Un restaurateur achète en qualité de marchand de biens plusieurs fonds de commerce de restauration qu’il apporte quelques années plus tard à des sociétés créées à cet effet. Pensant bénéficier d’un sursis de paiement de l’impôt sur les plus-values d’apport, l’intéressé se dispense de le verser au Trésor public.
Contestant l’application du sursis de paiement en raison de l’option pour le régime de marchand de biens sous lequel les fonds ont été achetés, l’administration fiscale notifie au restaurateur un redressement en conséquence. Celui-ci agit alors en responsabilité contre l’expert-comptable qui l’avait assisté dans la réalisation de l’apport, lui reprochant un manquement à son obligation de conseil à cette occasion.
La cour d’appel de Paris accueille cette action car l’expert, qui avait accepté d’établir les contrats d’apport dans le cadre de ses activités juridiques accessoires, était tenu d’informer son client de manière complète sur les effets de l’opération projetée et particulièrement sur ses incidences fiscales. Or, l’expert n’établissait pas avoir délivré de conseil ni de mise en garde sur les conséquences liées à l’imposition des plus-values.
L’expert ne pouvait pas s’exonérer de sa responsabilité en faisant valoir qu’il ignorait sous quel régime juridique les fonds avaient été achetés car il devait en tout état de cause se renseigner sur le statut des biens en question afin de prodiguer un conseil tenant compte de celui-ci. Au demeurant, l’expert connaissait le régime sous lequel les achats avaient été effectués.
Il ne pouvait pas non plus utilement opposer :
- l’existence d’incertitudes fiscales sur le régime applicable à l’opération car il lui appartenait d’informer son client sur cet aléa afin que celui-ci puisse décider en connaissance de cause de la suite à donner au projet ;
- le fait que l’opération aurait été arrêtée d’un commun accord entre le restaurateur et sa banque dès lors qu’un tel accord ne dispensait aucunement l’expert, intervenu pour rédiger les actes et faire immatriculer les sociétés bénéficiaires des apports, de son obligation de conseil ;
- les compétences personnelles de son client, de sorte qu’il importait peu que celui-ci, à la fois restaurateur et marchand de biens, ait pu disposer de connaissances sur le régime de marchand de biens choisi pour l’achat des fonds.
La cour d’appel précise que le préjudice en lien avec le manquement de l’expert résidait dans la perte de chance pour le client d’avoir pu évaluer correctement l’incidence fiscale de l’opération, d’appréhender l’absence d’éligibilité au sursis de paiement et de préparer le projet dans de meilleures conditions financières. Toutefois, nuance la cour, il n’était pas établi que l’intéressé disposait de réelles alternatives pour éviter l’imposition des plus-values compte tenu de l’obligation de revendre à bref délai les fonds achetés sous le régime de marchand de biens.
Prenant en compte le caractère très limité de cette perte de chance, la cour a condamné l’expert à verser au restaurateur 10 000 € de dommages-intérêts.
CA Paris 3-3-2020 n° 17/04661
Source : efl.fr
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