard du législateur, car le refus de la responsabilité de l’Etat du fait du législateur qui viole  le droit communautaire constitue une violation flagrante du principe de primauté du droit communautaire[80].

Cette responsabilité du fait des lois passe par la consécration du pouvoir du juge administratif pour contrôler la conformité  des lois aux conventions internationales qui en est le préalable indispensable. Si la responsabilité de l’Etat législateur pour violation du droit communautaire est admise, quel sera son fondement ? Cette question est d’autant plus intéressante qu’en  France, on a entendu parler de la responsabilité pour faute du législateur qui a violé le droit communautaire[81], alors qu’initialement, la responsabilité de l’Etat législateur est conçue comme une responsabilité sans faute, fondée sur  la rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Quoiqu’il en soit, l’avenir reste très attendu au Cameroun en ce qui concerne  la responsabilité de l’Etat pour violation du droit communautaire, que ce soit du fait de l’exécutif, du législatif, ou même, du judiciaire. Le droit comparé  pourra à ce sujet constituer une source  importante d’inspiration.

Pour conclure, notons que la compétence du juge administratif camerounais pour sanctionner les violations du droit communautaire s’exercera dans le cadre du principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale dont bénéficient les autorités des Etats membres dans la mise en œuvre du droit communautaire. Mais, les règles nationales ne doivent pas compromettre l’efficacité du droit communautaire. C’est la raison pour laquelle, la Cour de justice des Communautés Européennes a érigé le contrôle juridictionnel effectif en principe général du droit communautaire[82].

2°) La problématique d’un renforcement des pouvoirs du juge administratif

Si le juge doit, en sa qualité de juge communautaire, sanctionner les violations du droit communautaire, il doit surtout à l’occasion faire produire à ce droit tout son effet.

L’obligation de fidélité énoncée aux articles 4 du Traité révisé de 2009, 8 de la Convention de l’UMAC de 2008, et 10 de la Convention de l’UEAC de 2009 place à bien des égards l’efficacité du droit communautaire entre les mains du juge camerounais, car elle sera largement tributaire de la qualité des solutions dégagées dans l’ordre juridique national[83]. Ainsi,  la recherche de l’efficacité du droit communautaire constitue une obligation pour le juge national. Le juge administratif devra donc prendre toutes les mesures qui s’imposent, même si celles-ci vont au-delà de ses pouvoirs, habituellement exercés, non seulement pour garantir la primauté du droit communautaire[84], mais aussi pour assurer la protection effective des droits des justiciables  tirés des traités[85].

Ceci étant, l’on peut observer que, la limitation, souvent décriée, de la procédure de sursis à exécution au Cameroun[86], la conception extensive de la notion d’acte de gouvernement, telle qu’adoptée par le juge administratif camerounais[87], et même la lenteur de la justice administrative camerounaise[88]etc., pourraient  constituer des obstacles à la protection juridictionnelle efficace des ressortissants communautaires et donc à l’efficacité du droit communautaire[89]. Aussi et surtout, L’exigence faite au juge administratif d’assurer l’efficacité du droit communautaire rend l’environnement  favorable, à l’acceptation du pouvoir d’injonction du juge administratif (a) et à un approfondissement de l’intensité du contrôle en excès de pouvoir (b).

a) Un environnement  favorable à l’acceptation du pouvoir d’injonction du juge

La consultation de quelques décisions rendues par le juge administratif camerounais montre l’obéissance de ce dernier vis-à-vis du principe de prohibition des injonctions  à l’administration[90]. Les formules généralement utilisées dans les arrêts  restent des plus lapidaires et ne laissent guère de place à une évolution potentielle. Le ton en est particulièrement péremptoire, comme si le juge administratif entendait compenser la faiblesse du raisonnement par la fermeté de l’affirmation, et symboliser ainsi sa propre conception des relations d’un juge et d’une administration[91] :"le juge administratif ne peut sans commettre un excès de pouvoir faire des injonctions à l’administration". Cette formule du juge administratif dans un arrêt du  30 Avril 1968[92] est fort illustrative à propos.

Ce refus d’adresser des injonctions à l’administration est incompatible avec le contrôle juridictionnel effectif. En effet, le juge administratif ne peut sans compromettre l’efficacité du droit communautaire refuser d’adresser des injonctions à l’administration, lorsque la nécessité se présente. Que deviendrait par exemple, la compétence reconnue au juge national par l’article 6 du Règlement n°4/99, de faire obstacle à l’octroi d’une aide non notifiée ou mise à exécution sans attendre la décision du CRC, si le juge ne peut enjoindre à l’administration de récupérer l’aide jugée illégale ? A titre de droit étranger, avant que le pouvoir d’injonction du juge administratif français ne soit consacré en 1995, la CJCE [93] avait déjà auparavant consacré à au profit du juge national, un pouvoir d’injonction au nom de, la nécessaire efficacité du droit communautaire.

En effet, lorsque est en cause l’application du droit communautaire et que la solution adéquate consiste dans une injonction à adresser à l’administration, les juridictions devraient se reconnaître le pouvoir de la lui adresser. C’est dans ce sillage que les rédacteurs de la Convention de Libreville du 30 Janvier 2009, régissant la Cour de justice de la CEMAC ont reconnu à la Cour de justice le pouvoir de prononcer des astreintes à l’égard non seulement des organes et institutions de la Communauté, mais aussi des Etats membres[94].  

La plénitude de compétence du juge administratif en sa qualité de juge communautaire entraînerait donc à son profit un pouvoir d’injonction. Elle peut également entraîner un approfondissement de l’intensité du contrôle en excès de pouvoir.

b) Un environnement favorable à l’approfondissement de l’intensité du contrôle en excès de pouvoir

Avec l’exigence communautaire du recours juridictionnel efficace, l’on peut s’interroger de savoir quel sera le degré d’intensité du contrôle du juge  et l’étendue de ses pouvoirs. Le juge doit-il exercer un contrôle minimum[95], normal ou maximum[96] ?  Disposera t-il  de simples pouvoirs d’annulation ou de pouvoirs de pleine juridiction ?

A titre de droit étranger, le Conseil d’Etat français dans un contentieux de la police des étrangers[97], prenant acte des impératifs du droit communautaire, a estimé indispensable d’abandonner le contrôle restreint qu’il exerçait jusqu’alors au profit d’un contrôle normal. Il a donc dans la logique du recours juridictionnel effectif jugé le contrôle maximum plus à même d’assurer le plein effet du droit communautaire.

A la question de savoir quelle sera l’étendue des pouvoirs du juge, l’exigence d’un recours juridictionnel effectif pourrait ne pas être compatible avec une limitation des pouvoirs du juge à la simple annulation. Ayant plénitude de compétence, le juge devrait, au besoin, procéder à un contrôle de "pleine légalité ou un contrôle complet de la légalité"[98]. Ainsi, son office ne se limitera pas forcément à l’annulation de l’acte, car il pourra au-delà substituer sa propre décision à celle de l’administration annulée[99].

Avec l’exigence d’efficacité du droit communautaire, il est donc probable que le recours pour excès de pouvoir se replie au bénéfice du recours du plein contentieux[100]. En effet, au fur et à mesure de l’évolution du droit communautaire, de nombreux droits des justiciables proviendront de l’ordre juridique communautaire, qui à travers son exigence de protection juridictionnelle efficace serait plus ouvert au recours de plein contentieux qu’au recours pour excès de pouvoir.  La tendance est déjà pratiquement observable en France, où sous l’influence de l’Europe, le recours pour excès de pouvoir est progressivement absorbé par le recours de plein contentieux, au point qu’il est considéré sinon comme»frappé à mort», du moins comme s’éclipsant au profit de ce dernier[101].

Aussi, le législateur communautaire de la CEMAC est favorable au développement du recours de plein contentieux objectif. Ainsi peut-on lire à l’article 41 du Règlement n° 1/99/UEAC-CM-639 du 25 Juin 1999 portant réglementation des pratiques anticoncurrentielles, que "la Cour statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles le Conseil Régional fixe une amende ou une astreinte (…)". Cet article désigne très explicitement le recours de plein contentieux comme celui par lequel les décisions du Conseil Régional peuvent être déférées devant le juge, alors que le droit commun n’aurait fait aucun obstacle à leur contestation par la voie du recours pour excès de pouvoir, la question étant essentiellement une question de légalité.

Cette tendance se traduit par la volonté de soumettre certains litiges intéressant la légalité à un contrôle juridictionnel qui soit le plus complet possible.

Au total, la fonction communautaire du juge administratif lui confèrerait des pouvoirs importants. Au regard de cela, on s’est posé la question de savoir, si c’est en tant qu’organe d’un Etat membre ou organe communautaire que le juge national sanctionne les violations du droit communautaire. Sans entrer dans cette discussion doctrinale, constatons seulement que le droit communautaire conduirait une revalorisation fondamentale de la fonction juridictionnelle[102].        

Des inquiétudes se présentent cependant quant à la capacité du juge administratif camerounais à faire bonne application du droit de la CEMAC. Le parcours de ses décisions, rendues en d’autres circonstances, "amène à conclure à l’unité de régime entre les normes communautaires et les normes du droit international"[103]. Ce qui est une approche incorrecte, ignorant la spécificité du droit communautaire par rapport au droit international classique[104].

