RECHERCHES SUR L'ENCADREMENT DES ENTENTES ANTICONCURRENTIELLES EN AFRIQUE CENTRALE

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Pendant longtemps ignorées par le droit communautaire, les règles de la concurrence apparaissent aujourd’hui comme l’une des principales innovations du législateur sous-régional en Afrique Centrale

Pendant longtemps ignorées par le droit communautaire, les règles de la concurrence apparaissent aujourd’h

RECHERCHES SUR L'ENCADREMENT DES ENTENTES ANTICONCURRENTIELLES EN AFRIQUE CENTRALE

RECHERCHES SUR LE NOUVEL ENCADREMENT COMMUNAUTAIRE

DES ENTENTES  ANTICONCURRENTIELLES DES ENTREPRISES

EN AFRIQUE CENTRALE

Par

Edouard GNIMPIEBA TONNANG,

Chargé de Cours

Département de Droit Public et Science Politique,

Faculté des Sciences Juridiques et Politiques,

Université de Dschang, Cameroun

INTRODUCTION

Pendant longtemps ignorées par le droit communautaire, les règles de la concurrence apparaissent aujourd’hui comme l’une des principales innovations du législateur sous-régional en Afrique Centrale[1]. Et pourtant, la libre concurrence a toujours été considérée comme une des armatures essentielles de la construction de tout marché commun[2] et un maillon important du progrès économique[3], du moins dans les systèmes d’inspiration libérale[4]. C’est dire combien le droit antitrust occupe une place essentielle dans les politiques moderne d’intégration, et apparaît comme l’une des clefs de voûte de tout espace économique intégré[5]. En effet, le marché n’est jamais naturellement concurrentiel, les opérateurs économiques pouvant compromettre cet objectif en concluant par exemple des ententes, ou encore des accords susceptibles de fausser la concurrence. Par ailleurs, la place prépondérante des entreprises sur le marché est de nature à créer de leur part des abus[6].

Cet oubli par le législateur communautaire originaire[7] CEMAC d’instituer des règles gouvernant la concurrence dans l’espace économique de l’Afrique Centrale peut s’expliquer par l’ambiance politico-économique dans lequel est né le mouvement d’intégration des pays membres, en particulier par les idéologies politiques et économiques adoptés par les pays de la sous-région à leur accession à la souveraineté internationale[8]. Ce vide constaté au niveau sous-régional ne signifiait pourtant pas inexistence de régimes nationaux gouvernant la concurrence. En effet, très tôt, la quasi-totalité des pays de l’UDEAC, qu’ils soient d’inspiration libérale ou dirigiste, ont légiféré en la matière, afin de prohiber dans leurs cadres nationaux respectifs un certain nombre de pratiques susceptibles de fausser le libre jeu de la concurrence. Ces règles nationales[9], jugées «lacunaires et imparfaites»[10], n’ont pas réussi a créer, au niveau interne, les conditions garantissant le libre jeu de la concurrence entre acteurs économiques[11]. C’est pour remédier à ces imperfections et adapter leurs législations aux nouvelles exigences de l’économie de marché[12] dont ils sont tous devenus adeptes que les pays membres de l’UDEAC/CEMAC ont procédé, dès la fin de la décennie quatre vingt, à l’adoption de nouvelles règles juridiques garantissant aux acteurs économiques le libre jeu de la concurrence[13].

Au même moment, la relance du processus d’intégration économique des pays de la CEMAC à travers le PRR exigeait, outre les réformes engagées au niveau fiscalo-douanier, monétaire et de la libre circulation des facteurs de production, le dépassement du caractère purement national des règles de concurrence[14], et insistait sur la mise en place de règles de dimension communautaire garantissant le libre jeu de la concurrence entre les acteurs économiques, condition sine qua non de réalisation effective du marché commun entrepris par les Etats membres de la CEMAC[15]. C’est fort de cette exigence de définition d’une saine et libre concurrence entre les Etats membres que la Convention UEAC a posé le principe de «l’institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises et aux aides d’Etats»[16]. La consécration conventionnelle du principe de la libre concurrence allait se traduire assez vite dans les faits par l’adoption, par le Conseil des Ministres de l’UEAC, de deux règlements séparés, l’un traitant des pratiques concurrentielles[17], l’autre organisant les pratiques étatiques[18].

L’innovation apportée par le nouveau législateur CEMAC en matière de règles de concurrence, même si elle contient une certaine marque d’originalité tant elle prend en compte les réalités socio-économiques sous-régionales[19], est une fois de plus malheureusement atténuée par un certain mimétisme juridique, le contenu matériel de la nouvelle réglementation étant, comme on le verra à l’épreuve de la critique, largement inspiré du droit européen de la concurrence[20]. En réalité, cet apparentement juridique n’est pas surprenant en soit, et s’explique, comme nous l’avons démontré au chapitre introductif, par la forte influence du droit européen sur l’expérience communautaire en Afrique centrale, tant dans au niveau de la «structure constitutionnelle» qu’au niveau des règles matérielles. Cette inspiration se vérifie une fois de plus dans le domaine de la concurrence, le législateur CEMAC ayant entrepris d’écrire, à sa manière, une variation particulière sur fond de la partition de l’expérience communautaire européenne.

Comme on le voit, la rénovation de l’environnement juridique dans lequel évoluent les entreprises constitue un des grands chantiers de la relance du mouvement d’intégration des économies des pays de la Zone Franc[21] en général et de ceux de l’Afrique centrale en particulier. La définition d’un régime communautaire régissant la libre concurrence entre les acteurs économiques, privés ou publics, est apparue comme un des préalables à l’ébauche d’un cadre susceptible d’encourager les acteurs économiques, les entreprises en particulier, à faire le pari de s’installer dans l’espace économique.

La concurrence entre entreprises, pour être effective, doit être loyale et libre[22]. C'est pourquoi le droit de la concurrence a pour but, d'une part, d'assurer cette loyauté en sanctionnant les comportements déloyaux, contraires à une éthique commerciale et, d'autre part, de préserver cette liberté en interdisant les pratiques par lesquelles les entreprises faussent ou restreignent le jeu de la concurrence. Le droit sous-régional de la concurrence présente donc des particularités qui le distinguent des dispositions nationales pertinentes relatives à la législation anti-concurrentielle. En effet, il est un des éléments de la construction d’un marché intérieur viable, tant il vise à décloisonner le marché commun et à faciliter l'interpénétration des économies nationales ; perspective naturellement absente, comme nous l’avons vu précédemment, dans les droits nationaux. C’est pour atteindre cet objectif que la nouvelle réglementation communautaire de la concurrence en Afrique centrale pose le principe de l’interdiction des pratiques commerciales anticoncurrentielles entre les entreprises intervenant dans le marché intérieur.

Le dispositif communautaire portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles a pour finalité la lute contre certaines anticoncurrentielles, notamment les ententes, les abus de position dominante et les concentrations d’entreprises. Il insiste ensuite sur la prohibition au niveau sous régional des pratiques de domination des marchés par les entreprises. La prohibition des ententes anticoncurrentielles est ainsi édictée par les articles 3 et 4 du Règlement n°1/99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques anticoncurrentielles dans les Etats membres de la CEMAC. Ce texte interdit en effet les ententes entrant dans le champ d’application du droit communautaire de la concurrence et réunissant les éléments constitutifs que ce texte définit avant d’en énumérer quelques exemples concrets (I). Mais cette interdiction obéit à des conditions cumulatives d’application préalablement déterminées, et admet des dérogations justifiées pour des raisons économiques précises (II).

I - La consécration de conditions cumulatives d’application

Aux termes de l‘article 3§1 du règlement n°1/99/UEAC-CM-639, «sont incompatibles avec le marché commun et par conséquent interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d‘associations d‘entreprises, et toute pratiques concertées qui sont susceptibles d‘affecter le commerce entre les Etats membres et qui ont pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (…)»[23]. L’article 3 du traité CEMAC[24] n’a quant à lui pas défini l’entente prohibée, mais dressé directement une liste de comportements d’entreprises susceptibles d’être considérés comme tels. La C.J.C.E a quant à elle interprété cette disposition dans le sens le plus favorable à son utilité, en considérant d’emblée que l’entente devrait être décrite comme une situation établie entre des entreprises, lesquelles manifestent leur volonté de mener en commun une action (A). L’entente est ainsi constituée toute les fois qu’il y a «une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles au risque de la concurrence»[25]. Le législateur CEMAC procède à une énumération non limitative de comportements d’entreprises constitutives d’ententes anticoncurrentielles et détermine les éléments constitutifs des ententes prohibées. Si l’entente anticoncurrentielle doit se caractériser par un concours de volonté de parties facilement identifiables, elle doit aussi avoir pour conséquence de restreindre le jeu concurrentiel dans le marché en cause (B).

A - Aux sources de l’entente anticoncurrentielle : l’accord de volonté entre entreprises.

Le concours de volonté résulte de l’interprétation des dispositions de l’article 3 du Règlement CEMAC. Il peut résulter tant des accords entre entreprises, de décisions d’associations d’entreprises ou encore de pratiques concertées en vue de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché communautaire. Cette définition, simple à première vue, soulève cependant quelques difficultés juridiques liées entre autre à la pluralité des participants à l’opération, à leur nature juridique ainsi qu’à leur position économique. L‘identification des différentes formes d‘entente concurrentielle (2) suppose au préalable de précision de ces trois notions (1).

1°) Identification des parties a l’entente

Les dispositions de  l’article 1er du Règlement CEMAC relatives aux pratiques anticoncurrentielles identifient clairement les entreprises comme acteurs dans toute décision d’entente anticoncurrentielle. Une plus grande précision de la notion d’entreprise appliquée au droit communautaire (a) et de son statut juridique (b) permettra de mieux appréhender les parties intervenant dans une entente anticoncurrentielle telle que définie par le législateur CEMAC.

a) Intérêt de la définition de la notion d’entreprise.

L’interdiction formulée par l’article 1er du Règlement CEMAC s’adresse aux entreprises. Ce texte les définit comme «toute personne physique ou morale du secteur public ou privé, exerçant une activité à but lucratif»[26]. Cette définition, aussi originale soit-elle[27], ne permet malheureusement pas de mieux cerner la notion d’entreprise appliquée au droit communautaire. La précision devrait pourtant être essentielle ici, au regard de l’exigence de netteté dans l’identification des structures auteurs de comportements prohibés. Le législateur CEMAC s’est en effet inspiré de l’œuvre communautaire européenne dans sa tentative de précision du contenu juridique de la notion d’entreprise, et des législations nationales en vigueur. En effet, c’est la Cour de Justice des Communautés Européennes qui a, pour la première fois en 1962 dans une espèce Mannesmann relative au traité C.E.C.A, retenu une définition assez stricte du concept d’entreprise appliqué au droit communautaire en indiquant qu’elle était «un sujet juridiquement autonome, une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels, rattachés à un sujet de droit autonome et poursuivant de façon  durable un but économique déterminé»[28].

Un peu plus tard, par une approche plus pragmatique et plus novatrice, elle allait assouplir cette définition, comprise «comme désignant une unité économique du point de vue de l’objet de l’accord en cause, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales»[29]. Ainsi, se satisfaire d’une unité économique du point de vue de l’accord autorise bien sûr une grande souplesse. Le pragmatisme l’emporte et la notion d’entreprise devient indépendante d’un support juridique unitaire ou autonome. L’entreprise, au sens du droit communautaire, peut donc être confondue à l’opérateur économique, c’est-à-dire toute personne exerçant une activité économique[30], indépendamment de son statut juridique[31] ou de son mode de financement[32]. En outre, l’entreprise doit poursuivre un but lucratif, quelque soit son activité, ou tout au moins participer aux échanges économiques à l’intérieur du marché commun. Cette conception extensive conduit à considérer que la notion d’entreprise recouvre pratiquement toute activité à caractère économique qui tend à la réalisation de profits[33].

Comme on peut le constater, le critère de l’autonomie juridique ou structurelle ne participe pas directement à la qualification communautaire de l’entreprise[34]. Ajoutons qu’il est probable que ce même souci d’autonomie présidera à la définition de la notion d’Etat - partie à une opération d’entente prohibée, que n’a pas également défini le législateur communautaire. L’expérience communautaire CEMAC, nous l’espérons, le précisera. Le droit communautaire européen étend pour sa part la notion d’Etat à toutes les personnes publiques, collectivités territoriales ou entreprises publiques, industrielles ou commerciales, agissant pour le compte de ce dernier.

Quant à la forme juridique des entités faisant parties à l’entente, le législateur CEMAC considère que l’entreprise doit exercer son activité de façon indépendante. S’il leur est reconnu le statut de personne morale juridiquement indépendantes[35], deux entités peuvent être parties à une opération d’entente et ainsi, les dispositions de l’article 3 du Règlement CEMAC sus visé auront vocation à s’appliquer. En revanche, concernant l’exigence d’une pluralité d’entreprises, se pose une difficulté relative aux groupes de société. En effet, on peut se poser la question de savoir si les accords conclus entre une société et certaines de ses filiales, ou entre filiales d’un même groupe[36] sont susceptibles de tomber sous le coup de la prohibition communautaire. Une réponse négative s’impose en principe[37]. Comme le précise la doctrine dominante et suivant en cela la Commission et la Cour de justice UE[38] qui, à plusieurs reprises s’est trouvée confrontée à la difficulté, il n’est guère concevable que deux sociétés dont les administrateurs sont connus ou dont l’une détient une fraction importante du capital de l’autre se livrent à une concurrence comparable à celle que se font deux entreprises entièrement distinctes[39]. Dès lors, les entreprises dominées du groupe, bien qu’ayant une personnalité juridique propre, doivent être assimilées à des succursales ou agences, ce d’autant plus qu’elles forment avec la société mère une unité économique et dès lors, les accords qu’elles pourraient éventuellement conclure entre elles doivent être vus comme une répartition interne des tâches[40] plus qu’une quelconque intention de créer une opération d’entente[41].

Toutefois, cette immunité créée au profit des entreprises appartenant à un même groupe n’est pas absolue, d’autant plus que le Conseil Régional de la concurrence institué par l’article 17 du Règlement n°1/99/UEAC-CM-639 a également pour rôle de rechercher, dans chaque cas, si les filiales se trouvent dans la dépendance exclusive de la société mère et ne jouissent pas d’autonomie réelle dans leur comportement. Pour la doctrine d’ailleurs, «faute d’un concours de volontés autonomes, la condition de la concertation n’est pas remplie. Aussi, il faut exclure la qualification d’entente si plusieurs sociétés juridiquement distinctes sont soumises à un seul et même centre de décision, mais appliquer la prohibition lorsque les entreprises d’un même groupe sont en réalité suffisamment indépendantes les unes des autres»[42].

C’est dire qu’en définitive, l’élément caractéristique de l’entreprise au sens de l’article 1er du Règlement CEMAC[43] est l’autonomie réelle dans la détermination de la ligne d’action sur le marché[44], toute unité économique qui en est dotée ayant en principe la qualité d’entreprise.

b) Indifférence relative du statut juridique et des activités économiques des participants à l’entente anticoncurrentielle

Selon l’esprit du dispositif de l’article 1er du Règlement CEMAC, si l’entreprise s’identifie à la personne de son propriétaire, il importe peu que pour l’application du dispositif communautaire, ce propriétaire soit une personne physique, une société ou un autre organisme apte à participer à la vie juridique. S’il s’agit d’une personne physique, il ne se pose naturellement aucune question relative à la forme juridique, d’autant plus que l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés et au Groupement d’Intérêt Economique, reprenant les législations nationales pertinentes[45], a récemment consacré dans l’espace communautaire les entreprises unipersonnelles[46], lesquelles permettent désormais aux particuliers - personnes physiques - de se constituer en personnes morales capables de s’insérer facilement dans la sphère économique[47]. Quant aux sociétés, peu importe qu’elles soient de nature civile, coopérative ou commerciale.

Il peut enfin s’agir d’entités ne revêtant pas la forme de société[48], notamment les groupements d’Intérêt Economique (GIE) et les associations, dès lors qu’elles poursuivent un but lucratif. Enfin, comme le précise l’article 1er du Règlement CEMAC, les entreprises publiques sont elles aussi soumises aux règles communautaires de la concurrence, malgré les droits exclusifs ou spéciaux à elles accordés par les Etats membres. Comme on peut le constater, le législateur communautaire n’a pas fait de la forme juridique de l’entreprise un critère de définition de l’entreprise ; de même que la nature juridique des auteurs de la concertation n’a aucune incidence sur la qualification de l’entente prohibée. Pour la doctrine, seul compte le fait que les personnes concernées, qu’elles soient physiques ou morales, exercent une activité économique et peuvent, par leur accord, modifier les conditions normales de la concurrence[49].

