TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MELUN
N° 1409112
Mme Marie Jasmine X
M. Zanella Rapporteur
- Freydefont Rapporteur public
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le tribunal administratif de Melun (6ème chambre)
Audience du 3 janvier 2017
Lecture du 31 janvier 2017
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 octobre 2014, 6 mars 2015 et 2 décembre 2016, Mme Marie Jasmine X, représentée par la SCP Arents-Trennec, demande au tribunal :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l'intérieur sur sa demande de mutation dans le département de la Réunion, d’autre part, les arrêtés par lesquels la même autorité a prononcé la mutation dans ce département de MM. G, H, M, P, P, S, SE et T à compter du 1er septembre 2014, ainsi que de
- P à compter du 1er janvier 2015 ;
2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision implicite de rejet de sa demande de mutation dans le département de la Réunion :
- cette décision n’est pas motivée ;
- elle a été prise au terme d’une procédure irrégulière, faute pour la commission administrative paritaire d’avoir valablement délibéré, à l’issue de sa réunion du 28 mai 2014, sur le mouvement de mutations des membres du corps d’encadrement et d’application de la police
nationale au titre de l’année 2014 ; en effet, d’une part, lorsqu’elle a siégé, cette commission n’était pas composée conformément aux dispositions de l’article 35 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ; d’autre part, en méconnaissance des dispositions de l’article 39 du même décret, la commission n’a pas reçu communication des pièces et documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission huit jours au moins avant la date de sa séance ; enfin, le quorum prévu par les dispositions de l’article 41 dudit décret n’était pas atteint lors de l’ouverture de cette séance ;
- elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation et méconnaît le principe d’égalité des agents publics devant la loi ;
En ce qui concerne les arrêtés prononçant la mutation dans le département de la Réunion de MM. MM. G, H, M, P, P, S, SE et T:
- ces arrêtés ont été pris par des autorités incompétentes ;
- ils sont intervenus au terme d’une procédure irrégulière, dès lors qu’en méconnaissance des dispositions de l’article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, d’une part, la commission administrative paritaire n’a pas émis d’avis sur les mutations qu’ils prononcent, d’autre part, les candidatures présentées dans le cadre du mouvement de mutation au titre de l’année 2014 des fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale n’ont pas été classées suivant des critères de priorité mais par ordre alphabétique ;
- ils ne sont pas signés et ne mentionnent ni le prénom, ni le nom de leur auteur ;
- ils sont entachés d’un défaut d’examen de la situation individuelle des fonctionnaires qu’ils concernent ;
- ils sont entachés d’erreur manifeste d’appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
À titre principal :
- les conclusions à fin d’annulation du télégramme n° 14-637 du 12 juin 2014 prononçant la mutation de fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale en outre-mer au titre de l’année 2014 sont sans objet et, par suite, irrecevables, dès lors que ce télégramme a été annulé par un jugement n° 1412738,14020229 du tribunal administratif de Paris en date du 28 janvier 2016 ;
- les conclusions à fin d’annulation des arrêtés prononçant la mutation dans le département de la Réunion MM. MM. G, H, M, P, P, S, SE et T sont tardives et, par suite, irrecevables, dès lors, d’une part, que la requérante, qui doit être regardée comme demandant l’annulation du télégramme n° 14-637 du 12 juin 2014, produit par elle le 10 février 2015, disposait au 12 juin 2014 de l’ensemble des éléments lui permettant de contester les mutations en litige, d’autre part, que, les arrêtés attaqués étant devenus définitifs lorsqu’ils ont été produits par la requérante, celle-ci ne peut se prévaloir des dispositions de l’article R. 412-1 du code de justice administrative ;
À titre subsidiaire :
- le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite de rejet de la demande de mutation de la requérante dans le département de la Réunion est inopérant, dès lors que cette décision n’avait pas à être motivée ;
- les autres moyens soulevés par Mme X ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur des moyens relevés d’office, tirés, d’une part, de ce que les conclusions à fin d’annulation des arrêtés par lesquels le ministre de l’intérieur a prononcé la mutation dans le département de la Réunion de MM. MM. G, H, M, P, P, S, SE et T à compter du 1er septembre 2014, ainsi que de M. P à compter du 1er janvier 2015 sont devenues sans objet en raison de l’annulation, par un jugement n° 1418176,1412000 du tribunal administratif de Paris en date du 28 janvier 2016, devenu définitif, de l’ensemble des décisions, révélées notamment par un télégramme n° 14-636 du 12 juin 2014, par lesquelles la même autorité a prononcé la mutation dans le département de la Réunion de fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale dans le cadre du mouvement de mutation organisé au titre de l’année 2014 pour les membres de ce corps, d’autre part, de ce que la décision implicite de rejet de la demande de mutation dans le département de la Réunion présentée le 8 avril 2014 par Mme X doit être annulée par voie de conséquence de l’annulation prononcée par le jugement susmentionné du 28 janvier 2016, en raison de l’autorité absolue de chose jugée qui s’attache à cette annulation.