Aussi, dire que le juge national est juge de droit commun du droit communautaire ne signifie pas qu’il connaît de toutes les questions relatives au droit communautaire. D’abord, le juge national, en l’occurrence le juge administratif est juge de l’administration nationale et pas juge de l’administration communautaire. Il appartient, de manière générale,  à la Cour de justice, de contrôler l’action des autorités communautaires. De même, les pouvoirs du juge national sont limités, par la procédure de renvoi préjudiciel. C’est dire que l’impact du droit communautaire sur la compétence du juge administratif n’est pas que positif. Il existe aussi un impact négatif.

II – Le partage des chefs de compétence du juge administratif

Objectivement, l’implication de l’Etat et des autres personnes morales de droit public dans un litige fait a priori penser à la compétence de la juridiction administrative. Le législateur a toutefois limité cette compétence du juge administratif en conférant certains litiges au juge judiciaire[105].   

Cette répartition est aujourd’hui affectée par le droit communautaire, duquel on  déduit d’autres acteurs de règlement des litiges intéressant les personnes publiques. C’est alors que, contrairement à ce que l’on pourrait croire à la lecture de l’article 2 de la loi n° 2006/022 précitée, le juge administratif n’est pas, seul compétent pour connaître des litiges relatifs aux actes administratifs. Il existe des possibilités que certains litiges relatifs aux contrats administratifs[106] et aux actes administratifs unilatéraux[107] puissent échapper à la compétence du juge administratif et être confiés à d’autres acteurs. On note alors à côté du juge administratif, d’une part la présence des structures communautaires[108], dont la plus importante ici est la Cour de justice (A) et d’autre part la possibilité de recours aux modes alternatifs de règlement des litiges (B)

A - La compétence de la Cour de justice pour contrôler la légalité des actes nationaux

L’une des critiques qui fut longtemps dirigée contre les organisations d’intégration régionale en Afrique est  l’absence en leur sein d’un organe juridictionnel devant assurer la garantie des normes communautaires[109]. Cette faille a été comblée en zone CEMAC depuis la Convention de Libreville du 5 Juillet 1996 régissant la Cour de justice de la CEMAC[110]. Comparée aux juridictions d’autres organisations d’intégration, cette Cour présentait une singularité. En effet, dans l’Union Européenne comme dans l’UEMOA, on distingue depuis longtemps, la Cour de justice de la Cour des comptes. Or la Cour de justice de la CEMAC fédérait les deux Cours, la Chambre judiciaire, correspondant à la Cour de Justice et la Chambre des comptes faisant office de Cour des comptes. La situation a officiellement évoluée depuis le 30 Janvier 2009, avec la création d’une Cour de justice désormais indépendante de la Cour des comptes[111].

La Cour de Justice de la CEMAC (CJC), a un rôle déterminant à jouer dans le respect du droit en Afrique centrale[112]. Dans cette mission, en ce qui concerne le respect du droit communautaire par les Etats membres, la Convention de 2009, régissant la Cour ne s’est pas contenté de consacrer la procédure de recours en manquement[113]. Elle surprend en affirmant clairement la possibilité pour la Cour de contrôler la légalité des  actes nationaux, notamment lorsque ces actes sont pris en rapport avec le droit communautaire. La Convention en a dégagé quelques modalités (1). Mais, elle ne se prononce malheureusement pas sur la répartition des compétences entre la CJC et le juge national, juge de droit commun du droit communautaire (2).

1°) Les modalités de  contrôle par la Cour

La Convention fixe non seulement le cadre de ce contrôle (a), mais aussi les moyens d’annulation ainsi que les conséquences de cette annulation (b)

a) Le cadre du contrôle

De prime à bord, il est judicieux de se poser la question de savoir quels sont les actes nationaux susceptibles d’être contrôlés par la Cour de justice ? La Convention ne donne pas de solution précise à la question. Toutefois, l’alinéa 2 de l’article 24 de la Convention régissant la Cour pourrait constituer une source d’inspiration. Il est ici fait état d’»acte juridique d’un Etat membre». Or, il est incontestable qu’un acte juridique peut être un acte de l’exécutif (un acte administratif par exemple), un acte législatif ou même un acte judiciaire.

Conformément à l’article 24 de la Convention régissant la Cour[114], le contrôle des actes nationaux, par la CJC peut s’opérer soit par voie directe, soit par  voie d’exception.

Le contrôle est dit direct lorsqu’il s’opère à la suite d’un recours en annulation. Il se déduit d’une interprétation de l’article 24 alinéa 1 de la Convention régissant la CJC, qui dispose que "la Cour connaît sur recours de tout Etat membre, de toute Institution, Organe ou Institution spécialisée de la CEMAC ou de toute personne physique ou morale, qui justifie d’un intérêt certain et légitime, de tous les cas de violation des dispositions des Traités de la CEMAC et des Conventions subséquentes".                                                       

Les cas de violation, dont il est question dans cet article, concernent-ils uniquement les institutions communautaires ou également les autorités nationales ? Le texte ne donne pas de précision à ce sujet. Mais, une analyse minutieuse de cet article permet de conclure que les rédacteurs de la Convention ont entendu donner une portée large à cette disposition, englobant non seulement les violations par les institutions communautaires, mais aussi par les autorités des Etats membres. Il est question, en effet, de»tous les cas de violation (…)»et non pas seulement des violations par les institutions de la Communauté. Un auteur relevait en ce sens que "la Cour de la CEMAC connaît du contentieux de la légalité des actes communautaires et des actes nationaux par rapport au droit communautaire"[115].

Contrairement au contrôle par voie directe, l’exception d’illégalité permettrait alors à toute personne de contester devant la Cour à l’occasion d’un litige, la légalité d’un acte qu’elle ne pouvait contester par la voie directe d’un recours en annulation. Ce contrôle résulte de l’article 24, alinéa 2 de la Convention régissant la Cour qui dispose que "Toute partie peut, à l’occasion d’un litige, soulever l’exception d’illégalité d’un Acte juridique d’un Etat membre, d’une Institution, d’un Organe ou d’une Institution spécialisée".

A travers cette orientation, les dispositions de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC se démarquent de celles du Traité des Communautés européennes et du Protocole de  l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) relatif aux organes de contrôle, qui dans le cadre du contrôle de la légalité par la Cour de justice, ne visent expressément que les actes des organes communautaires et pas les actes nationaux.

Qu’elle soit saisie par voie directe ou d’exception, la Cour contrôlera la légalité de l’acte déféré à sa censure[116]. Les moyens d’annulation ont été prévus par la Convention.

b - Les moyens d’annulation et les conséquences de l’annulation

Ce sont les différentes irrégularités qui peuvent atteindre un acte et justifier son annulation. Ils sont aussi appelés cas d’ouverture du recours en annulation pour excès de pouvoir.

Les moyens d’annulation des actes par la CJC, sont prévus par l’article 25 alinéa 1 de la Convention. Ce dernier dispose que "statuant en matière de contrôle de la légalité des Actes juridiques de la CEMAC ou d’Actes s’y rapportant[117], la Cour  prononce la nullité totale ou partielle des actes entachés de vice de forme, d’incompétence, de détournement de pouvoir, de violation du Traité et des textes subséquents de la CEMAC ou des actes pris en application de ceux-ci". On constate en effet que les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir devant la Cour de justice  sont les mêmes que les cas classiques d’ouverture de ce recours dans le contentieux administratif. Moyens d’illégalité externe : vice de forme et incompétence, moyens d’illégalité interne : détournement de pouvoir et violation de la règle de droit. 

Mais ce qui semble intéressant ici, et qu’il faut relever, c’est que ces moyens d’annulation devant la Cour de justice devraient s’appliquer aussi bien aux actes Communautaires, qu’aux actes nationaux pris en rapport avec le droit communautaire[118].

En ce qui concerne les conséquences de l’annulation, elles sont prévues par l’alinéa 2 de l’article 25 précité. Il en ressort que "l’Etat membre, (…) dont émane l’acte annulé est tenu de prendre des mesures que comporte l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour. Celle-ci a la faculté d’indiquer les effets des actes annulés qui doivent être considérées comme définitifs et de prononcer une astreinte".

Quelque soit l’originalité qu’elle présente, la compétence reconnue à la Cour de Justice pour contrôler la légalité des actes nationaux ne va pas sans susciter des interrogations, car les rédacteurs de la Convention n’ont pas donné de précision sur la répartition de compétences entre le juge national et la CJC.

2°) Imprécision sur la répartition de compétences entre la Cour de justice et le juge national

La compétence de la Cour pour connaître du contentieux de la légalité des actes nationaux pris en violation du droit communautaire invite à se demander, quel sera le domaine de compétence de ce dernier et quel sera celui du juge national, par ailleurs juge de droit commun du droit communautaire ?

Il se pose donc un problème de frontière entre la compétence du juge administratif juge de la légalité des actes administratifs par rapport au bloc de juridicité, et celle de la Cour de justice. Les ressortissants des Etats membres pourront-ils saisir l’un ou l’autre des deux juges suivant leur choix ?