L’autre question que l’on peut également se poser est celle de savoir quelles sont les activités de l’entreprise qui tombent dans le champ d’application de la réglementation communautaire ? Il faut ici se référer aux dispositions de l’article 3 (para 3) du Titre 1er du Règlement CEMAC aux termes desquelles l’entreprise s’entend de toute personne physique ou morale, du secteur public ou privé, exerçant une activité à but lucratif. Il s’agit donc ici de l’exercice par les entreprises, indifféremment de leur statut juridique et de façon indépendante, d’activités économiques, c’est-à-dire d’échanges à caractère économique, ce qui suppose une rémunération. Toutefois, c’est l’existence d’une contrepartie susceptible d’évaluation pécuniaire qui est visée. Les décisions d’entente anticoncurrentielle peuvent ainsi revêtir plusieurs formes. L’étude des critères de détermination des ententes anticoncurrentielles permet de proposer une définition de celles-ci, et c’est la doctrine qui nous en propose une, assez précise et complète, qui considère l’entente comme «un accord exprès ou tacite, conclu entre des entreprises, quelle que soit leur nature juridique, situées au même stade ou à des stades différents du processus économique, qui désirent adopter une discipline collective de comportement sur un marché tout en conservant leur autonomie juridique et leur indépendance économique malgré une limite apportée à leur liberté d’action et de décision»[50].

2°) L’énumération communautaire des formes de l’entente prohibée

Comme en droit des obligations, l’entente concurrentielle évoque en droit économique l’existence d’un accord, convention par laquelle deux ou plusieurs entreprises organisent leur comportement sur le marché. C’est pourquoi le Règlement CEMAC interdit ce qu’il appelle, de manière générique, les ententes dès lors que la concurrence entre les Etats membres en est affectée. A côté des accords entre entreprises (a), le concours de volonté peut également être recherché dans les pratiques des entreprises, notamment les décisions d’association (b) ou encore résulter de certaines pratiques concertées (c).

a) Les accords entre entreprises

Les accords entre entreprises peuvent prendre la forme d’accords ayant force obligatoire ou encore de simples “gentlemen’s agreements”. La notion d’accord renvoie indubitablement aux contrats que peuvent conclure les entreprises entre elles. Il n’est pas nécessaire que l’accord revête une forme juridique particulière ou soit consigné dans un document écrit. La nature de l’accord importe donc peu, et le droit communautaire de la concurrence ne devrait en principe pas tenir compte des qualifications nationales relatives aux formes juridiques des contrats civils[51] et commerciaux[52]. En effet, les structures économiques décidées à adopter une discipline collective de comportement sur le marché peuvent recourir à tout un arsenal de techniques juridiques imaginables. A côté des contrats écrits, sous seing privé ou authentique, le droit communautaire UE prend également en compte les écrits dépourvus de signature ou les simples accords verbaux[53]. Il peut également s’agir de conventions bilatérales ou multilatérales, de simples déclarations d’intention, de protocoles, mémorandums, ou même d’une décision unilatérale lorsqu’elle est intégrée dans un ensemble de relations contractuelles[54].

Le contrat, comme on le voit, n’est pas la seule technique juridique utilisée par les entreprises comme support de leur concertation. En pratique, celui-ci peut s’appuyer sur des groupements dotés ou non de la personnalité juridique tels que les sociétés commerciales, les syndicats ou les ordres professionnels, les associations, etc… Il faut seulement, comme l’a si bien rappelé un auteur, «distinguer la forme juridique par laquelle s’exprime la concertation, forme qui est neutre, de l’instrument de l’entente illicite qui peut être l’acte constitutif du groupement, un acte de ses organes tel qu’une circulaire ou toute autre expression de volonté»[55].

De même, les entreprises peuvent fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun à travers des décisions d’association destinées à renforcer illicitement leur position sur le marché.

b) Les décisions d’association des entreprises

A la différence des accords entre entreprises, actes résultant d’un concours de volonté individuelle, la décision d’association des entreprises est un acte de volonté collective émanant en général de l’organe interne compétent d’un groupe professionnel[56]. En réalité, le droit communautaire n’interdit pas aux entreprises de s’associer et de constituer entre elles des groupements professionnels[57], l’accord constitutif qui en est la base n’étant pas considéré, per se, comme restrictif de la concurrence. Le regroupement d’entreprise ne devient illicite que dans l’hypothèse où les décisions adoptées, dans la limite de leur compétence, sont susceptibles d’imposer un comportement collectif anticoncurrentiel à ses participants. Tout comme les accords d’entreprise, les décisions d’associations d’entreprises n’imposent pas une forme juridique spécifique pour être sanctionnées[58]. La condition essentielle requise reste l’atteinte à la concurrence qui résultera de la volonté d’association des entités en cause sur le marché de référence. L’atteinte à la concurrence dans cette hypothèse pourra résulter soit des statuts du groupement, lequel oblige par exemple les parties à l’association à adopter un certain nombre de comportements illicites, soit d’une décision des organes de direction imposant à ses adhérents certaines obligations dont la mise en œuvre aura pour conséquence de fausser le libre jeu de la concurrence sur le marché en cause[59].

Une autre question se posera également au juge communautaire CEMAC relativement aux regroupements d’entreprises dans le marché intérieur et portera sur la nature de ces regroupements. Faudra-t-il les considérer comme des décisions revêtant un caractère obligatoire et donc susceptibles de tomber sous le coup de l’article 3 du Règlement CEMAC ? Le juge communautaire CEMAC devra, pensons-nous, s’inspirer de la position adoptée par la Commission européenne qui a répondu par l’affirmative à cette question, en considérant que l’essentiel résidait dans la recherche de l’existence d’une contrainte[60]. De même, la décision de s’associer, selon l’esprit du dispositif CEMAC, peut être émise par le groupement sous quelle forme que ce soit, dès l’instant où elle présente un caractère obligatoire, contraignant pour les participants.

Enfin, le législateur et le juge communautaire CEMAC, afin de faire prospérer la lutte contre les éventuelles décisions d’associations d’entreprises au sein du marché commun, devront suivre la voie tracée par la Commission et le juge européens qui ont opté pour une interprétation extensive de la notion de «décision d’associations d’entreprises», en décidant de ne pas tenir compte de la qualification prévue par les accords, ce d’autant plus que selon eux les fins justifient cette extension. En effet, l’atteinte à la concurrence ne se transcrit pas forcément dans un accord, une convention, mais aussi dans de comportements échappant à toute règle formelle, notamment les pratiques concertées entre entreprises.

c) Les pratiques concertées

Bien qu’assez rapproché de la notion d’“accords entre entreprises”, “les pratiques concertées” ne          constituent pas moins une situation anticoncurrentielle autonome. En effet, une pratique concertée représente une collusion moins formelle qu’un accord ou une décision d’association d’entreprises. L’appel à une telle notion répond de la nécessité d’appréhender des comportements collectifs qui, sans emprunter une forme juridique bien définie, n’en témoignent pas moins du dessein de limiter la concurrence entre plusieurs entreprises. Ainsi, les pratiques concertées trouvent leur fondement dans le souci du droit communautaire de la concurrence de saisir les formes les plus souples de la collusion entre entreprises. En effet, et comme le précise la doctrine[61], les pratiques concertées déclinent deux facettes particulières, l’une visant la difficulté à prouver l’existence d’une convention secrète entre entreprises, l’autre concernant la nécessité de collecter un faisceau d’indices concordant et suffisant permettant de démontrer l’existence d’un comportement anticoncurrentiel. En réalité, il ne saurait être interdit à une entreprise de tenir compte de la politique de ses concurrents afin d’aligner sa conduite sur la leur. Cependant, la notion de “pratiques concertées” a été très difficilement cernée par le droit communautaire européen.

C’est à l’occasion des affaires dites “matières colorantes” que le droit européen s’est pour la première fois saisi du contenu juridique de la notion de “pratiques concertées”. En l’espèce, la Commission européenne devait considérer que celle-ci résultait «d’une série de comportements de la part de deux ou plusieurs entreprises qui coïncident objectivement et qui, apparaissent comme le fruit d’une coordination des activités entre les entreprises ou de l’adaptation consciente du comportement de chacune des entreprises à celui de l’autre, ou des autres»[62]. Aidée par cette première tentative d’approche, le juge communautaire européen allait par la suite préciser le contenu de la notion, et décider que les dispositions de l’article 85 CE permettaient d’appréhender «une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratiquée entre elles aux risques de la concurrence»[63], et qu’un parallélisme de comportement constituait une pratique concertée dès lors qu’étaient réunis les «éléments de coordination et de coopération caractéristiques d’une telle pratique»[64]. La pratique concertée suppose donc l’existence d’un élément matériel, le comportement lui-même, et d’un élément intentionnel, à savoir la volonté d’agir ensemble, et décrite comme «une discipline de comportement volontairement consentie par des entreprises»[65]

Au regard de ce qui précède, on peut prévoir que les dispositions de l’article 3 du Règlement CEMAC ne pourront être appliquées que si l’existence d’une concertation entre deux ou plusieurs entreprises est établie. Toutefois, la pratique concertée n’exige pas forcement un effet concret. Comme le suggère le juge européen, le seul échange d’informations entre entreprises peut constituer le critère suffisant constitutif d’une concertation[66]. Ainsi par exemple, on peut considérer qu’une concertation est réalisée dès l’instant que la plus importantes des entreprises en cause communique aux autres les prix qu’elle a unilatéralement décidés[67]. Cette communication pourrait par exemple permettre aux partenaires, au préjudice des concurrents, de ne pas prendre le risque d’une attitude concurrentielle et aboutir ainsi à un alignement des prix. Comme on le voit, la pratique concertée suppose le contact entre entreprises, notamment à travers par exemple les échanges de renseignements sur le marché. C’est en ce sens que le droit communautaire considère que tout contact affectant l’autonomie de décision des entreprises sur le marché est tenu pour une pratique concertée.

En réalité, l’entente illicite n’est réalisée au regard du droit communautaire CEMAC que lorsqu’elle réunit également une double condition liée entre autre à l’affectation du commerce entre les Etats membres et à l’atteinte au libre jeu de la concurrence entre entreprises.

B - Une interdiction soumise a des conditions précises

Comme affirmé plus haut, pour entrer dans le champ d’application des dispositions de l’article 3 du Règlement CEMAC, les ententes entre entreprises doivent simultanément remplir deux conditions. En effet, le législateur communautaire prescrit que les ententes de dimension communautaire ne sont illicites que dès l’instant où elles «sont susceptibles d’affecter le commerce entre les Etats membres (1) et (…) ont pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (2)» sur le marché commun.

1°) L’exigence de l’affectation du commerce entre Etats membres.

Toute entente entre entreprises n’entre dans le champ d’application de l’article 3 du Règlement CEMAC que si elle a une dimension communautaire, c’est-à-dire qu’elle est susceptible d’avoir une influence sur les relations commerciales entre deux ou plusieurs Etats membres de la Communauté. Ainsi, elle ne saurait tomber sous le régime de la prohibition communautaire si elle était purement nationale et n’exerce aucune influence sur les échanges intracommunautaires. Dans cette hypothèse, elle relève exclusivement de la compétence du droit interne de la concurrence. Dans une espèce du 13 juillet 1966, le juge européen précisait d’ailleurs qu’une entente n’était prohibée par la législation communautaire que si elle était susceptible de mettre en cause «la liberté du commerce entre les Etats membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs du marché unique entre Etats»[68] ou de «cloisonner le marché de certains produits entre Etats membres et de rendre ainsi plus difficile l’interpénétration économique voulue par le traité»[69].

C’est par exemple ainsi toute les fois qu’une opération d’entente économique vise soit l’exportation, soit l’importation de produits, notamment l’interdiction d’exporter vers les autres Etats membres, ou même d’importer les marchandises en provenance de ces derniers, ce d’autant plus que ces décisions auront pour conséquence de cloisonner les marchés nationaux. Il faut également préciser qu’une opération d’entente illicite peut également se dérouler exclusivement dans le territoire d’un seul Etat membre, sans pour autant être exclue du champ de l’article 3 du Règlement CEMAC. En effet, même si l’objet de l’opération est limité à la production et à la commercialisation à l’intérieur des frontières nationales, elle peut indirectement affecter les échanges intracommunautaires en rendant par exemple plus difficile ou impossible la pénétration sur le marché national des entreprises du même secteur opérant dans les autres Etats membres. C’est notamment le cas toute les fois que des accords d’approvisionnement exclusifs ont pour conséquence d’obliger les participants à s’approvisionner exclusivement auprès d’un fournisseur national déterminé. Le droit communautaire européen opte pour une interprétation étendue de la notion d’“affectation du commerce”, en considérant qu’elle vise non seulement les échanges de marchandises, mais également la liberté d’établissement, les prestations de services et les mouvements de capitaux[70].

Cependant, pour être efficacement appliquées, les opérations d’ententes de dimension communautaire doivent également avoir un effet restrictif sur le commerce dans l’espace communautaire.

2°) L’atteinte a la concurrence

Pas plus que les législations nationales, le Règlement CEMAC ne définit la notion de concurrence, qu’il semble ériger en idéal à atteindre. Cependant, comme le rappelle l’article 3§1 du Règlement communautaire, l’entente anticoncurrentielle doit avoir pour objet ou pour effet "de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence", soit entre les participants à l’opération[71], soit à l’égard des tiers[72]. Pour mieux appréhender cette condition, i1 conviendra de préciser les contours de la notion de concurrence pour ensuite caractériser les restrictions interdites.

La concurrence s’exerçant sur un marché se définissant comme étant la rencontre entre l’offre et la demande et ou se détermine le prix de cession et les qualités échangées[73], ces deux notions doivent être précisées. En effet, chaque bien ou service produit fait l’objet d’une offre et d’une demande sur un marché, en l’occurrence le marché intérieur. La confrontation de l’offre et de la demande permet donc de fixer un prix. Une économie de marché repose ainsi sur la notion d’équilibre constant entre les intérêts du consommateur et ceux du producteur. Si le consommateur est rationnel, il optimise sa consommation sous la contrainte de son budget. Si le producteur est lui aussi rationnel, il cherchera à maximiser son produit, c’est-à-dire à vendre le plus possible de telle façon que le coût marginal de production soit égal au prix du marché. Néanmoins, un tel équilibre n’est réalisé qu’en situation de concurrence pure et parfaite[74], ce qui est, comme nous l’avons vu, en pratique impossible du fait notamment des obstacles à la mise en œuvre des conditions d’une telle situation. Ce sera à cause soit du nombre insuffisant d’acheteurs ou de vendeurs, soit de la mobilité imparfaite des ressources due aux barrières à l’entrée sur le marché, soit enfin à cause des difficultés d’accès à l’information nécessaire pour prendre toute décision de production ou de distribution, les produits peu homogènes ne permettant pas des comparaisons. C’est donc sur ces réserves théoriques que repose la justification d’une politique et d’un droit de la concurrence.

Il est dès lors utile de dégager des lignes directrices sur les motivations concrètes des autorités de la concurrence. Le conseil français de la concurrence a ainsi rappelé qu’une situation de concurrence se caractérisait essentiellement par trois principes d’ailleurs énoncés sous une présentation voisine par la C.J.C.E.

En premier lieu, les intervenants sur le marché doivent posséder une certaine autonomie de décision[75], ce qui veut dire qu’ils ne doivent aucunement mettre en œuvre des stratégies découlant d’ententes tacites ou implicites dont l’objectif avoué serait de conclure des politiques commerciales communes ou d’imposer à d’autres intervenants de telles politiques. En deuxième lieu, ils doivent également se trouver dans l’incertitude des intentions des autres opérateurs économiques ; la marge d’incertitude incitant ainsi les opérateurs à rechercher constamment à améliorer leur propre productivité afin de ne pas encourir le risque d’être évincés par le manque de compétitivité. L’incertitude ne signifie cependant pas qu’il soit interdit aux opérateurs économiques de mobiliser leur intelligence du marché pour tenter de deviner les intentions des concurrents. Enfin, les compétiteurs ne doivent pas mettre en œuvre des stratégies d’exclusion limitant ou interdisant l’entrée sur le marché de concurrents potentiels. L’accès au marché comme d’ailleurs la possibilité d’en sortir est une condition fondamentale d’adaptation des entreprises pour qu’elles puissent au mieux faire face à leurs propres intérêts, et par voie de conséquence à l’intérêt général.

Le marché en cause[76] ne peut s’apprécier valablement que par rapport  à une situation de concurrence dite efficace ou praticable et non par rapport à une concurrence parfaite c’est-à-dire celle qui se produirait à défaut d'accord litigieux. Le législateur communautaire CEMAC a passé sous silence la notion du marché en cause et on est une fois de plus obligé de faire appel au droit européen pour mieux cerner la notion. En effet, pour établir l’existence d’une restriction de concurrence actuelle ou potentielle, il peut être nécessaire de définir le marché de référence des produits afin de déterminer si les parties à un accord ou à une pratique sont en concurrence les unes avec les autres ou avec les tiers. La définition du marché de référence est donc intimement liée à la question de l’interchangeabilité des produits concernés[77]. De plus, pour la C.J.C.E, «le jeu de la concurrence doit être entendu dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux»[78], ce qui suppose une délimitation du marché de référence ou marché pertinent afin «d'identifier et définir le périmètre à l'intérieur duquel s'exerce la concurrence entre les entreprises»[79].

La notion de marché en cause peut donc se définir comme étant le lieu de rencontre entre l'offre et la demande de produits ou de services qui sont considérés par les acheteurs comme substituables entre eux, mais non substituables aux autres biens ou services offerts. Le premier critère tient au caractère substituable de la demande, le second au caractère substituable de l'offre. Le marché doit également être défini géographiquement en fonction de l'homogénéité des conditions de concurrence[80].

