La juste rémunération d’un dirigeant est délicate et n’est a prioripas de la compétence d’un magistrat. Elle peut pourtant être abusive et, à ce titre, doit faire l’objet d’un examen judiciaire.
À cet égard, la jurisprudence a déjà pu retenir l’existence d’abus de majorité en cas de fixation d’une rémunération excessive de dirigeants, ces décisions pouvant se révéler contraires à l’intérêt social et prises dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité1.
Reste alors à savoir qu’elles sont les critères retenus pour qualifier une rémunération d’abusive. Le présent arrêt apporte une intéressante contribution à cette redoutable question.
En l’espèce, une SARL était composée de trois associés à parts égales ayant tous la qualité de gérant. Cet équilibre fut bouleversé le 2 novembre 2011 quand l’un d’entre eux décéda et que deux héritiers lui succédèrent en tant qu’associés. Trois mois plus tard, l’assemblée générale décida d’augmenter de manière significative la rémunération des deux gérants. Celle-ci passa de 85 000 € avant le décès, c’est-à-dire près de 28 000 € en moyenne par gérant, à 150 000 € après le décès, soit 75 000 € chacun.
L’annulation de cette décision fut alors sollicitée, comme le remboursement des sommes indûment perçues, par les héritiers brandissant l’abus de majorité. Mais, la cour d’appel de Reims, dans un arrêt du 31 octobre 2017, rejeta leurs arguments.
Tout d’abord, la situation de l’entreprise n’avait pas été mise en péril étant donné que si le résultat net comptable, de 375 €, était plus faible qu’auparavant, le fonds de roulement restait important par rapport aux salaires versés.
Ensuite, un salaire de 75 000 € n’apparaissait pas excessif pour chacun des gérants au regard du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise, sachant que du fait de la survenance du décès, les gérants avaient alors dû assumer le même travail à deux pour le temps restant de l’année.
Enfin, il n’était pas anormal de tenir compte de l’âge des gérants, créateurs de l’entreprise, ainsi que de leur départ prochain à la retraite pour fixer leur rémunération. Aussi, pour les juges rémois, l’abus de majorité devait être écarté.
Non contents de cette décision, les héritiers décidèrent donc de se pourvoir en cassation et dans son arrêt du 15 janvier 2020, la haute juridiction censura l’arrêt d’appel pour défaut de base légale.
Selon les magistrats de la chambre commerciale, les éléments retenus étaient impropres à exclure que la décision ait été prise contrairement à l’intérêt social et dans l’unique but de favoriser les intérêts des deux associés cogérants, alors que les héritiers faisaient valoir que la rémunération moyenne par gérant était passée de 28 000 € à près de 75 000 € et le résultat net comptable de 164 374 € à 375 €, sans politique d’investissement corrélative. Dans le même temps, il avait également été mis fin à la politique habituelle de distribution d’importants dividendes qui s’élevaient à près de 165 000 € pour l’exercice précédent.
https://www.assistant-juridique.fr/abus_majorite.jsp
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