On aurait pu, penser que le juge national interviendrait en premier ressort et la Cour de justice en dernier ressort. Mais Cette observation est remise en cause par l’article  24, alinéa 3 de la Convention régissant la Cour, qui dispose que "la Cour rend en premier et dernier ressort des arrêts sur les cas de violation (…)". On peut donc reprendre la déception de cet auteur qui mentionnait déjà qu’il est regrettable que les textes communautaires n’aient "pas expressément posé la condition du recours préalable aux juges nationaux, compétents pour connaître de la violation  du droit communautaire"[119].

Une chose est certaine. C’est que, la Cour de justice ne saurait logiquement prétendre connaître, de tous les cas violation du droit communautaire par les autorités nationales. Reste donc que la Communauté  dans ses interventions textuelles ou jurisprudentielles futures apporte la lumière à cette problématique, notamment en répartissant clairement les compétences entre le juge national et la Cour de justice.

Néanmoins, on est justement amené à se poser la question de savoir ce qui peut justifier une telle réticence des rédacteurs de la Convention, à délaisser  aux juridictions nationales la compétence pour sanctionner les violations du droit communautaire dans les Etats membres. N’ont-ils pas été frappé par l’état actuel de la justice dans les Etats membres[120], caractérisé par la vénalité des juges, la dépendance de la justice par rapport au pouvoir étatique ou encore  le manque de moyens financiers ou logistiques des tribunaux[121] ?

Quoiqu’il en soit, la compétence de la Cour de justice pour connaître du contentieux des actes nationaux est nécessairement limitée par la nécessité d’une violation du droit communautaire. S’il n’y a pas violation du droit communautaire, seul le juge national est compétent, à moins que cette compétence ait été écartée au profit de l’arbitrage.

B - La possibilité de recours aux modes alternatifs de règlement des litiges

Aux règles de compétence d’attribution, et parce qu’elles sont d’ordre public, les parties ne peuvent pas déroger. Il s’agit là de l’exclusion des dérogations conventionnelles à la compétence d’attribution. Cette exclusion est toutefois, moins strictement entendue dans l’hypothèse particulière,  mais spécialement intéressante, où l’accord des parties a pour objet de soumettre leur litige à l’arbitrage[122]. L’arbitrage[123] n’est cependant pas le seul mode alternatif de résolution des litiges. En font également parties, la médiation, la conciliation[124] ou la transaction.      

Au Cameroun, la possibilité de recourir aux modes alternatifs pour résoudre les litiges de droit public est une solution existante depuis l’époque de l’UDEAC (1), qui trouve avec la CEMAC, un terrain propice pour son développement (2).

1°) Une solution existante dans l’ordre juridique camerounais

La Convention commune sur les investissements dans les Etats de l’UDEAC faisait déjà allusion aux modes alternatifs comme un moyen de règlement des litiges relatifs aux investissements[125]. C’est, sans doute, dans cette logique, que ces modes ont toujours existé au Cameroun. Ainsi, le Code des investissements de 1990[126] qui a été abrogé par la Charte des investissements de 2002[127], disposait pour le règlement des différends relatifs aux investissements,  notamment ceux surgissant entre un investisseur et les pouvoirs publics que "toute entreprise qui se sent l’objet d’un abus administratif peut, si la procédure de conciliation à l’amiable est épuisée, s’adresser à la Chambre Administrative de la Cour Suprême"[128].  La saisine directe du juge administratif était interdite.[129].

Dans la même logique, le Code des marchés publics de 2004[130], comme la réglementation des marchés publics de 1995[131], prévoit en son article 91 que "les litiges résultant des marchés publics peuvent, en tant que de besoin, faire l’objet d’une tentative de règlement à l’amiable"[132].

Cependant, il n’y a pas que les textes nationaux[133] qui prévoient le recours aux modes alternatifs pour résoudre les litiges. Il existe des accords internationaux qui vont dans le même sens. On comprend alors le sens de l’article 91 du Code des marchés publics,  qui  prévoit que, des dérogations peuvent être apportées à la procédure de règlement de droit commun des litiges résultant des marchés publics par des accords ou convention de prêt ou d’autres conventions internationales.

C’est le cas des Accords ACP/CE (UE)[134], qui soumettent le règlement des litiges relatifs aux marchés publics aux modes alternatifs. Ces accords signés par la Communauté Economique Européenne (CEE) et les pays d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ont pour objectif de promouvoir et d’accélérer le développement économique, culturel et social des Etats ACP. En  vertu de ces Conventions, le Fonds Européen de Développement (FED) finance les marchés de travaux, de fourniture ou de prestation de services en faveur des pays ACP. Ces accords prévoient des procédures de conciliation et d’arbitrage pour le règlement des différends entre l’administration d’un Etat ACP et un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de service, lorsque lesdits différends portent  sur un marché financé par le FED[135].

C’est également le cas des Accords sur la protection des investissements signés par le Cameroun. En effet, le Cameroun, comme la plupart des pays en voie de développement, constitue un terrain propice aux investissements : construction des routes, des barrages, des ponts, des ports, des universités, des écoles, des hôpitaux, des usines, des complexes sportifs, etc. … Pour la réalisation de ces objectifs, des contrats administratifs sont souvent conclus avec des investisseurs[136], notamment étrangers. L’intervention de ces investisseurs étrangers pose un problème de méfiance. C’est ainsi que la nécessité s’est faite sentir de signer des Accords visant la protection et la sécurisation des investissements. Dans ces Accords, l’arbitrage,  précédé d’une procédure de  conciliation, est souvent consacré comme moyen de règlement des contestations[137]. Sur la base de ces accords, les contrats, en principe administratifs conclus entre l’Administration et les ressortissants de ces Etats peuvent échapper à la compétence du juge administratif.

Comme on peut le constater, le recours aux modes alternatifs est préféré dans le cadre des relations d’investissement. C’est dans cet esprit qu’évolue le droit communautaire.

2°) Le développement des modes alternatifs en droit public

En affirmant en son article 5, alinéa 2, que "les Etats encouragent le recours à la procédure d’arbitrage et garantissent l’application des sentences arbitrales", la Charte des investissements de la CEMAC[138] pose par ailleurs, précisément en son   article 4, alinéa 2 que les Etats membres de la CEMAC "adhèrent au Traité de l’OHADA. Ils garantissent l’application des procédures et des arrêts de la cour commune de justice et d’arbitrage de cette institution régionale. Ils adaptent leur droit national et leur politique judiciaire aux règles et dispositions de l’OHADA".

On peut assez aisément déduire de cette disposition que les Etats membres de la CEMAC s’engagent à respecter le droit de l’arbitrage mis en place par l’OHADA[139]. Ce droit s’applique indistinctement à toute personne physique ou morale, de droit privé ou publique[140].          

S’agissant spécifiquement des personnes publiques, l’alinéa 2 de l’article 2 de l’Acte Uniforme sur l’arbitrage dispose que "les Etats et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les établissements publics peuvent également être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l’arbitrabilité d’un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d’arbitrage". La règle  vise aussi bien l’arbitrage interne que l’arbitrage de droit international. Si la participation de l’Etat et des autres personnes morales de droit public à l’arbitrage constitue une tendance contemporaine de l’arbitrage international privé que l’acte uniforme confirme, la solution pour l’arbitrage interne[141] est révolutionnaire au regard du droit classique de l’arbitrage[142].

Ainsi, même s’il est vrai que la soumission des personnes publiques à l’arbitrage, par le droit OHADA, reste inachevée[143], il n’en demeure pas moins vrai que la capacité à compromettre des personnes  publiques, est désormais érigée en principe. L’arbitre se présente alors désormais comme un juge des litiges intéressant l’administration.

D’après l’article 21 du Traité OHADA[144], "en application d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, toute partie à un contrat (…) peut soumettre un différend d’ordre contractuel à la procédure d’arbitrage". Le champ du recours à l’arbitrage par les personnes publiques couvre donc les litiges relatifs aux contrats. Ainsi, avec le droit OHADA, le juge administratif pourra se trouver concurrencé par l’arbitre, car il n’est pas exclu que les parties soumettent les litiges relatifs aux contrats administratifs à un règlement arbitral.

Cependant, la solution n’est pas aussi aisée que l’on pourrait le croire. L’article 2 du Traité OHADA énumère les matières du droit des affaires, au rang desquelles ne figurent pas les contrats administratifs. Est-ce pour autant dire qu’ils échappent à l’arbitrage ? Une réponse négative devrait être donnée à cette interrogation. En effet, le préambule du Traité  OHADA indique l’esprit et le but tels qu’exprimés par les hautes parties contractantes, à savoir, "»promouvoir l’arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels". Le Traité vise ici tous les types de contrat et ne fait aucune distinction entre contrat de droit public et contrat de droit privé.  Dès lors qu’un Etat accepte de compromettre, il doit se soumettre à l’arbitrage quelque soit le type de contrat générateur du litige arbitral[145].

En clair, l’Etat ou les autres personnes morales de droit public et leur partenaire peuvent décider de soumettre les litiges relatifs à un contrat administratif non pas au juge administratif, mais à un arbitre. Comme l’a justement relevé le Professeur KAMTO, "l’arbitrabilité des litiges relatifs aux contrats administratifs ne peut être exclus par principe (du champ d’application du droit OHADA), parce que ce n’est pas la nature, mais l’objet du contrat qui fonde son arbitrabilité"[146].