Le législateur UEMOA défini cette notion de “marché en cause” comme étant «le résultat de la combinaison entre le marché de produits en cause et le marché géographique en cause»[81], le “marché de produits en cause” comprenant «tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, leurs prix et de l’usage auquel ils sont destinés»[82]. Il procède en outre à une énumération limitative des facteurs considérés comme déterminants dans l’identification du marché en cause, notamment «le degré de similitude physique entre les produits et/ou les services en question, toute différence dans l’usage final qui est fait des produits, les écarts de prix entre deux produits, le coût occasionné par le passage d’un produit à un autre s’il s’agit de deux produits potentiellement concurrents, les préférences établies ou ancrées des consommateurs pour un type ou une catégorie de produits, et les classifications de produits»[83].

Le “marché géographique en cause” correspond quant à lui «au territoire sur lequel les entreprises concernées contribuent à l’offre de produits et de services, qui présente des conditions de concurrence suffisamment homogènes et qui peut être distingué des territoires limitrophes par le fait notamment que les conditions de concurrence y sont sensiblement différentes»[84]. Comme pour le marché de produits en cause, le Règlement UEMOA fait une énumération des facteurs pouvant être considérés comme entrant dans la détermination du marché géographique en cause. Ce sont entre autre «la nature et les caractéristiques des produits et services concernés, l’existence de barrières à l’entrée, les préférences des consommateurs, les différences appréciables de parts de marché ou des écarts de prix substantiels, et les coûts de transport»[85].

Cette délimitation étant effectuée, le marché est analysé au regard du concept de contestabilité, afin d’évaluer le degré de concurrence existant. Un marché est dit contestable lorsque les conditions suivantes sont réunies : il n’existe de barrières ni à l’entrée ni à la sortie du marché, l’entrée et la sortie doivent être possible indépendamment d’un ajustement des prix par les entreprises implantées ; il faut ensuite que les entreprises aient accès à la même technologie et, enfin, il faut que la transparence soit garantie dans les conditions commerciales c’est-à-dire réelle et objective. Dans ces conditions, dans un marché contestable, la concurrence est effective même si elle est actionnée par un petit nombre d’entreprises, voire même par une seule entreprise, car les structures en place sont incitées à maintenir leurs prix proches du niveau concurrentiel, en raison de la menace des entrants potentiels. C’est dire qu’en définitive, l'appréciation de la restriction produite par l'entente se fait in concreto. Ainsi, doit être recherché l'impact réel ou potentiel de l'entente sur ce marché.

En outre, le législateur CEMAC stipule qu’est interdite «toute pratique de nature à faire obstacle au libre jeu de la concurrence (…) ou qui réduit sensiblement la concurrence»[86]. Aux termes de cette disposition, la restriction consécutive à la constitution de l’entente doit avoir pour conséquence de réduire de manière “sensible” la concurrence à l’intérieur du marché commun. C’est dire que les dispositions du Règlement CEMAC ne s’appliquent pas aux accords d’importance mineure[87] ; autrement dit aux accords dont les effets anticoncurrentiels sont insignifiants sur le jeu de la concurrence entre les entreprises participantes. Ces effets s’apprécient en tenant compte de la part des marchés des entreprises concernées par les produits en cause et également de leur chiffre d’affaire. Le juge européen considère ainsi que l’interdiction est inapplicable lorsqu’elle «n’affecte le marché que d’une manière insignifiante, compte tenu de la faible position qu’occupent les intéressés sur le marché de produits en cause»[88]. La Commission européenne, afin de promouvoir la coopération entre petites entreprises, considère en effet que les opérations d’ententes dans lesquelles les parts de marché cumulées détenues par les parties, lorsqu’elles ne sont pas supérieures à 5% pour les accords horizontaux[89] et à 10% pour les accords verticaux ne peuvent être déclarées contraires au droit communautaire[90]. En revanche, sont exclus de l’autorisation automatique les «accords dangereux en eux-mêmes pour la libre concurrence»[91].

Afin de mieux appréhender les ententes illicites, le législateur communautaire CEMAC a également tenu à établir une liste limitative de comportements susceptibles de tomber sous le coup de l’interdiction de l’article 3 du Règlement n° 1/99/UEAC-CM-639.

C - L’énumération non limitative des comportements susceptibles de constituer des ententes prohibées.

L’article 3§1 du Règlement CEMAC décrit quelques variétés d’accords dont le contenu est incompatible avec la construction d’un marché commun. Une étude approfondie du dispositif communautaire CEMAC soulève une première interrogation : est-il nécessaire pour qu’une entente soit interdite, qu’elle ait effectivement eu un effet anticoncurrentiel ? Le silence du nouveau législateur communautaire CEMAC ouvre la porte à une interprétation extensive de l’article 3 du dispositif communautaire. Ainsi, on peut considérer, à la suite de la doctrine, comme interdites quatre catégories d’ententes : «celles qui ont un objet et un effet anticoncurrentiel, celles qui ont un objet anticoncurrentiel même si elles n’ont pas d’effet, celles qui ont un effet concurrentiel quelle que soit leur objet, et enfin celles qui recèlent une potentialité d’effet anticoncurrentiel, même si cet effet ne s’est pas manifesté»[92].

Mais le législateur CEMAC, dans l’appréciation de l’atteinte à la concurrence (2), n’a pas tenu compte de cette classification alternative basée d’une part sur l’intention et d’autre part sur le résultat, mais a combiné les deux critères, et recherche uniquement si les comportements incriminés des entreprises participant à l’opération ont pour but final de restreindre la concurrence avec les tiers (1).

1°) L’appréciation extensive du contenu juridique des ententes prohibées

Le nouveau législateur CEMAC énumère plusieurs comportements susceptibles de porter atteinte au libre jeu de la concurrence, et démasque ainsi des situations prohibées pouvant consister en la fixation des prix et des conditions de vente (a), la limitation du développement technique et commercial (b), la répartition entre les participants des marchés ou sources d’approvisionnement (c), les pratiques discriminatoires (d), les contrats couplés ou ventes liées (e) et une concertation sur les conditions de soumission à des appels d’offre (f).

a) La fixation des prix et des conditions de vente.

Le Règlement CEMAC vise les accords qui consistent «à fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transactions»[93]. Une certaine vision traditionnelle veut que les prix sur les marchés ouverts résultent de l’offre et de la demande et en période de difficultés économiques, ils constituent un élément essentiel de la concurrence[94]. En pratique, la libre détermination des prix peut se trouver perturbée par une intervention directe ou indirecte des opérateurs économiques du marché considéré. Pour la doctrine, un accord relatif aux prix consiste «pour les participants à s’entendre pour que le prix de vente d’un ou de plusieurs produits ou services soit le même dans plusieurs Etats membres, les revendeurs - qu’ils soient grossistes ou détaillants - étant ensuite tenus de pratiquer ce prix vis-à-vis des acheteurs»[95]. La C.J.C.E a ainsi décidé que «la fixation d’un prix même simplement indicatif affecte le jeu de la concurrence, par le fait qu’il permet à tous les participants de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents»[96]. En effet, par ces prix, mêmes indicatifs, les opérateurs économiques peuvent être influencés et ainsi s’aligner sur l’attitude de leurs concurrents et perdre ainsi en partie leur autonomie décisionnelle.

D’autre part, le caractère indirect peut résulter de la fixation des marges ou encore de la détermination des conditions ou des délais de paiement. La notion de “conditions de transactions” susceptibles d’entraver la concurrence a été empruntée par le législateur CEMAC au droit communautaire européen. Notion relativement vague dans son essence, elle a été construite autour de l’idée selon laquelle existe, à côté de la fixation, par les entreprises participant à une entente, de prix susceptibles de dénaturer le libre jeu de la concurrence, d’autres comportements susceptibles d’entraver la concurrence et relativement aux prix sur le marché. Les autorités communautaires européennes ont ainsi progressivement précisé le sens et la portée de la notion de “conditions de transactions”, qu’elles entendent tout à tour comme pouvant prendre des formes diverses, notamment des ristournes, des rabais ou des remises[97].

A côté des prix fixés contractuellement, le dispositif communautaire prohibe également les prix dits indicatifs, fixés par une association d’entreprises, les notifications de changement de prix ou encore les accords conduisant à un refus de vente aux distributeurs qui ne respectent pas le tarif des prix. Ces clauses relatives à la fixation des prix peuvent figurer dans des accords horizontaux, ou dans des accords verticaux. Cependant, tant la Commission[98] que la Cour[99] européennes estiment que les “conditions de transactions” ne portent pas seulement sur les seuls prix, mais sur l’ensemble des conditions de vente et d’achat retenues dans les contrats passés par les opérateurs économiques. La notion a par la suite été étendue aux contrats de distribution qui reconnaissent une exclusivité territoriale de vente d’un produit, notamment de contrats conclu entre fabricants et vendeurs installés dans deux Etats membres de l’Union[100].

Comme on peut le constater, le droit positif européen a opté pour une interprétation extensive de l’article 85 (1) du traité de Rome, afin de sanctionner toute mesure susceptible, soit par la détermination, soit par des techniques de vente particulières, de dénaturer la concurrence sur le marché en cause. L’organe de surveillance de la Concurrence (O.S.C) et la Cour de justice CEMAC devront s’inspirer de ce raisonnement téléologique des institutions européennes, ce qui leur permettra de saisir l’essentiel des multiples techniques relatives aux prix le plus souvent cachées dans les contrats commerciaux et qui les rendent illicites.

Le dispositif de protection prévu dans le Règlement CEMAC consacre également l’interdiction de limiter le développement technique ou commercial.

b) La limitation du développement technique et commercial

L’article 3§1(b) vise les ententes «qui consistent à limiter ou à contrôler les débouchés, le développement technique ou les investissements». Cette disposition a pour objectif d’interdire toute pratique fondée sur une politique de réduction volontaire, par les entreprises participantes, de leur capacité de développement industriel, commercial ou financier et de leur capacité d’intervention sur le marché. De telles limitations peuvent en effet empêcher les entreprises d’intervenir sur le marché dans les conditions optimales qu’elles pourraient atteindre et dont les consommateurs pourraient légitimement bénéficier.

La Commission européenne a été pour la première fois saisie de la question de l’illicéité des pratiques anticoncurrentielles tenant au contrôle par des entreprises de la production et des débouchés lors d’une espèce mettant en cause un accord prévoyant l’interdiction pour les cocontractants de fabriquer en sous-traitance des peintures. Elle estima que toute clause limitative de l’offre de produit dans le marché en cause tombait sous le coup de l’article 85§1 CE[101]. Le champ d’application de l’interdiction de tout contrôle de la production et des débouchés fut progressivement étendu à diverses situations commerciales, dès l’instant où une pratique, un accord,  traduisait une volonté soit de limiter ou de contrôler le progrès technique, soit d’organiser une quelconque coopération entre entreprises participant à l’entente. Cependant, le droit communautaire européen tient compte de la taille des entreprises participant à l’opération pour décider si oui ou non elle entre dans le champ d’application des ententes anticoncurrentielles. Ainsi, elle distingue la coopération entre petites et moyennes entreprises qui en principe ne porte pas atteinte à la concurrence de celle mise en place par les grandes structures où le risque d’entente illicite est plus probable[102]. La volonté des pays de la CEMAC de constituer un tissu industriel viable à partir des PME et PMI existantes devrait inciter les autorités communautaires à emprunter cette voie tracée[103] par le législateur européen[104].

La restriction de la concurrence peut selon les dispositions de l’article 3§3 résulter également d’une volonté des opérateurs économiques de se répartir les marchés et les sources d’approvisionnement.

c) La répartition des marches et des sources d’approvisionnement

Les accords entre entreprises ayant pour objectif la répartition des marchés ou des sources d’approvisionnement présentent au regard des objectifs du traité CEMAC une nocivité particulière. En effet, cette forme d’accords visant à attribuer à chaque partie un hinterland commercial est particulièrement nocive au regard de l’objectif du traité d’établir un marché unique et d’éliminer toute forme de cloisonnement entre les Etats membres[105] qu’aux entreprises qui par leurs pratiques ne sauraient reconstituer lesdites barrières. Les atteintes à la concurrence  fondées sur la répartition des marchés et des sources d’approvisionnement par un certain nombre d’entreprises peuvent résulter d’une clause de découpage territorial du marché en cause ou d’une stipulation visant une répartition entre les participants par type de clientèles. Elles prennent également le plus souvent la forme d’accords horizontaux ou verticaux.

Les accords horizontaux consisteront par exemple en une répartition territoriale des marchés, les entreprises participant à l’entente s’interdisant de vendre des produits sur le secteur attribué à un des partenaires[106]. En pratique, il s’agira de pratiques consistant à concéder à chaque participant à l’opération une partie du territoire afin de réduire de manière significative la concurrence avec les autres opérateurs intervenant sur le marché en cause, et qui peuvent prendre des formes très variées, notamment l’interdiction d’exporter des produits dans les secteurs attribués à chaque participant, à moins qu’une clause contractuelle oblige l’autre ou les autres parties à verser des commissions compensatrices si une telle importation/exportation se réalisait[107].

Les accords verticaux constituent l’autre facette de l’interdiction de la répartition des marchés et des sources d’approvisionnement. Le droit positif UE a depuis plusieurs décennies, découvert divers comportements des agents économiques intervenant dans le circuit économique et commercial communautaires susceptibles de constituer des ententes verticaux illicites. C’est dans la Décision «Grundig-Constern» que le droit communautaire européen s’est pour la première fois saisi de ce type d’entente anticoncurrentielle, et a mis fin du même coup aux incertitudes concernant l’appartenance ou non des accords verticaux portant sur la répartition entre entreprises participantes des marchés à la catégorie d’ententes illicites de l’article 85 §1 (c) du traité de Rome. En l’espèce, le juge communautaire UE allait considérer que l’article 85 §1 (c) «se référant de façon générale à tous les accords qui faussent la concurrence à l’intérieur du marché commun, n’établit aucune distinction entre ces accords, selon qu’ils sont passés entre opérateurs concurrents au même stade ou entre opérateurs non concurrents situés à des stades différents, qu’on ne saurait distinguer là où le traité ne distingue pas»[108].

Les pratiques concertées peuvent également tomber sous le coup de l’article 85 §1 dès l’instant où les mesures sont de nature à affecter le commerce entre les Etats membres. De même, l’atteinte à la concurrence sur la base de la répartition des marchés ne trouve pas seulement son application dans le cadre de l’exclusivité territoriale, mais également en cas de partage du marché sans aboutir forcément à la suppression totale de la concurrence. En effet, comme l’a rappelé la CJCE[109], de tels accords sont susceptibles de faire bénéficier les participants à l’entente d’une situation favorable eu égard à leurs concurrents[110].

Comme on peut le constater, la répartition des marchés et des sources d’approvisionnement peut avoir un impact très négatif dans le libre jeu de la concurrence dans l’espace communautaire, en ce sens qu’elle favorise les entreprises participantes aux dépens de leurs concurrents et donc perturbe le fonctionnement du marché commun. C’est fort de ce constat que les autorités communautaires européennes ont au fil des années renforcé leur contrôle sur ces dernières. Le droit communautaire CEMAC devrait donc en toute logique suivre ce chemin tracé par son homologue européen. Une réaction équivalente est également attendue des autorités communautaires devant les hypothèses d’adoption par des entreprises d’attitudes et de comportements discriminatoires à l’égard des concurrents.

d) Les pratiques discriminatoires a l’égard des concurrents

Le Règlement CEMAC vise les ententes qui consistent à «appliquer à l’égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence»[111]. C’est la question des pratiques discriminatoires qui est ici posée. Le respect d’une règle du jeu économique consiste en effet à ne pas avantager ou désavantager un utilisateur ou un fournisseur comparativement aux autres. La concurrence entre acheteurs de biens ou destinataires de services qui les utilisent pour eux-mêmes ou pour les besoins d’une activité commerciale est faussée toutes les fois que certains d’entre eux se voient systématiquement imposer des prix ou d’autres conditions contractuelles moins favorables que l’ensemble ou une grande partie d’entre eux. Les ententes qui instituent ainsi de telles inégalités tombent donc sous le coup des dispositions de l’article 3§1(d) du Règlement CEMAC. A titre de droit comparé, on peut rappeler qu’une application importante de cette prohibition a été faite pour la première fois par la Commission européenne dans une décision du 29 décembre 1970. Dans cette espèce, un accord entre entreprises allemandes prévoyait l’impossibilité pour les producteurs des autres Etats membres de la Communauté européenne d’adhérer au regroupement par elles formé et incitait les acheteurs allemands à conclure des commandes à des fournisseurs nationaux et à bénéficier du même coup d’importants rabais[112]. La Commission estima contraire aux règles communautaires de la concurrence un tel accord.

Ainsi, toute les fois que les autorités communautaires de la concurrence constatent la présence de clauses discriminatoires dans une convention passée entre deux ou plusieurs entreprises, elle sanctionne le comportement dès qu’elle estime que ces clauses sont susceptibles de fausser la concurrence dans le secteur d’activité en cause. La Commission européenne a cependant opté pour une application différenciée des dispositions de l’article 85§1 (d) du traité de Rome, et applique le principe communautaire «à situations différentes traitement différent», et dans chaque situation, apprécie s’il y a lieu d’appliquer ou non le disposition communautaire. Parce que cette appréciation «au cas par cas» peut aboutir à une application non uniforme des dispositions communautaires, certains auteurs pensent qu’il serait plus utile que le droit communautaire suive la voie tracée par les législations nationales, lesquelles condamnent tous les types de discrimination entre opérateurs économiques. Cette proposition, pleine d’équité et de bon sens à nos yeux, peut être mutatis mutandis transposée au droit communautaire CEMAC.