Vu les autres pièces du dossier
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Zanella,
- et les conclusions de M. Freydefont, rapporteur public.
- Considérant que Mme X, gardienne de la paix affectée à la circonscription de sécurité publique de Nogent-sur-Marne, a demandé, le 8 avril 2014, dans le cadre du mouvement de mutations des fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale organisé au titre de l’année 2014, une affectation dans le département de la Réunion, au service administratif et technique de la police nationale ; qu’en application des dispositions alors en vigueur de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l’intérieur sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet ; que la requête de Mme X tend à l’annulation de cette décision, ainsi que des arrêtés par lesquels le ministre de l’intérieur a prononcé la mutation dans le département de la Réunion de MM. G, H, M, P, P, S, SE et T à compter du 1er septembre 2014 et de M. P à compter du 1er janvier 2015 ;
Sur les conclusions à fin d’annulation des arrêtés du ministre de l’intérieur prononçant la mutation dans le département de la Réunion de neuf fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale :
- Considérant que, postérieurement à l’introduction de la présente instance, le tribunal administratif de Paris a annulé, par un jugement n° 1418176,1412000 du 28 janvier 2016 qui est devenu définitif, l’ensemble des décisions, révélées notamment par un télégramme n° 14-636 du 12 juin 2014, par lesquelles le ministre de l’intérieur a prononcé, dans le cadre du mouvement de mutation organisé au titre de l’année 2014 pour les fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale, la mutation de membres de ce corps dans le département de la Réunion ; que les arrêtés attaqués ont seulement pour objet de formaliser les décisions ainsi annulées en ce qui concerne MM. MM. G, H, M, P, P, S, SE T et P ; que, par suite, les conclusions tendant à l’annulation de ces arrêtés sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision implicite de rejet de la demande de mutation dans le département de la Réunion présentée par la requérante :
- Considérant qu’en raison des effets qui s’y attachent, l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l’annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n’auraient pu légalement être prises en l’absence de l’acte annulé ou qui sont en l’espèce intervenues en raison de l’acte annulé ; qu’il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l’acte annulé et de celles dont l’acte annulé constitue la base légale ; qu’il incombe au juge de l’excès de pouvoir, lorsqu’il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d’office un tel moyen qui découle de l’autorité absolue de chose jugée qui s’attache à l’annulation du premier acte ;
- Considérant que, compte tenu du nombre nécessairement limité des emplois vacants dans le département de la Réunion qui étaient susceptibles d’être pourvus par des fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale dans le cadre du mouvement de mutation organisé au titre de l’année 2014 pour les membres de ce corps, la décision implicite de rejet de la demande de mutation dans le département de la Réunion présentée le 8 avril 2014 par Mme X doit être regardée comme étant intervenue en raison des décisions du ministre de l’intérieur prononçant la mutation dans ce département d’autres fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale, notamment celle de MM. MM. G, H, M, P, P, S, SE et T; qu’ainsi qu’il a été dit au point 2, ces décisions ont été annulées par un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 28 janvier 2016, devenu définitif ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en raison de l’autorité absolue de chose jugée qui s’y attache, cette annulation emporte, par voie de conséquence, celle de la décision implicite de rejet attaquée ; que, par suite, et sans qu’il soit
besoin d’examiner les moyens de sa requête, Mme X est fondée à demander l’annulation de cette décision ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
- Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
- Considérant qu’en application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme X tendant à l’annulation des arrêtés par lesquels le ministre de l'intérieur a prononcé la mutation dans le département de la Réunion de MM. MM. G, H, M, P, P, S, SE et T à compter du 1er septembre 2014, ainsi que de M P à compter du 1er janvier 2015.
Article 2 : La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l’intérieur sur la demande de mutation dans le département de la Réunion présentée le 8 avril 2014 par Mme X est annulée.
Article 3 : L’État versera à Mme X une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme Marie Jasmine X, à MM. G, H, M, P, P, S, SE et T
et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l’audience du 3 janvier 2017, à laquelle siégeaient : Mme Demurger, présidente,
M. Zanella, premier conseiller, Mme Brière, conseillère.
Lu en audience publique le 31 janvier 2017.
Le rapporteur,
P. ZANELLA
La présidente,
F. DEMURGER
La greffière,
S. SCHILDER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme, La greffière,