Toutefois, une question mérite ici une attention particulière. Les arbitres peuvent-ils connaître des litiges engendrés par l’exercice par un Etat de ses prérogatives de puissance publique[147] ? La réponse  à cette question est délicate[148]. Le Professeur MEYER pense, qu’une juridiction arbitrale pourrait connaître de tels litiges sans cependant pouvoir juger de la validité ou de l’opportunité des mesures prises par un Etat dans l’exercice de ses prérogatives de puissance  publique. En conséquence, les arbitres devraient limiter leur pouvoir juridictionnel à la question des réparations dues à une personne privée consécutives à des dommages résultant de l’exercice d’une prérogative de puissance publique[149].

Quoiqu’il en soit, le recours aux modes alternatifs constitue forcément une exception à  la compétence du juge administratif. G. MARCOU relevait déjà ce phénomène du côté de la France ou il observait et mentionnait un repli de la compétence du juge administratif[150]. Dans un monde orienté de plus en plus vers les affaires, où  l’on assiste à une valorisation de l’entreprise privée et du marché[151], avec le développement du phénomène de contractualisation[152], il n’est pas exagéré de croire que les modes alternatifs de résolution des litiges se développeront, surtout quand l’on sait quelle est la lenteur et la lourdeur des procédures devant le juge étatique[153].

Conclusion

A l’issue de notre analyse, il apparaît, de manière incontestable, que la compétence du juge administratif camerounais, à l’épreuve du droit communautaire de la CEMAC, a subi une influence positive et une influence négative.

L’influence positive se traduit par l’extension de la compétence du juge administratif, désormais appelé à exercer non seulement des compétences nationales, mais aussi celles découlant de l’ordre juridique communautaire. Il est désormais revêtu d’une casquette de juge de droit commun du droit communautaire. Pour cela, il lui appartient en principe  de sanctionner les actes administratifs pris en violation du droit communautaire. L’efficacité de cette fonction communautaire du juge administratif pose la problématique du renforcement de ses pouvoirs. Le droit communautaire étant un droit économique, apparaît incontestablement, ici, une dimension économique du juge administratif camerounais[154].

Sous un autre angle, l’impact du droit communautaire sur la compétence du juge administratif est plutôt négatif, car ce dernier trouve ses chefs de compétence partagés. Ainsi, certains litiges, bien que résultant des actes administratifs, peuvent échapper à sa compétence, au profit, tantôt des autorités communautaires, tantôt des modes alternatifs. Le juge administratif ne serait donc considéré, que comme un acteur de règlement des litiges relatifs aux actes administratifs parmi d’autres. En associant à la compétence du juge judiciaire en matière administrative, celle des autorités communautaires et le recours aux modes alternatifs, on est en droit de conclure, avec le Professeur J.B. AUBY, que "la juridiction administrative est de plus en plus concurrencée dans sa fonction d’arrangement des contestations administratives et de contrôle de l’administration"[155].

 

[1] Traditionnellement, le droit du contentieux administratif est conçu comme étant le droit qui régit à la fois l’organisation et la procédure des juridictions administratives, ainsi que la détermination du domaine de compétence de ces juridictions administratives. Cf. CHAPUS (René), Droit du contentieux administratif, 7e édition, Paris, Montchrestien, 1998, p. 8.

[2] Pour un bref aperçu sur le contentieux administratif au Cameroun, lire entre autres, JACQUOT (Henri), «Contentieux administratif au Cameroun «, 1ere partie, Revue Camerounaise de Droit (RCD) n°7, 1975, 2e partie RCD n° 8, 1975, OWONA (Joseph), Droit administratif spécial de la république du Cameroun. Paris, Edicef, 1985, pp. 179 et s, KAMTO (Maurice), Droit administratif processuel du Cameroun, Presses Universitaires du Cameroun (PUC) 1990, 256 pages. Sur l’évolution du contentieux administratif dans la partie anglophone du Pays, lire, SIETCHOUA DJUITCHOKO (Célestin), «souvenir de la Common Law et actualité du  droit administratif dans la Province anglophone du Cameroun «, Revue Générale de Droit (RGD), 1996, pp. 357-374.

[3] Entre 1990 et 1997 la procédure administrative contentieuse a subi une évolution notable, Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (Célestin) et TEUBOU (Barthélemy), «Réflexions sur l’apport du législateur camerounais à l’évolution de la procédure administrative contentieuse de 1990 à 1997 «, Revue Internationale de Droit Africain, EDJA, Dakar, n°45, Juin 2000, pp. 61-75.  

[4] SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), «Perspectives ouvertes à la juridiction administrative du Cameroun par la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 Juin 1972 «. Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang (ci après Annales de la FSJP/UDs), Tome 1, volume1, 1997, pp. 162-175.

[5] Une série de textes, publiés en 2006, a apporté des évolutions  dans le contentieux administratif. Il s’agit des lois, n° 2006/015 du 29 décembre 2006 sur l’organisation judiciaire, in Juridis Périodique (JP) n°68 Octobre, Novembre, Décembre 2006, pp. 34-45, commentaire, ANOUKAHA (François), «La reforme de l’organisation judiciaire au Cameroun «, même revue, pp. 45-56, n° 2006/016 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême, in JP n°68 Octobre- Novembre -Décembre 2006, pp. 57-85, et surtout n° 2006/022 du 29 décembre 2006, in JP n°70 Avril- Mai-Juin 2007, pp. 3-23, commentaire, KEUTCHA TCHAPNGA (C), «La reforme attendue du contentieux administratif au Cameroun «, même revue, pp. 24-29.

[6] KEUTCHA  TCHAPNGA (C), «Le droit public camerounais à l’épreuve du droit communautaire de l’UDEAC/ CEMAC : l’exemple du contrôle de la profession d’expert comptable et de comptable agréé «, in Revue Africaine de Droit International Comparé (RADIC), 1999,  p. 475, KAMTO (M), «La Communauté Economique des Etats de L’Afrique Centrale (CEEAC), une Communauté de plus ? «, Annuaire Français de Droit International, XXXIII, 1987, édition du CNRS, Paris, p.839.

[7] ISSA SAYEGH (Joseph), «L’intégration juridique des Etats de la Zone Franc «, Penant n°823, p.8. Signalons que le Traité d’Abuja signé en 1991, créant la CEA en application du plan d’action de Lagos, et, entré en vigueur en 1994, prévoit une période transitoire de trente quatre ans maximum au bout de laquelle  devra se réaliser la fusion. En effet, à l’issue du sommet de Lagos, un acte final avait été adopté, comportant un plan d’action dit Plan d’action de Lagos visant la création de la CEA dans un délai de 10 ans. Le traité d’Abuja de 1991, qui fixe la période de consolidation de la CEA à 34 ans modifie dès lors  l’échéance préalablement fixée par le plan d’action de Lagos à l’an 2000.  

[8] Avant la CEMAC, ont existé, en Afrique centrale, respectivement, l’Afrique Equatoriale Française (AEF), qui posait alors les jalons et dessinait les premiers contours d’un ensemble économique en Afrique centrale, l’Union Douanière Equatoriale (UDE) à partir de 1959 et l’Union Douanière des Etats de l’Afrique Centrale (UDEAC) en 1964. Cependant, malgré cette ancienneté de l’idée d’intégration en Afrique centrale, celle-ci n’y a jamais trouvé son effectivité, le handicap venant de la confusion souvent entretenue sur le continent entre la notion d’intégration et celle voisine de coopération. Cf. GNIMPIEBA TONNANG (Edouard), Droit matériel et intégration en Afrique centrale, contribution à l’étude du marché intérieur et du droit de la concurrence CEMAC, Thèse Droit, Nice, Mai 2004, p. 15.

Les rédacteurs du Traité de la CEMAC semblent avoir diagnostiqué et pris conscience du mal. Ainsi peut-on lire à l’Article 2 du Traité révisé du 30 Janvier 2009 que «…les Etats membres entendent passer d’une situation de coopération, qui existe déjà entre eux, à une situation d’union susceptible de parachever le processus d’intégration économique et monétaire «.

[9] Cette intégration est confiée à deux organes spécifiques : l’Union Economique de l’Afrique Centrale (UEAC), régie par la convention de Libreville du 30 Janvier 2009, pour L’intégration économique et l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) régie par  la convention de Yaoundé du 25 Juin 2008, pour l’intégration monétaire.

[10] L’OUA a été remplacée par l’Union Africaine (UA). L’Acte constitutif de l’UA a été adopté le 11 juillet 2000 au sommet de l’OUA de Lomé. Mais, l’UA n’a été officiellement proclamée qu’en mars 2001 et elle a officiellement pris la succession de l’OUA le 9 juillet 2002 à Durban.

[11] Cf. Préambule du Traité révisé de 2009.

[12] M. KAMTO «Mondialisation et droit «, in L’Afrique face aux défis de la mondialisation, Actes du colloque préparatoire à la Conférences des Chefs d’Etat et de Gouvernement d’Afrique et de France, Yaoundé, Vol.6, 415p, pp.87-96.