Le droit communautaire CEMAC consacre également les pratiques commerciales tenant aux contrats couplés et aux ventes liées comme également attentatoires au libre jeu de la concurrence.

e) Les contrats couplés et les ventes liées[113]

L’article 3 §1 (e) du Règlement CEMAC vise les ententes qui consistent à subordonner la conclusion d’un contrat à l’acceptation préalable, «par les partenaires des prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats»[114]. En effet, il est contraire aux usages commerciaux de subordonner un contrat à la signature d’un autre. Lorsqu’un producteur ou distributeur subordonne la vente d’un bien nécessaire à l’utilisateur à l’acceptation de quantités sans commune mesure avec les besoins normaux de l’acquéreur ou à la vente d’un autre bien sans rapport avec le précédent, il porte atteinte à la liberté de choix de l’utilisateur. Précisons en passant que l’article 3 §1(e) du Règlement CEMAC ne condamne pas les contrats couplés imposés par une entreprise qui interviennent avec des cocontractants des parties à une entente. La pratique doit donc résulter d’une entente sui generis, c’est-à-dire qu’il doit bien y avoir une restriction à la concurrence par limitation apportée à la liberté d’action des parties ou à la liberté de choix des tiers, et cette restriction peut trouver sa source dans un accord, une décision d’association d’entreprises, ou même une pratique concertée[115].

A ces exemples traditionnels consacrés depuis par le droit communautaire européen, le législateur CEMAC a ajouté une nouvelle forme d’accord d’entente susceptible de porter atteinte à la concurrence dans l’espace communautaire, et qui tient aux conditions d’octroi des marchés publics.

f) La concertation sur les conditions de soumission a des appels d’offre.

Le Règlement CEMAC interdit aux entreprises de «se concerter sur les conditions de soumission à des appels d’offre en vue d’un partage du marché au détriment des autres concurrents»[116]. Cette disposition du règlement communautaire vise les ententes par lesquelles certaines entreprises soumissionnaires à un marché d’ordre public peut, de façon déguisée ou expresse, se répartir les marchés soumis à appel d’offre dans le territoire du marché commun. Le dispositif  de l’article 3 §1 (f) est assez proches de celui de l’alinéa c du même texte, qui interdit aux entreprises de se répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement, sauf qu’à la différence de ces dernières qui intéressent toutes les transactions économiques et commerciales opérées dans le marché commun, qu’elles soient d’origine privée ou d’essence publique, l’alinéa f porte exclusivement sur les marchés publics soumis à des appels d’offres ouverts à tous les opérateurs économiques de l’espace communautaire.

En effet, le réaménagement des dispositifs nationaux de passation et de gestion des marchés a été prescrit[117] comme faisant partie des préalables susceptibles de garantir une certaine attractivité de l’espace économique CEMAC. En effet, l’opacité qui entourait depuis des décennies l’attribution des marchés publics a fait le lit des multiples dérives dont la généralisation de phénomènes telles la corruption, le favoritisme et diverses autres pratiques discriminatoires, lesquelles ont au fil des années découragé la plupart des investisseurs installées ou potentiels, obligés de déserter les pays membres de la CEMAC pour s’installer dans des pays où leurs investissements seraient plus protégés et où ils auront de meilleures garanties d’impartialité dans l’octroi, la gestion et le contrôle des marchés publics. Outre l’urgence de la réforme des régimes nationaux de passation des marchés publics, le PRR insiste sur la consécration, par l’institution communautaire, d’un régime juridique commun devant constituer une base a minima pour les réglementations nationales. L’objectif poursuivi par les autorités communautaires CEMAC par ces nouvelles dispositions vise «la participation aussi étendue que possible des personnes physiques et morales ressortissantes de tout Etat membre de la Communauté à l’exécution des marchés publics»[118].

C’est sur la droite ligne de ces directives que le Secrétariat Exécutif de la CEMAC a inscrit la mise en place d’un régime juridique communautaire régissant les marchés publics dans l’espace communautaire dans son Programme d’action 2003-2004. Un projet de règlement communautaire sur les marchés publics a été élaboré et est en cours de discussion entre le Secrétariat Exécutif, les opérateurs économiques et les Etats membres. Ce projet fait une distinction entre les marchés publics de dimension communautaire pour lesquels les appels d’offre sont susceptibles d’être soumissionnés par toutes les entreprises installées dans le territoire de la communauté, indifféremment de son Etat de siège ou de son principal établissement, et les appels d’offre de dimension nationale, qui n’intéressent que les PME-PMI nationales. Les premiers sont soumis aux règles communautaires de la concurrence, notamment à la procédure d’appel d’offre communautaire[119] et aux principes d’égalité et de non discrimination dans l’étude des dossiers et dans la sélection des entreprises chargées de réaliser les marchés tandis que les seconds continueront à être régis par les règles nationales relatives à la concurrence. En attendant la consécration du Règlement relatif aux marchés publics, on est obligé de faire recours aux dispositions des dispositions communautaires régissant les ententes (articles 3 et 6) et les aides d’Etat (article 12) pour esquisser les contours du contenu juridique des marchés publics. En effet, selon ces dispositions, les marchés publics ne recouvrent une dimension communautaire et dès lors soumis aux règles communautaires de la concurrence seulement lorsque leur montant dépasse la limite définit par le Conseil des Ministres de l’UEAC[120].

En définitive, il serait prétentieux de considérer que les comportements énumérés par le nouveau législateur communautaire CEMAC constituent les seules attitudes pouvant enfreindre le libre jeu de la concurrence dans le territoire de la communauté, ce d’autant plus que la compétition entre opérateurs économiques se révélant toujours plus engagée, les entreprises modernes sont aujourd’hui très imaginatives dans le jeu concurrentiel, et les outils devant les aider à s’approprier une clientèle toujours plus large et diversifiée les poussent souvent à utiliser des techniques très insidieuses cachant le plus souvent des pratiques anticoncurrentielles. De ce point de vue, les autorités régionales de la concurrence ainsi que la future Cour de Justice communautaire auront à faire preuve d’une part de professionnalisme et d’autre part d’imagination pour repérer, afin de les réprimer, les plus cachées des pratiques commerciales douteuses et mettant en péril la libre concurrence dans l’espace communautaire, ce d’autant plus qu’ils auront à faire face à des pratiques aussi nombreuses que variées de comportements économiques blâmables, notamment les stratégies de cloisonnement[121] ou d’étouffement[122].

Néanmoins, et comme nous l’avons précisé plus haut, les opérations d’entente, pour être illicites, doivent porter atteinte à la concurrence.

2°) L’imputation à l’entente de l’atteinte a la concurrence

L’article 3 du Règlement CEMAC interdit les accords, les décisions ou pratiques concertées relevant du droit communautaire «qui ont pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence». C’est dire que pour être réprimée, une décision d’entente doit avoir des effets sensibles sur la concurrence dans le marché géographique en cause. Cependant, l’atteinte à la concurrence consécutive à un accord d’entente peut aussi résulter des mesures prises par un Etat membre.

L’accord conduisant à la constitution d’une entente de dimension communautaire peut être interdit même si les entreprises participantes ne sont pas animées par la volonté de faire entrave à la concurrence[123]. C’est dire qu’il n’est même pas nécessaire d’attendre que l’accord anticoncurrentiel consécutif à l’opération d’entente ait produit ses effets ni même d’établir la réalité de ces effets une fois qu’ils se sont produits si les parties ont eu l’intention de fausser le jeu de la concurrence. Cette élaboration législative de l’article 81 CE a été confirmé par le juge européen, qui affirme désormais que «la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue, dès lors qu’il apparaît qu’il a pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence»[124].

L’existence de faits restrictifs est donc en principe suffisant pour faire jouer le dispositif communautaire, dès lors qu’il est établi que le comportement incriminé a pour conséquence la restriction de la concurrence entre entreprises ; encore faut-il que ces effets soient objectivement prévisibles. Le droit positif européen admet que le jeu de la concurrence et son affectation éventuelle devront faire l’objet d’une évaluation «au cas par cas»[125]. Pour la CJCE, la nature et l’intensité de la concurrence peuvent varier en fonction de la nature des produits et services en cause, et de la structure économique des marchés sectoriels concernés[126], de même que la restriction peut porter à la fois sur celle consentie par les entreprises participant à l’entente, mais aussi par celle qui est souvent subie par les partenaires commerciaux de ces dernières. Peut-on aller plus loin et retenir l’infraction d’entente prohibée même en présence d’un effet purement éventuel ? Les législations nationales des pays membres ont très tôt admis cette possibilité. Ainsi, l’article 43 de l’ordonnance camerounaise du 17 octobre 1972 a expressément visé les pratiques «pouvant avoir pour effet (…)» d’entraver la concurrence. Le droit positif européen a aussi récemment admis qu’un effet seulement potentiel sur la concurrence suffisait à conduire le juge communautaire à appliquer les dispositions de l’article 81 du traité CE[127].

De même, il doit exister un certain lien de causalité entre l’entente et ses effets. En droit communautaire européen, l’évaluation de l’effet de l’entente repose sur la prise en compte du contexte juridique et économique de l’affaire en cause ; raison pour laquelle les effets restrictifs des opérations d’entente sont examinés par rapport au marché en cause et par rapport au caractère sensible de l’atteinte[128]. Pour ce qui est du marché en cause, la localisation de l’entente se fait conformément au principe de territorialité, et toutes les ententes ayant pour effet ou pour objet de restreindre la concurrence à l’intérieur  du marché commun sont interdites. C’est dire aussi que les pratiques illicites dont les effets sont contenus hors des frontières du marché commun ne sont pas opposables au droit communautaire de la concurrence, à moins que les effets de ces pratiques anticoncurrentielles soient ressentis sur le territoire de la communauté. Cependant, le droit européen de la concurrence, en application du principe de droit international “jurisdiction to prescribe”[129], considère que le droit communautaire peut s’appliquer aux ententes décidées en dehors de la communauté, mais ayant des effets anticoncurrentiels à l’intérieur de celle-ci[130].

Ensuite, les effets de toute opération d’entente sur la concurrence doivent être sensibles. Pour mesurer cette sensibilité, les autorités européennes de la concurrence se fondent traditionnellement sur des éléments objectifs, de droit ou de fait, qui leur permettent d’envisager, selon la terminologie de la C.J.C.E[131] «avec un degré de probabilité suffisant» que le comportement incriminé exerce une influence directe ou indirecte, actuelle ou seulement potentielle sur le courant d’échange entre les Etats membres. Après avoir décidé dès 1970 que les accords d’importance mineure étaient exclus du champ d’application de l’interdiction édictée par le traité de Rome, la Commission allait plus tard modifier cette énonciation, et faire désormais des parts de marché détenues par les entreprises participant à l’entente le seul critère entrant dans l’estimation de la sensibilité des opérations anticoncurrentielles en cause dans une opération d’entente[132]. La Commission est même allée plus loin, en considérant que même lorsque cette condition de seuil était remplie, certains effets anticoncurrentiels n’échappaient pas à l’application des dispositions communautaires pertinentes, notamment dans les hypothèses d’accord horizontal ou d’accord vertical.

Enfin, reste la question de l’incidence des mesures prises par les Etats membres. En effet, à la différence de certains droits nationaux de la concurrence, l’article 3 du Règlement CEMAC ne traite pas des ententes qui trouvent leur origine dans un texte ou une pratique administrative nationale. Dans une affaire qui lui avait été soumise et relative à cette question, la C.J.C.E a admis que n’était pas répréhensible une concertation entre entreprises qui serait la conséquence d’une mesure  étatique. Dans cette espèce, la cour s’est surtout attelée à montrer que pour savoir si une restriction de concurrence pouvait être imputée à des parties à une coopération, il fallait rechercher si la réglementation et son exécution ne limitaient pas déjà la liberté des parties et des tiers. Cependant, l’exonération des entreprises ne peut être totale que si la réglementation et son exécution ne laisse aucune place significative à l’initiative des agents économiques.

Les autorités communautaires européennes ont eu l’occasion notamment d’apprécier l’incidence de la réglementation fiscale belge en matière de droit d’accises sur les produits manufacturés du tabac, et des mesures belges de prix des membres de la Confédération belgo-luxembourgeoise des Industries du Tabac. En effet, la réglementation établie par cette organisation professionnelle tendait à définir de manière uniforme les marges octroyées par les fabricants ou importateurs aux grossistes. Après examen des textes et pratiques administratives belges, la C.J.C.E allait déduire qu’ils avaient pour effet de rendre quasi inexistante la concurrence entre les fabricants et les importateurs dont l’effet se répercuterait sur les prix de vente au détail. Mais qu’en revanche, le droit belge n’interdisait nullement aux fabricants et importateurs d’accorder à certains grossistes des marges plus importantes. Face aux tentations des autres Etats membres de suivre l’exemple belge et de faire désormais systématiquement recours à cette exception comme artifice leur permettant de contourner la législation communautaire, le juge européen a dû  depuis 1985 rectifier le tir, et affirmer avec force «qu’il était interdit aux Etats membres d’imposer ou même de favoriser la conclusion d’ententes contraires à l’article 85 CE ou de renforcer ses effets»[133]. Ainsi, les entreprises ne sauraient plus prétendre que leur concertation est la résultante d’une invitation de l’Etat ou d’une obligation que ce dernier leur impose, ou encore que les restrictions de concurrence qui en résultent sont imputables à l’action étatique.

Ainsi se présente donc le principe de prohibition des ententes de dimension communautaire consacré par les dispositions du Règlement CEMAC. Cependant, parce qu’elles ne revêtent pas un caractère absolu, les règles organisant les opérations d’entente en Afrique Centrale admettent quelques dérogations fortement encadrées.

II - L’aménagement justifiée de dérogations a l’interdiction des ententes

En vertu des dispositions du nouveau Règlement CEMAC, «(…) certains accords peuvent être exemptés de l’interdiction (…)»[134]. Il s’agit d’opérations d’entente qui, relevant du droit communautaire, tombent sous le coup de la prohibition du paragraphe 1er mais qui peuvent bénéficier d’une dérogation individuelle ou par catégorie, ainsi qu’aux sanctions qui s’y attachent, parce qu’elles produisent des effets jugés favorables sans pour autant  restreindre ou faire obstacle à la concurrence, au-delà des limites considérées comme admissibles. Ceci dit, le contenu juridique des exemptions au principe d’interdiction des ententes mérite d’être précisé (A). De plus, le droit communautaire opère une double classification des dérogations de l’article 3 §2 du Règlement, en distinguant les dérogations individuelles des dérogations catégorielles (B).

A - Contenu des conditions d’exemption individuelle

L’interdiction des ententes ne saurait constituer un principe absolu, au risque de méconnaître les nécessités et les exigences du développement et de la réussite du marché commun et de ses entreprises, confrontées à toutes les difficultés et à toute la mouvance de la technique ainsi qu’à la concurrence internationale, particulièrement vive de la part des entreprises occidentales. C’est fort de toutes ces considérations que le nouveau législateur CEMAC, s’inspirant une fois de plus de son homologue européen, a pris en compte la possibilité pour les entreprises de la sous région d’échapper, sous certaines conditions, au principe d’interdiction des ententes. Apparaissant comme une “règle de raison”[135], la possibilité d’exemption stipulée par le Règlement CEMAC vient nuancer l’interdiction de principe consacrée par le même texte.

Le législateur CEMAC procède à une distinction entre les conditions positives (1) et les conditions négatives (2) que doivent réunir certains comportements d’entreprises pour bénéficier des exemptions de l’article 3 du dispositif communautaire.

1°) Les conditions positives de l’article 3§2

Ces conditions positives consistent entre autre en l'amélioration de la production ou de la distribution des produits ou à  promouvoir le progrès technique ou économique (a) et la garantie d’une partie équitable du profit qui en résulte aux utilisateurs (b).

a) L’amélioration de l’efficience économique

L’altération de la concurrence produite par une entente n’empêche pas qu’elle puisse être un moyen d’organisation de l’activité économique susceptible d’avoir des effets techniques ou économiques favorables. Ainsi en est-il notamment de l’amélioration de la productivité par la spécialisation ou de la concentration des investissements que celle-ci permet, de la possibilité pour les petites et moyennes entreprises de pénétrer sur de nouveaux marchés et ainsi d’élargir la gamme de produits proposés aux utilisateurs. Cette première condition exige une démarche positive des opérateurs économiques pour obtenir l’exemption et constitue en outre l’élément principal de l’acceptation de la dérogation. Cependant, le contenu juridique de la notion d’amélioration de l’efficience économique paraît assez flou, et peut soulever des problèmes d’interprétation ceci d’autant plus qu’il est assez difficile d’établir des critères pouvant rendre objectivement compte des effets positifs d’opérations d’ententes normalement interdites sur une évolution positive de la production économique ou technique.

