Double faute dans la cour de récréation : qui est responsable ?

Publié le Modifié le 03/03/2014 Vu 2 935 fois 2
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Il est souvent difficile de déterminer l'administration responsable lorsqu'un accident survient dans la cour de récréation.

Il est souvent difficile de déterminer l'administration responsable lorsqu'un accident survient dans la cour

Double faute dans la cour de récréation : qui est responsable ?

Dans le domaine des accidents scolaires, un jugement intéressant du tribunal administratif de Melun (TA de Melun 12 juin 2008 req. n°0502600-6, Monsieur ou Madame C c/commune de La Ferté-sous-Jouarre),  détermine le patrimoine des personnes morales de droit public devant finalement supporter la charge de la réparation des préjudices en la rapportant à la nature des fautes commises par chacune d’elles.

Au cas particulier, il s’agissait d’un garçonnet d’une école maternelle s’étant gravement blessé au menton sur un grillage situé dans la cour. La blessure avait nécessité la pose de trente-trois points de suture.

Les parents avaient recherché la responsabilité de l’Etat devant le tribunal administratif pour les fautes de surveillance des enseignantes et de la Directrice, et le défaut d’organisation du service. Devant le même tribunal, ils avaient également recherché la responsabilité de la commune pour le montage défectueux du grillage.

Le tribunal commence par écarter la responsabilité directe des enseignantes en soulignant que seule la juridiction judiciaire est  compétente pour connaître d’un tel litige :

« Considérant que M et Mme C. invoquent les fautes des enseignantes chargées de la surveillance des enfants pendant le temps de récréation durant lequel le jeune Alexis s’est blessé ainsi que la faute de la directrice de l’école consistant à ne pas avoir contrôlé l’état du grillage précité et signalé sa dangerosité potentielle aux services techniques de la commune de F. qu’il résulte des dispositions de l’article L.911-4 du code de l’éducation issues de la loi du 5 avril 1937, que, par dérogation aux principes généraux qui régissent la séparation de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire, la compétence de la juridiction civile s’étend à l’ensemble des cas où le dommage invoqué a sa cause dans une faute d’un membre de l’enseignement ; quel que soi, juridiquement, le caractère de cette faute ; que les règles normales de compétence ne recouvrent leur empire  dans ce domaine que dans le cas où le préjudice subi doit être regardé comme indépendant du fait de l’agent, soit que le préjudice ait son origine dans un travail public soit qu’il provienne d’un défaut d’organisation du service public de l’enseignement.

(...) qu’il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l’Etat à raison d’une éventuelle faute des enseignantes chargées de la surveillance des enfants et de la directrice d’école, ne saurait être recherchée que devant la juridiction judiciaire (...) » 

Le tribunal se penche ensuite sur la responsabilité de l’Etat auquel il était reproché l’insuffisance des mesures de surveillance de la cour de récréation et donne raison aux parents en constatant les lacunes du dispositif mis en place.

« Considérant que M et Mme C soutiennent que la responsabilité de l’Etat est également engagée à raison des conséquences dommageables de l’accident survenu à leur fils du fait d’un défaut d’organisation du service public, dès lors que le nombre d’enseignants chargés de la surveillance des enfants présents au moment des faits était insuffisant ; qu’il résulte de l’instruction que, compte tenu notamment de la configuration de la cour de récréation, la présence de deux enseignantes pour surveiller les 118 enfants présents à la sortie de la cantine révèle un défaut d’organisation du service public de nature à engager la responsabililté de l’Etat (...) »

Enfin, le tribunal examine la responsabilité propre de la commune, propriétaire de l’école et à l’initiative du montage du grillage dangereux. Il retient sa responsabilité au motif que la commune aurait dû veiller à ce que ce grillage soit exempt de tout risque pour les enfants. Le tribunal relève également que le jeune âge de l’enfant n’est susceptible d’exonérer la responsabilité de la commune que d’un dixième du préjudice dès lors que l’imprudence que l’enfant a commise est dans l’ordre des choses et qu’on ne peut exiger des petits d’avoir la même conscience du danger que des enfants plus grands.

« Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’Alexis C s’est blessé au menton en tentant d’escalader un grillage mis en place quelques mois avant l’accident aux fins de cloisonner une aire de jeux comportant un plateau engazonné, et ainsi de permettre une surveillance efficiente des enfants ; qu’il est constant que ce grillage d’une hauteur d’environ 1 mètre comportait en sa partie supérieure des parties pointues qui ont causé les blessures du jeune Alexis ; qu’eu égard à ses caractéristiques, ledit grillage présentait  un danger pour les élèves de l’école maternelle constitutif d’un défaut d’entretien normal de l’ouvrage de nature à engager la responsabilité de la commune de la Ferté-sous-Jouarre, à qui incombait un tel entretien, alors au surplus, qu’il résulte de l’instruction  qu’il aurait été possible, à la date d’installation de la clôture, de la monter avec des picots orientés vers le bas ; que la commune de la Ferté-sous-Jouarre ne peut utilement, afin de s’exonérer de sa responsabilité, se prévaloir de l’insuffisance du personnel de surveillance des enfants à la sortie de la cantine ; que si ladite commune soutient en outre que l’enfant a commis une imprudence en escaladant ce grillage, malgré les interdictions répétées du personnel de surveillance de l’école, constitutive d’une faute  de nature à l’exonérer de sa responsabilité, une telle faute, eu égard à la qualité de la victime, seulement âgée de cinq ans, n’est  de nature à exonérer la commune de la Ferté-sous-Jouarre de sa responsabilité qu’à concurrence d’un dixième des conséquences dommageables de cet accident. »

Finalement, le tribunal allouera aux parents une somme de 3000€ au titre des troubles subis par l’enfant dans ses conditions d’existence, une somme de 3000€ au titre de ses souffrances, et une somme de 3000€ au titre de son préjudice esthétique.

Les parents, pour leur préjudice propre, qui est constitué par la douleur psychologique éprouvée, obtiendront, en plus, une somme de 2500€.

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1 Publié par Visiteur
11/08/2014 16:40

Cher Maître,
Merci pour cet article que j'utilise dans ma thèse professionnelle comme exemple de condamnation d'une commune dans le cadre des vulnérabilités d'une commune et les peines encourues.

2 Publié par Visiteur
11/08/2014 18:29

Bonjour,

Y'a -til un endroit où ce jugement a t-il été publié ?
Merci de votre réponse.

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