[13]James MOUANGUE KOBILA et Léopold DONFACK SOKENG, «La CEMAC à la recherche d’une nouvelle dynamique de l’intégration en Afrique centrale «, in Annuaire Africain de Droit International (AADI), vol. 6, 1998p. 91. 

[14] ISAAC (Guy), Marc BLANQUET, Droit communautaire général, 8e éd., Paris, Armand Colin, 2001, p.131.

[15] Il est nécessaire que cette intégration juridique soit compatible avec l’infrastructure économique des Etats membres. Monsieur SIETCHOUA a, par ailleurs, exprimé cette idée en ce qui concerne le droit OHADA. Cf. C. SIETCHOUA DJUITCHOKO, «Les sources du droit de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) «, penant,  n°843, 2003, p.179.

[16]  J. ISSA SAYEGH, op.cit, p.10, Paul Gérard POUGOUE, «OHADA et intégration économique «, in Dynamiques de développement, Mélanges G.W. NGANGO, Collection Grands Colloques, Paris, Montchrestien, 2005, p.582.

[17] Il importe d’avoir présent à l’esprit que la technique de l’intégration et celle de la coopération ne se confondent pas. Si celle ci implique l’inter étatisme, celle là se caractérise par la supranationalité. Cf. Godwin MOYE BONGYU, «CEMAC : intégration or coexistence ? «, Annales de la FSJP/UDs, T.8, 2004, p.30.

[18] Tout comme le droit communautaire européen, le droit de la CEMAC est composé du droit primaire ou originaire, du droit dérivé, des sources complémentaires et des sources jurisprudentielles.

[19]  Voir CJCE Van Gend en Loos (5 Février 1963) et CJCE, Costa c/Enel (15 Juillet 1964).

[20] Guy ISAAC, Marc BLANQUET, op.cit, p.183.

[21] Ibidem.

[22] Cité par : Gérard MARCOU, (Sous la direction de), Les mutations du droit de l’administration en Europe, pluralisme et convergences, Paris, l’Harmattan, 1995, p. 11.

[23] C. KEUTCHA TCHAPNGA, «Le droit public camerounais à l’épreuve … «, op.cit, pp.474-491.

[24] Organisée depuis 1972, autour d’une Chambre Administrative, siégeant en premier ressort et d’une Assemblée Plénière statuant en appel, la juridiction administrative camerounaise a eu, à travers la loi constitutionnelle n°96/06 du 18 janvier 1996, de nouvelles perspectives. Celle-ci a notamment supprimé l’Assemblée Plénière qu’elle a remplacé par une nouvelle Chambre Administrative, instituée par l’article 38 et a posé, à l’article 40, les bases d’une déconcentration territoriale de l’institution. Cette déconcentration a été confirmée par les lois de 2006 précitées. La loi n°2006/022 créée dans chacune des dix Régions du pays, un Tribunal Administratif. Au dessus de ces Tribunaux, a été créée,  une Chambre Administrative se présentant comme la juridiction suprême en matière de contentieux administratif. Celle-ci comprend, conformément, à l’article 9 de la loi n°2006/016 cinq sections représentant les différents types d’affaires qui peuvent être soumis à la Chambre. Sa compétence est prévue par l’article 38 de la même loi. Toutefois ces juridictions ainsi organisées ne sont pas encore effectives. Ainsi l’article 119 de la loi n°2006/022 dispose qu’en attendant la mise en place des Tribunaux administratifs, la Chambre Administrative exerce provisoirement leurs attributions à travers les Sections, en première instance, et les Sections réunies en appel et pour les pourvois. 

[25] Le juge administratif met en œuvre le droit  administratif et, il revient au juge judiciaire d’appliquer le droit privé.

[26] Ce système consiste à énoncer un principe général duquel on peut logiquement déduire quelles catégories de litiges reviennent à l’une ou à l’autre des deux juridictions.

[27] Ce système consiste à énumérer les matières dont le contentieux relève de chacune des deux juridictions ou au moins à l’une d’entre elles.

[28] Cet alinéa précise toutefois qu’il est statué par la juridiction administrative suprême sur l’exception préjudicielle soulevée en matière de voie de fait administrative et d’emprise.

[29] Pour être convaincu de la compétence de droit commun du juge administratif en matière administrative, il suffit de référer, à côté des articles 2 et 3 de la loi de 2006/022 précité, aux nombreux textes particuliers ainsi qu’à la jurisprudence qui viennent davantage préciser le domaine de compétence du juge administratif. Sur la compétence du juge administratif camerounais, lire, Jean Calvin ABA’A OYONO, La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, Thèse, Nantes, 1994.

[30] Cf. Laurent SERMET, Convention Européenne des Droits de l’Homme et contentieux administratif français, Paris, Economica, 1996, p. 6.

[31] Samuel-Jacques PRISO ESSAWE, Intégration économique et droit en Afrique Centrale. Etude de la zone UDEAC, Thèse de droit, Montpellier, 1997, p. 344.

[32] Benjamin BOUMAKANI, «Les juridictions communautaires en Afrique Noire francophone : la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, les Cours de Justice de l’UEMOA et de la CEMAC «, Annales de la FSJP/UDs, Tome 3, 1999, p. 78. Voir dans le même sens, Jean KENFACK, «Le juge camerounais à l’épreuve du droit communautaire et de l’intégration économique «, in JP n° 63, Juillet-Août-Septembre 2005, p. 66, Odile TOGOLO, «Le juge camerounais et le juge de la CEMAC : un regard prospectif «, in JP n° 63, Juillet- Août- Septembre 2005, p. 78.

[33] O. TOGOLO, op.cit, p. 79.

[34] L’article 38 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême précise néanmoins en ce qui concerne la juridiction suprême en matière administrative que celle-ci est également compétente pour connaître de «toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi «.

[35] J. OWONA, op.cit, p. 191.

[36] Article 9, alinéa 1 du Code des investissements de l’UDEAC.

[37] Cf. S.J. PRISO ESSAWE, Thèse précitée, p. 342.

[38] Ci après Règlement n°4/99.

[39] Comme c’est d’ailleurs le cas pour  son homologue français, compétent en matière d’aides d’Etat. Lire Raphael CHETRIT, «La compétence du juge national et la récupération des aides d’Etat non notifiées mais compatibles avec le Traité «, disponible sur http://www.blogdroitadministratif.net/index.ph/2007/01/07/129.

[40] Michel BAZEX, «Droit de la concurrence et personnes publiques «, in GP, 30 Octobre-03 Novembre 1994, p. 6.

[41] Les aides d’Etat ont pour l’essentiel la nature d’actes administratifs. Cf. Claude BLUMANN, «Contrôle des aides d’Etat et droit des tiers «, article disponible sur http://www.10.finance.gouv.fr/fonds-documentaire/dgccrf/02-actualité/ateliers-concu/aides4.htm.

[42] Sur cette question, lire à titre de droit comparé, Ghislaine ALBERTON, «L’applicabilité des normes communautaires en droit interne, les autorités administratives françaises : obligations de faire et de ne pas faire «, RFDA,  Janvier-Février 2002, pp.1-19.

[43] J. KENFACK, article précité, p. 71.

[44] Arrêt n° 163/A/CFJ/CAY du 08 juin 1971, Compagnie commerciale et immobilière des chargeurs réunis c/ Etat du Cameroun Oriental. Voir dans le même sens l’arrêt n° 171/A/CFJ/CAY, Sté DAVUM c/ Etat du Cameroun.

[45] Interpréter une norme, revient à déterminer le sens et la portée  de celle-ci lorsqu’une partie à un litige revendique son application, Cf. M.C. BERGERES, Contentieux communautaire, 2e  édition, Paris, PUF, 1994, p.72.

[46] Ibidem.

[47] Il s’agit d’un  moyen de coopération entre le juge national et la Cour de justice, permettant à cette dernière d’assurer l’unité d’interprétation et d’application du droit communautaire.

[48] Les interprétations données par la Cour s’imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles dans l’ensemble des Etats membres. L’inobservation de ces interprétations donne lieu à un recours en manquement (Article 26 al.3 de la Convention régissant la Cour).

[49] Signalons que le renvoi préjudiciel n’est pas automatique chaque fois que le juge national est appelé à appliquer un acte communautaire. Le juge devant lequel est soulevé une exception préjudicielle n’est tenu de renvoyer à la juridiction communautaire que s’il existe une difficulté réelle d’interprétation, s’il existe un doute sérieux sur le sens de la disposition concernée, si le sens de l’acte est clair, le juge peut l’appliquer immédiatement en vertu de «la théorie de l’acte clair «.

[50] Si à la requête  du Président de la Commission, du premier responsable de toute institution, organe ou institution spécialisée de la CEMAC ou de toute personne physique ou morale, la Cour constate que dans un Etat membre, l’inobservation des règles de la procédure  du recours préjudiciel donne lieu  à des interprétations  erronées des textes communautaires, elle rend un arrêt donnant des interprétations exactes (Article 27 de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC).

[51] Ces solutions consacrées dans le cadre de la CEMAC sont similaires à celles retenues dans l’Union Européenne (article177 alinéa 3 du traité de Rome).

[52] R. CHAPUS, Droit administratif, 13e édition, Paris, Montchrestien, tome1, 1999, p.901.