C’est pourquoi dès l’origine du marché commun européen par exemple, la C.J.C.E a précisé que l’amélioration de l’efficience économique «ne saurait être identifiée à tous les avantages que les partenaires retirent de l’accord quant à leur activité de production ou de distribution, avantages généralement incontestables (…)» car «une telle méthode subjective, qui fait dépendre le contenu de la notion d’amélioration des particularités des rapports contractuels en cause, ne correspondait pas aux fins [de la législation communautaire régissant les ententes]»[136]. Ainsi, selon le juge européen, l’amélioration doit présenter «des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients en résultant sur le plan de la concurrence», de même qu’il ne suffit pas que l’entente procure des avantages objectifs, tant il importe que les améliorations soient «suffisantes pour contrebalancer les effets restrictifs de concurrence que l’entente provoquerait»[137].

Afin de mesurer exactement les conséquences économiques ou techniques de l’entente, la Commission européenne a opté pour une appréciation objective, au cas par cas, suivant la théorie dite «du bilan», sur la base d’un double élément, dont le premier consiste à apprécier la situation qui existe ou existerait sans les accords restrictifs de concurrence[138]. Elle allait sur cette base estimer qu’une amélioration de la distribution ne saurait aboutir à une exemption lorsqu’elle résulte de l’organisation du marché et non pas de l’entente en cause[139]. Condition assez redondante dans sa formulation, l’exigence de la promotion du progrès économique couvre essentiellement, selon le droit positif européen, les accords de spécialisation[140], les accords de coopération en matière de recherche /développement[141] et des accords de licence de brevets[142].

Selon la C.J.C.E, l’amélioration doit présenter «des avantages objectifs sensibles de nature à compenser les inconvénients qui en résulteraient sur le plan de la concurrence». C’est ainsi que dans une décision du 02 janvier 1990[143], la Commission européenne a ainsi reconnu les effets favorables d’un accord par lequel deux entreprises spécialisées dans la technologie des télécommunications décidaient de coordonner leurs efforts de recherche et de développement dans le domaine des équipements électroniques des systèmes de communication en utilisant les satellites ou les engins spéciaux, de promouvoir l’exploitation commune des résultats et pour partie de les commercialiser ensemble[144]. On trouve dans cette décision les raisons classiques d’une appréciation positive des accords de recherche des économies qu’ils permettent, la rationalisation de la production et la continuité de l’investissement qu’ils rendent possible, l’amélioration de la qualité des équipements qu’ils annoncent.

Le Règlement CEMAC n’autorise pas de façon automatique ces dérogations[145], même si elles entraînent une amélioration sensible du secteur d’activité concerné, mais subordonne l’exemption de ces accords à la double condition qu’elle apporte une contribution effective au développement économique, qu’elle soit indispensable à la réalisation de l’efficience économique, et qu’elle apporte enfin un profit certain aux consommateurs et aux utilisateurs[146]. En définitive, l’amélioration de l’efficience économique doit s’entendre amélioration de la production ou de la distribution, laquelle s’appréciera de manière objective, et dont les effets devront être sensibles, ou du moins suffisants «pour contrebalancer les effets restrictifs de la concurrence que l’entente provoquerait»[147].

b) Une partie équitable du profit doit être réservée aux utilisateurs

Pour que l’entente puisse bénéficier de la dérogation de l’article 3§2 du Règlement CEMAC, ses effets techniques ou économiques favorables ne doivent pas uniquement profiter aux entreprises participantes. Une partie équitable de ce profit doit être réservée aux utilisateurs et aux consommateurs. Mais que recouvrent ces notions d’utilisateurs et de profit équitable ? Pour ce qui est du premier, la doctrine communautaire européenne, tout en relevant la confusion qu’opère la Commission entre les concepts d’utilisateurs et de consommateurs, fait une interprétation extrêmement large du vocable, en estimant qu’on peut considérer l’utilisateur[148] «comme le partenaire commercial des opérateurs économiques qui participent à l’entente»[149], et précise en passant qu’il n’est pas utile que le lien entre les deux soit direct, dans la mesure où la Commission s’est parfois intéressée non seulement aux avantages obtenus par le revendeur mais également par le consommateur final.

Deuxièmement, l’identification de l’utilisateur ne résolvant pas toutes les difficultés inhérentes à cette condition essentielle, le droit positif européen a apporté quelques précisions au contenu juridique de la notion de profit équitable. Il est intéressant de relever que, dans l’esprit de la Commission européenne, le concept de partie équitable du profit se réfère davantage en pratique à l’existence de prix favorables pour les utilisateurs plutôt qu’à l’amélioration des services qui leur sont fournis et à tout autre avantage présentant un caractère moins concret[150]. Le profit revêt ainsi un caractère financier, tant l’amélioration de la production ou de la distribution des produits reste intimement liée aux bénéfices que peuvent en tirer les consommateurs, et la Commission européenne de considérer que «les utilisateurs sont réputés tirer directement profit des mesures d’amélioration de l’approvisionnement (…)»[151]. Ainsi, une partie du profit est réservée aux utilisateurs lorsqu’ils bénéficient de conditions avantageuses, ou qu’ils peuvent se procurer plus facilement le produit, ou bénéficier d’un choix plus large[152].

La notion de profit admet également une approche plus large et intègre aussi certains avantages non monétaires. Il peut ainsi s’agir de l’amélioration de la qualité du produit ou service proposé[153], de la prise en compte par les producteurs de l’impact environnemental[154] de ses conditions de mise à disposition de l’utilisateur, de l’accès aux produits et services nouveaux[155], ou encore d’une plus grande sécurité d’approvisionnement dans un contexte de pénurie[156].

2°) Les conditions négatives de l’article 3 (2).

Celles-ci consistent d’une part en l’interdiction faite aux entreprises participant à une opération d’entente d’imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les effets favorables de l’entente (a), et ceci sans donner à des entreprises la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause (b).

a) L’absence de restriction non indispensable pour atteindre les effets favorables de l’entente

Dans la conception du Règlement CEMAC, l’interdiction des atteintes à la concurrence est le principe ; s’il y est dérogé en raison des effets favorables de certaines ententes, c’est strictement dans la mesure où ces effets ne pourraient être obtenus sans les atteintes à la concurrence convenues entre les participants. Cette condition signifie que l’altération de la concurrence doit être strictement limitée à la mesure qui est nécessaire pour réaliser les deux conditions positives sus énumérées. Par conséquent, toute voie moins restrictive que celle choisie par les entreprises doit leur être imposée. L’absence de restriction exige que les restrictions imposées aux entreprises ne dépassent pas ce qui est indispensable pour satisfaire la première condition sus énumérée. 

C’est donc non seulement un lien de causalité qui est exigé, mais aussi une restriction du jeu de la concurrence. Cette mise en évidence du principe de proportionnalité s’explique, selon le droit communautaire UE, par le fait que l’entrave consécutive à l’opération d’entente doit être proportionnée à l’objectif de progrès économique et technique recherché et au bénéfice qu’elle apporte aux utilisateurs ou aux consommateurs[157]. Le but du contrôle est donc d’étudier si d’autres voies moins restrictives de la concurrence n’apparaissent pas comme mieux adaptées, pour atteindre le même objectif, et la justification du caractère indispensable ou non de la restriction passe par la «technique de l’élimination», qui consiste à considérer qu’aucune des clauses restrictives ne pourraient être remise en cause «sans que le but poursuivi ne soit compromis»[158].

En définitive, comme en droit européen, l’application du dispositif communautaire pertinent permettra de considérer dans la zone CEMAC qu’aucun élément substantiel de la concurrence ne doit être éliminé ; C’est ainsi que l’exemption ne sera pas accordée si elle visait les accords ayant pour objet de fermer un marché aux potentiels concurrents[159].

b) L’absence d’élimination de la concurrence

Comme énoncé par le dispositif communautaire, le comportement visé par la dérogation ne doit pas éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause[160]. Cette condition permet, par exemple, de refuser l’exemption lorsque la part de marché détenue par les entreprises concernées est importante ou lorsqu’une entreprise est déjà en situation de monopole. En effet, des produits comparables à ceux concernés par l’entente doivent pouvoir être fabriqués par des entreprises tierces[161].

Le droit européen prend en considération ici les produits de substitution ou importés, c’est-à-dire des produits différents des ceux examinés mais qui peuvent répondre aux mêmes besoins à des prix égaux ou inférieurs. En pratique, lorsque le Conseil Régional de la Concurrence (C.R.C) aura constaté que la position occupée par les parties sur le marché est déjà très importante, il devra se résoudre à refuser, comme le fait depuis la Commission européenne[162], l’exemption sollicitée. Il arrivera cependant également que le Conseil régional de la concurrence CEMAC se fonde sur le caractère spécifique du marché en cause pour accorder l’exemption en l’absence même de toute concurrence effective. Pour cela, il lui appartiendra de justifier sa position, en considérant à la suite de la jurisprudence européenne que sa décision est motivée par le fait que les intéressés avaient probablement la certitude de devenir des concurrents. En effet, cette interprétation tout à fait extensive tient au fait que la Commission européenne tend à tenir compte non seulement de la concurrence actuelle mais également de la concurrence potentielle[163], et considère que la notion recouvre  la concurrence que l’on peut prévoir à l’avenir du fait de la croissance du commerce entre les Etats membres.

Tout compte fait, les exemptions visées par le dispositif communautaire peuvent bénéficier tant aux opérateurs économiques individuellement pris ou, comme on va le voir, à des catégories nommées d’acteurs économiques, suivant des modalités bien précises. On remarque à l’analyse du dispositif CEMAC que la nature de l’accord et la position des parties sur le marché sont généralement les facteurs les plus déterminants pour juger si un accord peut bénéficier ou non de l’exemption. On peut seulement déplorer que le Règlement CEMAC n’ait pas suivi jusqu’au bout l’esprit du droit communautaire européen, en allégeant la procédure d’exemption notamment en faisant du Conseil régional de la concurrence, organe plus armé techniquement et administrativement moins lourde que le Conseil des ministres UEAC, seul compétent en matière d’octroi des exemptions. Pourtant, la procédure d’exemption est différente selon qu’il s’agit d’une dérogation individuelle ou collective.

B - Des modalités d’octroi de la dérogation catégorielle

Aux termes de l’article 6§2 du Règlement CEMAC, le dispositif d’interdiction communautaire peut être déclaré inapplicable non seulement aux ententes individuellement considérées, mais également à des catégories d’accords, d’association d’entreprises ou de pratiques concertées. Les dérogations catégorielles trouvent leur genèse dans le droit communautaire européen[164], et le législateur CEMAC s’en est fortement inspiré[165]. Face aux difficultés rencontrées du fait des multiples demandes individuelles d’exemption des opérateurs économiques, qui on connu une inflation exponentielle et entraîné au blocage du travail des autorités de la concurrence, la Commission, habilité par le Conseil sur la base de l’article 87 CE, a préféré utiliser la technique d’exemption catégorielle. Son avantage principal est de mettre en place un dispositif juridique destiné à régir les demandes d’exemption futures, quelqu’en soit la nature, d’exposer les différentes caractéristiques juridiques qu’une opération d’entente doit renfermer pour pouvoir bénéficier de l’exemption. Elle permet enfin de faciliter la tâche des opérateurs économiques dans l’identification des comportements susceptibles de faire partie des hypothèses d’exemption prévues par le dispositif communautaire.

Grâce à cette technique, la Commission européenne a adopté des règlements d’exemption en matière de livraison et de vente commerciale[166], de distribution exclusive et d’achat exclusif[167], de franchise de distribution et de service[168], de spécialisation[169], de licence de brevets et savoir-faire[170] et de recherche/développement[171]. Les transports[172] et les assurances[173] sont les derniers secteurs ayant bénéficié de la mesure d’exemption catégorielle.

En droit communautaire CEMAC, c’est le conseil des ministres qui sera compétent pour prendre des règlements d’exemption par catégorie. Ainsi, il déterminera de manière générale les types d’accords susceptibles de bénéficier de l’exemption catégorielle et laissera au Conseil Régional de la Concurrence le soin de définir, pour chacun de ces types, les conditions précises de sa mise en œuvre. De la même façon, il lui appartiendra de définir, dans les meilleurs délais et en attendant la mise en place effective des juridictions communautaires compétentes, le cadre et le contenu juridique de l’autre interdiction constituée par les comportements de certains acteurs économiques tendant en la mise en place de moyens destinées à exercer une domination abusive sur le marché commun.

CONCLUSION

Comme on peut le constater, l’encadrement communautaire des opérations d’entente n’en est qu’à ses balbutiements en Afrique centrale. La consécration législative récente du cadre communautaire régissant les ententes, bien qu’elle se soit fortement inspirée du droit positif européen, n’entrera véritablement en application qu’après de nécessaires préalables. En effet, la juridicisation du secteur de la concurrence, bien qu’elle ait pris enfin son envol, ne pourra avoir un réel impact sur la construction communautaire qu’à la double condition, d’une part, de l’adaptation des législations nationales de tous les Etats membres aux principes consacrés par le droit communautaire, et d’autre part, à la juridictionnalisation de ces nouvelles règles tant au niveau national qu’au niveau communautaire.

A côté de ces tentatives d’encadrement des opérations d’entente de dimension communautaires, le législateur CEMAC fait du contrôle de la domination des marchés à l’intérieur de l’espace communautaire un de ses principaux chevaux de bataille, en raison des conséquences néfastes que peuvent également jouer ces pratiques dans le marché commun.

 

[1]Et pourtant, l’idée d’un commerce libre, fondé sur une concurrence loyale entre les partenaires, figurait déjà dans le Traité fondateur de l’UDEAC, en son article 28 alinéa 5 qui appelait à «la recherche des moyens susceptibles d’aboutir à l’abandon progressif entre les Etats membres des pratiques commerciales restrictives».

[2]Cf.  SOUTY (François), Le droit de la concurrence de l’Union européenne, Montchrestien, 2ème Ed, Col. Clefs Politique, Paris, Mars 1999, p. 13. Certes, comme l’affirment certains auteurs, la concurrence peut avoir des effets redoutables que nul ne peut nier. En effet, «la compétition économique - affirme M. PIROVANO - c’est aussi du gaspillage, la protection des biens inutiles, une publicité anesthésiante, les licenciements consécutifs à la disparition d’entreprises victimes de la bataille concurrentielle et, parfois, la crise» - Cf. PIROVANO (A), Progrès économique ou progrès social ? D.S 1965, Chronique, p.43 – L’article 3 (g) du Traité instituant la Communauté européenne a ainsi fixé comme un de ses objectifs principaux de garantir «un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur».

[3]Malgré tout, elle incarnerait dans la vie économique à la fois «le principe de la liberté démocratique» si cher aux penseurs modernes (J. VANDAMME et M. GUERRIN – La réglementation de la concurrence dans la CEE, PUF 1974, p. 31), «une morale économique et sociale, véritable règle d’hygiène dont le respect conditionne la bonne santé du corps social» (CARTELL & COSSE in La concurrence capitaliste, Ed. Seuil, 1973, p. 19) et, enfin, dans les sociétés libérales décentralisées, «le mode de régulation qui permet d’offrir à la collectivité le bien-être maximum» (JENNY et A.P WABER – L’entreprise et les politiques de concurrence d’organisation, Paris, 1976, p. 16).

[4]C’est notamment ce que pensait déjà le Rapport SPAAK ayant précédé le Traité de Rome, lequel précisait que «des règles de concurrence qui s’imposent aux entreprises sont (…) nécessaires pour éviter que des doubles prix aient le même effet que les droits de douane, qu’un dumping mette en danger des productions économiques saines, que la répartition des marchés se substitue à leur cloisonnement».

[5]Comme le rappelle avec insistance certains auteurs, «il n’est guère douteux qu’une liberté contractuelle illimitée favorise, à la longue, la constitution sur le plan commercial et industriel d’ententes et de positions dominantes dont l’un des buts pourrait être de pallier les inconvénients d’une concurrence trop vive. Elle aboutira à la naissance de cartels, relativement peu importants, entre entreprises marginales s’efforçant de cette façon de survivre, qu’à la formation de groupements puissants, capables d’éliminer toute concurrence. La répercussion de pareilles pratiques sur la liberté de commerce et la liberté de concurrence est évidente». Cf. VAN DAMME (Jacques), La mise en œuvre des articles 85 et 86du traité de Rome, Cahiers de droit européen n°1966-2, p. 35.

[6]Ainsi, dès l’origine de l’intégration européenne, le fonctionnement équilibré du marché nécessitait la mise en place de règles visant à influer sur les agissements des entreprises.

[7]Et pourtant, le droit de la concurrence a été depuis reconnu comme le meilleur outil de garantie du bon fonctionnement de la concurrence sur les marchés, à l’exclusion cependant du droit antidumping qui dans le cadre du GATT, a très tôt permis aux économies d’inspiration libérale de sanctionner les actes de concurrence déloyale et non les pratiques anticoncurrentielles stricto sensu. Pour plus de précisions, voir SOUTY (François), ibid., p. 29 et s.

