Dans un jugement en date du 21 mai 2015 le tribunal administratif de Montreuil a statué sur une question intéressante et rarement évoquée dans le contentieux administratif : celle qui concerne les aisances de voirie (1).
Les aisances de voirie correspondent, dans la terminologie juridique, à un ensemble de droits dont tout riverain de la voie publique bénéficie sans pour autant en avoir toujours conscience. Il s’agit notamment des droits d’accès, d’égout ou d’écoulement des eaux.
En considération de leur importance fondamentale pour les riverains de la voie publique, ces droits, qui sont considérés comme des accessoires du droit de propriété, font l’objet d’une protection juridique particulière.
Ainsi, pour ce qui concerne l’accès à la voie publique, l’impossibilité pour un propriétaire ou un locataire d’accéder à son terrain du fait de l’administration ou d’un tiers est de nature à engager la responsabilité de l’administration (2,3).
Le jugement commenté illustre précisément le cas de figure d’un riverain se trouvant privé d’accès à la voie publique et qui s’est vu contraint de recourir au juge pour faire respecter ses droits.
Le maire de Drancy avait édicté, dans l’intérêt de la circulation, un règlement de police instaurant dans la rue du justiciable un stationnement unilatéral du côté opposé à celui où se trouvait l’entrée de son garage.
Or, le stationnement des véhicules devant sa propriété avait pour effet de priver le riverain du rayon de braquage nécessaire pour remiser son automobile.
Pour faire valoir ses droits, le propriétaire avait amiablement demandé au maire de la commune d’abroger son règlement de stationnement en sorte que celui-ci interdise le stationnement en face de son garage.
Le maire n’ayant pas entendu satisfaire son administré celui-ci a dû recourir à l’arbitrage du juge.
Le tribunal, pour trancher le litige, commence par rappeler la règle de droit applicable en soulignant la protection particulière dont bénéficient les aisances de voirie qui comprennent notamment le droit d’accéder à sa propriété. Il indique cependant que ce droit est susceptible de connaître des restrictions en vue de protéger et d’entretenir la voirie ou d’assurer la sécurité de la circulation.
Selon le tribunal, Il y a nécessité pour l’administration d’opérer une conciliation entre le droit d’accès des riverains à leur propriété et les impératifs de la police administrative.
Pour déterminer si cet équilibre est respecté dans le litige qui lui est soumis le tribunal examine soigneusement la situation concrète du riverain et la portée du règlement de circulation et de stationnement pris par le maire de la commune de Drancy.
Il constate tout d’abord que le constat d’huissier produit par le riverain de la voie publique démontre, sans contestation possible, l’impossibilité dans laquelle il se trouve de rentrer son véhicule personnel dans son garage. L’atteinte aux aisances de voirie apparaît ainsi caractérisée.
Le tribunal examine ensuite le règlement de stationnement et conclut de sa lecture que le maire pouvait neutraliser la place de stationnement située en face le garage du riverain sans pour autant compromettre l’intérêt de la règlementation de la circulation.
Autrement dit, le tribunal estime, qu’en considération des intérêts en présence : l’intérêt du droit de propriété d’une part, l’intérêt de la sécurité publique d’autre part, le refus du maire de modifier son règlement a pour effet de privilégier indument les intérêts de l’ordre public au détriment de la protection du droit de propriété dont les aisances de voirie sont une composante.
Une atteinte excessive étant portée aux droits du requérant, le tribunal annule le refus du maire de Drancy d’abroger le règlement illégal.
Outre l’annulation, le requérant obtient, et ce n’est pas le moins intéressant, l’indemnisation du préjudice subi résultant de l’impossibilité d’accéder à son garage depuis l’instauration du règlement illégal.
La protection des aisances de voirie est ainsi assurée par le juge administratif dans sa dimension de contentieux objectif par l’annulation du refus d’abroger un règlement illégal et dans sa dimension subjective par l’indemnisation du requérant victime d’une atteinte à son droit de propriété.
Beaucoup de nos concitoyens sont confrontés à des situations analogues à celle du propriétaire du garage d’une rue de Drancy mais hésitent pourtant à affronter l’édile local pour faire valoir leurs droits.
Ce jugement devrait être un encouragement à faire preuve d’un peu plus d’audace lorsque la situation est dans l’impasse et que ce blocage a pour effet d’altérer considérablement la qualité de vie du riverain de la voie publique.
Jean-Yves TRENNEC.
1 Jugement du tribunal administratif de Montreuil en date du 21 mai 2015. http://www.scp-arents-trennec.com/?p=1405
2 CE, sect, 19 janv 2001 req. n°297026, Dpt du Tarn et Garonne Rec. p. 30
3 CE, 30 juin 1976, req. n°99445, Sarl Martinet Frères et Dame Martinet, Rec. p. 345