[53]Cf. article 14 alinéas 2 et 3 de la loi n°2006/022 qui a institué un mécanisme nouveau dans le contentieux administratif camerounais. Obligation est faite aux tribunaux administratifs lorsqu’ils se trouvent devant une difficulté d’interprétation ou d’appréciation de la légalité d’un acte législatif ou règlementaire de surseoir à statuer et renvoyer la question devant la juridiction suprême qui doit se prononcer dans les trois mois de sa saisine.

[54]Cf. Amin BARAV, «La plénitude de compétence du juge national en sa qualité de juge communautaire «, in L’Europe et le droit, Mélanges en hommage à J. BOULOUIS, Dalloz, 1991, pp. 1-20.

[55]En l’espèce, le sieur Njoya Thomas, détenteur d’un brevet d’invention d’objets d’art délivré par l’OAMPI (Décision d’autorisation n° 55405-4896 du 26 mai 1975 et n° 65078 du 28 avril 1975 s’était vu interdire de se prévaloir d’un quelconque droit d’inventeur par une décision du Ministre de l’Information et de la Culture (Décision n° 2411-MINFOC-DAC du 28 juillet 1975). Il saisit la Chambre Administrative et obtint l’annulation de la décision querellée. Non satisfait de ce jugement, le représentant de l’Etat saisit l’Assemblée Plénière en appel.

[56] Cette solution voudrait que le contrôle de la conformité des lois aux conventions internationales s’effectue par le Conseil Constitutionnel.

[57] Le juge constitutionnel français avait depuis 1975 dans l’arrêt dit IVG, affirmé son incompétence pour contrôler la conformité des lois aux conventions internationales.

[58] Alain Didier OLINGA, «Réflexions sur le droit international, la hiérarchie  des normes et l’office du juge camerounais «, in  JP, n°63, juillet- Août- Septembre 2005, p. 9.

[59] C’est-à-dire reconnaître la compétence des juridictions ordinaires pour contrôler la conformité des lois aux conventions internationales

[60] Adolphe MINKOA SHE, Cité par A.D. OLINGA, article précité,  p. 9.

[61] De plus en plus par exemple, des auteurs défendent que le Conseil constitutionnel ne devrait plus se contenter, de juger de la conformité de la loi à la Constitution, mais également à certaines normes conventionnelles, notamment celles relatives aux droits fondamentaux. Des perspectives sont donc ouvertes sur  l’évolution de la jurisprudence IVG.

[62] CE, Ass., 20 Octobre 1989, RFDA, 1989, p.812, concl. Frydman.

[63] CE, 1ermars 1968, Syndicat général des fabricants de Semoules de France, AJDA, 1968, p.235, concl. Questiaux.

[64] G. MARCOU, ouvrage précité, p. 69.

[65] A.D. OLINGA, article précité, p. 9.

[66] Cf. Georges VANDERSANDEN, Marianne DONYLa responsabilité des Etats membres en cas de violation du droit communautaire, Bruylant, Bruxelles, 1997, 413 pp.

[67] De cette décision, il ressort que la réparation, du dommage subi du fait de la violation du droit communautaire, pourrait consister en l’octroi des dommages et intérêts. Ces dommages et intérêts peuvent être octroyés aussi bien pour le préjudice matériel que moral. Dans l’espèce Njoya Thomas, l’Assemblée Plénière de la Cour Suprême a reconduit la somme de cent mille francs accordée par le premier juge au titre du préjudice moral. Bien plus, la réparation porte aussi bien sur les conséquences passées que futures, car il faut en effet assurer une adéquation entre le préjudice subi et la réparation octroyée. Cette solution est justifiée par l’idée selon laquelle, il est nécessaire de briser toute tentative d’un Etat qui voudrait demeurer dans l’état de manquement à ses obligations communautaires.

[68] Une entreprise bénéficiaire d’une aide illégale parce que non notifiée, pourtant déclarée compatible par le CRC, et qui se trouve dans l’obligation de restituer, pourra engager la responsabilité de l’Etat du fait de l’absence de notification ayant entraîné la restitution. Cf.  R. CHETRIT, Document  précité.

[69] CE, ASS.23 Mars 1984, Ministre du commerce extérieur contre Société Alivar.

[70] CE, ASS, 28 Février 1992 Société Arizona Tobacco products et SA Philip Morris France.

[71] Jürgen SHWARZE, Le droit administratif sous l’influence de l’Europe, l’Harmattan, Bruylant, Bruxelles, 1994, p.89.

[72] G. MARCOU, ouvrage précité, p.85. La Cour Administrative d’Appel de Paris s’est déjà prononcée dans ce sens : CAA, 1er  Juillet 1992, Société Jacques Dangeville, AJDA, 1992, n°11, p.768.

[73] CE, 11 Janvier 1838, Duchatelier.

[74] CE, 14 Janvier 1938, Société des produits laitiers la fleurette.

[75] Arrêt n°41, CFJ/AP, 28 Octobre 1970.

[76] Salomon BILONG, «L’insaisissable responsabilité sans faute de la puissance publique au Cameroun «Annales de la FSJP/UDs,  T.1, Vol.1, 1997, p.95.

[77] Ces dispositions ont été reprises, mutatis mutandis par l’article 10 de la Convention régissant l’UEAC du 30 Janvier 2009 et l’article 8 de la Convention de l’UMAC du 25 Juin 2008.

[78] Ces dispositions posent l’obligation de fidélité des Etats membres. Voir en ce sens dans l’Union Européenne, Marc BLANQUET, L’article 5 du Traité CEE, recherche sur les obligations de fidélité des Etats membres de la Communauté, Paris, LGDJ, 1994, 502 pages.

[79] S.J. PRISO ESSAWE, Thèse précitée, p.393.

[80] Le contrôle  de la conformité  d’une loi au droit communautaire de la CEMAC peut-il être opéré par la Cour de Justice de  la CEMAC ? Cette question nous est suscitée par l’article 24 de la Convention régissant la Cour de justice du 30 Janvier 2009 qui reconnaît à la Cour de justice la compétence, pour contrôler la légalité des actes juridiques des Etats membres, par rapport au droit communautaire. La loi est incontestablement un acte juridique d’un Etat membre.

[81] Signalons néanmoins que le Conseil d’Etat français à le 8 février 2007 réfuté cette idée de responsabilité pour faute du législateur.

[82] CJCE, 15 mai 1986, Aff.222/84, Rec. P.1663.

Ce  principe  suppose,   non  seulement  le droit  pour  le  justiciable,  lésé  dans  son  droit, à l’exercice d’un recours, mais également le droit  de bénéficier d’une protection juridictionnelle complète.  Ce  qui   implique outre  la  recevabilité  du  recours,  son  examen  au  fond  avec  prise en  compte  de toutes  les garanties  offertes  par  le  système   juridique   communautaire,  y  compris celles  que le  système  national ignore.

[83] J. KENFACK, article précité, p. 70.

[84] Expressément consacrée par l’Article 44 du Traité révisé du quel il ressort que les actes communautaires «sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure «.

[85] Ami BARAV, «La plénitude de compétence du juge national en sa qualité de juge communautaire «, in L’Europe et le droit, Mélanges en hommage à Jean BOULOUIS, Dalloz, 1991, pp.1-20.

[86] C. KEUTCHA TCHAPNGA, «Le régime juridique du sursis à exécution dans la jurisprudence administrative camerounaise «, in JP n° 38, Yaoundé, Avril- Mai- Juin 1999, pp. 83-92. Signalons néanmoins que cette procédure a connu, avec la loi n° 2006/022 sur les Tribunaux Administratifs, une petite avancée : la décision de sursis, ne sera plus soumise à l’avis conforme du ministère public, comme l’exigeait l’article 16 alinéa 2, de l’ordonnance n° 75/17 du 08 Décembre 1975, fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière administrative, mais à des simples «conclusions du ministère public «. cf. Article 30 de la loi n°2006/022.

[87] CS/CA, 24 Avril 1980, ESSOUGOU Benoît. Le juge administratif a ici fondé la définition de l’acte de gouvernement sur la notion de mobile politique qui est très dangereuse pour les droits et libertés, n’importe quel acte pouvant être érigé par l’administration en acte de gouvernement. Le juge administratif camerounais s’écarte ainsi de la conception française de l’acte de gouvernement qu’il avait d’ailleurs auparavant adoptée (CS-CA, 31 Mai 1979 KOUANG Guillaume Charles c/Etat du Cameroun, 29 novembre 1979, ESSOMBA Marc Antoine et, 29 Mai 1980, MONKAM TIENTCHEU David. L’espèce ESSOUGOU Benoît constituait donc un revirement jurisprudentiel). Cette conception limite l’acte de gouvernement aux actes concernant les rapports entre le gouvernement et le parlement  d’une part, et d’autre part les actes mettant en cause les rapports entre le gouvernement et un Etat étranger ou un organisme international. Pour plus de connaissance, lire, M. KAMTO, «Acte de gouvernement et droits de l’homme  au Cameroun «, Lex Lata, n°26, mai 1996, pp.09-14.

[88] Comme l’a relevé à juste titre M. CAVALLINI, «à une époque où le temps devient une donnée économique considérable, peut être la plus importante, une sanction à posteriori d’un comportement illicite au regard du droit communautaire est d’un faible intérêt «, Joël CAVALLINI, Le juge national du provisoire face au droit communautaire : les contentieux français et anglais, Bruylant, Bruxelles, 1995, p. 5.