[8]En effet, les différents pays de la sous région ont chacun choisi des voies de développement différentes et originales, certains optant pour un système d’économie mixte, alliant à la fois les règles du capitalisme libéral et certains principes dirigistes. Ainsi, au Cameroun ou encore au Gabon, pays dans lesquels la libre entreprise et la propriété privée ont pendant longtemps coexisté avec un certain dirigisme étatique notamment dans certains secteurs économiques (avec les politiques de nationalisation et de monopole) et différents plans quinquennaux de développement économique. D’autres pays, à l’instar de la République du Congo, ont officiellement choisi la voie du système socialiste, tout en admettant dans la pratique la survivance de la propriété privée, contenue cependant autour des besoins essentiels de l’homme, l’Etat pratiquant un certain dirigisme économique.

[9]Notamment Ordonnance camerounaise n°72-18 du 17 octobre 1972 portant régime général des prix, telle que modifiée par les lois n°79/11 du 30 juin 1979 et n°89/11 du 21 juillet 1981, loi centrafricaine du n°60/193 du 23 janvier 1961, etc…

[10]Cf. MODIKOKO BEBEY (Henri), Le régime des investissements privés au Cameroun, Thèse de doctorat en Droit, Université de Paris I, 1989, p. 42 et s. et MYAMA (Jean Marie), La liberté du commerce dans le cadre de la loi camerounaise du 10 août 1990, Revue Juridique Africaine 1991/2-3, p. 51.

[11]En effet, au Cameroun, au Gabon et en République Centrafricaine ont été respectivement créés un Conseil, une Commission et un Comité national de la concurrence. Le Conseil camerounais ne détient qu’un pouvoir consultatif. Après instruction des infractions qui lui sont soumises, il remet un rapport à l’autorité de tutelle, le ministre chargé du commerce en l’occurrence (articles 21 et 22 de la loi n° 98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence en République du Cameroun). Il convient de noter que cette absence de pouvoir de décision est cependant atténuée dan un nouveau projet de loi qui crée une Commission nationale de la concurrence chargée de rechercher, de constater, de poursuivre et de réprimer les pratiques anticoncurrentielles. Cet organe reste néanmoins sous la tutelle du ministère du commerce. Par ailleurs, et comme le note une étude de la CNUCED, «compte tenu de l’inactivité du Conseil, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles au Cameroun reste focalisé sur la surveillance des prix et des services qui sont homologués. De même, le contrôle de la qualité de ces produits est effectué par des agents assermentés de la Direction nationale des prix et des services provinciaux qui lui sont rattachés» - Cf. KENFACK (Yves), Réglementation communautaire de la concurrence et renforcement du processus d’intégration économique en Afrique Centrale», Etude pour la CNUCED, New York et Genève, février 2000, p. 12­. Au Gabon, la Commission de la concurrence dispose d’un pouvoir de décision (articles 42 et 43 de la loi n°014/98 du 23 juillet 1998 fixant le régime de la concurrence en République gabonaise), mais reste néanmoins soumise à la tutelle des ministères de l’économie et du commerce qui en assurent la présidence et la vice-présidence. Concrètement, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles au sein de l’économie gabonaise est effectué par les fonctionnaires assermentés de la Direction des prix du Ministère de l’économie et des finances, et par les officiers de police judiciaire. Les procès verbaux issus de leurs travaux sont transmis à l’administration centrale qui rend ensuite une décision. Enfin, le Comité centrafricain de la concurrence est un simple organe consultatif  qui donne son avis au ministre chargé du commerce (articles 18 et 19 de la loi n°92/002 portant libéralisation des prix et réglementation de la concurrence en République centrafricaine). A l’image des organes précédents, il n’est pas opérationnel, et le contrôle des pratiques anticoncurrentielles des entreprises est effectué par l’administration centrale chargée du contrôle des prix et de la qualité, contrôle qui reste limité à quelques biens et services dont les prix sont homologués. La situation est encore moins reluisante en République du Congo ou la constatation, le contrôle et la répression des infractions à la concurrence ressortent toujours du domaine de compétence exclusif des autorités administratives. En effet, d’après les dispositions des articles 20 et suivantes de la loi n°6-94 du 1er juin 1994 portant réglementation des prix, des normes commerciales, constatation et répression des fraudes, «les pouvoirs de constatation et de répression des fraudes et autres infractions à la concurrence sont reconnus aux fonctionnaires et agents de l’Etat assermentés dans l’exercice de leur profession et spécialement habiletés par Arrêté du Ministre du Commerce».

[12]En effet, tous les pays membres de la CEMAC, acculés par l’environnement international, n’ont pas eu d’autres choix que de proclamer officiellement leur  adhésion aux règles du libéralisme économique. C’est dans ce sens que la loi camerounaise n°2002/004 du 19 avril 2002 relative à la charte des investissements réaffirme l’adhésion du pays aux règles fondamentales de l’économie libérale, et assigne à l’Etat un rôle d’arbitre des relations sociales et économiques. L’article 8 de ce texte dispose à cet effet que «dans le cadre de ses missions fondamentales, l’Etat administre la nation, garantit le droit à la justice et à la sécurité aux personnes et aux biens». Il édicte, poursuit le même texte, «la législation et la réglementation, assure la supervision, la facilitation et la régulation des activités économiques et sociales, le développement des infrastructures de base et d’information, la formation, la sécurité, ainsi que la suppléance aux carences des marchés».

[13]Loi n°90/031 du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun remplacée (pour ce qui est de ses dispositions relatives à la concurrence) par la loi n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence en République du Cameroun ; Loi n°92/002 du 26 mai 1992 portant libéralisation des prix et réglementation de la concurrence en République centrafricaine, loi n°6/94 du 1er juin 1994 portant réglementation des prix, des normes commerciales, constatation et répression des fraudes en République du Congo, loi n°014/98 du 23 juillet 1998 fixant le régime de la concurrence en République gabonaise ainsi que ces décrets d’application du 05 juillet 1994. En Guinée Equatoriale et au Tchad, les dispositifs nationaux de la concurrence sont encore en cours d’élaboration.

[14]Ce d’autant plus qu’aucune des dispositions nationales citées n’a appréhendé la concurrence transfrontalière, pourtant assez importante au regard des flux commerciaux transfrontaliers, officiels et informels, existant entre les Etats membres. Cependant, il faut relever que les nouvelles législations nationales sur la concurrence en Zone CEMAC ont tenu compte des évolutions récentes tant sur le plan communautaire qu’international, et affirment tacitement l’obligation de respect de ces dernières par les ordres juridiques internes. Aussi en est-il de des dispositions de l’article 2 al. 2 de la loi camerounaise n° 98/013 qui précisent que la législation nationale est applicable aux effets anticoncurrentiels causés par les entreprises dans le territoire national, «sous réserve des accords et traités liant le Cameroun (…)».

[15]En effet, le droit communautaire de la concurrence a pour objectif spécifique de dépasser les lois antitrust étatiques pour s’appliquer directement aux agissements des acteurs économiques sur des marchés étatiques se décloisonnant progressivement pour se transformer à terme en un marché unique.

[16]Article 13§3 de la Convention régissant l’UEAC.

[17]Règlement n°1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles entre les Etats de la CEMAC.

[18]Règlement n°4/99/UEAC-CM-639 du 18 août 1999 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres de la CEMAC.

[19]Elle notamment pour objectif de s’assurer que les avantages découlant de la suppression du TPG qui alourdissait le coût des échanges commerciaux entre les pays membres, ne soient érodés par les pratiques anticoncurrentielles d’entreprises dans le cadre du redéploiement de leurs activités à l’échelle communautaire.

[20]En effet, dans cette œuvre pionnière, l’économie générale de la nouvelle législation communautaire de la concurrence laisse transparaître, comme l’a récemment constaté un auteur, «une forte influence européenne» (Cf. PRISO-ESSAWE Samuel Jacques, L’émergence d’un droit communautaire africain de la concurrence, Inédit, p. 5), parenté qui n’est en soit pas surprenante, puisque les institutions de la CEMAC ont été largement inspirées, comme on l’a vu, de la structure constitutionnelle de la Communauté européenne.

[21]Voir dans ce sens ISSA SAYEGH, L’intégration juridique dans la Zone Franc, Revue Penant n°.., pp.

[22]Cf. ICARD (Philippe), Droit matériel et politiques communautaires, p. 369

[23]Les dispositions du Règlement CEMAC apparaissent ainsi comme une pâle copie, à quelques mots près, du dispositif européen relatif aux ententes. En effet, l’Article 81§1 du traité CE pose le principe de l’incompatibilité, avec le marché commun, de «tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprise et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (…)». L’article 3 du Traité UEMOA quant à lui reprend expressis verbis, comme le législateur CEMAC le dispositif UE : «Sont incompatibles avec le marché commun et interdits, tous accords entre entreprises (…)».

[24]Tout comme les dispositions pertinentes du Traité de Rome (article 81§1) et du Règlement UEMOA (article 3).

[25]C.J.C.E, aff. n° 48, 49, 51 à 57/69, I.C.I et c/Comm., 14 juillet 1972, Rec., p. 619.

[26]Article 1er §3 du Règlement n°1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999.

[27]L’originalité tient au fait que le législateur CEMAC a tenu à définir la notion, contrairement au x dispositions de l’article 85 C.E qui n’apporte aucune définition de l’entreprise. Plus récemment, le législateur UEMOA est allé plus loin dans la définition du concept. En effet, il reprend la définition classique apportée par le droit positif européen, et va plus loin dans la précision juridique. Ainsi, elle considère l’entreprise comme «une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels, exerçant une activité économique, à titre onéreux, de manière durable, indépendamment de son statut juridique, public ou privé, et de son mode de financement, et jouissant d’une autonomie de décision» - Note n° 1 de l’Annexe n° 1 au Règlement n° 03/2002/CM/UEMOA relative aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’UEMOA. Comme on le voit, l’approche est plus précise, notamment à travers l’inclusion des notions d’organisation unitaire et d’autonomie de décision.

[28]C.J.C.E, aff. n°19/61, Mannesmann AG c/. Haute Autorité, 13 juillet 1961, Rec., p. 675.

[29]C.J.C.E, Aff. n°170/83, Hydrotherm Gerätebau, 12 juillet 1983, Rec., p. 2999.

[30]C’est ainsi que la Fédération Internationale de Football (FIFA) s’est ainsi vu reconnaître le statut d’entreprise dans la mesure ou elle passait des contrats publicitaires visant à l’exploitation commerciale de la Coupe du monde (Décision du 27 octobre 1992,                 J.O.U.E, LS. 326, 12. 11. 1992, p. 31.

[31]C.J.C.E, Aff. n°30/87, Bodson, 04 mai 1988, Rec., p. 2479 : «la forme d’un établissement n’est pas un critère d’entreprise. Cette dernière entité ne se confond pas avec celle de la personne juridique».

[32]Dans l’espèce Walrave (C.J.C.E, Aff. n°36/74, 12 décembre 1974, Rec., p. 1405, le juge européen a considéré que même les personnes physiques pouvaient être considérées comme une entreprise.

[33]C.J.C.E, Aff. n°196/87, Udo Steymann, 05 octobre 1988, Rec., p. 2318.

[34]Pour une position plus nuancée, cf. ASSIS de ALMEIDA (J.G), La notion d’entreprise en droit communautaire de la concurrence, Thèse ss. Dir. GAUDEMET-TALLON, Paris II, 1994, spéc. Résumé p. 4 : «Finalement, on conclura que l’entreprise ne se définit pas par la personnalité juridique, mais par la manifestation d’une volonté autonome et propre».

[35]Aussi en est-il des accords anticoncurrentiels conclus par des filiales sans l’autorisation de la société mère (C.J.C.E, Aff. jointes n°32 à 36 et 86/78, BMW Belguim, 12 juillet 1979, Rec., p. 2435.

[36]La notion de «groupe de sociétés» est définie par la doctrine CEMAC comme étant «un ensemble d’entreprises qui, tout en étant juridiquement distinctes, se trouvent cependant économiquement liées les unes aux autres, de telles sortes que l’une d’entre elles, qualifiée d’entreprise mère ou dominante, est en mesure d’imposer en fait ou en droit, une unité de décision aux autres composantes du groupe, qui se trouvent ainsi dans la situation d’entreprises dominées». Cf. MBENDANG EBONGUE (Job), Les pratiques anticoncurrentielles collectives dans le cadre de la loi camerounaise n°90/031 du 10 août 1990 sur l’activité commerciale, Revue Penant n°823, janvier-avril 1997, p. 63.

[37]C.J.C.E, Aff. n° 15/74, Centrafarm BV c/. Sterling Drug Inc, 31 octobre 1974, Rec., p. 1147.

[38]Décisions de la Commission européenne du 18 juillet 1969, Christiani et Nielsen, J.O.U.E n° L. 165 du 05 juillet 1969 et du 30 juin 1979, Kodak, J.O.U.E, n° L. 147 du 07 juillet 1970. La justification développée par la Commission dans ces décisions se fonde, à juste titre, sur l’impossibilité d’un véritable concours de volonté. En effet, en raison de sa dépendance, parfois absolue, par rapport à la société mère, la filiale ne fait qu’exécuter les décisions de celle-ci et le ferait même en l’absence de tout contrat.

[39]Quoique pendant longtemps formellement inconnu des textes législatifs et réglementaires nationaux, la notion de «groupe de sociétés» est un phénomène ayant pourtant pendant longtemps, notamment au plus fort de la période où le dirigisme étatique était de règle dans les pays de la sous région, fortement encré dans la pratique socio-économique des Etats membres de la CEMAC. Les sociétés nationales d’investissement créées au Cameroun et au Gabon pendant la décennie soixante dix, véritables holdings financiers publics chargés de prendre des participations au nom de l’Etat dans les entreprises locales sont une parfaite illustration de cette situation.

[40]La motivation développée par la Commission européenne dans sa décision du 18 juin 1969 précitée, (Christiani et Nielsen, J.O.U.E, n° L. 165, 05 juillet 1969, p. 12) a été reprise par la Cour de justice européenne dans un arrêt du 25 novembre 1971 où elle dit pour droit que «les rapports entre deux sociétés dont l’une ne jouit d’aucune autonomie économique vis-à-vis de l’autre ne peuvent être pris en considération pour apprécier la validité d’un accord de concession exclusive passé entre la filiale et un tiers»..

[41] Pour plus de précisions sur la question, voir MODIKOKO BEBEY (H.D), Le régime des investissements privés au Cameroun, Thèse Doctorat, Paris I, 1989, p. 43 et suite, NYAMA (Jean-Marie), La liberté de commerce dans le cadre de la loi camerounaise du 10 août 1990, Revue Juridique africaine 1991/2 et 3, p. 51.

[42]SELINSKY (Véronique), Les ententes illicites, Jurisclasseur commercial 1992, tome 2, fascicule n°310, p.4, n°7.

[43]D’autant qu’il s’inspire profondément, tant sur le fond que sur la forme, des dispositions de l’Article 85 CE.

[44]Selon la C.J.C.E, la notion d’entreprise comprend ainsi «toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de fonctionnement» - C.J.C.E, Aff. n°C-641/90, Höffner, 23 avril 1991, Rec. 1991, p. 1979, attendu 21.

[45]La loi camerounaise du 10 août 1990 avait déjà prévu l’hypothèse d’entreprise unipersonnelle : «Au sens de la présente loi, toute unité économique, quelle qu’en soit la forme, exploitée par un commerçant dans le cadre de son activité professionnelle, est réputée entreprise commerciale».

[46]Réglementées par les articles 309 à 384 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et aux GIE.

[47]Même si traditionnellement l’E.U.R.L apparaît beaucoup plus comme une technique d’organisation de l’entreprise qu’une société commerciale normale- Cf. CHAMPAUD (Claude), L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, R.T.D. Com, 1979, p. 579 et s.

[48]Comme le précise la Note n° 1 (para. 2) de l’Annexe n° 1 au Règlement n°03/2002/CM/UEMOA du 22 mai 2002 relative aux procédures d’applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’UEMOA.

[49]Cf. MBENDANG EBONGUE (Job), Op.cit. p. 65.

[50]MBENDANG EBONGUE, op.cit, p. 71.

[51]Même s’il est vrai que les législations internes des Etats membres s’inspirent toutes de la définition classique du contrat telle qu’ébauchée par les dispositions de l’article 1101 du Code civil, lesquelles le conçoivent comme «une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’engagent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose».

[52]Notamment les contrats de louage des choses ou d’ouvrage), et d’industrie (articles 1708 à 1713 et s. du C. Civ.), de concession de licence, de vente (articles 1582 et s. C. Civ.), , etc… Bref en un mot, «tous les contrats de distribution par lesquels les entreprises organisent leurs relations ou aménagent leurs comportements sur le marché» - Cf. GRYNFOGEL (Catherine), Droit communautaire de la concurrence, Ed. L.G.D.J, Col. Droit communautaire, Février 1997, Paris, p. 14.

[53]Dans sa décision du 16 juillet 1969 “Entente internationale de la Quinine” (J.O.U.E, n° L. 192 du 05 août 1969, la Commission européenne a considéré comme des accords entre entreprises deux écrits non signés, intitulés “gentlemen’s agreements” et étendant aux pays du marché commun un accord de fixation de prix, quotas de livraison et de restrictions de fabrication conclu, pour les pays tiers, entre les principaux fournisseurs de la communauté. Cette décision a été confirmée par la C.J.C.E d’abord dans trois arrêts du 15 juillet 1970 (C.J.C.E, Aff. n° 41/69, ACT Chemiefarma NV, 15 juillet 1970, CJCE, Aff. n°44/69, Blucher, 15 juillet 1970, et C.J.C.E, Aff. n° 45/69, Boeringer Mannheim GmbH, 15 juillet 1970) et plus tard dans l’espèce n° 28/77, Tepea, 20 juin 1978, Rec., p. 1391.

