On sait que les mutations chez les policiers donnent lieu à un contentieux important qui se concentre essentiellement sur la question de fond relative aux mérites respectifs des candidats pour le poste convoité.
Le jugement commenté est l’occasion de s’intéresser aux problèmes de forme qui sont également susceptibles d’entacher la légalité des décisions prises (1).
Dans cette affaire, le requérant, gardien de la paix, mettait en cause le fait que les décisions d’affectation de ses collègues étaient dépourvues de signature et avaient été prises par une autorité incompétente.
I En effet, pour être régulier un acte administratif individuel doit permettre à son destinataire ou au tiers d’identifier clairement l’auteur de la décision administrative.
C’est la raison pour laquelle l’article L.212-1 du code des relations entre le public et l’administration dispose :
« Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».
Cette formalité est imposée sous peine d’irrégularité de la décision prise laquelle entraîne son annulation.
L’anonymat du signataire n’est préservé, par exception, que pour les décisions en lien avec la prévention d’actes de terrorisme.
Cela étant, il ne suffit pas qu’un acte administratif individuel porte le nom et le prénom du signataire, encore convient-il que ce signataire ait juridiquement la compétence pour prendre la décision.
II Les administrés doivent en effet être en mesure de s’assurer que les décisions prises par l’administration sont édictées par des fonctionnaires régulièrement investis des pouvoirs qu’ils mettent en œuvre. Ce contrôle est généralement effectué par le juge à travers l’examen des délégations de compétences et de signatures.
Très concrètement le juge administratif va vérifier si un acte réglementaire autorisait le fonctionnaire signataire à prendre un acte dans le champ matériel de la décision prise.
Dans le cas du jugement commenté, et en dépit de la demande du tribunal, le ministre de l’intérieur n’a pas souhaité produire les preuves relatives à l’existence d’une signature des arrêtés et à la compétence du fonctionnaire qui les avait pris.
L’annulation des huit décisions de mutation était dès lors inéluctable.
III Le point 6 du jugement met également en lumière l’importance du rôle du juge administratif dans la conduite de l’instruction du dossier.
A la différence du juge judiciaire devant lequel les parties conduisent la marche du procès, dans le contentieux administratif, il appartient au juge de diriger l’instruction. Pour ce faire il dispose de ce qu’on appelle des pouvoirs inquisitoriaux (2).
Ces pouvoirs lui permettent notamment de demander à une partie la production de pièces complémentaires pour être en mesure d’apprécier, en toute connaissance de cause, la pertinence des moyens soulevés par la partie requérante.
Au point 6, le tribunal fait précisément état de ce qu’il a été demandé au ministre de l’intérieur de verser au dossier les arrêtés qui étaient contestés pour vérifier la compétence de leur auteur et le fait qu’ils avaient bien été signés.
Dans le contentieux administratif, le pouvoir inquisitorial du juge peut ainsi se révéler un atout et un allié précieux pour le requérant qui ne dispose pas toujours de toutes les preuves pour étayer les moyens de sa requête.
Jean-Yves TRENNEC.
1 . TA de Paris, req. n°1717919/ https://miniurl.be/r-2rx5
2. CE, sect., 1er oct. 2014, M. E…, req. no 349560.