Le jugement du tribunal administratif du 5 janvier 2023 qui annule le tableau d’avancement au grade de commandant de police 2019 est l’occasion de faire le point sur les particularités des recours dirigés contre les tableaux d’avancement. Il sanctionne plusieurs illégalités entachant le travail du ministère de l’Intérieur (1).
Une fin de non-recevoir était d’abord soulevée par un des fonctionnaires promus dont l’arrêté de nomination était attaqué. Il était soutenu que le recours contentieux devait être rejeté, car il avait été présenté avant l’intervention de la décision contestée.
Ce moyen juridique est justement rejeté par le tribunal, car il est toujours possible d’attaquer une décision administrative future dès lors que celle-ci présente un caractère certain. La requête introduite au tribunal est alors régularisée par l’intervention ultérieure de l’acte administratif déféré au juge prématurément (2). Attaquer une décision administrative avant que celle-ci ne soit effective présente également l’avantage de gagner du temps dans l’instruction du dossier devant le tribunal.
L’intérêt à agir du requérant était également contesté par l’un des promus qui considérait que n’appartenant pas à la même filière administrative, il ne pouvait mettre en cause sa nomination.
Le tribunal rejette également cet argument. La jurisprudence concernant l’intérêt à agir contre les tableaux d’avancement est en effet fermement établie. Elle ouvre largement le prétoire en permettant aux fonctionnaires susceptibles de subir un préjudice de carrière d’introduire un recours contre les concurrents bénéficiant d’un avancement irrégulier (3, 4).
Pour annuler le tableau d’avancement des commandants de police au titre de l’année 2019, le tribunal administratif de Paris va relever tout d’abord un vice grossier relatif à la composition de la commission administrative paritaire nationale.
En effet, alors qu’elles étaient elles-mêmes candidates à la promotion, deux syndicalistes ont malgré tout siégé lors de la séance de la commission en charge de délivrer un avis sur les candidatures. L’intérêt personnel que la séance de la commission présentait pour ces deux syndicalistes aurait dû les inciter à se déporter. Le procès-verbal ne mentionnant pas la sortie des deux syndicalistes de la salle des débats, le tribunal considère que la procédure est irrégulière et censure pour ce motif le tableau d’avancement.
Le tableau d’avancement est également annulé pour le non-respect d’une des conditions mises à l’avancement des syndicalistes dans la fonction publique.
Faute de pouvoir être notés, les syndicalistes qui sont détachés pour exercer leur mandat bénéficient en effet de règles dérogatoires pour leur avancement.
A la différence des autres fonctionnaires dont les mérites sont comparés pour sélectionner ceux ayant le droit d’être promus, les syndicalistes à temps plein peuvent être inscrits d’office au tableau s’ils détiennent la moyenne d’ancienneté dans le grade de la précédente promotion. Ces dispositions dérogatoires figurent dans les dispositions de l’article 23 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.
Au cas particulier, aucune des deux syndicalistes ne pouvait se prévaloir de l’ancienneté nécessaire pour prétendre bénéficier d’un avancement dérogatoire.
Le tribunal censure logiquement ces deux promotions irrégulières.
Enfin, le tribunal administratif a également annulé le tableau d’avancement en comparant minutieusement les mérites comparatifs du requérant avec ceux des fonctionnaires inscrits au tableau contesté.
La valeur professionnelle servant de critère décisif, ont été comparés la nature des fonctions occupées, le taux d’encadrement, la notation, les appréciations de la hiérarchie. Ce faisceau d’indices a permis au juge d’apprécier si les fonctionnaires inscrits au tableau méritaient tous leur avancement en comparaison des atouts professionnels présentés par le requérant.
Le verdict lui a finalement été favorable puisque de nombreuses nominations ont été annulées.
L’annulation d’un tableau d’avancement nécessitant un examen nouveau des candidatures par le ministre de l’intérieur, le tribunal impartit à l’administration un court délai pour statuer. Lors de la réfection du nouveau tableau, il appartiendra à l’administration de tenir compte des motifs du jugement qui soutiennent le dispositif d’annulation en écartant rétroactivement du tableau les fonctionnaires dont l’inscription relevait d’une erreur d’appréciation manifeste et en inscrivant inversement le requérant qui a triomphé.
Jean-Yves TRENNEC.
Notes :
1.Jugement du tribunal administratif de Paris en date du 5 janvier 2023. https://urlz.fr/mogi.
2. CE, 7 juin 1999, Vaysset et Synd nat des brevets d’Etat de tennis, req. n° 183382.
3. CE, 26 déc 1925, Rodière .
4. CE, 16 mars 1966 Sieur Marcantetti req. n° 57470.