[54]C.J.C.E, Aff. 25 et 26/84, Ford AG, 17 septembre 1985, Rec., p. 2725 et n° C-70/93, BMW, 24 octobre 1995. Dans d’autres occasions, il est allé plus loin en considérant de simples «gentlemen’s agreements» - écrits non signés  passés entre entreprises comme pouvant valablement constituer des accords dès lors que leurs dispositions sont affectées d’un caractère obligatoire – Cf. C.J.C.E, Aff. 41/69, ACF Chemiefarma NV, 15 juillet 1970, Rec., p. 661

[55]Cf. SELINSKY (Véronique), Les ententes illicites, Jurisclasseur commercial 1992, éd. Technique fascicule 310, p. 6, n° 15.

[56]Plus précisément, l’association d’entreprises groupe plusieurs personnes physiques, morales ou organismes, chacun, en principe, propriétaire ou exploitant d’une entreprise, qui prennent, dans le cadre de ce groupement, des décisions collectives.

[57]Cependant, il faut préciser que les groupes de pression ne sauront faire, selon la doctrine dominante en droit communautaire UE, de la catégorie d’entreprises visées par les dispositions de l’article 85§1 du traité de Rome - Cf. ICARD (Philippe), Droit matériel et politiques communautaires, Op.cit, p. 369. Ces dispositions peuvent être transposées mutatis mutandis, selon l’esprit de l’article 3§1 du Règlement n°99/1/99/UEAC-CM-639, au droit communautaire CEMAC.

[58]Décision de la Commission européenne du 07 décembre 1984, Milchförderungsfonds, J.O.U.E n° L. 35 du 07 février 1985, et T.P.I.C.E, Aff. n° 29/92, SPO, 21 février 1995.

[59]Notons que la qualification que l’organe de direction attribue à une décision comme le fait que la décision en question soit dépourvue d’un caractère obligatoire ne permet pas d’éviter l’application des dispositions de l’article 3 du Règlement CEMAC, en suivant la voie tracée par le droit communautaire UE (Décision de la Commission européenne du 11 juin 1984, Assurance incendie, J.O.U.E n° L. 35 du 07 février 1985). Cependant, il se peut que l’association n’ait pas joué un rôle propre dans la mise en œuvre de l’entente anticoncurrentielle et que son activité ne puisse être distinguée de l’activité respective de ses membres. L’association pourra, dans ce cas, éviter de voir sa responsabilité engagée (Cf. C.J.C.E, Aff. jointes n°89, 104, 114, 116, 117, 125 à 128/85, Ahltröm et autres (dite Pâtes à bois), précitée – voir aussi VAN BAEL (I) et BELLIS (J-F), Droit de la concurrence de la Communauté économique européenne, Bruxelles, Bruylant, 1991, P. 211).

[60]Dans sa Décision du 02 décembre 1977 (Centraal Bureau voor de Rijwiehandel, J.O.U.E, L. 20, 25 janvier 1978), elle fut amenée à déterminer si un règlement intérieur d’une telle association pouvait être considéré comme une «décision» au sens de l’article 85 CE. Après examen du contenu du règlement, la Commission dû décider qu’au regard du comportement de ses membres, qu’on était bien en présence d’une décision susceptible de fausser le jeu de la concurrence.

[61]Cf. ICARD (Philippe), Droit matériel et politiques communautaires, Op.cit, p. 370.

[62]Commission européenne, Décision du 24 juin 1969, J.O.U.E, n° L. 195, 07 août 1969.

[63]C.J.C.E, Aff. n° 48, 49, 51 à 57/69, I.C.I et c/Comm., 14 juillet 1972, Op.cit.

[64]C.J.C.E, aff. n° 172/80, Zuchner c/ Bayerische Vereinsbank, 14 juillet 1981, Rec., p. 2021.

[65]Cf. SHAPIRA, LE TALLEC, BLAISE, Droit européen des affaires, P.U.F, Thémis, 2ème Ed., p. 238.

[66]C.J.C.E, Aff. 86/82, Hasselblad Ltd, 21 février 1984.

[67]Le juge européen souligne d’ailleurs que «l’exigence de l’autonomie s’oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre les concurrents, ayant pour objet ou pour effet, soit d’influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à tel concurrent le comportement que l’on s’est décidé à, ou que l’on envisage de, tenir soi-même sur le marché» (cf. C.J.C.E, Affaire dite de l’Industrie internationale du sucre, précitée). Cela n’implique pas que tout contact entre entreprises est une pratique concertée. Celle-ci suppose que ce contact apporte des renseignements sur le comportement sur le marché de l’une ou de l’autre, ou des deux, et c’est seulement dans ce sens que tout contact qui affecte l’autonomie de décision des entreprises sur le marché est tenu pour une pratique concertée, du moins si on s’en tient à la position du législateur européen (Décision de la Commission européenne du 23 avril 1986, Polypropylène, J.O.U.E n° L. 230 du 18 août 1986 et T.P.I.C.E, Aff. T-2/89, Rhône-Poulenc, 21 octobre 1991).

[68]C.J.C.E, Aff. n° 56 et 58/64, Grundig-Consten, 13 juillet 1966, Rec., p. 429.

[69]C.J.C.E, Aff. n° 55/65, La technique minière, 30 juillet 1966, Rec., p. 337.

[70]C.J.C.E, aff. n°172/80, Zuchner c/ Bayerrische Vereinsbank, précité.

[71]Et on parle dans ce cas de concurrence interne.

[72]On est en présence ici d’une opération de concurrence externe.

[73]Cf. SILEM (Ahmed) et ALBERTINI (Jean-Marie), Lexique d’économie, Dalloz, 9ème éd., Rome, Août 2005, p. 387.

[74]Rappelons qu’en l’absence d’une définition législative du concept, c’est la doctrine libérale américaine et européenne qui en a précisé les contours, même s’il va de soit que plus personne aujourd’hui ne se réfère à la concurrence pure et parfaite, qualifiée depuis comme concept mythique, imaginé par les théories économiques des deux siècles derniers. De plus, le concept de concurrence pure et parfaite exige, pour être réalisée, une double condition : une transparence parfaite du marché en cause, et la fluidité parfaite de l’offre et de la demande – Pour plus de précisions, voir SILEM (Ahmed) et ALBERTINI (Jean-Marie), Lexique d’économie, précité, p. 155.

[75]Cependant, certains auteurs pensent que «la concurrence n’est pas la seule méthode (…) pour profiter des connaissances et des talents que peuvent avoir les autres, mais elle est aussi la méthode par laquelle nous avons été amenés à acquérir les connaissances et les talents que nous-mêmes possédons. C’est là ce que ne comprennent pas les gens qui disent qu’un plaidoyer pour la concurrence repose sur l’hypothèse du comportement rationnel de ceux qui y participent. Or, le comportement rationnel n’est pas une prémisse de la théorie économique, bien qu’on présente souvent les choses ainsi (…)» - Cf. HAYEK (A. Friedrich), Droit, législation et liberté ; l’ordre politique d’un peuple libre, Londres, 1979.

[76]Désignée également sous le vocable de “marché de référence” (Relevant market selon la terminologie anglo-saxonne).

[77]Pour une illustration de cette approche, voir Décision de la Commission européenne du 22 décembre 1972, Wea-Filipacchi Music SA, J.O.U.E n° L. 303 du 31 décembre 1972 dans laquelle la Commission refusa de prendre en considération le marché global des disques en estimant que la musique classique, la musique légère et la musique pop constituaient trois marchés distincts.

[78]Cf. C.J.C.E, aff.5ó/65, 30 juin 1966, Rec., p. 337.

[79]Communication de la Commission relative à la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence –J.O.U.E, C 372, 9 décembre 1997.

[80]Mondial, communautaire, et régional.

[81]Paragraphe 1 de la Note interprétative n° 4 de l’Annexe n° 1 au Règlement n° 03/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’UEMOA.

[82]Paragraphe n° 2 (a) de la Note interprétative sus citée.

[83]Paragraphe 2 (b) de la Note interprétative UEMOA ci-dessus.

[84]Paragraphe 3 (a) de la Note interprétative UEMOA.

[85]Paragraphe 3 (b) de la Note interprétative UEMOA.

[86]Article 2 du Règlement n° 1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles entre les Etats membres de la CEMAC.

[87]De construction jurisprudentielle, la notion «d’accords d’importance mineure» a très tôt désigné en droit communautaire européen “les accords entre PME n’ayant pas d’effet appréciable sur la concurrence ou les échanges entre les Etats membres” – Cf. C.J.C.E, aff. n°5/69, Franz Völk Vervaecke, 09 juillet 1969, Rec., p. 295.

[88]C.J.C.E, aff. n° 5/69, Völk Vervaecke, 09 juillet 1969, Op.cit.

[89]Le législateur communautaire CEMAC n’a pas précisé le contenu juridique des notions d’“accords horizontaux” et d’“accords verticaux”. Nul doute qu’il suivra son homologue UEMOA qui, reprenant en compte la définition proposée par le droit positif  communautaire européen, opère une distinction entre ces deux concepts, en ce sens que les premières sont traditionnellement considérées comme moins restrictives de la concurrence que les secondes. Il définit les accords horizontaux comme «des accords conclus à un même niveau de production ou de distribution (notamment les accords entre producteurs ou entre détaillants). Les accords horizontaux incluent notamment les accords portant sur l’échange d’informations, la répartition des marchés, l’exploitation en commun d’une activité et toute autre forme d’entente entre opérateurs du même niveau de production ou de distribution». Les accords verticaux sont quant à eux «constitués d’accords conclu entre deux ou plusieurs entreprises, dont chacune opère, aux fins de l’accord, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, et qui concernent les conditions dans lesquelles les parties à l’accord peuvent acquérir, vendre ou revendre certains biens ou services» - Cf. Note interprétative n° 5 de l’Annexe n°1 au Règlement n° 03/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relative aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’UEMOA.

[90]La question qui se pose est celle de savoir si le dispositif communautaire CEMAC visant sans autres précisions les actions concertées et les conventions, s’appliquera aussi bien aux accords horizontaux qu’aux accords verticaux. On peut penser à première vue que l’article 3 para. 1 du Règlement CEMAC concerne uniquement les accords horizontaux, ce d’autant plus que les accords verticaux ont pour objet, non pas de restreindre la concurrence, mais d’intégrer partiellement l’entreprise située en aval dans l’entreprise située en amont. Or cette intégration réalisée au moyen de relations contractuelles n’a aucune signification différente de l’intégration réalisée par le droit de la propriété. C’est dire que les accords verticaux ne relèveraient que des dispositions communautaires régissant les abus de position dominante. Mais cette argumentation, comme le fait remarquer fort opportunément M. MBENDANG EBONGUE (op.cit), n’est pas convaincant, d’autant plus les dispositions de l’article 3 du Règlement CEMAC, visant en de termes très généraux les accords qui faussent la concurrence, «il n’y a pas à distinguer selon que ceux-ci sont passés entre agents économiques situés à des stades différents de du processus économique».

[91]Notamment les accords horizontaux dont l’objet consiste en la fixation des prix de production et de vente, la fixation de quotas de production ou de livraison, la répartition des marchés ou des sources d’approvisionnement, et les accords verticaux visant à fixer les prix de revient ou contenant des clauses de protection territoriale.

[92]MBENDANG EBONGUE (JOB), op.cit, p. 73.

[93]Article 3§1 (a) du Règlement n° 01/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles.

[94]Précisons toutefois que le dispositif communautaire ne vise pas à empêcher les éventuelles pratiques nationales d’imposition des prix, mais exige simplement que le prix ne soit jamais imposé à l’exportation d’un Etat membre vers un autre Etat membre, car cette pratique affecterait le commerce dans l’espace communautaire en altérant dès lors le jeu de la concurrence.

[95]Cf. DRUESNE (Gérard), Droit de l’Union européenne et politiques communautaires, op.cit, p. 233.

[96]C.J.C.E, aff. n° 8/72, Cementhadelaren c/ Commission, 17 octobre 1972, Rec., p. 977, Concl. H. MAYRAS.

[97]Décision de la Commission européenne du 13 juillet 1983, Association des importateurs et grossistes en matériel agricole des Pays-Bas, J.O.U.E, n° L 200, 23 juillet 1983.

[98]Décision de la Commission européenne du 02 juillet 1985, Velcro, J.O.U.E n° L 52, 23 août 1985.

[99]C.J.C.E, aff. n° 41/69, Entente internationale de la quinine, 15 juillet 1970, Rec., p. 661.

[100]Décision de la Commission européenne du 16 mai 1984, Jouets Polistil, JO.U.E, n° L 136, 23 mai 1984.

[101]Décision de la Commission européenne du 27 juin 1967, Transocean Marine Paint Association.

[102]Communication de la Commission UE, 29 juillet 1969, J.O.U.E, n° C 75, 29 juillet 1968.

[103]En effet, contrairement à un droit antitrust américain d’essence populiste, le droit européen de la concurrence s’est construit à partir d’un contexte particulier de traumatisme et sous des décombres d’un continent industriellement, économiquement et socialement ruiné. La tolérance du droit européen de la concurrence par rapport à certaines pratiques anticoncurrentielles, notamment les ententes, avait donc pour but principal d’encourager la reconstitution d’un tissu industriel et commercial. Dans sa pratique et comme le relève M. SOUTY (François), «le système européen de contrôle des ententes à, dès l’origine, connu un intérêt très vif pour les petites et moyennes entreprises» - In Le droit de la concurrence de l’Union européenne, op.cit, p. 43. Ceci peut notamment se mesurer à une série de textes de la Commission exemptant, sous les conditions énoncées par le traité de Rome, les ententes entre PME – notamment les communications de la Commission sur les accords d’importance mineure de 1986 – amendées en 1994 puis en 1997 – et sur les accords dits «de coopération entre entreprises» de 1968.

[104]Une liste non exhaustive  d’accords ne menaçant pas la concurrence a ainsi pu être dressée par la Commission européenne, et consolidée par la Cour. Elle comprend entre autre les coopérations comptables, financières ou fiscales, des accords sur des projets de recherche et développement, des études et informations sur les marchés, des accords de publicité en commun ou d’utilisation de label commun, de transport ou d’exécution en commun de commande à condition que les entreprises signatrices ne soient pas concurrentes (C.J.C.E, aff. jointes n° 19 et 20/74, Kali and Salzkali chemie, 14 mai 1975, Rec., p. 499.S). En revanche, la commission sanctionnera les accords aboutissant à une coordination de la politique de vente ou d’investissement, ceux conduisant à une répartition du marché par le système de quotas de livraison (Décision Commission européenne, 11 mai 1973, Société commerciale des potasses et de l’azote, JOCE, n° L. 217, 06 août 1973, p. 3) ou enfin ceux visant une spécialisation (Décision Commission européenne, 10 avril 1972, Papier mince, J.O.U.E, n° L. 182, 26 avril 1972, p. 24).

[105]Tenus à terme d’éliminer tous les obstacles tarifaires et non tarifaires à la libre circulation des marchandises entre eux.

[106]Ces types d’entente peuvent donc s’opérer, comme le précise la Note Interprétative n°5 (paragraphe 2) de l’Annexe n° 1 au Règlement n°3/2002/CM/UEMOA relative aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante, «entre entreprises ou opérateurs économiques du même niveau de production».

[107]Dans sa Décision du 27 juin 1967, Marine paint, la Commission européenne a ainsi sanctionné pour la première fois de telles accords, motif pris de ce que  l’existence de tels comportements «assurait à chaque contractant une position préférentielle entravant largement la concurrence par un cloisonnement du marché» - Pour plus de précisions sur les accords horizontaux, voir C.J.C.E, Industrie européenne du sucre, 16 novembre 1975, Rec., p. 1663 et Commission européenne, Julien Van Katiwijk, J.O.U.E n° L.242, 05 novembre 1970, Rec., p. 18 et Affaire Péroxyde d’hydrogène, J.O.U.E, n° L.35, 07 février 1985.

[108]C.J.C.E, aff. Jointes n° 56 et 58/54, Etablissement Constern-Grundig Verkaufs GmbH c/ Commission, 13 juillet 1966, Rec., p. 429, concl. K. ROEMER.

[109]C.J.C.E, aff. n°56/65, Société Technique Minière c/ Maschinenbau Ulm GmbH, 30 juin 1966 dans laquelle la Cour estime qu’«une entente sans protection territoriale absolue tombe sous le coup des ententes interdites en raison du faussement de “ l’appréciable de la concurrence ” qu’elle est susceptible de provoquer».

[110]En revanche, la doctrine estime qu’une concession accordée à un distributeur ne constitue pas une méconnaissance des dispositions communautaires pertinentes dès l’instant que d’autres vendeurs peuvent se procurer, à des conditions équivalentes le produit concerné - Cf. ICARD (Philippe), Droit matériel et politiques communautaires, op.cit, p. 378.

[111]Article 3 (1-d) du Règlement n°1/99/UEAC-CM-639.