[89] Parlant spécifiquement du sursis à exécution, signalons à titre de droit comparé que le droit communautaire a eu dans ce domaine un impact considérable sur les pouvoirs du juge administratif français. cf. J. SHWARZE, op.cit, pp. 81-83.

[90] Il s’agit d’un principe classiquement consacré en France et qui a facilement trouvé application au Cameroun. Ce principe fait interdiction au juge d’adresser des injonctions à l’administration.

[91] Sur la question en France, voir : Franc MODERNE, «Etrangère au pouvoir du juge, l’injonction, pourquoi le serait-elle ? «, RFDA, 6 (5), Septembre Octobre 1990, pp. 117-118.

[92] CFJ/CAY, Arrêt n° 37 du 30 Avril 1968, Nyandja Félix contre République du Cameroun. Voir dans le même sens l’arrêt n° 42 du même jour, Ekwalla Edoubé Eyango Stéphane contre Etat du Cameroun.

[93] Arrêt Factortame CJCE, 19 juin 1990, Aff. C-213/89, AJDA, 1990, p. 832.

[94] Cf. Article 25, alinéa 2 de la Convention.

[95]Ici, le juge contrôle la matérialité des faits (moyens d’illégalité externe et interne), et ses pouvoirs sont limités en matière de qualification des faits. Ce contrôle s’exerce généralement lorsque l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire.

[96]Ici, le juge contrôle la matérialité des faits et la qualification des faits. Il est ainsi amené à vérifier, non seulement l’opportunité de la mesure, mais aussi et surtout sa proportionnalité. C’est les cas, en matière de compétence liée de l’administration.

[97]En l’espèce, le contentieux du refus de la carte de séjour pour motif d’ordre public. CE, 24 Oct. 1990, M. RAGUSI, AJDA, 1991, p. 322, cité par J. SCHWARZE, op.cit, p. 86.

[98] L. SERMET, op.cit, p. 160.

[99]C’est à ce niveau que se trouve la principale différence entre le recours pour excès de pouvoir dans lequel l’office du juge se limite à l’annulation de l’acte, le pouvoir revenant à l’administration de le refaire, et le recours de plein contentieux objectif dans lequel le juge après l’annulation a lui-même le pouvoir de refaire l’acte. C’est la raison pour laquelle ce dernier est jugé plus efficace que le premier car il procure des résultats plus concrets et certains en même temps qu’immédiats.

[100]Par exemple, conformément à l’article 6 du Règlement n°4/99 précité, pour que le juge administratif dispose des moyens nécessaires, pour ordonner la restitution d’une aide, illégale, il faudra que soit introduit un recours de plein contentieux.

[101]R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, 7e édition, Paris, Montchrestien, 1998, p. 202.

[102] Cf. Guy CANIVET, «Le droit communautaire et l’office du juge national «, Droit et Société, n° 20-21/1992, pp. 143-154.

[103] J. KENFACK, article précité, p.71.

[104] D’où la nécessité d’une formation des juges camerounais au droit communautaire.

[105] Cf. les articles 2 et 3 de la loi n° 2006/022 précités à l’introduction.

[106] En effet, pour atteindre ses fins, l’administration dispose de deux procédés. Soit elle agit de manière unilatérale, soit elle agit de manière contractuelle. Dans le premier cas, on parle d’actes administratifs unilatéraux, alors que dans le second, il est question de contrats. Le procédé contractuel permet à l’administration de faire intervenir d’autres partenaires dans son action. Le contrat de l’administration sera considéré comme contrat de droit privé, lorsqu’il aura été passé dans les mêmes conditions que ceux des particuliers, et contrat administratif lorsque sa conclusion se sera opérée dans le cadre du régime exorbitant de droit commun.

  S’il revient au juge judiciaire, de trancher les litiges résultant des contrats de droit privé de l’administration, c’est au juge administratif qu’incombe, conformément à l’article 2 précité, la connaissance des litiges relatifs aux contrats administratifs. La difficulté majeure reste toutefois de savoir comment identifier un contrat administratif. La loi et la jurisprudence se déploient pour apporter des solutions à la question. Ainsi un contrat peut être administratif par détermination de loi (c’est le cas des marchés publics règlementés le par le Décret n° 2004/275 du 24 septembre 2004). Pour définir un contrat d’administratif, la jurisprudence retient le critère organique et les critères alternatifs. Parlant du critère organique, la jurisprudence considère que : un contrat conclu entre deux personnes publiques a nécessairement un caractère administratif ; un contrat conclu entre une personne publique et une personne privée peut être un contrat administratif, à condition que s’y ajoute un critère alternatif ; un contrat conclu entre deux personnes privées est en principe un contrat de droit privé. S’agissant des critères alternatifs, la jurisprudence en distingue deux. C’est alors qu’un contrat peut être administratif, soit en raison de la participation à l’exécution même d’un service public, soit en raison de l’existence d’une clause exorbitante de droit commun. Pour plus de connaissance sur la question, lire, R. CHAPUS, Droit administratif général, 13e édition, Tome1, Paris, Montchrestien, 1999, pp. 518-541.

[107] L’acte administratif unilatéral a été défini par le juge administratif camerounais dans l’arrêt NGONGANG NJANKE Martin (CFJ/AP, 20 Mars 1968) comme étant  un «acte juridique pris par une autorité administrative dans l’exercice d’un pouvoir administratif et créant des droits et des obligations pour les particuliers «. Cette définition lacunaire est restrictive de la compétence du juge administratif et par conséquent appelée à évoluer. Lire à cet effet,  C. KEUTCHA TCHAPNGA, «les mutations récentes du droit administratif camerounais «, in JP n°41, Janvier-Février- Mars 2000, pp.85-86. 

[108] Le droit communautaire organise, dans des hypothèses bien précises, la compétence des autorités communautaires pour contrôler l’action de l’administration. C’est le cas par exemple du droit communautaire de la concurrence qui fixe la compétence des organes communautaires pour contrôler les actes des autorités publiques nationales pris en violation des règles communautaires sur la concurrence, notamment celles concernant les marchés publics, les monopoles légaux et les aides étatiques. Cf. Règlement n°4/99 précité, sur les pratiques étatiques affectant le commerce entre Etats membres. S’agissant particulièrement des marchés publics, signalons que les autorités publiques des Etats membres devront, chaque fois qu’elles auront à passer un marché public, respecter les règles communautaires concernant la publicité et la mise en concurrence des marchés. Le non respect de ces règles pourra donner lieu  à un contentieux qui relève de la compétence exclusive des autorités communautaires. Cf. articles 17 et 18 du Règlement n°4/99 précité. A travers cette compétence exclusive des autorités communautaires, le droit de la concurrence de la CEMAC marque sa différence avec celui de l’Union Européenne. En effet, le juge administratif français est compétent pour sanctionner le manquement, par l’administration française, aux obligations communautaires de publicité et de mise en concurrence des marchés publics.

[109] KAMTO (M.), «La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), une Communauté de plus ? «, in Annuaire Français de Droit International (AFDI), XXXIII, 1987, pp. 839-862.

[110] La conférence des chefs d’Etats avait fixé en sa séance du 25 Juin 1999, le siège de cette Cour à N’djamena au Tchad.

[111] Il existe donc aujourd’hui une Convention de Libreville du 30 Janvier 2009 régissant la Cour des comptes de la CEMAC et une Convention de Libreville du 30 Janvier 2009 régissant la Cour de justice de la CEMAC. 

La  Convention régissant la Cour de justice, qui comprend cinq titres portant respectivement sur les dispositions générales, le statut des membres de la Cour, l’organisation de la Cour, les compétences de la Cour et les dispositions financières, diverses et finales, ne fixe pas clairement les règles applicables devant la Cour de justice. On peut donc logiquement penser que les règles de procédure, devant la Cour de justice, de même d’ailleurs que devant la Cour des comptes, seront adoptées.

[112] Conformément à l’article 22 de la Convention, la Cour de justice a une triple fonction : juridictionnelle, consultative et d’administration des arbitrages dans les matières relevant du droit communautaire. 

[113] Cf. article 23 de la Convention de 2009 régissant la Cour. Ce recours reste une innovation en zone CEMAC car contrairement au droit des autres organisations d’intégration comme l’UE  et l’UEMOA, qui l’avaient déjà consacré, le droit de la CEMAC ne connaissait pas encore le recours en manquement.

[114] Cet article reprend l’article 14 de l’ancienne Convention régissant la Cour de justice de 1996.

[115] S. J. PRISO ESSAWE, Thèse précitée, p. 361.

[116] Article 24, alinéa 4 de la Convention régissant la Cour.

[117] En parlant des actes se rapportant au droit de la CEMAC, les rédacteurs de la Convention ont certainement voulu faire référence aux actes nationaux pris en rapport avec ce droit.

[118] Mais, les rédacteurs de la Convention auraient dû, donner davantage de précision, sur la mise en œuvre de ces moyens d’annulation. Sur les limites de l’application, par la CJC, de ces moyens d’annulation, notamment en ce qui concerne les actes nationaux, lire S.J. PRISO ESSAWE, Thèse précitée, pp. 362-363.

