Le droit fiscal est complexe et cette complexité tient à ce que l’Etat a pour mission difficile à la fois de s’assurer des ressources financières régulières pour financer ses dépenses et de veiller dans le même temps à ce que l’impôt ne pénalise pas des contribuables socialement dignes d’intérêt.
Les exonérations du paiement d’un impôt participent ainsi des dispositifs qui tendent à favoriser certaines catégories de contribuables qui méritent au regard de leur condition sociale, un traitement plus favorable que celui du contribuable ordinaire.
La taxe foncière figure précisément au nombre des impôts pour lesquels il existe des dispositions permettant à certains contribuables âgés et disposant de faibles revenus ainsi qu’aux veufs de diminuer leur imposition.
Ainsi, un premier dispositif prévu à l’article 1491 du code général des impôts dispense les personnes âgées de plus de 75 ans du paiement de cette taxe à condition que leurs ressources de l’année précédente ne dépassent pas une limite fixée à l’article 1417 du code général des impôts. Au titre de l’année 2024, le montant annuel de revenus à ne pas dépasser pour une personne seule s’établissait à la somme de 12 455 €.
L’article 1391 B du CGI prévoit, quant à lui, un dégrèvement d’office de 100 € de la taxe foncière au bénéfice des redevables de plus de 65 ans et de moins de 75 ans disposant de revenus modestes, c’est-à-dire ne dépassant pas le seuil de 12 455 € pour 2024.
Enfin, un dernier dispositif spécifique est applicable l’année même du veuvage et il est le plus souvent ignoré des contribuables, alors même qu’il est susceptible de concerner nombre d’entre eux.
Attention cependant, aucun article du code général des impôts ne prévoit cette troisième forme de dégrèvement. Pour connaître ce droit particulier, il faut se référer à la doctrine fiscale seule, qui constitue également une source de droit particulièrement importante en matière d’impôts.
L’importance de la doctrine fiscale est illustrée par les termes de l’article L.80 du Livre des Procédures Fiscales qui interdit aux services fiscaux de procéder à des rehaussements d’imposition qui seraient en contradiction avec la doctrine administrative en vigueur.
Pour ce qui concerne l’année du veuvage, la doctrine fiscale prévoit que :
« les personnes âgées de plus de 75 ans devenues veuves au cours d’une année, peuvent bénéficier de l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont elles sont redevables, l’année suivant leur veuvage à raison de l’immeuble habité exclusivement par elles, dès lors que le revenu fiscal de référence de la période allant de la date de décès de leur conjoint au 31 décembre de la même année, n’excède pas les limites fixées au I de l’article 1417 du CGI » (BO-IF-TFB-10-50-40 n° 70).
Autrement dit, un conjoint survivant devenu veuf en septembre 2024 peut demander l’exonération de sa taxe foncière au titre de l’année 2025, si ses revenus entre le mois de septembre et le mois de décembre ne dépassent pas, pour une personne seule, la limite de 12 455 €.
Dans un jugement daté du 2 février 2021, le tribunal administratif de Versailles a fait application de la doctrine administrative précitée en exonérant une contribuable du paiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties après que l’administration fiscale eut rejeté sa réclamation en se fondant exclusivement sur les articles du Code Général des Impôts (1).
Cette doctrine fiscale permettant l’exonération de la taxe foncière l’année suivant le veuvage a été confirmée au bulletin officiel des finances publiques le 27 juin 2023 (BO-IF-TFB-10-55-20-27-06-2023).
Le code général des impôts et les arcanes de la doctrine fiscale sont souvent impénétrables à la compréhension.
Aussi, apparaît-il nécessaire d’essayer de faire preuve de pédagogie en décortiquant certains textes qui peuvent se révéler fort utiles dans la vie quotidienne de nos concitoyens.
Jean-Yves TRENNEC.
Note :
1.Tribunal administratif de Versailles, 2 février 2021, req. n°1806302. urlr.me/ZnSJeC