En l’espèce, le 12 août 2008, un débiteur a bénéficié d’une procédure de sauvegarde au sein de laquelle un administrateur a été désigné. Le 22 décembre 2008, le débiteur a déposé une déclaration notariée d’insaisissabilité visant deux immeubles qui a été publiée le 7 janvier 2009. Le 10 mai 2010, la procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire, avec une date de cessation des paiements fixée au 12 août 2008, puis en liquidation judiciaire le 11 septembre 2012. Alors qu’il entendait réaliser les immeubles, le liquidateur s’est vu opposer la déclaration notariée d’insaisissabilité (DNI). Il assigne le débiteur en inopposabilité de la déclaration. Cette demande est rejetée en première instance et en appel. Les juges du fond considèrent que la déclaration d’insaisissabilité est opposable au liquidateur judiciaire. Pour parvenir à cette solution, les juges ont relevé qu’en procédure de sauvegarde, la désignation d’un administrateur n’ôte pas au débiteur le pouvoir d’exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d’administration. Or, selon l’article L. 622-7, II, du code de commerce, en période d’observation, seuls les actes de disposition étrangers à la gestion courante de l’entreprise sont soumis à l’autorisation du juge-commissaire à peine de nullité. Pour la cour d’appel, la DNI ne faisant pas partie de ces actes, la déclaration accomplie durant la période d’observation par le débiteur est régulière et opposable au liquidateur judiciaire.
Le mandataire se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
En relevant d’office un moyen de pur droit (C. pr. civ., art. 620, al. 2), la haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 4 août 2008. Pour la Cour de cassation, l’insaisissabilité était inopposable au liquidateur dans la mesure où les déclarations avaient été accomplies postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde.
L’arrêt ici rapporté est intéressant à au moins deux égards.
D’une part, il répond à la question inédite, à notre connaissance, de l’opposabilité au liquidateur de la DNI publiée durant la période d’observation d’une procédure de sauvegarde, devenue, en raison des conversions ultérieures, la période suspecte du redressement et de la liquidation judiciaire.
D’autre part, c’est l’ambiguïté du moyen unique du pourvoi soumis à la haute juridiction qui interpelle. En l’espèce, le liquidateur sollicitait l’inopposabilité de la DNI, tout en se prévalant d’arguments tendant à remettre en cause la régularité de celle-ci par la référence aux actes soumis, à peine de nullité, à autorisation du juge-commissaire de l’article L. 622-7, II, du code de commerce.
À vrai dire, le fait de se prévaloir de la régularité de la déclaration accomplie durant la période d’observation de la procédure de sauvegarde, mais rétrospectivement au cours de la période suspecte de la liquidation judiciaire, fait sens au regard de l’évolution des textes en la matière.
L’ordonnance du 12 mars 2014 a ajouté à la liste des nullités de la période suspecte la DNI faite par le débiteur durant cette période (C. com., art. L. 632-1-I, 12°). Las, ce texte n’est applicable qu’aux procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014. En l’espèce, la nullité de la déclaration ne pouvait donc être sollicitée sur ce fondement. Reste que, quelle que soit la législation applicable, la DNI demeure un acte grave privant la procédure collective d’un actif important. Or force est de constater qu’à la dangerosité de l’acte ne répond – antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014 – aucun fondement juridique évident permettant aux organes de la procédure collective d’en solliciter l’annulation. Cette remarque permet d’expliquer toute l’ambiguïté du moyen du pourvoi et la référence aux actes soumis à autorisation du juge-commissaire en période d’observation de l’article L. 622-7, II, du code de commerce.
Au demeurant, la solution portée par l’arrêt sous commentaire abandonne la référence à la régularité de la déclaration. Ce choix ne nous paraît pas anodin. À tout le moins, il souligne les difficultés liées à l’absence de fondements textuels pertinents permettant de discuter de la régularité d’une DNI passée durant la période suspecte sous l’empire des textes antérieurs à l’ordonnance du 12 mars 2014. Au contraire, la Cour de cassation se fonde exclusivement sur la date de publication de la DNI pour en déduire son inopposabilité à la procédure collective. Ce raisonnement nous semble logique et résulte de l’application rationnelle des grands concepts du droit des entreprises en difficulté.
Source : dalloz.fr
Pour plus d'infos : Comment faire une déclaration d'insaisissabilité ?
Voir aussi notre guide : Récupérer une facture impayée 2020-2021
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