Depuis 1er janvier 2015, les conditions d’appréciation de la manière de servir du fonctionnaire territorial sont sensiblement modifiées.
L’ancienne réglementation issue du décret n°86-473 du 14 mars 1986 prévoyait de façon assez succincte une notation comportant trois volets : une appréciation d’ordre général exprimant la valeur professionnelle, une note chiffrée et les observations de l’autorité territoriale sur les vœux exprimés par l’agent.
La nouvelle réglementation issue du décret n°2014-1526 du 16 décembre 2014 supprime la notation et lui substitue une appréciation de la valeur professionnelle.
Les nouvelles dispositions sont plus formalistes en ce qu’elles détaillent les modalités selon lesquelles cette évaluation doit s’effectuer (1) et énumèrent les rubriques sur lesquelles elle doit porter (2).
I L’article 2 du nouveau décret indique tout d’abord que le fonctionnaire bénéficie d’un entretien professionnel qui donne lieu à un compte rendu. Ensuite, il est formellement précisé que cet entretien est conduit par une autorité précise : le supérieur hiérarchique direct de l’agent.
On relève ici une différence de rédaction avec le décret de 1986, où l’autorité en charge de la notation était l’autorité territoriale, autrement dit le maire. Les supérieurs hiérarchiques ne jouaient qu’un rôle indirect en étant éventuellement consultés sur le comportement professionnel de l’agent.
Cette modalité de notation n’était cependant guère réaliste dès lors que le maire n’était pas nécessairement la personne la mieux renseignée pour évaluer l’agent. En pratique d’ailleurs, et au risque d’une annulation contentieuse assumée, les notations étaient en fait effectuées par les chefs de service voire les responsables directs des intéressés.
En donnant le premier rôle au supérieur hiérarchique direct dans l’évaluation, la nouvelle rédaction prend ainsi en considération la pratique des exécutifs locaux et aligne la réglementation de l’évaluation dans les collectivités locales sur celle en vigueur dans la fonction publique d’Etat.
L’article 2 précise également que la date de l’entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct en tenant compte du calendrier de la commission administrative paritaire.
Dans le nouveau décret, les critères à partir desquels la valeur professionnelle du fonctionnaire est appréciée, ne sont plus discrétionnairement établis par le supérieur hiérarchique mais contrôlés d’abord par le comité technique.
On peut se demander légitimement si la consultation préalable de cet organe n’alourdit pas inutilement la procédure d’entretien, notamment pour les petites communes où la gestion de proximité est également, le plus souvent, consensuelle.
L’article 5 du décret du 16 décembre 2014 insiste sur les responsabilités du supérieur hiérarchique direct dans la synthèse qui doit être établie à l’issue de l’entretien. C’est au supérieur hiérarchique direct de l’agent qu’il appartient de rédiger et de signer le compte rendu de l’entretien et de porter l’appréciation générale écrite permettant d’évaluer la manière de servir de l’agent.
Enfin, alors que le décret du 14 mars 1986 se montrait très peu directif dans l’organisation de l’établissement de la notation, le décret du 16 décembre 2014 semble souffrir de l’excès inverse.
Ainsi, afin de permettre désormais à l’agent de se préparer à l’entretien professionnel, la convocation doit lui être adressée huit jours avant celui-ci accompagnée de la fiche de poste et de la fiche d’entretien.
Le compte rendu de l’entretien porte exclusivement sur les thèmes qui ont été abordés lors de l’entretien.
Ce compte rendu doit, ensuite, être notifié au fonctionnaire dans un délai de quinze jours. Il peut l’assortir d’observations avant de le signer et le renvoyer à son supérieur hiérarchique direct.
Ce compte rendu poursuit son circuit administratif en étant visé par l’autorité territoriale.
Revêtu de l’ensemble des tampons et autorisations le compte rendu est versé au dossier du fonctionnaire puis communiqué à l’agent.
Enfin, ultime étape, lorsque la collectivité territoriale est affiliée à un centre de gestion, une copie du compte rendu lui est également communiquée.
La volonté du législateur de redonner du lustre et une place centrale à l’entretien professionnel dans l’évaluation de l’agent trouve également sa traduction dans le soin pris par le décret du 16 décembre 2014 à encadrer la discussion conduite avec le fonctionnaire évalué.
II De ce point de vue, le décret du 14 mars 1986 était rédigé en termes très généraux et laissait finalement une grande latitude à l’autorité communale pour établir ses critères d’appréciation : « La fiche individuelle comporte : une appréciation d’ordre général exprimant la valeur professionnelle de l’agent et indiquant, le cas échéant, les aptitudes de l’intéressé à exercer d’autres fonctions dans le même grade ou dans un grade supérieur ».
L’article 3 du nouveau décret du 16 décembre 2014, tout en indiquant qu’il n’est pas exhaustif, balise rigoureusement le cadre de l’intervention de l’évaluateur.
Introduisant les techniques managériales du secteur privé en invitant implicitement les fonctionnaires territoriaux à se les approprier, l’entretien professionnel porte désormais sur les résultats professionnels obtenus en regard des objectifs fixés.
Il concerne aussi les objectifs de l’année à venir compte étant tenu des modifications pouvant être apportées dans l’organisation et le fonctionnement du service.
Alors que le décret du 14 mars 1986 faisait référence de façon synthétique à la valeur professionnelle de l’agent, le décret du 16 décembre 2014 décline cette notion en plusieurs rubriques : la manière de servir de l’agent, les acquis de son expérience professionnelle, ses capacités d’encadrement.
A la différence du décret du 14 mars 1986 où le sujet de la formation professionnelle n’avait pas formellement trouvé sa place dans l’entretien d’évaluation, le nouveau décret remédie à cette lacune et introduit explicitement ce thème.
Il est ainsi fait preuve de davantage de réalisme en prenant en compte les évolutions des métiers de la fonction publique qui exigeront à l’avenir des qualités de mobilité et d’adaptabilité qui sont encore trop sous-estimées par les exécutifs locaux.
Les critères de l’évaluation sont énoncés à l’article 4 du nouveau décret et recoupent en partie les thèmes de l’évaluation répertoriés sous l’article 3. On relèvera l’introduction d’un critère plus subjectif dans l’appréciation de la manière de servir de l’agent avec une mention de ses qualités relationnelles.
Ce critère était sans doute déjà pris en compte par les autorités territoriales dans l’évaluation telle qu’elle était organisée par le décret du 14 mars 1986 mais il n’apparaissait pas explicitement dans le texte de celui-ci, l’économie du décret du 14 mars 1986 étant davantage sous-tendue par une conception objective des compétences de l’agent.
Cet enrichissement des facteurs d’évaluation est le bienvenu. Il permet de tirer parti de l’ensemble des composantes de la manière de servir d’un agent laquelle ne doit pas être restreinte aux compétences professionnelles mais doit également inclure la qualité de ses rapports avec autrui. L’augmentation inquiétante des contentieux relatifs au harcèlement moral dans la fonction publique ne peut qu’encourager les responsables hiérarchiques à se montrer attentifs à cette dimension dans l’appréciation des mérites.
Ainsi, si l’on excepte la critique pour excès de formalisme que peuvent encourir certains articles du décret n°2014-1526 du décret du 16 décembre 2014, il convient dans l’ensemble de saluer un texte dont les dispositions clarifient les modalités et la teneur de l’entretien relatif à l’évaluation annuelle des fonctionnaires territoriaux. L’expérience permettra seule de savoir, cependant, si toutes les potentialités du texte sont exploitées par les administrations et leurs agents.