[119]Cf. S.J. PRISO ESSAWE, Thèse précitée, p. 362.

[120]Voir, Jean DUBOIS de GAUDUSSON, «Le statut de la justice dans les Etats d’Afrique francophone», in Afrique Contemporaine, n° spécial, 1990, p. 6. B. BOUMAKANI, article précité,  p. 67.

[121]Cf. Yvette Rachel KALIEU ELONGO et KEUGONG NGUEKEN, «Commentaire des Règlements n°1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles et n° 4/99/UEAC-CM-639 du 18 Août 1999 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres», in JP n° 54, Avril- Mai- Juin 2003, p.97.

[122]Pour avoir une idée sur les rapports entre arbitrage et droit public, lire, entre autres, Yves GAUDEMET «L’arbitrage, aspects de droit public ; état de la question», Rev. Arbitrage, 1992, p.241, Jean Marie AUBY «L’arbitrage en matière administrative», AJDA, 1995, p.81, Charles JARRASSON «L’arbitrage en droit public», AJDA, 20 janvier 1997, pp.16-24, Laurent RICHER, «Les modes alternatifs de règlement des litiges et le droit administratif «, AJDA, 20 Janvier 1997, pp.3-9.

[123]L’arbitrage est communément défini comme un mode privé de règlement des litiges fondé sur la convention des parties. Il se caractérise par la soumission d’un litige à de simples particuliers choisis par les parties directement ou indirectement. L’arbitre peut être assimilé à un juge, car sa mission se termine par une décision juridictionnelle tranchant le litige, ce qui distingue l’arbitrage des autres modes de règlement alternatifs des litiges que sont, la médiation, la conciliation ou la transaction.

[124]Signalons que la procédure de conciliation est très souvent prévue à côté de celle d’arbitrage.

[125]Convention commune sur les investissements dans les Etats de l’UDEAC du 14 Décembre 1965. il y’a ici, certainement une influence des Bailleurs de fonds internationaux, qui étaient quelques mois avant cette convention commune, à l’origine de la Convention de Washington du 18 Mars 1965 sur le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats.

[126]Ordonnance n° 90/007 du 08 novembre 1990 portant Code des investissements au Cameroun.

[127] Loi n° 2002/04 du 19 avril 2002 relative à la Charte sur les investissements en République du Cameroun.

[128]Article 46 du Code des investissements de 1990. Cette solution n’a pas été expressément reprise par la Charte des investissements de 2002.

[129]La procédure de conciliation amiable constituait donc un préalable obligatoire à la saisine du juge administratif. La conséquence, qui en découlait, sur le contentieux administratif était l’existence désormais en son sein de deux procédures préalables à la saisine du juge administratif : le recours gracieux préalable déjà bien connu, et la conciliation amiable pour le cas spécifique du règlement des différends relatifs aux investissements. Tout comme pour le recours gracieux préalable, si la phase préalable de conciliation était fructueuse le juge administratif ne sera pas saisit.

[130]Décret n° 2004/275 du 24 septembre 2004.

[131]Décret n° 95/101 du 09 Juin 1995  portant réglementation des Marchés Publics.

[132]Toutefois, la tentative de règlement à l’amiable reste sans incidence sur la procédure de règlement de droit commun, sauf dérogation découlant des accords ou conventions de prêt ou d’autres conventions internationales (Article 91, alinéa 2 du Code de 2004.). Les modalités de règlement amiable sont précisées par décret du Premier Ministre (Article 91, alinéa 3 du Code de 2004).

[133]Signalons que les textes nationaux cités ne sont qu’illustratifs et non exhaustifs. On peut donc identifier dans l’ordre juridique camerounais d’autres textes prévoyant le recours aux modes alternatifs.

[134]Accord de Lomé (1975-2000) et Accord de Cotonou depuis 2000.

[135]Méziane BENARAB, «Le règlement des différends entre l’administration d’un Etat ACP et un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de services à l’occasion de la procédure de passation ou de l’exécution d’un marché du FED», in Les Petites affiches, n°153, Décembre 1987. 

[136] H.J. TAGUM FOMBENO, «Regard critique sur le plan de l’arbitrage OHADA «, p.11, http://www.juriscope.org/actu-juriscope/doctrine/OHADA/ohada.12.pdf

[137] Cf. Florence MEYAP FOGUEN, La personne morale de droit public, partie à l’arbitrage, Mémoire Maitrise Université de Dschang, 1998-1999, pp. 13-14.

[138] Règlement n° 17/99/CEMAC-020-CM-03 du 17 Décembre 1999.

[139] Sur l’arbitrage OHADA, voir, Paul Gérard POUGOUE, Jean Marie TCHAKOUA, Alain FENEON, Droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA, PUA, 2000, 296 pp.

[140] L’article 21 du Traité OHADA dispose que «en application d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, toute partie (…) peut soumettre un différend (…) à la procédure d’arbitrage «.

[141] Ici, le principe, était celui de l’interdiction du recours à l’arbitrage par les personnes publiques.  Ce principe avait  un fondement textuel ; et reposait sur les articles 577 et 36, du Code de procédure civile et commerciale. Ce principe est aujourd’hui entièrement remis en cause par le droit OHADA, qui a fait œuvre originale en érigeant  en principe la non prohibition du recours à l’arbitrage par les personnes publiques, même en droit interne.

[142]C. KEUTCHA  TCHAPNGA, «Désétatisation et nouvelle configuration du pouvoir en Afrique subsaharienne «, in Afrique Juridique et Politique, La revue du CERDIP, vol. 3, n° 5, Janvier Juin 2007, p.74.

[143] Pour plus de connaissance sur la soumission des personnes publiques à l’arbitrage, lire M. KAMTO, «La participation des personnes morales africaines de droit public à l’arbitrage OHADA «, in l’OHADA et les autres perspectives de l’arbitrage en Afrique, Bruylant, Bruxelles, 2000, pp. 89-101.

 En plus des lacunes relevées par le Professeur KAMTO, nous pouvons mentionner l’absence d’une réglementation particulière applicable à l’arbitrage incluant les personnes morales de droit public. L’article 2, alinéa 2 de l’Acte Uniforme sur l’arbitrage se borne à émettre le principe de la capacité à compromettre de l’Etat et des autres personnes morales de droit public sans réglementer de façon précise la procédure à suivre pour ce type particulier d’arbitrage. Faut-il induire que l’arbitrage où une personne morale publique est partie relève du droit commun de l’arbitrage, ou les Etats peuvent-ils élaborer un droit propre à ce type d’arbitrage ? Quoiqu’il en soit de nombreuses règles applicables à l’arbitrage des litiges entre personnes privées seraient difficilement applicables à l’arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques. C’est ce qui justifie que le Conseil d’Etat français soit aujourd’hui fortement préoccupé par la question de l’arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques. Consulter en ce sens le Rapport du Groupe de travail sur l’arbitrage du 13 Mars 2007, Rapport initié par le Conseil d’Etat français, disponible sur le site http://www.justice.gouv.fr /art_pix/rapport-final.pdf.

[144] Signé à Port Louis en Iles Maurice le 17 Octobre 1993, le Traité OHADA a été modifié le 17 octobre 2008.  

[145] M. KAMTO, «La participation des personnes morales africaines… «, Article précité, p.99.

[146] Ibidem, p. 98.

[147] Les prérogatives de puissance  publique qui expliquent par exemple que l’Etat contractant puisse décider à tout moment la résiliation du contrat dans l’intérêt du service, sont insusceptibles d’annulation juridictionnelle, M. KAMTO, article précité, p. 98.

[148] Pierre MEYER, Commentaire de l’Acte Uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage. Cf., OHADA, Traité et Actes Uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2002, p. 105.

[149] Ibidem.

[150] G. MARCOU, ouvrage précité, pp. 80-81.

[151] C. KEUTCHA TCHAPNGA«Désétatisation et nouvelles configurations du pouvoir en Afrique subsaharienne «, article précité, p. 72.

[152] C. KEUTCHA TCHAPNGA, «Les mutations récentes du droit administratif camerounais «, in Juridis Périodique, n° 41, Janvier- Février- Mars 2000, pp. 84-85.

[153] L’arbitrage présente certains avantages : la célérité, dès lors que le prononcé de la sentence arbitrale est enfermé  dans les délais impératifs, la souplesse, puisque les parties déterminent ensemble certains aspects de la procédure, l’expertise technique dont peut faire preuve le tribunal arbitral selon la manière dont les parties l’auront composé. Il peut donc constituer un mode de règlement des litiges adapté aux besoins des personnes publiques et de leurs partenaires privés.

[154] Parler d’une dimension économique du juge administratif à l’épreuve du droit communautaire relève d’ailleurs de la logique. Ordre juridique autonome, le droit communautaire trouve son originalité dans les objectifs économiques qu’il vise, en même temps qu’il met en œuvre un ensemble normatif où se mêlent les facteurs économiques et les règles de droit. G. CANIVET, article précité, pp. 151-157.

[155] Jean Bernard AUBY, «La bataille de San Romano. Réflexion sur  les évolutions du droit administratif «, RDP, 1998, p. 921. 

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