[112]Décision de la Commission européenne, 29 décembre 1970, Affaire des fabricants allemands de carreaux céramiques, J.O.U.E, n° L. 10, 13 janvier 1971, p. 15.

[113]Certains auteurs parlent d’«accords de subordination» (GRYNFOGEL, op.cit, p. 24) ou encore de «contrats d’enchaînement» (DRUESNE, op.cit, p. 238), ou enfin d’«imposition de prestations supplémentaires» (ICARD – Philippe, op.cit, p. 379)

[114]Ces dispositions sont en principe une reprise textuelle de l’article 85 §1 (e) du Traité de Rome, lesquelles ont également été reprises expressis verbis par le législateur UEMOA (article 3 f du Règlement n° 02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de l’UEMOA).

[115]Décision de la Commission européenne, Affaire BLOEMEN, 26 juillet 1988, J.O.U.E n° L. 262 du 22 septembre 1988.

[116]Article 3 §1(f) du Règlement n°1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles en Afrique Centrale.

[117]Cf. Programme Régional des Réformes UDEAC/CEMAC, Introduction, Bangui, août 1991, p. 14.

[118]Comme le précise l’article 12 al. 1 du Règlement n°4/99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres de la CEMAC.

[119]Laquelle doit, selon le Projet de Règlement communautaire, faire l’objet d’une égale publicité dans tous les Etats membres, notamment par voie de publication dans les médias écrits et audiovisuels ainsi que dans le journal officiel de la Communauté.

[120]Article 11 al. 2 du Règlement n°4/99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres de la CEMAC.

[121]Définies comme des «pratiques restrictives susceptibles d’apporter une entrave artificielle à l’apparition ou au développement de nouveaux concurrents sur le marché et de conférer à ceux qui les mettent en œuvre, des rentes de situation» - Cf. HOUIN (R) et PEDAMON (M), Droit commercial et concurrence, Dalloz, 8ème édition, 1985, n°391 et s.

[122]Les stratégies d’étouffement sont quant à elles «des pratiques d’ententes qui visent à contrarier voire à neutraliser les mécanismes de l’offre et de la demande entre les opérateurs présents sur le marché». Cf. HOUIN et PEDAMON, ibid.

[123]En effet, l’atteinte non intentionnelle à la concurrence est bien concevable. En effet, la plupart des structures juridiques pouvant servir d’instruments aux ententes étant licites (notamment la création de filiales communes par plusieurs sociétés mères à la conclusion d’une convention d’exclusivité entre producteurs et distributeurs), il est possible que leurs auteurs, en les adoptant, n’aient aucune intention de fausser le jeu de la concurrence. Si ces structures produisent des effets anticoncurrentiels, elles devront néanmoins être sanctionnées.

[124]C.J.C.E, aff. jointes 56 et 58/64, Grundig-Constern, 13 juillet 1966, précitée.

[125]Cf. PEREZ (Sophie), Droit européen des affaires : le cadre général du droit communautaire de la concurrence, Cours polycopié, DEA Droit des affaires européennes, IDPD, 2002-2003, inédit, p. 8.

[126]C.J.C.E, Metro, précité et DUTHEIL DE LA ROCHERE (Jacqueline), Droit communautaire matériel, op.cit, p. 113.

[127]C.J.C.E, aff. n° C250/92, Gottrup-Klim, 15 décembre 1994, Rec., I-5641. Le

[128]C.J.C.E, aff. C-234/89, Stergios Delimitis c/ Henninger Brau, 28 février 1991, Rec., I-935.

[129]Cependant, les autorités communautaires européennes sont privées de tout pouvoir d’intervention et surtout d’exécution - jurisdiction to enforce - en dehors des frontières communautaires et sont obligées, pour faire face à d’éventuelles actions contre les entreprises étrangères impliquées dans les pratiques concurrentielles illicites à l’intérieur de la Communauté, de signer des accords de coopération – administratifs ou procéduraux – avec les pays tiers. C’est ainsi que la Commission a signé avec les Etats-Unis un accord de ce type le 23 septembre 1991.

[130]C.J.C.E, aff. n°89/104/114/117/125 à 129/85, Ahlstöm, 27 septembre 1988, Rec., p. 5193. Dans cette espèce rebaptisée par la doctrine d’affaire des «pâtes de bois», une opération d’entente avait été conclue entre entreprises étrangères (notamment canadiennes, finlandaises et suédoises – les deux dernières n’étant pas encore Etats membres) dans le but d’imposer des prix et des conditions de marché à leurs clients européens ; dans le but d’échapper à toute procédure de contrôle éventuel de la Commission, elles allaient invoquer le fait qu’elles ne possédaient aucune filiale sur le territoire communautaire, et que de ce fait la réglementation communautaire de la concurrence ne leur était pas opposable. La Cour allait donc pour la première fois décider que pour apprécier si un accord était ou non contraire au traité en raison des altérations du libre jeu de la concurrence qui en sont l’objet et l’effet, «il y [avait] lieu d’examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut d’accord litigieux». Par cette formule, le juge européen étendait, dans un objectif de prévenir, à l’intérieur et même au-delà des frontières communautaires, toutes les hypothèses de pratiques anticoncurrentielles pouvant mettre à mal le sacro-saint principe communautaire de garantie d’une libre et saine concurrence entre les acteurs immédiats ou lointains intervenant dans le marché intérieur. Cette extension materiae loci des règles de compétence du droit communautaire de la concurrence démontre, s’il en était encore besoin, du souci du droit positif européen de saisir toutes les formes de pratiques concurrentielles illicites, quelqu’en soit la forme où encore son lieu de formation, dès l’instant qu’elle porte, ou qu’elle est susceptible d’avoir des effets sur le marché intérieur.

[131]C.J.C.E, aff. n°23/67, Brasserie de Haecht I, 12 décembre 1967, Rec., p. 525.

[132]Communication de la Commission européenne du 09 décembre 1997, J.O.U.E du 09 décembre 1997, C. 372, p. 13.

[133]C.J.C.E, aff. n°136/86, BNIC c/. Aubert, 03 décembre 1987, Rec.,  p. 4789.

[134]Article 3§2 du Règlement n°1/99/UEAC-CM-639.

[135]La notion de la “règle de raison” a été utilisée pour la première fois en matière de droit de la concurrence par la Commission européenne dans sa communication du 29 juillet 1968, dans laquelle elle faisait connaître son attitude en ce qui concerne les accords auxquels elle attribuait un préjugé favorable en raison de leur objet. Parmi celles-ci elle citait les accords sur la meilleure connaissance du marché, les accords qui facilitent la gestion financière, les accords sur les projets communs de recherche, les accords sur les facilités logistiques, les associations temporaires de travail ou encore les accords de label.

[136]C.J.C.E, aff. n°56 et 58/64, Grundig, 13 juillet 1966, Rec.

[137]C.J.C.E, aff. jointes n°209 à 215 et 218/78, Heintz Van Landewyck et autres, 29 octobre 1980

[138]Décision de la Commission européenne du 15 décembre 1975, Bayer c/ Gist Brocades, J.O.U.E, 20 décembre 1975 et Décision du 25 novembre 1981, VBBB c/ VBVB, JOCE, 10 décembre 1981.

[139]Notamment lorsque «les avantages allégués (continuité des livraisons, leur bonne répartition dans le temps et dans l’espace, résorption de la pénurie, amélioration des conditions de stockage et de transport) ne résultent pas de l’existence d’un comptoir de vente, mais de la manière dont les grossistes et les coopératives organiseraient leur approvisionnement et la distribution de leurs produits» - Cf. Décision de la Commission européenne du 20 juillet 1978, Central Stikstof Verkoopskantoor, J.O.U.E, 30 juillet 1978.

[140]Décision de la Commission européenne du 20 décembre 1974, Rank-Sopelem, J.O.U.E, L. 41, 14 janvier 1975.

[141]Décision de la Commission européenne du 22 décembre 1987, Rich products Jus-Rol, J.O.U.E, L. 69, 15 mars 1988.

[142]Décision de la Commission européenne du 18 juillet 1975, Kabelmetal-Luchaire¸ J.O.U.E, L. 46, 09 août 1975.

[143]Décision de la Commission européenne du 02 janvier 1990, J.O.U.E n° L. 132 du 03 février 1990, RTDE, 1991, p. 149, note PUILLOT.

[144]Décision de la Commission européenne du 29 octobre 1997, Unisource¸ J.O.U.E, L. 318, 20 novembre 1997.

[145]Comme le législateur CEMAC, le droit communautaire UEMOA ne consacre pas l’automaticité de l’octroi des dérogations individuelles. En effet, selon les dispositions de l’article 7 (1) du Règlement n°02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de l’Union, «la Commission, en application de l’article 89 alinéa 3 du Traité, d’office ou sur demande des entreprises ou associations d’entreprises, peut déclarer inapplicable (…) à un accord, une décision ou une pratique concertée remplissant les conditions prévues (…), et aux ententes et abus de position dominante (…)»

[146]Article 3§2 du Règlement CEMAC.

[147]C.J.C.E, aff. jointes 209 à 215 et 218/78, Fedetab, 29 octobre 1980, Rec., p. 3125.

[148]Ou le consommateur.

[149]ICARD (Philippe), Droit matériel et politiques communautaires, op.cit, p. 393.

[150]Décision de la Commission européenne du 25 novembre 1981, VBBB/VBVB – aff. des livres flamands, précitée.

[151]Décision de la Commission européenne du 21 décembre 1976, Junghans, J.O.U.E, L. 19, 14 janvier 1977.

[152]Décision de la Commission européenne du 29 décembre 1982, Amersham-Bucher, J.O.U.E, 26 janvier 1983.

[153]Décision de la Commission européenne du 19 décembre 1985, Eurochèque, J.O.U.E, L. 36 du 08 février 1989.

[154]Décision de la Commission européenne du 18 mai 1994, Exxon-Shell, J.O.U.E, L. 144, 09 janvier 1994.

[155]Décision de la Commission européenne du 22 décembre 1987, Olivetti/Canon, J.O.U.E, L. 52, 26 février 1988.

[156]Décision de la Commission européenne du 12 décembre 1983, Agence internationale de l’énergie, J.O.U.E n° L. 376 du 31 décembre 1983.

[157]ICARD (Philippe), Droit matériel et politiques communautaires, op.cit, p. 394.

[158]Décision de la Commission européenne du 20 décembre 1974, Rank-Sopelem, précitée.

[159]Cf. SOUTY (François), Entre concurrence praticable et contestabilité : les barrières à l’accès au marché dans les théories américaines de la politique de la concurrence, Revue de la Concurrence et de la Consommation, Droits et marchés, Paris, juillet-août 1994, n° 80, pp. 43-57.

[160]Cette position du législateur CEMAC s’inspire de la position du juge européen, qui dans une espèce de 1976, à confirmé cette règle. Depuis lors, dans le cadre de cette appréciation, la Commission européenne, après avoir défini le marché de référence, détermine quelle est la part de ce marché qui est affectée par l’accord (Cf. Décision de la Commission européenne du 12 juillet 1984, Calsberg, J.O.U.E n° L. 207 du 02 août 1984.

[161]FALLON (Marc), op.cit, p. 252.

[162]Décision de la Commission européenne du 20 juillet 1978, Fededab, et sur recours C.J.C.E, Aff. n°209-215 et 218/78, Heintz Van Landwyck SARL et autres, précitée.

[163]Pour plus de précisions sur la notion de concurrence potentielle, voir Décision de la Commission européenne du 17 janvier 1997, Mannc/ Sassiemme, J.O.U.E n° L. 31 du 04 février 1997 et Décision de la Commission du 26 juillet 1972, Papier mince, J.O.U.E n° L. 182 du 10 août 1972.

[164]Article 85 §3 du traité CE.

[165]Le législateur UEMOA est allé dans le même sens et a consacré puis organisé les exemptions catégorielles. Ainsi, aux termes de l’article 6 (1) du Règlement n°2/2002/CMUEMOA aux pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de l’Union, la Commission peut adopter, par voie de règlement d’exécution, des exemptions par catégorie.

[166]Règlement du Conseil européen, 02 mars 1965, n°19/65, J.O.U.E, n°36, 06 mars 1965. Ce règlement est le premier du genre et est intervenu dans le cadre des accords de livraisons visant une revente accompagnée d’engagements d’exclusivité contenant des restrictions de la concurrence en raison de droits de propriété industrielle, de procédés de fabrication ou de connaissances techniques.

[167]Les accords d’exclusivité d’achat et d’approvisionnement sont réglementés par le Règlement n°67/67 du 22 mars 1967, J.O.U.E n°57 du 25 mars 1967. Les accords de distribution exclusive et d’achat exclusif sont réglementés par deux règlements du 22 juin 1983 : Règlement de la Commission, 22 juin 1983, n°1983/83, J.O.U.E, L.173, 30 juin 1983 et Règlement du 22 juin 1983, n°1984/83, J.O.U.E, 30 juin 1983. Pour la doctrine, les accords de distribution exclusive sont les accords par lesquels les parties se constituent un réseau efficace de distribution permettant au fournisseur de planifier avec précision la production et la vente de leurs produits et de garantir régulièrement la demande tant des commerçants que des utilisateurs. Quant à la distribution exclusive, elle vise tout accord qui conduit l’une des parties à ne livrer à l’autre que certains produits dans le but de les revendre sur toute ou partie du marché en cause, le fournisseur acceptant pour sa part de ne pas alimenter directement les utilisateurs des produits visés au contrat dans le territoire déterminé, et le concessionnaire s’interdisant de fabriquer voir d’acheminer ce type de produits à des tiers. - Cf. MANIN, Droit matériel et politiques communautaires, Op.cit. Il faut cependant ajouter que la Commission européenne rejette tout cloisonnement du marché, en l’occurrence les clauses de protection territoriales dont ces accords peuvent comporter (C.J.C.E, aff. n°25/75, Vliet Kwastenfabriek c/ Dalle Crode, 12 mars 1975, Rec., p. 1103. Enfin, l’achat exclusif désigne un accord au terme duquel le revendeur s’engage à n’acheter certains produits qu’à un fournisseur déterminé ou à un opérateur économique lié à lui et chargé de la distribution de ses produits.

[168]Ce sont des restrictions à la concurrence telles que l’obligation du franchiseur de ne pas autoriser l’ouverture d’autres points de vente sous franchise dans les limites d’un territoire exclusif, ou encore l’obligation du franchisé de ne vendre que les produits portant la marque du franchiseur et uniquement dans les locaux visés au contrat.

[169]Adopté par un règlement n° 2779/72 du 30 novembre 1972 (J.O.U.E n° L. 292 du 29 décembre 1972), il a bénéficié, jusqu’en décembre 2000, aux accords consistant pour deux ou plusieurs entreprises à s’engager réciproquement soit à ne plus fabriquer certains produits et à laisser ce soin aux cocontractants, soit à ne fabriquer des produits déterminés qu’en commun.

[170]Connus également sous le vocable d’accords de transfert de technologie, les accords de licence de brevet sont des accords auxquelles ne participent que deux entreprises et par lesquels la première, titulaire d’un brevet, autorise une seconde à exploiter l’invention brevetée par un ou plusieurs des modes d’exploitation prévus par le droit de la propriété intellectuelle et industrielle. Quant aux accords de licence de savoir-faire, ils visaient, jusqu’en 1999, à assurer un développement et une diffusion rapide de l’innovation au sein de l’espace intérieur, et à permettre la libre circulation effective des produits techniquement nouveaux afin d’empêcher que la protection de la propriété intellectuelle soit utilisée pour cloisonner le marché. L’exemption ne vaut qu’à la double condition que le produit le produit sous licence soit protégé par des brevets parallèles dans le territoire du licencié, du donneur de licence et des autres licenciés, et que les parties aient identifiées, sous forme appropriée, le savoir-faire initial ainsi que les éventuels perfectionnements devenus accessibles à l’une des parties et communiqués conformément aux dispositions et à l’objet de l’accord.

[171]Valables jusqu’en décembre 2000, ces derniers avaient pour objet la recherche et le développement de produits ou procédés jusqu’au stade de l’application industrielle, ainsi que l’exploitation des résultats.

[172]En effet, dans le cadre des mesures de libéralisation des transports aériens débutées le Conseil en 1987, la Commission européenne a exempté, par deux règlements du 26 juillet 1988 et du 05 décembre 1990, les accords entre compagnies concernant les services aériens réguliers, les systèmes informatisés de réservation, et l’assistance aux escales. Le secteur des transports maritimes y a également bénéficié ; ainsi, la commission a pris deux règlements dont celui du 22 décembre 1986 (Règlement du Conseil n°4056/86, JO.U.E, L. 378, 31 décembre 1986) et celui du 27 février 1992 (Règlement du Conseil, n°479/92, J.O.U.E, L. 55, 29 février 1992). Le premier fait de l’exemption les accords de conférence maritime, et le second concerne les accords de consortium entre compagnies maritimes de ligne.

[173]Le règlement d’exemption du 21 décembre 1992 (Règlement du Conseil n°3932/92, J.O.U.E, L. 398, 31 décembre 1992) applicable jusqu’en fin 2003, détermine les conditions à remplir pour que l’exemption s’applique automatiquement aux accords et pratiques concertées ayant pour objet une coopération concernant l’établissement de conditions-types d’assurances, la couverture en commun de certains risques, et les règlements de sinistres.

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